Anonyme [1649], LA GVYENNE AVX PIEDS DV ROY, QVI SE PLAINT DE SES ENFANS, ET QVI DEMANDE A SA MAIESTÉ la continuation de la Paix interrompuë. Discours Moral & Politique, qui monstre l’obeyssance que l’on doit aux Roys, & l’obligation à quoy leurs Majestez sont engagées d’aimer, & de conseruer leurs Peuples, dont ils sont les Protecteurs, & les Peres. , françaisRéférence RIM : M0_1536. Cote locale : C_5_34.
Section précédent(e)

LA
GVYENNE
AVX PIEDS
DV ROY,
QVI SE PLAINT DE SES ENFANS,
ET
QVI DEMANDE A SA MAIESTÉ
la continuation de la Paix interrompuë.

Discours Moral & Politique, qui monstre l’obeyssance que
l’on doit aux Roys, & l’obligation à quoy leurs Majestez
sont engagées d’aimer, & de conseruer leurs Peuples,
dont ils sont les Protecteurs, & les Peres.

A PARIS.

M. DC. XLIX.

-- 2 --

-- 3 --

-- 4 --

-- 5 --

LA GVYENNE
AVX PIEDS
DV ROY.
QVI SE PLAINT DE SES
Enfans, & qui demande à sa Majesté
la continuation de la Paix
interrompuë.

QVEL plus grand déplaisir, & quel plus
sinistre accident me pouuoit-il arriuer,
que de me voir dechirée par les mains
mesmes de ceux que i’ay nourris, allaitez,
& portez dans mes entrailles ? Ah !
indignes enfans, enfans corrompus, engeances de viperes,
Race peruerse, quelle furie, quelle rage vous a
portez à vous armer contre vous-mesmes, à vous perdre
en me perdant, & vous enseuelir sous mes ruines !
De quels malheureux principes sont donc sortis ces
mouuemens si farouches, & des déportemens si barbares,
que d’vne multitude de Citoyens, viuaus sous l’authorité
d’vn mesme Prince, vous soyez auiourd’huy
conuertis en vn monstre hideux & épouuentable. De
quel Enfer sont sortis ces écrits iniurieux, & pleins de
fiel, ces paroles enuenimées, & ces outrages tirez des

-- 6 --

lieux les plus infames. D’où sont venuës ces Megeres
écheuelées, qui ne se contentans pas de l’aigreur de
leurs voix seditieuses, passent mesme à l’insolence des
actions les plus forcenées, conuertissent les traits de
plume en autant de coups d’espées, trempẽt la terre du
sang de leurs semblables, & la couurent de corps morts ?
D’où vient cette correction, qui ne regarde pas comme
elle amandera, mais comme elle acheuera de tout perdre ?
D’où vient cette cruelle & sanglante Chirurgie,
qui ne se soucie pas de guerir, & qui ne pense qu’à déchirer
la playe, & à l’aigrir par le remede qu’elle propose ?
Son fer, son rasoüer & sa sie, ne seruent d’autre
chose que d’auancer la mort du malade, & l’accompagner
de tourment à l’exemple de ce premier Medecin,
qui du Peloponese vint à Rome, & que les Romains
nommerent le Blesseur ou Faiseur de playes, à cause de sa
cruauté à coupper & brusler les malades. Pourquoy
cette grande Ville de Bourdeaux, & d’autres ébranlées
en leur deuoir ? Pourquoy tant de familles diuisées,
& les plus proches amitiez & alliances viollées ?
De telle sorte que l’accomplissement des anciennes
propheties semble estre proche, que le frere combattra
contre le frere, l’amy s’attaquera à l’amy, l’enfant s’adressera
au vieillard, & le roturier outragera le Noble.
D’où vient que ie me trouue en plusieurs endroits couuerte
& opprimée des gens de guerre ? D’où viennent
les armes des enfans, & des peres, des freres, des parens
& compatriotes rangées les vnes contre les autres ?
D’où vient que tout respect de la pudeur & de la Iustice
est mise sous les pieds ? D’où vient que la seule force
a esté appellée en conseil, & a donné le signal pour
broüiller & renuerser toutes choses ? D’où vient que
les crimes de leze Majesté diuine & humaine sont declarez
francs & libres de l’authorité des Loix ? Tant y
a qu’il semble que le fer & le feu, ont à present vne puissance
souueraine. Helas ! que diray je icy ? ou comment

-- 7 --

est ce que ie diray, ou en effet, qu’est-ce que ie
ne diray point ? Quelles paroles peuuent égaler l’enormité
d’vn si sanglant sujet, en quels termes l’exprimeray-je,
& de quelles bornes pourray-je enfermer ces
plaintes, & ces lamentations publiques ?

