Anonyme [1652], LA GVERRE DES MENARDEAVX, OV LA FAMEVSE BATAILLE DE LA ruë neuue Saint Louys, donnée entre quelques brigades des Compagnies de la Milice de Paris, le 25. Iuin 1652. Auec l’Apologie des Vainqueurs, & l’Oraison funebre des morts. En Vers façon de Burlesques, par vn Disciple de Monsieur Scarron. , françaisRéférence RIM : M0_1524. Cote locale : B_14_8.
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LA GVERRE
DES
MENARDEAVX,
OV
LA FAMEVSE BATAILLE DE LA
ruë neuue Saint Louys, donnée entre
quelques brigades des Compagnies
de la Milice de Paris,
le 25. Iuin 1652.

Auec l’Apologie des Vainqueurs, & l’Oraison funebre
des morts.

En Vers façon de Burlesques, par vn Disciple de
Monsieur Scarron.

M. DC. LII.

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LA GVERRE DES MENARDEAVX,
ou la fameuse Bataille de la ruë neuue Saint
Louys, donnée entre quelques brigades des
Compagnies de la Milice de Paris, le 25. Iuin
1652.

Auec l’Apologie des Vainqueurs, & l’Oraison funebre
des morts.

En Vers façon de Burlesques, par vn Disciple de monsieur
Scarron.

 


A la guerre de Menardeau,
Ha ! mon Dieu qu’il y faisoit beau,
Qu’elle estoit rude cette guerre,
Il sembloit qu’en toute la terre
Ne se fit nul autre combat,
Quel tintamare & quel sabat,
Et comme à lors sans reconnoistre
On faisoit voler le salpestre :
Il m’en souuient i’en fut témoin,
Et ne la veis pas de fort loin,
Veis naistre & fondre cet orage,
Ha ! vray Dieu qu’ils ont de courage
Ces Illustres Parisiens,
Mazarin connoy ces Chrestiens,

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Tu ne triompheras s’ils viuent
Quelques regiments qui t’arriuent,
Le Dieu Mars mesme n’y fait rien,
Iamais le terroir Thracien
Ne le vid dans son char de diable
Produire vn bruit plus effroyable,
Si braue n’est Turc ny Persan.
Ce fut vn lendemain saint Iean,
Ie veux dire saint Iean Baptiste,
Que par vn spectacle assez triste,
Vingt mille hommes crians la paix
Enuironnerent le Palais,
Et s’en vinrent faire d’emblée
Insulte à la grande Assemblée
Des Princes & de Presidents
Qui ne parurent imprudents
A leur faire vne repartie
De douceur tres bien assortie.
La paix, crioient tous ces maraux,
Montez dessus leurs grands cheuaux,
La Paix, il nous la faut entiere,
Ou nous mettrons au cimetiere,
Des Conseillers plus de six-vingt :
Croyez qu’a peu de chose tint
Qu vn yurogne au visage pasle,
Pressant son Altesse Royalle,
Ne le retint par son manteau :
Ce qui ne fut ny bon ny beau,

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Mais pour lors sa Royalle Altesse,
Tesmoigna beaucoup de sagesse,
Leur disans à tous mes enfans,
Ne faites point tant les meschans,
le satisferay vostre enuie,
Ou bien i’y laisseray la vie,
Ie le iure, foy de Gaston,
Ce serment les calma se dit-on.
Et d’autre part Monsieur le Prince,
Dont la prudence n’est pas mince,
Et dont l’œil est assez hardy,
Dist-il est auiourd’huy Mardy,
Vendredy la paix sera faite
Puis que tout Paris le souhaite,
Il faut contenter son ardeur :
Ce fut autant pour le brodeur :
Mais ainsi les Princes entrerent,
Et les mutins se cantonnerent
Mon Dieu qu’il les fa soit beau voit
Vestus de blanc, de gris, de noir,
Iurans par saint Iean, par S George,
Qu’ils couperoient a tous la gorge
S’ils n’estoient bien tost satisfaits,
Et demandans la paix, la paix,
En disant il n’en faut rien croire
Que la chose ne soit notoire.
I’oubliois dans ce grand rapport,
Que le vaillant Duc de Beaufort,

