Anonyme [1652], AVX FRANÇOIS FRATRICIDES, PAR VN ECCLESIASTIQVE. , françaisRéférence RIM : M0_436. Cote locale : B_14_17.
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AVX
FRANÇOIS
FRATRICIDES,
PAR
VN ECCLESIASTIQVE.

Videte ne ab inuicem consumamini,

A PARIS.

M. DC. LII.

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Aux François Fratricides.

A Toy, ô Nation indomptable par
autre que par toy-mesme ! Pourquoy
cherches-tu à te dompter,
pour perdre en te voyant domptée
la gloire que tu pretens, en
te voulant dompter ? A vous, ô
François qui vous coupez la gorge,
& faites contre vous-mesme,
ce que les Nations Ennemies, &
les Guerres estrangeres n’ont fçeu
ny pretendu faire : mais qui plustost vous égorgez en leur
faueur, & plus heureusement pour elles, que si elles mesmes
en executoient l’entreprise !

Que cherchez-vous, ie vous prie, & quel est le but
de vostre rage ? (si toutefois la rage peut regarder, & se
proposer aucun but) vous cherchez à vous vaincre, &
l’emporter les vns sur les autres, comme des taureaux
dans vn parc, des bestes farouches dans vne forest, & des
barbares dans leurs vastes solitudes. L’homme doit chercher
de vaincre par la raison : car elle est la prerogatiue
dont la Nature l’a orné par dessus tous les Estres d’icy
bas : laquelle n’ayant pas armé son corps, comme elle a
fait le reste des animaux, en affilant ou en durcissant des
parties de leur corps, a fait assez paroistre que la victoire
que l’homme emporte sur vn autre, doit estre conquise
par la pointe de la raison.

Posez donc vos armes empruntées, & reprenez l’vsage
de vos armes naturelles, qui ne sont autres que la raison, &
assortissez-les de l’armeure de Dieu dõt parle l’Apôtre S.

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Paul, & cõme parle l’Apostre S. Pierre ; Armez-vous do
pensées Chrestiennes. Ie suppose dõc auec vous, & auec
tous, qu’il n’est en aucune façon question en ce different,
qui vous diuise, s’il faut suiure le party du Roy : Car le
Roy ne fait iamais party dans son Estat ; c’est tousiours le
fonds de l’affaire : & il n’y a ny François, ny Chrestien qui
puisse mettre cela en probleme. C’est aussi, non seulement
la crainte du chastiment, mais encor la conscience,
qui nous oblige dans les sentimens de nostre Religion, à
nous tenir inuiolablement au seruice du Roy. Mais ie dis
de plus, que les François ont vne telle tendresse & reuerence
pour leurs Roys, remarquéé mesme par l’Histoire
estrangere, que peut-estre n’en y a-t’il pas vn pour le present
qui ne conserue dans son cœur ce caractere de respect
enuers le Roy : & qu’il n’y a que le desespoir qui ne considere,
ny raison, ny religion, ny dommage, qui soit capable
d’effacer ce respect.

 

Ephes. 6. 1.

1. Pet. 4. 1.

Puis donc que vous conuenez tous du seruice du Roy,
& qu’il n’y en a pas vn qui ne regarde son Authorité cõme
l’obiect de sa pieté dans la Religion, & le but de son employ
dans l’Estat ; Comment croyez-vous établir sa gloire,
& procurer son seruice, en déchirant ses membres,
mettant à mort ses plus considerables & plus vtiles subiets,
& versant de son corps, qui est tout son Estat, le Sang
le plus pur & le plus vigoureux ? que luy peut-il reuenir
de bon en perdant ce qu’il ne pourroit conseruer assez
cherement : Et quelle obligation vous a-t’il, que vous le
luy ayez rauy ? mais quand il vous aura perdu, vous qui
perdez les autres, & qui vous lancez dans vn mesme peril ;
ne l’exposez-vous pas tout à fait, le laissant sans aucun secours ?
Mais quel seruice luy pouuez-vous rendre, en
rauageant ses Campagnes, desolant ses Villes, meurtrissant
ses Peuples, & le rendant vn Roy d’vn effroyable desert ?