 

Certes ie diray, quoy qu’à mon grand regret, que
Basine Reyne de Turinge, a bien prophetisé de vous, ô
mes indignes enfans, quand elle a dit, que la premiere
lignée feroit comme des Lyons, & Leopards, la seconde,
comme des Ours, & la troisiesme, comme des chiẽs
qui se deschireroient l’vn l’autre. C’est ce qui se void
accomply en ce temps ! O que mon genie est puissant
en ces iours ! Iours plus malheureux, que tous les iours
noirs des Romains ensemble ! Iours plains de miseres
& de malheurs, que les tenebres & les ombres de la
mort vous couurent eternellement ! Comment est-ce
que l’Aurore peut en ce temps visiter la terre, puis
qu’elle enfante des monstres si prodigieux ? Est-ce pour
me faire voir ces beaux chefs-d’œuures de trahison, de
perfidie, & d’impieté ? Peu s’en faut que ie ne fasse comme
les Libiens Apharantes, qui disoient des iniures au
Soleil Leuant, & l’outrageoient comme celuy qui offroit
à leur veuë tant de sorte de maux & de calamitez.
Et que voy-je au tour de moy, que des gens plus dangereux
que les serpens, qui quelque venin, peste, poison,
mort certaine qui soient en eux, n’attaquent iamais
ceux qui sont de leur mesme espece ? Le voisinage,
l’alliance, le mesme sang, & la mesme maison, la
communication de langue & de mœurs, qui deuroient
estre les liens de paix, de concorde, & d’amitié, seruent
auiourd’huy de flambeaux de guerre, de dissention, &
d’inimitié.

O Dieu, quel changement de temps ! Autrefois mes
enfans paroissoiẽt au loin contre les Estrangers, & maintenant
ils tournent la pointe de leurs armes contre eux-mesmes !
Où est le temps que les François donnoient

-- 8 --

tant de batailles contre les Sarrasins, les Gots, les Arriens,
& les Vvandales, qui venoient inonder la Chrestienté
d’vn deluge de toutes sortes de maux & d’impietez ?
Où est le temps auquel ils employoient leurs
moyens, leurs armes, & leurs vies, à repurger l’Espagne
de tant de Payens qui y fourmilloient, contraignans
mesmes les Saxons, apres tant de victoires remportées
sur eux, tant de trophées & tant de triomphes,
de receuoir la Foy Chrestienne & Catholique ? Où est
le temps qu’ils rangerent sous l’Etendard de la Croix,
& sous l’obeïssance de l’Eglise les Danois, & autres
peuples ? Où est le temps qu’ils exterminoient l’heresie
dans les Champs Albigeois, qu’ils batissoient tant de
riches & de superbes Tẽples, & faisoient voir leur zele
à la Religion, & leur force aux combats & aux coins les
plus reculez, soit de l’Orient ou de l’Occidẽt ? Ne sont-ce
pas les François qui ont passé trois fois des Armées
en Leuant ? & (ô gloire immortelle, & qui est par dessus
tout l’honneur de tous les Peuples, Empires &
Royaumes) ont remis par quatorze fois les Papes en
leurs Sieges ? On dit que de la Fleur de Lys, il se tire
vne huile, qui est non seulement d’agreable odeur, mais
tres-vtile aux maux de teste : En cette sorte les Papes,
qui sont les Chefs visibles de l’Eglise victorieuse, éprouuerent
alors en leurs afflictions, ce que le Lys de
la Couronne de France leur valoit, quand tant de fois il
les a remis & raffermis dans leurs Throsnes. Neantmoins
à present, ô Temps, ô Mœurs, ces Lyons, ces
Leopards, ces Ours, selon la Prophetie de la Reyne de
Turinge, se sont metamorphosez en chiens, qui abayent
les vns contre les autres, se deschirent & se mangent !
Ie ne suis plus aussi Prouince fleurissante, paisible, &
puissante, comme i’ay esté autrefois, & si long-temps,
qu’il n’y a Estat au monde qui soit égal en durée à l’Empire
des François ; les maladies qui renuersent, & les
Prouinces, & les Monarchies, ne me touchoient que