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De Paris l’Ange Tutelaire
Et qu’on cherit à l’ordinaire,
Estoit entré de grand matin,
Et n’auoit pris qu’vn doigt de vin,
Auant que de se mettre en chaise,
Il se trouuoit fort à son ayse
D’estre éloigné de la rumeur,
A lors qu’vn grand hõme d’hõneur,
Grand Colonel & Capitaine,
Arriue auec sa Cinquantaine :
C’estoit l’Illustre Menardeau,
Ce qui parut assez nouueau
A Beaufort qui dans sa surprise
Ne luy dist, vous faites sottise,
Mais Monsieur cela n’est pas bien,
Que craignez vous ? ie ne crains rien,
Dit Menardeau tout en colere :
En mesme temps son Secretaire,
Prend querelle auec vn Bourgeois,
Qui iettant soudain feu gregeois,
Luy lache auecque la parole,
Vn coup de fusil dans l’espaule.
Ausi-tost vn combat se fait,
Dont Mena deau mal satisfait
Voyant ses soldats en deroute,
Dit la ville perira toute
Ou ie… par ces mots seulement
Il monstra son ressentiment,

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Et comme il est d’humeur discrette
Il tint cette douleur secrette,
A l’instant il entre au Palais,
Et ses suiuants fort bons valets,
S’en võt, mais fort peu chargé d’armes,
Mettre leur quartier en alarmes,
Ou chacun au son du tambour
Reprend son Martial atour,
Prend hausse-col, mousquet & pique,
Resolu de faire la nicque
A ceux de l’Isle, dont l’effort
Mist leur beau Secretaire à mort.
D’ailleurs sçachant cette nouuelle,
Madame qui faisoit la belle,
Se cëoffant deuant son miroir,
Dist, à mon Dieu quel desespoir,
Voicy sans doute vn iour funeste,
Le peuple ioüera de son reste,
C’est vn mauuais Conseil qu’il croit.
Sus à quelque prix que ce soit,
On tache de trouuer du monde,
Que le voisine vous seconde
Pour sauuer Monsieur de danger,
Et ne cessant de s’affliger.
Elle fait vœu dans sa tristesse
Qu’à Nostre-Dame de Liesse
Elle fera voyage exprés,
Mais sans grand bruit & sans grands frais.

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Cependant la Cour introduitte
S’occupe à trauailler en suitte
Aux affaires plus importants
Qu’exigeoient les malheurs du tẽps,
Lors on demande à leurs Altesses
Si leurs cœurs suiuant leurs promesses
N’estoient pas portés à la paix,
Ouy, dirent-ils, plus que iamais,
Pourueu que vous fassiez en sorte
Que de France Mazarin sorte,
Autrement on en parle en vain :
Alors Gaston meilleur que pain
Leur dist, sus, qu’à sa conscience
Châcun de vous pense & repense ;
Car sur tout nous voulons sçauoir
Quel de châcun est le vouloir :
Il s’agît icy d’vne affaire
Où l’Vnion est necessaire :
C’a messieurs ; qu’en resolüez vous ?
Vous n’auez haleine ny pouls,
Qui fait taire icy tant d’Oracles ?
Mazarin fait il ces miracles ?
Ce tant renommé Mazarin ?
Vous connoissez le pelerin,
Ou du moins le deuez connoistre :
Vous plaist il pour chef & pour maistre ?
Ou tiendrés vous des Deputez
Encor pendans à ses costez ?

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Ne voyez vous pas qu’il s’en lasse :
Prenez vne plus noble audace,
Soyez Princes non Mazarins,
N’allons point par quatre chemins,
N’ayons plus qu’vn cœur & qu’vne ame,
Qu’il ne soit Monsieur ny Madame,
Que vous escoutiez desormais
Quand ils choquent vos interests,
Viuons amis & comme freres :
Pour moy ie vous proteste, ô Peres,
Venerables Peres conscrits,
I’ay presque dit Peres proscrits,
(Que cela soit, ja Dieu ne plaise,)
Qu’intention ie n’ay mauuaise,
Et suis enuers sa Maiesté,
Vn vray Licurgue en feauté.
Pour vous conduisez bien la barque,
Mais si vous donnez quelque marque
D’estre Mazarins à demy,
Pour vous de crainte ie fremy,
I’entends desia la populace
Qui tempeste, gronde & menasse,
Et vous serez de fins matois
Si vous vous sauuez cette fois :
Leur partie est certes bien faite ;
Sur tout faites que la Gazete
Ne celebre l’assassinat
De vostre my-party Senat,