Quoy ! la France n’a-elle point assez d’Ennemis, sans
que vous le soyez aussi ? & faut-il que les Nations estrangeres
ayant quasi cessé de l’attaquer, vous entriez en leur

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place, pour la défaire par elle-mesme, & estre comme les
Ministres de leur fureur, executant par vous-mesmes ce
qu’elles auoient desesperé de pouuoir faire de leur part,
en sorte qu’elles n’ont qu’à se rendre spectatrices de vos
fratricides ; & d’attendre d’en recueillir vne moisson qui
surpasse leur esperance ?

 

Mais pour vous parler plus particulierement comme à
des Chrestiens (bien que ce que i’ay desia dit vous touche
encore en cette qualité) vous estes Chrestiens pour faire
briller vos espées contre les Insideles, & vous les tournez
contre les Prestres, & contre les lieux sacrez ? Vous épanchez
le sang de vos veines : Car & vous, & ceux que vous
massacrez, & faites nager dans leur sang, n’auez la vie de
Chrestien que dans la participation du mesme sang du
Fils de Dieu, versé de ses veines dans celles de tous ses fideles.
Est-ce vne voye pour affermir le Throsne du tres-Chrestien
de prophaner les Temples, commettre des insolences
& inhumanitez, & rendre son Royaume le Theatre
des Furies, & l’image de l’Enfer ? Croyez-vous seruir
vostre Roy en prouoquant contre luy la colere de son
Dieu, & son Roy, & par des actes d’hostilité qui vont contre
luy par contrecoup, luy apporter vn vtile secours ?

Vos pretendus interests s’en iront en fumée, & l’interest
de vostre salut, auquel vous ne songez pas, échapera
de vos mains. Mais l’horreur d’vn inconceuable remors,
& le comble des tourments de la Iustice diuine vous accueilleront,
& vous serez leur proye & leur victime sans
fin. Car s’il faut taster le pouls du cœur, il se trouuera
(ie ne le dis pas de tous, mais peut-estre le pourrois-ie dire
de plusieurs) que le seruice du Roy qu’ils ont graué dãs
le cœur, est le seruice de celuy qu’on appelle le Roy du
Monde ; ainsi que Iesus-Christ appelle le Demon le Prince
de ce Monde ; Ce Roy, c’est l’interest, & c’est pour luy
& pour leurs vaines esperances qu’ils trahiroient volontiers
leur patrie, & coniureroient sa ruine : Malheureux
qu’ils sont, & sans humanité, la vie d’vn simple Soldat ou
du moindre des Païsans, deuant estre plus pretieuse deuant

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eux, que tous les vains attraits de leurs fortunes imaginaires.

 

Et pour vous faire voir plus particulierement encore
l’horreur de vos combats, s’il falloit on demeurer à Tertullien :
En premier lieu ie dirois auec luy que Dieu fait
homme a desarmé tous les Soldats, lors qu’il desarma
S. Pierre, luy faisant remettre son espée dans le foureau,
bien qu’il l’eust tirée pour la iuste defence de son maistre.
Omnem militem Dominui in Petro exarmundo discinxit.

Teit. lib. de
Idel. c. 19.

Mais ie m’arreste à vous faire conceuoir l’horreur de
vos combats, entant qu’ils vous rendent Fratricides. Car
ce n’est que l’acte des Nations Infideles de tourner son
glaiue l’vn contre l’autre de mesme Nation. Il est dit au
Liure des Iuges, que Gedeon & ses Soldats criãstout hautement,
Gladius Domini & Gedeonis, le Glaiue du Seigneur
& de Gedeon, tout le Camp des Madianites ennemis du
Peuple de Dieu fut mis en trouble : Et adiouste le texte ;
Immisitque Dominus gladium in omnibus Castris, & mutuà
se cæde truncabant. Dieu fit passer le glaiue sur tout le
Camp, & les Soldats s’entretuoient eux-mesmes : & se
traitant comme des ennemis, se deffaisoient les vns les
autres.

Iud. 7.
22.