-- 9 --

peu ou point du tout. Ie fleurissois chez moy en vertus,
& particulierement eu Religion, en Iustice, & en Pieté.
I’estois abondante en Paix, & en richesses, i’estois
puissante, & autant redoutée de mes voisins, que cherie
& aymée de mes enfans, outre tant de prosperitez
I’estois comblée d’vne infinité de faueurs, & de benedictions
spirituelles, d’auoir esté comme appellée par excellence,
la Guyenne, l’vne des plus belles & des plus
riches Prouinces du Royaume Tres-Chrestien. Le
Royaume de l’Eglise de Dieu, son heritage, sa part &
portion qu’il a choisie en la Terre, & le Royaume qui
a succedé au Royaume de Iuda. Au lieu qu’auiourd’huy
par vn changement bien estrange, ie me voy diuisée
de Foy, & de Religion, & ceux mesmes d’entre
mes Citoyens, qui sont vnis en croyance, ie les voy partagez
de volontez, de desirs & de pretensions ; ce qui
ne peut estre que des augures tres-asseurez & infaillibles
de ma destruction & entiere ruine.

 

Ie vous coniure, mes enfans, de vous ressouuenir ce
que i’ay esté autrefois par l’vnion & concorde de mes
peuples, & ce que ie suis maintenant deuenuë par leur
diuision. Considerez quelle a esté l’estenduë de l’Empire
François durant le regne de mes Roys, Charles le
Grand, & Louis le Debonnaire son fils : De ce temps
là cette Monarchie, dont ie fay l’vne des meilleures parties,
estoit bornée par la mer Oceane, iusques à l’extremité
de la mer Thirrene & de la mer Noire ; de l’autre
par le fleuue Hebro d’Espagne, iusques au Danube
& Boustheue. Ressouuenez-vous que la diuision qui se
fit entre les enfans de ces deux grands Roys, de tant de
grands pays & de Royaumes, a reduit enfin la France
entre les Monts Pirenées, les Alpes, le Rhein, la mer
Oceane, & la Mediterranée.

Representez-vous encore les malheurs & les desastres,
qui sont arriuez à ce florissant Royaume, par les
grandes, cruelles & sanglantes dissentions des trois enfans

-- 10 --

de Louis le Debonnaire en la secõde lignée. Ils denuerent
de telle sorte la France, & l’espuiserent tellement
d’hommes, d’armes & de moyens, que cette Monarchie,
qui auparauant estoit redoutable à toutes les
Nations du monde, qui auoit fait trembler l’Espagne,
conquis vne de ses grandes parties, subiugué l’Allemagne,
dompté la Lombardie, fait tributaires les Isles de
l’Ocean, qui s’estoit renduë effroyable aux Grecs, rechercher
auec honneur, respect, & crainte de tous les
Princes, & Peuples, voire des plus éloignez ; mesme
d’Aron Roy de Perse, ne laissa pas d’estre en suitte le
ioüet de la Fortune, & la proye de certains Pirates Danois,
n’aguere ses tributaires, qui non seulement coururent
toutes les côtes de la France, & se firent Maistres
de la mer : mais descendans en terre, la pillerent
& la rauagerent, prindrent, & ruinerent de fonds en
comble plusieurs Villes, & assiegerent la Capitale. Si
vn si grand Empire a bien esté affoibly par la diuision,
peux-tu douter, pauure Guyenne, qui n’est que la quinziesme
partie de son Estat, que le desordre & la confusion
où ie te voy, ne te ruine & ne te perde ?

 

O guerre ciuile ! maudite guerre, qui t’efforces à
me ronger iusques aux entrailles ; c’est de toy que i’ay
principalement à me plaindre ! Guerre furieuse, en laquelle,
quelque pretexte specieux qu’on puisse auoir,
c’est tousiours le Roy Louis XIV. de Dieu donné,
qui y est le plus offensé, & qui par consequent en deuroit
conceuoir plus d’indignation, & d’aigreur que
tout le monde. Guerre ! estrange guerre ! puis que tu
es proprement sans ennemis, & que c’est estre miserable
que d’en sortir victorieux. Car triompher de ses Subjets,
& de ses Citoyens & Compatriotes, est veritablement
vn faux triomphe, & plustost digne de larme que
de ioye. C’est en ce temps-là, que la force & le bonheur,
sont vne espece de Sacrilege. Quels obiets plus
pitoyables, quel spectacle plus funeste, que de voir

