Anonyme [1649], LA FRANCE RESTABLIE, OV LES PRESSANTES exortations à ses peuples, pour les obliger à l’vnion, à la concorde, & à la res-joüissance, en faueur de la Paix & des Lys florissans. , françaisRéférence RIM : M0_1440. Cote locale : C_5_17.
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LA FRANCE RESTABLIE OV LES
Pressantes exortations à ses peuples, pour les obliger
à l’vnion, à la concorde, & à la res-joüissance,
enfaueur de la Paix, & des Lys
florissans.

Mes tres-chers peuples, mes bons &
fidelles sujets, de qui les maux passez
m’ont renduë la plus affligée Princesse
du monde ; que voicy vn heureux
changement ! & que le. Ciel commence
de nous verser de benedictions ! Ce
Royaume que l’Espagne croyoit naguere de
voir en pareil état que l’a esté il n’y a pas long-temps
celuy de Naples, a repris son lustre, & sa
splendeur ordinaire, ie ioüis de mes mesmes
honneurs, & de mes dignitez, mon Sceptre &
ma Couronne, ornent ma teste & mes mains, &
ie n’ay plus peur que ces marques Royales me
soient vsurpées ; puis que l’vnion & la concorde
ont entrepris de me les conseruer : I’ay commencé
à me res-joüir, dés que i’ay veu que vous cessiez
d’endurer. Mon cœur de long-temps oppressé,
se fortifie maintenant pour se rendre plus
digne de la ioye que ie reçoy, de voir que mon
ieune Monarque, ne se contentant pas d’auoir

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couppé les racines à vne guerre Ciuile, qui se
vouloit former dans nostre Estat, s’efforce s’euertuë,
de faire vne paix vniuerselle, affin de rendre
ma Monarchie la premiere du monde, plus
éclatante & florissante que iamais.

 

I’auouë mes chers & genereux François, que
nous auons bien enduré des tourmens & des peines,
& qu’il n’y a pas long-temps que nous
étions l’image des ennuis & des afflictions : mais
maintenant, graces à Dieu, la Paix nous a fait
changer d’humeur, & de posture, nous auons
bany hors de nous les soupirs & les sanglots,
pour y remettre en leur place, l’allegresse & la
res-joüissance. Autrefois l’vsage de nous affliger
& de nous plaindre, nous estoit fort frequent,
par ce que nous nous voyons en des extremitez
estranges, & que nostre commun malheur auoit
sans cesse de nouueaux supplices pour nous
tourmenter.

Mais aujourd’huy, que Dieu a remis toutes
les choses de mon Etat en leur assiette accoustumée,
qu’il m’a restably dans mon Trône, qu’il
a étably la Paix, où l’enfer vouloit faire regner
la confusion, que mon ieune Alcide touché de
pitié de mes larmes, a repris en amitié mes sujets,
qu’il a soulagé leurs maux. N’est-il pas iuste, que
nous nous ré-jouissions mes chers amis ; puis
mesmement que nous sçauons bien que nostre
ioye afflige l’Espagne, qui est nostre enneme irreconciliable.

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Quelle peste tant qu’elle voudra,
qu’elle enrage si elle veut, de ce qu’elle se void
décheuë d’éleuer vn trophée de nostre ruine,
que ses partisans & ses espions qu’elle entretient
dans mon Royaume, publient tant qu’ils
voudront que la paix de Saint Germain, faite
auec mon illustre Parlement ne sera point de
durée, qu’il en renaistra vne seconde, des cendres
de la premiere, ny les vns ny les autres n’en
verront point nos ré-ioüissances amoindries,
puis que nous sommes bien certains, que Dieu
ne nous a enuoyez Astrée dans cét Etat, que
pour y regner eternellement auec nous.

 

Il ny a personne dans cét Empire, qui puisse
douter de la forte apprehension que i’ay eu, que
cette maison d’Autriche ne profitât de nos dissentions.
Outre cette crainte, i’auois cette doute
encore, de compatir à vos miseres, qui vous
faisoient continuellement perir par le feu & par
le fer. Il seroit inutile, mes chers François, de
vouloir vous representer à quel point tous vos
maux m’ont rendu languissante. Chaque coup
qui touchoit vos biens, vos honneurs & vos vies,
m’estoient des tourmens si insupportables, que
ie n’auois point en mon corps de partie, qui n’en
fust mortellement blessée.