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C’est tout ce que i’eus à vous dire.
Lors maint vn se prist à sourire
Et maint autre le prist d’vn ton
Qui sembloit sentir le Caton :
Mais leur humeur vn peu cõtrainte,
Monstroit qu’ils n’estoit pas sans crainte
Et que Mazarin dans leurs cœurs,
Sentoit aussi quelques terreurs.
Enfin Condé prist la parolle,
Et leur donnant mainte bricolle,
Leur dit, Messieurs, voyez vous biẽ,
La finesse n’y sert de rien,
Ne nous mettons point en colere,
Vous auez commencé l’affaire,
Et c’est pourquoy sans y resuer,
C’est à vous seuls de l’acheuer,
La France à sujet d’estre emuë,
Toute chose promise est deuë,
Et vos Atrests vieux & nouueaux,
Ne sont pas des brides à veaux,
Estans donnez il faut qu’ils tiennent
Enfin les peuples s’en souuiennent,
Et si vous estes satisfaits
Le peuple veux auoir la Paix,
Et d’vne fureur qui vous presse,
Vous somme de vostre promesse.
Parlez, Monsieur le Parlement,
N’auez vous pas fait maint serment,

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Que Mazarin & sa Caballe
S’en iroit de Sedan à Basle ?
N’auez vous pas aussi proscrit
Ce traistre par maint grand escrit,
Promettant mainte & mainte liure
A qui l’empescheroit de viure ?
Il met vos Arrests sous le pié ?
Comment s’est il iustifié ?
Reduisant vos villes en cendre :
Vn autre ainsi se feroit pendre,
Si bien qu’il ne peut estre absous
Sans faire mal iuger de vous :
C’est ce qu’on dit parmy la ruë,
Le monde certes n’est plus gruë,
Et i’en connois d’assez hardis
Pour dire plus que ie ne dis,
Que si nous leurs laschions la bride
Nous verrions maint grand homicide.
Ie me ry de vos fins matois :
Mais fussiez vous plus fins cent fois,
Il faut que l’vnion s’acheue,
Ou mener tout le peuple en Greue,
Puis qu’autrement il iure Dieu,
Qu’il vous fera guerre en tout lieu.
Et ie vous veux de mesme aprẽdre,
Que ie ne suis homme à me rendre,
Et qu’on que Mazarin & moy
Ne nous trouuerons chez le Roy.

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Il leur parloit en cette sorte,
Lors que ceux qui gardoiẽt la porte
Vinrent crier à ce grand Corps,
Qu’on s’entretuëoit au dehors ;
Sur quoy la Cour dist toute émeuë,
D’ou vient qu’ainsi l’on s’entretuë ?
Si penserent les Mazarins,
Qu’ils estoient Roys de nos destis.
Que Turesne sans dire garre,
Estoit venu faire gabarre :
Ils en changerent de couleur ;
Mais bien-tost on sçeut quel malheur
Auoit causé cette meslée,
Dont la Cour demeura troublée :
Voicy comme on en vint aux coups,
Ceux de l’Isle fiers & ialoux
D’auoir bourré leurs camarades,
Estoient dispersez par brigades,
Disoient par droit & par raison
Chascun est maistre en sa maison,
Nons garderons nos aduenuës
Or vn bruit couroit dans le sruës
Que des Mazarins à milliers,
Mousquetaires & fusiliers,
Au dessein de faire main-basse,
Esperoient leur donner la chasse.
Que des courriers toute la nuit
Allez & venus sans grand bruit,

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Auoient termé pour la bataille
Cette heure où toute la canaille
Pust estre prise au trebuchet.
Et les Princes souffrir eschet
On disoit que vingt Capitaines
Auoient posé leurs cinquantaines
Auec mains autres argoulets
Dans les lieux voisins du Palais,
Qu’ils vouloient faire vne capture,
On adioustoit à l’imposture ;
Et le peuple dans ce transport
Meditoit vn cruel effort :
Nous verrons qui seront les maistres,
Tout Paris est remply de traistres ;
Disoient-ils ; mais ils faut sçauoir
S’ils auroient tousiours tout pouuoir :
Il faut faire vn coup de partie,
Et nous venger à la sortie,
Si suiuant nostre opinion
Ils n’ont tous conclu l’vnion.
Il n’est plus moyen de viure,
Le pain vaut douze sols la liure,
Et nous ne gaignons pas vn sout,
Bref, il faut vaincre ou perdre tout ;
Que Mazarin vienne ou non vienne,
S’il vient, nous sçauons vne antienne
Pour l’endormir quand nous voudrons.
Malheur tombe sur les poltrons,