-- 11 --

tous les iours les afflictions extrémes, & la deplorable
condition du pauure Laboureur, nostre vray nourricier,
auquel continuellement on rauit le pain d’entre ses
mains ; pain detrempé de sa sueur, de ses larmes, & de
son sang, sans compter toutes les barbaries du soldat,
& la charge des Tailles excessiues, leuées ordinairement
de part & d’autre ; sans compter mille autres extorsions
pleines de cruauté & de barbarie ? Comme les
mauuaises humeurs du corps tombent ordinairement
sur les plus basses parties, qui sont les pieds ; ainsi les
plus vicieuses humeurs de l’Estat, retombent coustumierement
sur le pauure peuple, qui en est le pied, la
base, & le fondement. Pauure Peuple ! helas ? ie pleurs,
ie prie, & crie pour toy ; car tu ressembles au Crocodil,
tu as bien des yeux pour pleurer, mais tu n’as point de
langue pour parler, ny te plaindre. O Dieu ! quel remede
à tant de mal-heurs ! Car si parmy ces fureurs ciuilles,
on s’oppose vigoureusement aux desseins pernicieux
des meschans, il n’y a rien de cruel, à quoy les
hommes ne se portent, voire iusques à se dépoüiller de
toute humanité, pour exercer tout ce que peut la dissolution
en villainies, la cruauté en tourment, l’auarice
en rapines, & l’orgueil en contumelies. Tellement que
le bon Bourgeois ne peut faire estat de ses biens, ne
peut s’asseurer que la chasteté de sa femme ne soit point
violée, la pudicité de ses filles rauie, & se couchant le
soir, ne peut se promettre d’estre le matin en vie, ayant
à tous momens la mort deuant ses yeux, ou plustost vne
vie languissante en captiuité, se representant à toute
heure vne cruelle prison, qui par le feu, qui par le fer,
par la soif, par la faim, & qui par l’horreur des tenebres,
exprime tout le suc & le sang du miserable captif. Guerre
ciuile, tu es vn feu qui s’attache à la maison, dont il
faut qu’on abate le toict, afin de sauuer le reste, couper
chemin à la flamme, & preseruer les edifices voisins !
Feu, dis-je, qui vas consumant petit à petit les fortunes,

-- 12 --

& reduis les Royaumes en cendre ! Tempeste inexorable,
en laquelle on iette en la mer tout ce qui est de
plus beau, & de plus riche dans le vaisseau, pour resister
à la furie des vents impetueux, & le guarentir de
naufrage. Ainsi les Roys & les Princes souuerains, pressez
par la necessité qui dõne la loy, & n’en reçoit point,
afin que le corps de leur Estat subsiste, sont contrains
de tolerer, de permettre, & de faire beaucoup de choses,
qui autrement sembleroient moins iustes & raisonnables.
Quel plus violent rauage ? Quel feu plus vehement,
& quel naufrage plus dangereux, m’ont iamais
menacée, que ceux que ie voy auiourd’huy preparez
pour me renuerser, pour me consommer, & pour
me perdre ? Ie voy les membres d’vn mesme corps se
deschirer perpetuellement à la ruine commune du
tout, ie voy l’œil gauche qui emprunte la main qui est
son costé pour creuer le droit, sans considerer que le
mal de l’vn est le mal de l’autre.

 

Certes il faut que ie confesse, que ie me trouue en
vne estrange malice de siecle, en vne detestable corruptiõ
de mœurs, & en vne furieuse intemperie d’esprits !
Ha ! ie voy bien que l’impieté est vn violent poison, capable
de gaster en vn moment, non pas seulement la
Guyenne, mais les Royaumes tous entiers. C’est elle,
cette furie infernalle, qui a mis entre les François, le
nom & l’honneur de Dieu en vn tel mépris, (sous lequel
toutefois tremblent les Anges, les Diables fremissent,
les Cieux s’abbaissent, & les Enfers s’épouuentent)
que ie puis dire qu’elle est montée au comble de
son iniquité. Il n’est auiourd’huy parfum que du vice,
la Vertu put, & son contraire est vne rose. C’est de ce
mépris que sont sortis ces furieux, ces enragez, & ces
maniaques, qui mettent le feu dans leur propre maison,
semblables au flambeau de celuy qui brûla le
Temple de Diane en Ephese, comparables à Pâris, qui
fut la torche qui brûla Troye, & égaux à ces miserables

-- 13 --

Citoyens, qui furent cause de la ruine de Hierusalem,
& de la subuersion du Temple de Salomon.

