Anonyme [1652], LA GAZETTE NOVVELLE. EN VERS BVRLESQVES. Sur l’arriuée du Roy en sa bonne Ville de Paris. Premiere Sepmaine. , françaisRéférence RIM : M0_1472. Cote locale : B_18_32.
Section précédent(e)

LA
GAZETTE
NOVVELLE.

EN VERS BVRLESQVES.

Sur l’arriuée du Roy en sa bonne
Ville de Paris.

Premiere Sepmaine.

A PARIS,
Chez CLAVDE LE ROY, au Mont
Sainct Hillaire.

M. DC. LII.

-- 2 --

ADVIS AV LECTEVR.

Amy Lecteur, vous trouuerez dans la
suitte du present Cahier tout ce qui
se pourra rencontrer de Nouueautez sous le
Tiltre de Gazette, en Vers Burlesques, laquelle
vous sera continuée toutes les sepmaines, ausquelles
vous pourrez auoir autant de satisfaction
comme ie souhaitte que vous en fassiez
profit. Adieu.

-- 3 --

LA GAZETTE NOVVELLE.

EN VERS BVRLESQVES.

Depuis l’arriuée du Roy en sa bonne Ville
de Paris.

 


Genereuse & iuste Princesse,
Iour qui tout mon esprit sans cesse
D’vn profond respect est atteint,
Et dont l’ame comme le teint
Brillante d’vn esclat extresme,
Se peut dire la blancheur mesme,
Vous auez tant d’auertion
Pour la noire & l’asche action
De ces audacieux belistres
Qui font imprimer mes epistres,
Que ie croy que vostre grandeur,
Detestant leur peu de candeur,
Sans doute fera bien tost faire
Vn chastiment tres exemplaire
De ces sots falcificateurs,
Et des crieurs & Colporteurs,
Qui par leurs mesquines pratique
Les rendent tout à fait publiques
Dans les places & carrefours :
Mais il faut changer de discours.

 

 


Le Prince de Condé, Dimanche
Ayant pris sa chemise blanche
Partit de cette ville icy,
Et le Duc de Lorraine aussi,
Leurs troupes mesme destalerent,
Qui deuers Danmartin filerent,
Et depuis leur chemin suiuant
Entre le Nord & le Leuant,

-- 4 --


Trainent leur attirail bellique
Du costé du Climat Belgique :
Mais si c’est pour mal ou bien,
Dieu me danne si j’en sçay rien.

 

 


Malgré cette maligne race,
Qu’on appelle la Populace,
Le Duc de Beaufort prudemment
L’autre jour en plein Parlement
Abjura le tiltre inutile
De Gouuerneur de cette Ville,
Il se desmit de cet employ,
Et fit aux volontez du Roy,
Soumission assez exacte,
De laquelle chose il prit acte.

 

 


Messieurs Seruient & le Tellier,
Chacun en son particulier,
Ont, dit-on, quelque pique ensemble,
Dont i’enrage, car il me semble,
Qu’estre froids & se deuiser
Ce n’est pas trop bien en vser.
L’vn & l’autre est grand Politique,
Et certes l’Estat Monarchique,
S’ils se tenoient vnis tousiours,
Prendroit s’en doute vn meilleur cours ;
Auec vne ferueur tres forte
Ces deux grands hommes dont i’exhorte
De se reiondre & reünir,
Et d’estre amis à l’aduenir :
Employant au bien de la France
Tout ce qu’ils ont de suffisance,
Si ce n’est pour l’amour de moy
Que ce soit pour l’amour du Roy.

 

 


Lundy dernier Mademoiselle,
Par vne inuention nouuelle :
Soit qu’elle eust où non le bouquet,
Fit vn delicieux banquet,
Et traicta neuf ou dix personnes
Non de ces viandes tres bonnes,

-- 5 --


Comme mouton, agneau chevreaux,
Biche, sanglier, cerf cochon, veau,
Oyseaux de mer, pris dans des mares,
Qui sont à Paris vn peu rares,
Phaisans, lapins, l’évraut d’indons,
Tant sans l’arder qu’auec lardons,
Chapons, poules, poulets, poulettes,
Becfis, ortolans, alloüetes,
Beccassines & bercassineaux,
Qui sont de tres frians morceaux,
Confections d’or, ambre, ou perles,
Pigeons, perdrix, cailles, ou merles,
Truffes, Champignons, iaunes d’œuf :
Mais rien seulement que du bœuf.
Dont par de rares artifices,
On fit quatre ou cinq beaux seruices :
(A ce que disent gens loyaux,)
Langues, poitrines, alloyaux,
Rosty, boüilly, capilotades,
Tourtes, pastez & carbonnades,
Et tout si bien assaisonné
Que chacun dit i’ay bien disné.
Si d’auanture on me demande
Pourquoy cette seule viande
Fut seruie en ce grand repas,
La raison ie ne la sçay pas ;
Mais j’appris & sceus tout le reste
D’vne Dame aimable & modeste,
Femme de Monsieur de Monmor,
Qui vaut plus d’vn million d’or.