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Nous auons tropfait les esclaues,
Ainsi discouroient les plus braues,
Et sur tout deux gros malotrus,
Tous deux pelez & fort ventrus,
Dans leur graue & fiere prestance,
Faisoient les hommes d’importance.
Ils deuoiẽt tout mettre en morceaux,
Et des pelotons à monceaux
Les enuironnoient teste à teste,
Lors que voicy qu’vne tempeste,
Cause des troubles inoüis
Dans la ruë neuue Saint Louys,
Où de mousquers vne descharge
Fist qu’on y fut bien tost au large ;
Et Dieu sçait si les Bateliers
N’efuirent pas tous les premiers
Auec leurs brutalles escortes,
Et si les fenestres & portes
Auec vn horrible fracas,
Soudain ne se fermeront pas :
Qu’est-ce ? aucun ne le pouuoit dire,
Ie peine mesme à vous l’escrire.
Vn feu bourgeois tost excité
Produisit cette nouueauté :
Ha ! que n’ay-je icy l’eloquence
D’vn de ces grands Autheurs de France,
D’vn ou d’vn Sandricourt,
Pour faire nettement au Court

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Le recit de tant de merueilles ;
Dieux que d’actions nom pareilles,
Et que de faits d’armes hardis,
Plus que ceux de nos Amadis
Furent cachées par le tumulte
Dans cette memorable insulte.
Mais qui furent ces combatans ?
Non les Geans, non les Titans,
Non les escadrons de Cadmée,
Mais vne plus vaillante armée.
On vid combattre en cét assaut
Le badaut contre le badaut :
Mais non, i’aperçoy bien que i’erre ;
On vid combattre en cette guerre
Des lyons contre des lyons,
Non des chefs de rebellions,
Des Mars, des Cesars, des Hercules,
Des destructeurs de monstres Iules
Et pour dire enfin de mots nouueaux,
Des Cheualiers & Menardeaux.
Que cette bataille fut grande !
Des assaillants l’illustre bande,
Par le Pont-Neuf montant tout droit,
Voulut reuenir à l’endroit,
Où fut blessé le Secretaire :
On leur dist, que voulés-vous faire ?
Nous poster là, dirent ils, tous :
Nous nous garderons bien sans vous,

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Repartirent ces insulaires ;
Ce ne furent plus que coleres
Et que fureur des deux costés,
Dont les Menardeaux transportez,
Crierent soudain, tuë, tuë,
Ayant ouy parmy la ruë
Quelques miserables mutins
Qui les nommerent Mazarins :
Mais aux premiers coups qu’ils tirerent
Quelques bons Anges s’opposerent,
Et firent que portant trop haut,
Ils ne blesserent qu’vn maraut.
Ie vous laisse à iuger du trouble,
Aussi-tost le combat redouble,
Et pour bientost les mettre au pas
On les prend par haut & par bas.
Croyez que dans cette escarmouche,
N’eust volé papillon ny mousche,
Qui n’est aussi-tost eu son fait
A voir les balles de mousquet,
Voler & tomber pesle-mesle
Haut & bas, menu comme gresle,
Et que portoit vn mauuais vent
Derriere aussi bien que deuant ;
Ce fut en cette heure fatalle
Q’vne pernicieuse balle
Vint ferir vn pauure bossu,
Qui certes se vid bien deçeu,

