Anonyme [1650], LA GENEALOGIE DV PRINCE. ET COMME TOVS CEVX DE cette Maison ont esté funestes au Roy & au Peuple. , françaisRéférence RIM : M0_1477. Cote locale : D_2_32.
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LA
GENEALOGIE
DV PRINCE.

ET COMME TOVS CEVX DE
cette Maison ont esté funestes au Roy &
au Peuple.

IL semble que ce soit vne chose fatale à la Maison
des Princes de Condé, de produire des
hommes qui soient funestes à Dieu & à ses
creatures. La Gloire, la Vanité, l’Orgueil &
l’Ambition, les ont tousiours portez à mespriser
la Majesté de l’vn, & à fouler aux pieds la Iustice
& le merite des autres. Et pour cela, l’impieté &
la tyrannie ont esté des vices si communs à toute
leur race, qu’il ne faut que lire l’Histoire de France,
pour s’instruire parfaitement bien de cette verité,
& pour la sçauoir encore mieux auec toutes
ses circonstances. Mais qu’ils fassent tout ce qu’il
leur sera possible pour s’acquerir vne renommée
aussi durable que les siecles, ils n’en viendront iamais
à bout, & toutes leurs entreprises y seront
inutiles. Celle des plus illustres Heros que la nature
humaine ait iamais sceu produire au monde,
s’est dissipée comme le son, & s’est éuanoüie comme

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de la fumée. Alexandre, duquel l’ambition
estoit si extréme, que la conqueste du monde luy
sembloit trop petite, n’est plus, ny mesme ceux
qui se vantoient d’estre yssus de ce conquerant
inimitable. Xerxes qui faisoit gemir toutes les
campagnes flottantes, sous la multitude de ses
vaisseaux, n’est plus que cendre comme le moindre
des hommes. Hannibal qui par ses soins indomptables,
transportoit les montagnes d’vn lieu
à l’autre, est tout reduit en poussiere. Emille, Cesar,
Pompée, & plusieurs autres, ont esté mangez des
vers, ou de celuy qui n’espargne pas ses propres
ouurages. Ainsi est-il arriué de tous les Ancestres
de nostre Prince de Condé, sans qu’il en soit resté,
qu’vne odieuse renommée. Le bisayeul de celuy-cy,
que le Roy a fait arrester pour les crimes, que
sa Majesté déduit amplement, dans la Lettre qu’elle
escrit à Messieurs du Parlement, estoit de la Religion
Pretenduë Reformée. Et pour cela il se faisoit
surnommer le Chasse-Messe, & le Protecteur
de tous les Religionnaires de France, & contre
Dieu, contre le Roy, & contre le Peuple. Car dans
toutes les guerres ciuiles, que les Heretiques eurent
contre le legitime Souuerain de cette Monarchie,
il porta les armes sur les vns & sur les autres.
Et pour se rendre funeste à toute la nature crée, il
brusloit, il pilloit, & il saccageoit de gayeté de
cœur tout ce qu’il pouuoit prendre, de gré, ou de
force. Il s’empara iniustement de tous les thresors

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qui estoient dans l’Eglise de saincte Croix à Orleans,
& apres auoir pillé iusques aux Calices &
aux Ciboires, il fit démolir la maison du Seigneur,
au mespris de celuy à qui il deuoit toute sorte de
reuerence. Et pour ces sacrileges, & plusieurs autres
crimes, le Roy François II. le fit condamner
à auoir la teste tranchée. Mais heureusement pour
luy, il fut tué en l’an 1569. & ainsi il ne tombe pas
entre les mains de l’Executeur de la haute Iustice.
Son fils, suiuant les traces du Pere, pour auoir exercé
les mesmes impietez & les mesmes tyrannies
contre Dieu, contre la Religion & contre l’Estat,
fut empoisonné par sa propre femme, qui comme
vne autre Iudith donna le coup de la mort à ce
nouuel Holoferne, pour abreger le cours de ses lubricitez
& des malheurs qu’il causoit en France.<lb/> Si bien que malgré tous les antidotes dont il se pût
seruir, il mourut six mois apres qu’elle luy eut fait
aualer du poison pour s’en deffaire. Et pour punir
vne action si equitable, ceux de la Rochelle condamnerent
le Medecin & le Cuisinier à mort, à
cause qu’ils auoient seruy de moyen pour arriuer
à vne fin si glorieuse ; & la Princesse à vne prison
perpetuelle, qui estoit S. Iean d’Angely, où elle
accoucha de Henry, dit le Bourbon, pere de celuy-cy,
treize ou quatorze mois apres la mort de
ce miserable Prince. Car Henry de Bourbon fut
esleué en la Religion Pretenduë Reformée auec
sa mere, iusques en l’an mil cinq cens nonante