 

C’est de ce mesme principe que decoule cette liqueur,
qui fait flamber ces lampes funestes, qui au lieu
d’huile, brûlent dans le sang, & ne luysent que dans
les cauernes des Cyclopes. C’est donc de là que sont
sorties ces Cometes cheueluës, dont les rayons sont
rouges & ardens, & qui ne presagent & ne menacent en
terre, que soûleuemens de Sujets contre leur Princes,
que dissentions des Villes les vnes contre les autres, &
que remuëmẽs de Royaume, & subuersions d’Empires.

C’est par la mesme porte de l’impieté, & du mespris
de la Diuinité, que sont entrez ces esprits dereglez,
qui ne peuuent s’accommoder ny à bien faire, ny à
bien dire, non pas mesme à bien ouir dire personne ; Ces
zelateurs extraordinaires de l’équité, que de trop
grand amour d’auoir la Iustice, se sont eux-mesmes
precipitez en iniustice.

Et qui n’a veu entrer par là les soubçons & les defiances
qui vous trauaillent tant, mes enfans, desquelles
ie puis dire, que comme la Vipere & la Murene,
n’engendrent point leurs Vipereaux & leurs Serpenteaux,
au mal & à la ruine des hommes, qu’ils n’ayent
premierement mangé & rongé le ventre auquel ils ont
esté conceus : ainsi ces soupçons & ces distractions ne
nuiront à personne, qu’ils ne vous ayent premierement
ruinez & perdus ? Tous les pretextes que vous prenez,
ne sont qu’vn sac moüillé contre la pluye, & vn voile
de crespe ; car à la fin les intentions se voyent, les desseins
se découurent, & les ambitions se manifestent,
tousiours autre estant le pretexte, & tousiours autre le
dessein. Pour l’ordinaire, l’ambition en est la mere & la
nourrice ; les ambitieux oublient ordinairement deux
choses, dont ils se deuroient bien souuenir, sçauoir la
Iustice, & leur propre foiblesse. Qu’ils se souuiennent
à tout le moins de la Iustice, & mesme de la ciuile, qui

-- 14 --

n’est autre chose que le bien public, qu’ils l’embrassent
à bon escient, & non pas par feintise ; qu’ils n’en prennent
pas simplement le manteau, pour couurir leurs
menées, leurs pratiques, leurs diuisions, & leurs soûleuemens ;
ce qui arriue le plus souuent durant les troubles
d’vn Royaume, comme aussi de prendre le manteau
de liberté, pour opprimer la liberté mesme, & de
se couurir du voile de Religion, pour pallier l’ambition
& l’impieté. Autre est le pretexte, vous dis-je, & autre
le dessein. Mais de quel costé me tourneray-je parmy
tant & tant de malheurs ? qui m’addresseray-je ? de
qui imploreray-je l’ayde & le secours, tant pour moy
malheureuse, que pour mes miserables enfans ?

 

O Dieu ! ô Ciel ! ô Anges ! ô Terre ! ô Hommes !
Mais ô grand Roy ! qui, quoy que ieune d’ans, commandez
aux François, & qui portez le Sceptre de vos
Ayeuls, auec autant d’auantage sur tous les Roys du
monde, que le Lys est naturellement éleué au dessus
des autres fleurs. Grand Monarque ; c’est à vous, mon
cher Prince, à qui i’ay recours, apres Dieu, pour moy
& pour mes enfans vos Suiets, en vne si extreme & pressante
necessité ; C’est à vous, qui auez l’authorité &
l’affection de Pere, d’auiser à leur bien & conseruation,
& l’auoir en autant ou plus grande recommandation
que la vostre propre. Vous representez la grandeur &
la Majesté de Dieu, qui a fait, qui regit, & qui gouuerne
cét Vniuers : & comme au Ciel il a mis pour image
de sa Diuinité le Soleil, aussi a t’il donné en terre
semblable lumiere en la personne des Roys, pour reluire
icy bas, comme ce bel Astre reluit au Firmament. Il
est bien vray que ce Firmament influë les principes des
semences, puis la terre les produit ; les vnes sont accreuës
par les pluyes, les autres par les vents, les autres
par la Lune, & par d’autres moindres Astres : mais c’est
le Soleil qui viuifie, & qui anime toutes choses. Aussi
de tous les grands biens que Dieu fait aux hommes, ils