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De voir qu’au sortir de sa porte
On le salüast de la sorte.
D’où vint que tombant de son haut,
La terre cacha son defaut.
Bellonne toute écheueslée
Se mesla parmy la meslée,
Et respandit dans tous les cœurs,
Le fiel de ses tristes horreurs.
Mars luy tint aussi compagnie
Et transmist son cruel genie
Dans les esprits des combatans,
Qui ne le garderent pas long-temps.
Pourtant ne se fist grand carnage,
Mais cependant ce fut dommage
Du peu qui sans suiet s’en fist,
Puis qu’aucun n’en tira profit,
Et fut vn spectateur Orfeure,
Comme les autres mis hors d’œuure,
Le Port-enseigne en son drapeau
Respandit de sang plus d vn seau,
Et fut aux Augustins en suitte
Porté comme homme de merite.
Le Lieutenant nommé l’Huillier
Se sauua chez vn Ioüailler,
Mais Sergent, Caporal Anspsade,
Sur le champ resta bien malade,
Et furent maints fiers Appointez,
Bien estrillez & bien frottez,

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Quelqu’vn pourtãt en cette espreuue
S’estant à sainte Gennenieuue
Recommandé deuotement
Ne souffrit pareil traittement :
Mais pour des armes, sauf la vostre,
Il s’en alla comme vn Apostre,
Et si i’ay bien fait mon calcul
On n’en veid rapporter à nul.
Ainsi s’acheua cette guerre,
Où quatorze portés par terre
Payerent sur le champ pour tous.
Alors aux transports de courrous,
La pitié qui tousiours lamente,
Succeda triste & languissante,
Chacun reconnut son voisin,
Amy, feal, fillol, cousin,
Pour du sang luy donna des larmes
On detesta le sort des armes,
Ie dy de ces armes sans fruit,
Qui sans effet font tant de bruit.
La rumeur en parut accruë,
Et l’on n’oyoit parmy la ruë
Que ces murmures tres frequents.
Pourquoy font ils tãt de cãquants ?
A quoy seruent tant de remises ?
Apres que les armes sont prises ?
Que ne fait-on ou guerre ou paix ?
Soutiendrons nous toûjours le faix ?

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Du mousquet & de la cuirasse ?
N’estant payez que de grimasse,
Et sans que nous puissions sçauoir
A qui nous rendons ce deuoir.
Gardés Messieurs, qu’on ne les choque,
Vrayment c’est dequoy l’on se moque,
Qu’ils se gardent doresnauant,
Ou qu’ils en viennent plus auant.
Nous nous tuërons pour leur querelle
Ou resterons en sentinelle.
Par la mort leur rage se teut
A ce penser qui les émeut.
Ils renforcerent les brigades,
Firent nouuelles barricades,
Et se tesmoignant prest à tout
Resterent armez & debout.
Tout Paris estant plein d’alarmes,
De seditions & vacarmes.
Enfin quelques heures apres
Les Princes sortant du Palais,
Firent au peuple mine bonne,
Et ne se trouua plus personne
Qui faisant le seditieux
Les regardast entre deux yeux.
Ils crierent la paix vaut faite,
Et firent grauement retraitte,
Et le peuple de main en main,
Dist, c’est Iean ieusnera demain,

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Nous l’aurons, reprist la canaille,
Quand n’aurõs plus denier ny maille.
Il faut en vser autrement ;
Soudain, Messieurs du Parlement
Sortirent comme de coustume,
Sans auoir donné sur l’enclume,
Pour former la sainte Vnion
Ou la commune opinion
Ne croit pas que leurs cœurs enclinent :
Mais comme on sçait qu’ils y rafinent,
Le peuple à demy transporté
Les vid d’vn œil fort irrité,
Et se rua de grande furie
Sur quelqu’vn de leur confrairie,
Qui se ietta tost à quartier
Dans la maison d’vn Espicier,
D’vn Espicier Apotiquaire,
Ou s’y l’eust besoin d’vn clistere,
Il en eut vn à point nommé :
Depuis tout Paris alarmé,
A resté fremissant de rage,
Comme vne mer apres l’orage,
Et le Parlement tout tremblant,
A tardé sous ce faux semblant,
Sans rien concerter ny resoudre,
C’est à dire former la foudre
Qu’il lançast sur le Mazarin,
Que dit-on sera le plus fin :