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six qu’elle se conuertist auec son fils en la Religion
Catholique, Apostolique & Romaine. Ledit
Prince, pour ne degenerer en rien de ses Ayeuls,
durant les malheurs qui arriuerent sur la fin du
regne de Henty IV. Roy de France & de Nauarre,
voyant que cét inuincible Monarque n’auoit pas
de forces sur pied pour appuyer l’Estat contre les
Tyrans & les perfides ; il donnoit des aduis à l’Espagnol,
afin de troubler le repos du Souuerain &
de la Patrie ; en suite dequoy arriua la mort du
plus grand Prince qui eût iamais receu l’estre, lors
qu’il se mettoit en estat d’humilier vn ennemy qui
ne visoit qu’à la Monarchie vniuerselle, & qui retiroit
les Princes rebelles de France dans ses Estats
pour profiter de nos desordres. Quelque temps
apres estre reuenu de Milan où il s’estoit refugié, il
s’opposa au Mariage de Louys XIII. & pour cela
il fit vn grand armement, à qui il donnoit la liberté
d’exercer toutes les hostilitez imaginables à
faute de paye. Iamais les vols, les meurtres, les incendies,
les impietez, & les sacrileges ne furent en
plus grand regne. Les Eglises estoient pillées &
démolies, les Autels estoient prophanez les maisons
estoient bruslées, & tout le bien des peuples
estoit à la mercy de ces legions si funestes. Apres
cela il fut à la Rochelle faire profession de Foy, &
iurer de n’abandonner iamais leur party, pourueu
qu’on l’assistast d’hommes & d’argent pour l’entretien
de son Armée. Et certes il n’auroit iamais

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cessé de troubler la France, si la Reyne Mere, Marie
de Medicis ne l’eût fait conduire au Bois de
Vincennes pour auoir le repos, où il y fut, iusques
à ce que le temps & la prison l’eurent rendu plus
aduisé & plus sage. Ce fut là où celuy d’auiourd’huy,
nommé Louys de Bourbon, nasquist en
l’an 1619. & c’est là où il doit passer le reste de sa
vie si on luy veut faire grace ; puisque ny les grands
honneurs qu’on luy a faits, ny les grands biens
qu’on luy a donnez, ny les grandes charges dont
on l’a pourueu, n’ont sçeu empescher cét esprit ambitieux
de tout entreprendre pour regner, & pour
se mettre la Couronne sur la teste. C’est vne pensée
si criminelle, qu’il n’est que la mort qui en puisse
effacer la tache, tant elle est d’vne nature à ne pas
estre soufferte. Et pour pescher en eau trouble, il a
suscité mille desordres dans l’Estat, il a fait rebeller
les subiets contre le Roy, il a protegé
ses ennemis de tout son pouuoir, il s’est emparé
du Haure, il s’est rendu maistre de plusieurs
Places par ses importunitez, il coniuoit auec l’Etranger,
il commet des attentats contre les ordres
de son Prince, il mesprise l’authorité du Souuerain,
& menace hautement de punir ou de mal
traicter, tous ceux qui luy contrediront en ce
qu’il souhaitte. Voila de quelle sorte il procede
auec celuy qui peut disposer de ses biens & de sa
vie sans iniustice. Ce Prince veut que toute l’Europe
sçache qu’il n’y a condition qui ne doiue redouter

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son pouuoir & sa fortune. Sa violence ne
disposoit pas toute seule de son esprit, l’Auarice
estoit tousiours de la partie. Enfin ce torrent d’orgueil
& d’insolence se déborde sur la croyance
qu’il a qu’il n’y a rien au monde qui le puisse arrester
sans courre risque de se perdre. Tout subit
à ses volontez, & les Dieux tutelaires de cette Monarchie
semblent n’agir que par sa conduite. Mais
son ambition est peu clair-voyante, en des affaires
de cette importance. Il ne songe pas qu’il s’esgare,
en se laissant gouuerner à vne passion si déreglée
que la sienne. L’imprudence perd nostre
Prince, en faisant reüssir ses desseins & ses projets
contre toutes ses esperances. Son orgueil & sa vanité
le poussent dans le precipice de la disgrace où
il se trouue. Enfin il est arresté par ordre de leurs
Majestez, & conduit au Bois de Vincenne, en
attendant qu’il plaise à Dieu d’en disposer, selon
qu’il le iugera necessaire.

 

A PARIS,
De l’Imprimerie de N. CHARLES, proche
de saint Hilaire.

M. DC. L.

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