Et au premier liure des Roys, ces paroles y sont couchées.
Conclamauit ergo Saul, & omnis populus qui erat cum
eo, & venerunt vsque ad locum certaminis ; & ecce versus fuerat
gladius vniuseuiusque ad proximum suum, & cædes magna
nimis. Saul voyant le trouble que Ionatas auoit excité
dans le Camp des Philistins, s’écria auec toute son
armée ; & ils se porterent iusques au lieu du Combat : Et
ô merueille, les Philistins s’entrechoquans, auoient tourné
la pointe de leurs espées les vns contre les autres, dont
ils firent d’eux-mesmes vn grand & horrible carnage ; & si
bien cela arriua entre ceux qui composoient de mesmes
Armées ; le mesme en est il de ceux de mesme Nation.

3. Reg. 14.
20.

Les Israëlites ayant fait vn grand butin sur leurs Freres
de mesme Nation, & Religion, vn Prophete nommé
Oded fut au deuant des vainqueurs, & leur parla ainsi,

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Peccastis enim super boc Domino Deo vestro : sed audite consilium
meum, & reducite captiuos, quos adduxistis de Fratribus
vestris, quia magnus furor Domini imminet vobis. Vous
auez en cela offensé vostre Dieu, mais écoutez, & suiuez
le conseil que ie vous donne ; renuoyez vos Freres captifs,
d’autant qu’vn grand & iuste couroux de Dieu pend sur
vos testes. Aprés quoy leurs Princes dirent à toute l’armée :
Vous n’introduirez pas absolument les captifs dans
la Ville, de crainte d’offencer Dieu ; pourquoy voulez-vous
augmenter le nombre de nos offenses, & par de nouuelles
fautes combler les anciennes ? Car c’est en effet vn
enorme peché, & la colere & la fureur de Dieu va fondre
sur le Peuple d’Israël : Non introducetis : huc captiuos, ne
peccemus Domino. Quare vultis adiicere super peccata nostra,
& vetera cumulare delicta ? grande quippe peccatum
est, & ira furoris Domini imminet super Israël.

 

2. Par. 28.
10.

2. Par. 28.
10.

v. 23.

Il est vray qu’il est rapporté au liure des Iuges que toutes
les Tribus d’Israël s’assemblerent pour faire la guerre
à vne seule, & la destruisirent tout à fait : mais c’estoit
pour chastier l’infame forfait qui auoit esté commis en vne
ville de cette tribu, & duquel ils ne voulurent pas liurer
les coupables, en estans requis par toutes les tribus,
cõme il est dit dans cette histoire : & auec tout cela il y est
dit des Vainqueurs. Magno vlulatu cæperunt flere, dicentes :
quare Domine Deus Israël, factum est hoc malum in populo
tuo, vt hodie vna tribus auferretur ex nobis ? Ils se prirent à
pleurer, auec des hurlemens effroyables, en s’adressant à
Dieu, & disant ; d’où peut estre venu, Seigneur & le Dieu
d’Israël, ce grand malheur dans vostre peuple, qu’vne de
nos tribus soit esteinte, & nous aye esté enleuée ? Et plus
bas : Vniuersusque Israël. valde doluit, & egit pœnitentiam
super interfectione vnius tribus ex Israël. Tout le peuple
d’Israël conceut vne grande douleur, & serepentit amerement
sur la destruction d’vne tribu d’Israël.

Iud. 20. 15.

Voyla donc de quoy former en vous l’auersion de vos
fratricides, qui font de plus preiudiciables à vos desseins.
Car ce que Iudas disoit auec hypocrisie, ne le peut-on

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pas dire auec verité de tant de sang que vous respandez ?
Vt quid perditio hæc ? A quoy reuient cette perte de
tant de sang. Quoy faut-il bouleuerser vn Royaume, inquieter
& destruire, & remplir d’horreur & de sacrilege
la France, qui estoit le chef-d’œuure de la nature pour
l’humanité, & dans la religion l’exemplaire de la pieté ?
Faut-il exposer à la risée des nations estrangeres, à l’opprobre
de tous les siecles, & au joüet des escriuains vostre
patrie, pour ie ne sçay quoy qu’on ne sçauroit dire, qui
l’occupe, l’embarasse, la mine, & la destruit, sans que
personne du dehors la pousse à sa ruine ; & qui semble se
vouloir arracher de ses propres mains sa reputation, son
repos & sa vie : & qui depuis vn si long temps plus elle
se veut démesler de ses filets, s’y est d’autant plus enlassée.