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Et qui fait pancher la balance,
Pourtant vn Arrest d’importance
S’est donné dans le Parlement,
Par lequel est dit hautement
Qu’information sera faitte
Du suiet de nostre gazette,
Au gré du sieur de Menardeau.
Mais comme est encor vn fleau
Qu’on aioûte aux maux de la guerre,
Ie croy que le Parlement erre
D’exposer au iour vn peché
Qu’il vaudroit mieux tenir caché.
Mais qui la commis que luy mesme ?
Sa langueur inuincible extresme,
Abusant & trompant nos vœux,
A tue tous ces malhureux.
Ouy, ie le iure par saint George,
C’est luy qui leur coupa la gorge,
Puis qu’il falut pour le garder,
Iusqu’a ce point se hazarder
Ne voit on pas qu’il nous abuse ?
Mais non, disons pour son excuse
que c’est vn accident fatal,
Que le destin a fait ce mal :
Et reiettons sur la fortune
Ce triste sujet de rancune,
Puisque ce n’est pas d’aujourd’huy,
Qu’on la condamne pour autruy,

-- 22 --


Et qu’on ne scauroit ou la prendre
Pour la punir ou pour la pendre.
Mais que dis-je dans ce chagrin,
Reiettons tout sur Mazarin,
C’est luy, cette maudite engeance,
Ce perturbateur de la France,
A qui seul doit estre imputé
Le mal de toute la Cité
C’est luy qui nous met en alarmes
Luy qui nous feist prendre les armes,
Et qui fait que le Parlement
Ne conclud rien parfaitement.
Quoy, ces pauures Messieurs de l’Isle,
Dans la disgrace de leur ville,
Ne sont-ils point assez punis
De ce qu’estans si mal vnis,
A cent perils on les exposent ?
Et ne feront-ils autre chose
Qu’auoir les armes sur le dos
Pour empescher que les suppots
De Mazarin on ne sacage ?
Dont grand ne seroit dommage.
Non non, pour leur peine suffit
De manger le pain si petit,
Et le mousquet à qui le porte
Fournit vne excuse assés forte.
En effet Mesdames les Loix
Il fait beau d’oüyr vostre voix,

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Quand les fisfres sont en campagne,
Allez au pays de Caucagne
En robbe longue presider
Sans nous venir icy gronder
Quand nous auons d’autres pensées,
Et n’estes vous pas incenseés
De croire estre encore de saison
Quand le maistre de la maison
Qui voit tous ses gens en déroute
Parle souuent sans qu’on l’escoute.
Messieurs, tant ne vous engagez,
N’affligez point des affligez,
Croyez que leur peine est extreme,
Souffrez seulement qu’on vous aime,
En connoissant quel est leur fort,
N’éueillez point le chat qui dort.
Pensez qu’en cet estat funeste
C’est vn des appuis qui vous reste,
Et que comme ils sont gens de bien,
Ce qu’ils ont fait est moins que rien.

 

Apologie des Vainqueurs.

 


Enfin, Messieurs, considerez de grace,
Quand vous pensez à punir leur audace,
Que si pressez d’ennemis & de soins,
Dans ce desordre ils n’ont pû faire moins,
Ils ont occis, mais qui ? des temeraires,

-- 24 --


Ils ont occis, mais qui ? des mercenaires,
Ils ont occis, mais qui ? des imprudents
Qui se montroient à la Bataille ardens,
Et qui de rage & de passion blesmes,
Dans leur transport se sont tuez eux mesmes,
Que si pourtant leur glaiue a merité
Qu’on se vengeast leur temerité,
Si ces mutins eurent trop d’insolence
L’employ de Mars causa leur violence,
Et leur remords enfant de leurs courrous,
Pour les punir, peut icy plus que vous.

 

 


Ne vous mõstrés donc point d’vn nouueau sang auides
Scachant que la raison, qui pour les paricides,
Feist qu’on n’ordonna point de peines autre fois,
Sauue ces malheureux de la rigueur des Loix,
Leur crime est innocent & soüille vostre gloire,
Si vous n’en estouffez l’importune memoire,
Et c’est sur ces malheurs que cause vn sort nouueau ;
Qu’il faut passer l’esponge & tirer le rideau.

 

EPITAPHE DES MORTS.

 


CY gisent ces nobles Victimes,
Qui sans auoir commis de Crime
Se virent par le fer immoler en ce lieu,
Paris à Mazarin en fist vn Sacrifice.
Passant, pour leur rendre Iustice.
Pardonne au bras du Prestre, & deteste le Dieu.

 

FIN.

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