-- 15 --

n’en pourroient pas ioüir sans la Iustice, sans la Loy, &
sans le Roy ; la Iustice est la fin de la Loy, la Loy est
l’œuure du Roy, & le Roy est l’ouurage & le chef-d’œuure
du grand Dieu. Ce que Dieu est pour l’Vniuers,
le Roy l’est pour le regard de son Estat. Le Royaume
se rapporte, & ressemble à l’Vniuers, & le Roy, à
Dieu, entant que la nature humaine le peut souffrir.
Soyez donc apres Dieu, le Dieu de vostre Estat, & soyez
son Sauueur, & son salut. Soyez, SIRE, à moy & à
mes enfans vn vray Mercure, & comme luy derobez la
massuë d’Hercule ; Rauissez le Trident de Neptune,
prenez les bœufs d’Apollon, & ostez les sagettes & le
carquois au Soleil. Tout plein de diuinité & de courage,
comme vn autre Alcide, auec la force de vostre Sceptre,
terrassez les monstres de vostre Royaume, abatez
les vices, domptez les vicieux, chassez les confusions
en quelques lieux qu’elles se trouuent. Auec le Trident
de vostre Puissance, de vostre Sagesse & de vostre
Iustice, comme vn Neptune accoisez les vens des dissentions,
appaisez les tempestes des diuisions, & pour
lors vous deroberez les bœufs d’Apollon, quand par
vn labeur continuel, vous conioindrez & vnirez tellemẽt
tous vos Sujets ensembles sous vostre authorité, &
sous celle de la Reyne Regente vôtre Mere que rien ne
les puisse des-vnir, & que leurs volontez soient semblables,
vnes, & constantes, & que les défiances & soupçons
qui les ont tant trauaillez, soient bannis si loin,
qu’ils n’ayent plus d’occasion de craindre qu’ils puissent
retourner, pour les replonger en de nouuelles miseres.

 

C’est par cette voye, SIRE, que semblable à vn Soleil
vous effacerez par la splendeur de vos actions Royales,
le lustre des plus grands Princes & Monarques de
la Terre ? Ce sera lors que vos Lys embaumeront l’Vniuers
d’vne odeur tres-agreable ; lors le manteau de
gloire vous couurira plus richement que iamais, la

-- 16 --

Couronne d’vn immortel honneur enuironnera vostre
chef, & les attours plus precieux de la grace celeste,
qui est en vous, donneront vn éclat qui vous fera reluire
par dessus tous les Roys du monde ; tellement qu’il
sera de vos labeurs, comme de la massuë d’Hercule,
qui plantée en terre, germa vn grand & excellent Oliuier ;
car de vos veilles nous verrons naistre le repos, &
de vos peines la felicité d’vne paix asseurée.

 

SIRE, les maisons tombent lors que les poultres &
les cheurons sont pourris, que les gros murs se laschent,
que les toix sont gastez, & que le bois vermoulu n’a
plus de force pour soustenir sa charge. Aussi lors qu’en
ce vieil Royaume, qui a desia duré plus de douze cens
ans, les plus Grands, tant de l’Eglise, que de l’Estat Politique ;
lors, dis-je, que ces poultres de Cyprez, & ces
cheurons de Cedre seront rongez ou pourris par leurs
vices, par leurs impietez, & par leurs sacrileges, ou
qu’ils seront gastez par les diuisions, par les rebellions,
par les souleuemens, & les guerres intestines ; c’est lors
que le pere deuroit craindre la cheute, & la ruine de cét
excellent bastiment des François ses enfans. C’est vn
miracle, SIRE, que la conseruation de vos Sujets, &
de vostre Estat, parmy tant de desseins, & des resolutions
obstinées de se nuire en nuisant, se blesser en blessant,
& se defaire en se defaisant. Ie veux bien croire
que l’Image d’or de la Fortune, qui estoit appellée Tres-sainct
Simulacre, a esté portée en vostre chambre Royale,
comme on la mettoit anciennement en la chambre
des Empereurs Romains. Si bien que quand l’Empereur
mouroit, cette Image estoit portée de sa Chambre
en celle de son Successeur, & ce d’autant qu’ils
croyoient que la Fortune estoit fille de la Prouidence ;
tellement que sa representation en la Chambre Imperiale,
signifioit l’establissement & conduite du Royaume
par la mesme Prouidence. Ie veux croire tout cela,
& que la diuine Prouidence, qui ayme tant les Lys, a