Puis que toutes ces douleurs sont endurées,
& passées, & que par vn soin particulier que Dieu
a eu de mon Royaume, nous a deliurez de tant

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de peines, & que sa bonté nous certifie par toutes
sortes d’asseurances, que nous ne retomberons
iamais plus en de semblables mal heurs,
n’ayons en la memoire dans l’oubly, & ne nous
en souuenons plus, que pour nous transporter
d’aise, du bon heur qui nous est arriué. Ré-ioüssons
nous donc, mes chers enfans, puisque nos
ennemis ne sont plus en puissance de sapper ny
de renuerser les fondemens inebranlables de
cette Monarchie.

 

De quels contentemens ne jouïssons nous
maintenant vous & moy, de voir refleurir les
Sciences, & les Arts, & de ne craindre plus, ny
la faim ny la guerre ? il y a peu de temps que les
hommes, & les femmes ne marchoient parmy
les ruës de cette ville, que comme des ombres :
mais aujourd’huy leurs demarches sont asseurées,
& personne n’apprehende plus, ny le pillage
ny l’incendie. La iustice qui auoit cessé de
faire ses fonctions ordinaires, pour vaquer à sa
propre conseruation, s’administre & se distribuë
à cette heure à tout le monde auec plus de promptitude
& d’equité que iamais. Le traffic, que
nos diuisions auoit fait cesser, continuë son
cours ordinaire, l’abondance entre à Paris par
tous les costez, le fleuue de Seine, naguere desert
de vaisseaux & de marchandises, est maintenant
trop estroit, & de trop petite estenduë pour
receuoir sur ses eaux toutes sortes de denrées,

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que mes Prouinces y enuoyent de toutes parts ;
enfin le commerce est si bien restably, qu’on
void fourmiller par toutes les ruës de cette ville,
le peuple de la campagne.

 

Cela montre bien que nous ne sommes plus
au temps de la desolation. Astrée nous monstre
son visage, & pour nous combler de ioye & de
prosperitez, elle fait que toutes choses viuent
en amitié & en concorde La medisance, comme
autrefois, ne nous infecte plus de son venin.
Cette sainte Deesse a couppé la langue à la calomnie,
& si par le mal heur des troubles passez
on donnoit naguere des loüanges à ceux qui medisoient
le mieux ; on punit auiourd’huy seuerement
ceux qui se veulent encore mesler de ce
lasche commerce. Mon Lieutenant Ciuil a dé-ja
si bien trauaillé, & trauaille encore tous les
iours, auec tant de soin & de vigilence, pour détruire
cét infame vsage, que peu de personnes
osent s’en rendre coupables, sans à la mesme
heure voir leur condemnation, & leur supplice.

I’ay de la peine à m’imaginer en cét endroit,
qui péche dauantage, ou de celuy qui en medisant
blame les bons, ou d’vn autre qui en flattant,
louë les meschans. Comme Dieu s’irrite infiniment
d’entendre blamer les gens de bien, il
ne se met pas moins en colere, d’oüir donner des
loüanges a ceux qui en sont indignes. C’est faire
vn grand crime quand on louë quelqu’vn d’vne

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action, dont il doit estre repris. Les flatteurs ressemblent
à ceux là qui nous mettent vn orellier
sous la teste, & la plume sous le corps, pour faire
dormir. Les hommes péchent-ils pas cruellement,
qui flattent auec dessein de nuire comme
Iudas ? C’est pour cette raison qu’il est écrit, qu’il
vaut beaucoup mieux étre mal traitté d’vn amy,
que d’estre baisé d’vn ennemy, qui n’est pris en
cét endroit-là, que pour vn flatteur.

 

Que c’est vne grande vertu que de retenir sa
langue, & ne la faire mouuoir que pour le bien,
& quand il en est temps. Voyla pourquoy l’on
dit, que c’est vne partie de la sagesse, de cacher
la folie par le moyen du silence, & qu’on apprenne
que celuy sçait beaucoup qui se sçait taire.
C’est fort à propos que la langue est comparée
au tymon d’vn nauire, quoy qu’il en soit la plus
petite partie, ne laisse pas neantmoins de le sauuer,
& de le faire perir. Ceux qui aspirent à la
vertu, se doiuent empescher sur toutes choses,
d’offencer personne par le moyen de la langue.
Cette partie est le miroir, & le portrait de l’esprit
de l’homme, & tout ainsi que connoissons ou la
bonté ou la fausseté de l’argent par le son, semblablement
par le bruit des paroles, l’on iuge
aysement de la qualité & des mœurs de celuy
qui les prononce.