 

 


L’autre iour ce Seigneur ou Prince,
Qui maintenant est en Prouince ;
Sçauoir, Monsieur de Guemené
En espouse tres fortuné,
Estant chez Madame du Lude,
Luy fit à peu pres ce prulude.
Madame, mon fils, premier nay
Que i’auois qu’asi destiné

-- 6 --


A porter la Mitre & la Chape
N’a point voulu mordre à la grape ;
Ie l’en ay mille fois prié,
Mais il veut estre marié,
Vous auez vne vnique fille,
Tres-rauissante, & tres gentille,
Madame, quand il vous plaira,
Monsieur, mon fils l’espousera :
Ce n’est pas vn tres-galand homme,
Mais il est n’ay tres-Gentil-homme,
Et de plus le soir & matin
Il dit son Breuiaire en Latin,
Son Pater, & tout son seruice,
Mieux qu’aucun Clerc, Prestre, ou Nouice,
Il a vingt & deux passez,
Du reste vous le connoissez,
Enfin si ce fils dont ie parle
Nommé Louys, & non pas Charle
A l’honneur d’estre a vostre gré,
Ie l’ay de bon cœur consacré,
Pour estre Espoux de vostre Infante
Qu’il trouue tout a fait charmante ;
Ie veux icy sans hesiter
La parole vous en porter,
Madame, apres cette semonce,
C’est à vous à faire responce.
Voila ce que le Prince dit,
Et la Dame luy respondit ;
Monsieur ie vais treuuer ma fille,
Qui ie croy trauaille à l’esguille
Et luy proposeray le fait,
Aussi tost dit, aussi tost fait,
Elle alla consulter la Belle,
Qui sans faire trop la rebelle,
Oyant parler du Sacrement
Y consentit gaillardement :
Ainsi sans aucune remise,
Et le iour d’apres qu’à l’Eglise

-- 7 --


On eust fait le troisiesme ban,
L’heureux Monsieur de Montauban,
Espousa l’aimable pucelle,
Et certes rares jouuencelle
Accepta ledit jouuenceau,
Qui passa aussi pour puceau.

 

 


Mardy quinze ou seize douzaines,
De Colonels & Capitaines ;
Et d’autres Bourgeois de Paris
Tant mantons blands, que mantons gris,
S’esquiperent la matinée,
Puis partirent l’apres disnée,
Pour aller comme Deputez
Presenter à leurs Majestez,
Vne Requeste humble & ciuille,
De retourner en cette Ville,
Leur rendez-vous fut a Ruel,
Mais d’autant que le Camp cruel
de ces belles Troupes d’Espagne
Ont tout gasté par la Campagne,
Eux craignant de ne trouuer pas
Dequoy faire vn ample repas,
Ils porterent force mangeaille,
Pour la crapulle & la ripaille,
Fromage, bœuf, Mouton & lard,
Du gibier pas pour vn liard,
Mais quantité de poules d’Indes
Et du vin pour faire des brindes.

 

 


Il n’est pas que vous n’ayez sceu
Que la Comtesse de Bossu,
En attraits dit-on sans esgalle
De la belle de Pont, Riualle,
Apres maint trauail & soucy
Est enfin arriuée icy ;
Mais on doute encor si les larmes,
Sa douceur, sa vertu, ses charmes,
Et sa rare & saincte amitié
Inspireront quelque pitié,

-- 8 --


Au cœur nouueau venu d’Espagne,
Dont elle se dit la Compagne.

 

 


Vn homme arriué de nouueau
Ma dit que Monsieur de Nouueau,
Auoit offert grosse finance,
Pour cette charge d’importance,
Par qui Monsieur de Chauigny
Deuenu riche à l’infiny,
Estoit Secretaire de l’Ordre :
Mais on en veut sans rien desmordre
Cent mille escus d’argent comptant,
Office vrayement important,
Honorable, brillant & leste,
A cause du Cordon celeste.

 

 


Toute la Cour qu’à S. Germain
On attendoit de longue main,
Y vient Ieudy prendre son poste,
Tel en carrosse, tel en poste,
A pied, en fourgeon, en relais,
Tant les Maistres que les Valets,
Plusieurs gens si tost qu’ils le sceurent
En grande diligence y furent,
Pour monstrer en faisant leur Cour,
Leur foy, leur zele, & leur amour,
I’ay sceu mesmes, que vostre Altesse
Tesmoignant beaucoup d’allegresse
Pour y faire son compliment,
Si transporta pareillement
Ie ne sçay pas si ce voyage
Sera d’vn iour ou d’auantage ;
Mais soit aujourd’huy, soit demain,
Soit icy, soit à Sainct Germain,
La lettre par moy griffonnée,
Vous sera portée, ou donnée.

 

 


Faict dans le propre Hostel d’vn Duc,
Le lendemain du iour S. Luc.

 

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1652], LA GAZETTE NOVVELLE. EN VERS BVRLESQVES. Sur l’arriuée du Roy en sa bonne Ville de Paris. Premiere Sepmaine. , françaisRéférence RIM : M0_1472. Cote locale : B_18_32.