 

Mat. 26. 8.

Est-il possible qu’il ne se rencontre pas dans vn si vaste
Royaume, remply de personnes de sçauoir, d’authorité
& de pieté, quelqu’vn qui se iette entre deux, & comme
vn Moïse François vous represente vostre naissance &
vostre Religion ; & fasse ce qu’il est dit de Moïse, adopté
par la fille de Pharaon, & nourry dans la Cour. Reconciliabat
eos in pace, dicens : Viri, fratres estis, vt quid nocetis
alterutrum ? Il taschoit de les remettre en paix, leur
disant ; Que faites-vous, Messieurs, vous estes tous Iuifs,
de mesme naissance & religion, & ainsi freres, pourquoy
cherchez-vous à vous faire du tort, & vous apporter du
dommage ? Ce qui fut en effet le fondement de l’exaltation
de Moïse ; car apres cette action, s’estant retiré au
desert, Dieu luy apparut dans le buisson ardent, & luy
donna la commission d’enleuer des mains de l’Egypte
son peuple à force de prodiges, & de coups redoublés de
la verge qu’il luy mit en main ; tant il est vray que Dieu
benit ceux qui entreprennent la reconciliation, & font
les affaires de la paix.

Act. 7. 26.

Ne soyez pas cause que Dieu retire tout à fait de la
France son secours fauorable ; n’entrez point en presomption,
pour la singuliere protection qu’il luy a si souuent

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tesmoignée, dans les dernieres periodes de ses malheurs,
où il sembloit qu’elle deuoit perir sans ressource.
Car comme les œuures de Dieu ne se font point au
moule : I’oubly dans lequel vous viuez de ses anciens
bienfaits, & le surcroist de vos nouueaux crimes peuuent
bien porter Dieu à abandonner & laisser couler à
fonds cette barque cherie, qu’il auoit iusques icy si heureusement
gouuernée.

 

Vous voyez, ie n’en doute pas, le bord du precipice,
sur lequel vostre patrie a posé son dernier pas ; que faites-vous
pour l’en retirer ? mais que ne faites-vous pas
pour luy donner le branle, & rendre plus glissant le pas
de sa ruine ? La France, dites-vous, se ruine, se perd &
se consume : & le lendemain vous ne manquez pas de
faire ce qu’on voit qui la ruine, la perd & la consume.
Vous dites pourtant que c’est pour le seruice du Roy :
le vray empire des Grands, & le plus asseuré c’est l’empire
sur les cœurs, sans le quel tout le reste est bien foible :
& n’est-ce pas les luy aliener, que de les persecuter
par vos hostilités, inhumanités, & profanations des
choses saintes ? Ils seront tousiours criminels & miserables,
s’ils s’éloignent de son seruice : mais les miseres
presentes & les plus proches bannissent souuent l’apprehension
des futures, & des plus éloignées : & ou
font des criminels volontaires, ou forment des consciences
à sa poste, pour le soulagement de ceux qui en
sont pressés.

Voulez-vous tout à bon porter vtilement les armes
pour le seruice du Roy, viuez comme des Guerriers
Chrestiens, n’vsans pas de vos glaiues, comme des outils
de vos passions, ou comme font les tygres de leurs
griffes : Car comme le Iuge ne doit point vser de la
loy par caprice, ou pour assouuir ses passions ; aussi ne
deuez vous pas le faire de vos armes. Imitez ceux qui
restablissoient la ville de Ierusalem, desquels il est dit :
Vna manu faciebat opus, & altera tenebat gladium. Cette
partie de l’armée qui estoit destinée à l’ouurage, tenoit