Le propre & le naturel office de la langue
n’est pas de medire de son prochain, elle ne doit

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seulement seruir qu’aux sens, & aux conceptions.
C’est pourquoy, genereux François,
i’approuue fort que le Lieutenant Ciuil de ma
ville de Paris s’efforce à ruiner cette licence effrenée,
qui est entierement opposée à la charité,
qui veut qu’on ayme son prochain comme soy-méme.
Rien ne perd tant les Estats & les Empires,
que la medisance, quand elle est permise,
parce qu’elle separe les amitiez, des-vnit les
correspondances, & introduit la haine, au lieu
de l’amitié, qui est le cyment qui lie d’vn lien indissoluble,
les hommes les vns auec les autres,
pour ne respirer tous qu’vn mesme air & qu’vne
mesme chose.

 

Il semble que le temps de nos diuisions passées,
aye contribué quelque chose du sien à ce
mal-heur de parler licentieusement des personnes,
sans exception d’aage, de rang ny de qualité.
Les petites gens d’ordinaire, sont ceux qui
se plaisent le mieux à ouïr discourir au des auantage
d’autruy. Si les Princes & les Souuerains
ne sont pas bien souuent exempts de leurs attentes,
pour n’agir pas au gré de leur caprice, il
ne faut pas s’estonner s’ils n’épargnent personne
au dessous de ces puissances terriennes. Il ne
faut à vn iuge, & vn Magistrat que leur refuser,
ce qu’on ne peut iustement leur octroyer, pour
les faire décrier, & parler d’eux, comme s’ils
étoient les plus iniques gens de la terre.

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Quoy que la rude saison de l’Hyuer, conioint
au mal-heur de nos troubles aye, ce semble
couuert de neiges & de glaçons mes Lys, & que
sa rigueur aye comme fait effort d’en vouloir arracher
les racines ; n’éprouuons nous pas maintenant,
mes agreables & fidelles sujets, que le
retour gracieux du Printemps les a rendus plus
beaux & plus florissans que iamais, à n’en point
mentir, ce sont des fleurs Celestes, que Dieu
ma enuoyée, & il est impossible à quelque puissance
terrienne que ce soit de les d’étruire ; puis
que le Ciel les a pris en sa garde, & qu’il les conserue
precieusement. Que cette race de Mores
abandonne donc ses ambitieuses pretentions ;
car de s’imaginer de pouuoir iamais fletrir ces
saintes plantes, qui sont le Symbole de la pureté,
& les armes du premier Fils Chrestien de l’Eglise ;
c’est tanter l’impossible.

A dire vray que nous reste-t’il à desirer plus,
sinon de voir assis dans mon Trône auec moy,
LOVYS XIV. les delices du Ciel, & l’ornement
de la Nature, auec la Reyne sa mere, ses personnes
sacrée ne nous ont priué de leur veuë, que
pour nous en donner à l’auenir vne plus longue
iouïssance, dés que par leurs fatigues, leurs soins
leurs armes & leurs conseils, il auront estably vn
ordre general sur la frontiere, pour empescher
que nos ennemis ne puissent en suitte se preualoir
de leur absence.

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Asseurez vous, & nous asseurons tous, mes
chers peuples, Citoyens de Paris & autres, que
malgré tous les faux bruits, que les pensionnaires
d’Espagne publient, en cette ville & ailleurs,
pour faisant voir que la paix n’est point asseurée,
émouuoir de nouueaux troubles & de nouuelles
seditions ; que dés que leurs Maiestez sacrées
auront remedié à toutes sortes deuenemens, &
donné la main à l’acheminement de la paix vniuerselle,
à quoy nous faisons puissamment trauailler,
que nous faisons puissamment trauailler,
que nous les reuerrons retourner triomphantes
& glorieuses dans cette superbe Cité la
Reyne des villes. Ainsi nos Astres si long temps
éclipsez, nous feront voir leur lumiere plus brillante
& radieuse que iamais, & Dieu sçait quels
transports de ioye & de plaisirs nous receurons
de leurs douces influances.

FIN.

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