-- 17 --

vn soin particulier du Grand Monarque des François,
& de ses Sujets ; c’est le tiltre aussi que soixante-cinq
Roys Chrestiens, ont tousiours pris de Regnans par la
grace de Dieu, reconnoissant par là, que leur regne depend
immediatement de la Prouidence diuine : imitant
la trompette, qui anime les plus courageux guerriers
au combat. Ie vous supplie & vous coniure, SIRE, par
la memoire des trophées, tant de vous, que de vos Predecesseurs ;
par les cendres du feu Roy HENRY LE
GRAND vostre Ayeul, par celles de son fils LOVIS
XIII. vostre Pere, par l’affection que vous portez à
la Reyne, vostre tres-chere & tres-honorée Mere, dont
vous estes le sang, la chair, & les os, que vous arrestiez
fermement cette Paix fuyante, cette Astrée qui offensée
de nos desordres, branle l’Aigle pour s’enuoler au
Ciel ; & n’obmettez rien de ce que vous & vostre Conseil,
iugerez estre necessaire pour cét effet. Conseil, qui
est l’Assesseur & le Tutelaire des Roys, l’Autel de la
Prudence, & le Timon d’vn Estat. Auisez & resoluez
les moyens les plus propres pour y paruenir, que ce ne
soit point auec des paroles vaines, & qui se perdent auec
le son, mais auec de bons effets, desquels vos enfans,
& leur posterité ressentent le fruict. Prenez garde, ie
vous prie, SIRE, que le remede que vous appliquez
aux plus grandes maladies de vostre Estat, ne se tourne
en poison, & ne dilayez plus le medicament au malade ;
car comme le mal ne peut venir tard, aussi le bien n’arriue
iamais trop tost. Mais qu’est-ce que i’ay dit ? A quoy
est ce que i’ay pensé ? Qu’est-ce que i’ay fait, mon Roy
en vous parlant de cette sorte ? Vous m’auez preuenuë,
& vous n’auez pas attendu les prieres pour bien faire à
vos Sujets, & ce n’est pas sans raison, que ie vous comparois
n’agueres au Soleil. Car tout ainsi que cét Astre
n’attend point, ny les prieres ny les enchantemens pour
se leuer & pour luire ; mais sortant de son Tabernacle,
comme l’Epoux de son lit nuptial, prenant sa course,

-- 18 --

depuis vn bout des Cieux, iusques à l’autre, & par sa
claire lumiere, dissipe l’obscurité de la nuit, & chasse
les tenebres, embellit les Cieux, orne la mer, enrichit
la terre, donne la chaleur aux choses, anime, réioüit,
nourrit & conserue en son estre, tout ce qui est enclos
dans cét Vniuers : De mesme vous, mon Soleil, n’auez
point attendu les prieres & les supplications pour bien
faire, & recherchant non pas la gloire ny la loüange,
mais le bien, le repos, & le soulagement de vostre peuple,
de vous mesme, auez fait paroistre les effets de vostre
bonté & douceur Royale, & plus que paternelle.

 

Mes enfans, mes Gascons, ie reuiens à vous pour
vous dire, que vostre ieune & legitime Roy, afin de
vous vnir & maintenir en paix, vnion & concorde fraternelle,
resolut ces iours passez de donner connoissance
de ses affaires, de ses desseins, & de ses resolutions à
son Parlement de Bordeaux, où i’espere qu’on verra le
Roy, & la Loy se reposer en ce lict de Iustice ensemble
sous le mesme couuert. C’est au Parlement de Paris,
où l’on le void souuent assis, à guise de Iupiter Olympien,
tenant d’vne main vne Victoire, & de l’autre
vn Sceptre gracieux, qui est en la main de Iustice, ayant
en sa teste vne Couronne d’Oliuier, qui est le Symbole
de la Paix, & son manteau semé de Fleurs de Lys d’amour
& de douceur. Cest là où il est cõme le grand Sapor
Roy de Perse, au milieu de sa machine de Cristal,
de laquelle il voyoit la rapide course de tous les Globes,
le mouuement des Astres, les voyages du Soleil
& de la Lune, en considerant qui faisoit les ombres
droites ou gauches sur la terre. Que si les actions passageres
des Roys, & leurs plus petits mouuemens sont
autant de rayons qui sortent d’vn Soleil animé ; il faut
croire que cette action solemnelle de nostre Roy, sera
profondement imprimée dedans le cœur de ses bons &
fidelles Sujets. A n’en point mentir, la gloire & la Majesté
des Roys sont incomparables ; mais celle du Roy,