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d’vne main son glaiue, & de l’autre bastissoit la ville de
Ierusalem. Car ainsi vous deuez dans l’vsage mesme de
vos Armes vous construire la Ierusalem future, & l’estat
eternel de vostre bonheur, quand le glaiue, & les
dangers qui de moment en moment volent autour de
vous, vous auront transporté en vn monde où vous deuez
estre sans fin. Imitez encor ce Centenier Cornelius
dont il est parlé dans l’Escriture, où il est appellé Religiosus,
ac timens Deum, cum omni domo sua. Homme pieux
& religieux craignant Dieu, auec toute sa famille. Et
plus bas il est appellé, vir iustus ac timens Deum, & testimonium
habens ab vniuersa gente Iudæorum. Homme iuste,
legal, & craignant Dieu, & dans l’estime de toute
la Iudée ; lequel dit à sainct Pierre : Nunc ergo omnes nos
in conspectu tuo adsumus, audire omnia quæcumque tibi præcepta
sunt à Domino. Nous sommes, dit-il, tous deuant
vous pour entendre de vous tout ce que Dieu vous a
commandé de nous dire : & pour donner aussi bien l’exẽple
d’vn soldat cõme d’vn Cẽtenier : Il est dit là-mesme,
que le Centenier appella deux de ses domestiques, &
soldats craignans Dieu. Vocauit duos domesticos suos, &
militem metuentem Dominum. C’est le moyen d’allieurs
d’auoir vn courage inuincible, l’espoir plus iuste d’vne
victoire moins perilleuse, & la protection de Dieu plus
apparemment fauorable ; ainsi est-il dit des genereux
Machabées : Iudas verò & qui cum eo erant, inuocato Deo,
per orationes congressi sunt ; manu quidem pugnantes, sed
Dominum cordibus orantes, prostrauerunt non minus trigintæ
quinque millia, præsentiâ Dei magnificè delectati. Iudas
& ceux qui estoient auec luy, ayant fait leur priere à
Dieu, fondirent sur les ennemis, la priere encore dans
le cœur & dans la bouche, & cõbattans à la verité vaillamment
les armes au poing, mais aussi necessans de
prier, ils mirent par terre non moins de trente-cinq
mil hommes, animés d’vn courage plein d’allegresse,
se representans auec generosité & magnificence la presence
de Dieu, pour la querelle duquel ils estoient entrés

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dans le combat. Et comme il est dit aillieurs, lors
que l’Escadron de Iudas parut le premier en vne autre
occasion, l’effroy saisit ses ennemis conçeu par la presence
de Dieu qui jette sur tout son inuariable regard ; en
sorte que chacun mettoit en fuitte son compagnon, Cùmque
chors Iudæ prima apparuisset timor hostibus incussus est
expræsentia Dei, qui vniuersa conspicit : & in fugam versi
sunt alius ab alio. Ce qui fait encore voir ce que j’ay dit
cy-dessus ; que de s’en prendre les vns contre les autres,
& s’attaquer en mesme Nation, çà esté des terreurs dans
les Nations infideles.

 

2. Esd. 4. 15.

Act. 10. 1.

v. 22.

v. 33.

v. 7.

2. Mach. 15.
25.

2. Mach. 12.
22.

Ce sont ces causes qui vous obligent plus que toute
autre profession d’estre tousiours bien auec Dieu,
conseruer son amitié, & le prix inestimable de sa grace,
l’estimant le plus riche trhesor, la pretention la
plus haute, la fortune la plus éleuée qui puisse frapper
icy bas nos yeux, occuper nos pensées, animer
nos desirs, & posseder nos cœurs. C’est aussi le moyen
de faire que vos armes soient, comme dit le Prophete,
Semen pacis, La semence de la paix. Cette moisson estant
digne d’vne telle semence : Au lieu que l’vsage contraire
des armes est vn banissement de la Paix qui merite
que Dieu la refuse cõme à desindignes, quelques instantes
longues & publiques prieres qu’on luy offre sans cesse.

Zach. 18. 12.

Pour donc conclure par où i’ay commancé, ne témoignes
pas par vos actions que vous auez le cœur & les sentimens
de ceux que l’Escriture condamne d’impieté, &
disent ses paroles. Fit autem fortitudo nostra, lex iustitiæ.
Que la force soit la Loy de vostre Iustice c’est vne parole
execrable, & qui n’est que dans la bouche de ces impies.
Mais qu’au contraire vostre Loy comme en des hõmes
raisonnables & Chrestiens soit la Loy dont parle le
Prophete. Lex veritatis. La Loy de la verité, qui est dans
les maximes de la Religion & de la raison, & d’vne saine
conscience.

Sap. 2. 12.

Malse. 2. 5.

C’est, Messieurs, ce que j’auois à vous representer pour
vostre seruice, m’estimant heureux de prendre le titre

-- 12 --

que l’Apostre se donne, lors qu’il dit. Nos autem seruos
vestros per Iesum. Nous autres qui sommes vos seruiteurs
en Iesus-Christ : Mais plus pour le seruice du Roy ie le
regarde comme l’objet de ma veneration que la Religion
me propose, ie desire le seruir inuiolablement en tout ce
que ie tiens de Dieu autheur de la nature & de la grace,
qui m’oblige de le seruir en tous les deux. Ie ne doute
pas qu’il n’y en aye qui taschent de le seruir chacun selon
sa profession aux occasions presentes : Mais aussi ne
doute-je pas non plus qu’il n’y en ait qui pourroient en ce
sujet seruir l’Estat plus vtilement, le guerir de son mal,
le soustenir par leur secours fauorable ; & qui pourtant
le laissent aller dans sa pante, voyent ces accez, & se contentent
de dire, qu’il est malade, le voyent donner de la
teste dans l’abysme, & ne crient pas mesme apres luy pour
luy faire apprehender son desastre.

 

2. Cor. 4. 53.

Ou est donc la charité, ou est le zele, où est l’obligation
des membres enuers leurs Corps ? A quoy reserue-t’on
l’esprit & le jugement, le sçauoir, l’authorité, le courage,
la pieté, & le zele ? On se contente de s’entretenir des
malheurs, des euenements, & de dire, tout est perdu :
mais, voyõs, traitõs de ce qui s’y peut apporter de remede,
esclaircisons les grands & les petits, parlons à qui il faut,
employons nous en ce que nous pouuons : C’est iusques
ou ils ne vont pas. Ils sont comme ceux donc il est parlé
en l’Euangile : Et reuersi sunt vnusquisque in domum suam.
Chacun apres auoir discouru de ce qu’ils feroient sur ce
dont il estoit question, & s’estre vn peu eschauffés s’en
retourna en sa maison sans rien conclurre ; oubliant ou negligeant
d’y faire autre chose : Car ceux-cy font le mesme,
laissant aller les affaires & le public le courant, ainsi
qu’ils croyent, de son ineuitable malheur ; mais pourquoy
faut-il le croire ainsi Car bien que ce que nous ressentõs,
& la difficulté d’en trouuer l’issuë ; & soit vn effet des menaces
couchées dans le Prophete. Et tribulabo homines,
& ambulabunt vt cæci quia Domino peccauerunt,Ie battray
les hommes de mon fleau ; & ils iront à tastons comme

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des aueugles, d’autanr qu’ils ont offensé leur Dieu ; Et
bien que les issuës de toutes ces affaires ne se presentent
pas à nos esprits aueuglés de l’essein de diuerses passions
qui estouffent l’esprit du Christianisme en vn si grãd
nombre de personnes ; toutesfois il ne faut pas se pocher
encore dauantage les yeux par le desespoir, ou par la negligence
à chercher son remede : mais ostant la cause de
l’aueuglemẽt, il faut tascher de recouurer la clarté de la
veuë d’vne diuine & esclairée prudence pour chercher ce
remede. Bref, bien qu’il semble qu’il soit vray de dire ce
que dit le mesme, Horribilis Deus super eos : Dieu est horrible
en la maniere de nous chastier, il veut pourtant que
nous esperions en luy, lors mesme qu’il nous rauit la vie,
& que nous disions auec Iob ; Etiam si occiderit me, in
ipso sperabo : Il a beau fondre sur moy auec le torrent
de ses chastimens ; le periode de leur mal, c’est de m’oster
la vie ; ils me l’osteront bien ; à la verité, mais non iamais
l’esperance en celuy mesme qui me froisse sous la
pesanteur de sa main ; & le dernier souffle de ma vie sera
le respir d’vn espoir en sa diuine Clemence ; C’est ce
qu’il veut de nous ; reprenant en saint Pierre le peu de
confiance en luy, lors mesme que la tempeste l’engloutissoit
sous les eaux. Modicæ fidei quare dubitasti ? Et il est
dit en la Sagesse. Bonæ spei fecisti filios tuos ; Vous auez fait,
ô mon Dieu, que vos enfans soient des enfans de bõne esperance.
Mais il ne faut pas que ce soit vn espoir oisif &
perclus ; mais plûtost vn espoir actif & remuant, qui applique
les moyens & les voyes que Dieu nous a laissé
dans les ordres de la Religion, dans les lumieres de la raison,
& dans les exemples des choses du passé.

 

Icã. 7. 53.

Loph. 1. 17.

C. 2. 11.

Iob. 23. 15.

Mais nous auons vne vertu vuide de force, preste à receuoir
des compliments & des loüanges, mais non pas des
opprobres & du rebut, ny à souffrir pour le prochain : Vertu
bien eloquente lors qu’il ny a rien à craindre, & muette
quand il y a de la perte ou du peril ; à faire, ou à parler.
Nous nous verrons tout à coupaccablés sous les ruines,
apres auoir fort medité, & bien discouru de la vertu ;

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pour ne luy auoir pas donné son veritable employ ; nous
aurons manié la Sainte Escriture, & passe souuent sur le
courage, & les diuines entreprises des Prophetes &
des Apostres, comme sur vne chose inutile à nos maux.
Nous voudrions bien qu’on parlast, mais nous ne voulons
pas parler nous mesme ; s’il est question des aduantages,
nous les voulons emporter sur les autres ; mais s’il
s’agit du trauail, du hazard, ou de surmonter sa crainte ;
nous renuoyons le tout sur autruy, & voulons bien le
deferer aux autres.

 

Il est vray qu’il faut faire penitence, Super Regnum
peccans, sur le Royaume pecheur, comme parle le Prophete,
qui par ses enormes pechés attire sur soy le juste
chastiment de son Dieu par la permission de tant de mal
qu’il souffre, & duquel il se peut dire ce que dit le Prophete,
Vniuersa domus Iacob induit confusionem : Toute
la Maison de Iacob s’est reuestue de confusion. Mais ce
n’est pas que, comme celuy qui est atteint de la maladie
corporelle, laquelle il doit prendre cõme vn chastiment
de Dieu, ne laisse pas d’employer les remedes pour recouurer
sa santé : Qu’on ne doiue aussi apporter tout le
remede possible pour deliurer sa Patrie des maux qu’elle
souffre, mesmes à raison de l’enormité de ses vices, pour
l’aider d’en tirer le profit que Dieu en pretẽd. Il faut donc
faire penitence ; mais comme S. Iean Baptiste, dont la
penitence n’estoit pas sterile, estant la source d’vne diuine
liberté à parler à tous petits & grands, & en leur
montrant l’agneau, il leur monstroit en mesme temps la
voye pour aller apres luy. Il faut deschirer sa crainte,
dissiper sa honte, rompre auec tout, pour la gloire de
son Dieu, & le secours de son prochain, ou il y a bien
plus de peine qu’à deschirer son corps.

Amos 9. 8.

[1 lettre ill.]. Machab.
1. 29.

Se taise donc qui voudra, ou celuy qui iuge qu’il est
bon de se taire : Pour moy ie m’estimerois dur de cœur,
d’vn costé, & bien delicat de l’autre, & traistre à la Religion,
à la raison, au veritable seruice du Roy, & au zele

-- 15 --

du prochain, dont la pauureté & les miseres font le paué
des ruës de Paris, & jonchent la campagne, si ie gardois
le silence en vn si grand, si éuident, & si vniuersel
peril de ma Patrie.

 

2. Machab. 5. 6.

Iason verò non parcebat in cæde ciuibus suis, nec cogitabat
prosperitatem aduersum cognatos malum esse maximum,
arbitrans bostium & non ciuium se trophæa capturum.

FIN.

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Anonyme [1652], AVX FRANÇOIS FRATRICIDES, PAR VN ECCLESIASTIQVE. , françaisRéférence RIM : M0_436. Cote locale : B_14_17.