-- 19 --

qui a depuis peu espousé la France, estant assis dans son
lict de Iustice, c’est vne merueille qui surpasse toute
merueille.

 

C’est donc en cét Auguste Parlement de Guyenne,
où bien tost le Roy paroistra en sa Majesté, il nous a
fait sçauoir, qu’apres auoir mis ordre par sa presence
sur la Frontiere de Picardie, qu’il commencera de
voyager par son Royaume, & particulierement dans
cette Prouince, pour remedier aux factions qui s’y sont
tramées. Il imitera en ce faisant l’exemple du grand
Hercule, lequel estant Roy Souuerain de tout l’Orient,
faisoit vne continuelle reueuë de ses Prouinces,
pour en chasser les maux & incommoditez, qu’on a
puis apres transformé en Monstres, & en Prodiges.

Nous vous demandons donc la Paix, SIRE, plustost
que la Guerre, la Paix est le monde du monde,
c’est l’ame de la Nature, c’est l’ame de la Bonté, & de
la Beauté, c’est le lien des Creatures. La Paix est le
cœur, la vie, & les esprits d’vn Estat ; la Paix est le
chef-d’œuure du Ciel, qui est vn present digne de vostre
main, & la Paix comprend le salut, & la conseruation
de vostre Royaume. Il est de la guerre, SIRE,
en vostre Monarchie, comme d’vne Religion nouuelle,
telle qu’est celle de ce pays, que vos saincts Edicts
veulent estre appellez pretenduë reformée ; car
comme vn Globe ne peut toucher vn autre corps plein
& égal, qu’en vn seul point ; ainsi les regles de la Religion
ne peuuent conuenir amiablement auec les regles
d’Estat, qu’en vn seul poinct, à sçauoir celuy de la necessité,
qui seule dispense de tolerer vne Religion autre
que la Catholique, & qui appointe la conscience
auec la Police, & l’Eglise auec l’Estat.

Qu’ainsi, SIRE, il n’y aye que les seules Loix de la
necessité desormais, qui vous mettent l’espée à la main ;
mais aussi quand vous l’y aurez mise, Courage, SIRE,

-- 20 --

courage, car outre l’ayde qui vous viendra d’enhaut,
vous pourrez dire hardiment, ce que dit vn iour le
Roy Charles IX. accompagné de plusieurs grands
Seigneurs de sa Cour, comme vn d’eux luy demanda,
s’il luy plaisoit qu’il portast son espée, repartit soudain :
Ie ne sçache point d’homme en mon Royaume, plus digne de
porter mon espée que moy. Voila vne repartie digne d’vn
Roy de France, qui a d’autant plus de grace, que lors
il estoit fort ieune.

 

Quand vous serez armé, & prest de paroistre à la teste
de vostre Armée, comme vne Comete brillante, ébloüissant
les yeux de vos ennemis, faites, comme faisoient
autrefois les Roys vos Predecesseurs, qui allans
en guerre, portoient au iour des Batailles sur le
Heaume, vne Couronne, & tout au faiste vne Fleur de
Lys à quatre faces, afin que de tous les costez qu’on la
verroit, elle retint la forme de Lys.

Et vous, mes chers amis, mes chers enfans, mes
genereux Gascons, à quoy pensez-vous, que faites
vous, sans songer à ce que vous faites ? Quoy, voulez
vous resister à vn Roy ? Cela ne se peut, non plus qu’à
Dieu mesme, qui le conduit, & le meine par la main.
Croyez, vostre Mere, la Guyenne, qui a tant de fois
consideré vos maux, & qui pense maintenant aux remedes :
Ie vay vous decouurir, & monstrer mieux que
iamais la source de tous vos malheurs. Vous vous estes
laissé emporter au vent de la vanité, vous auez secoüé
le ioug diuin, & enyurez d’vne longue felicité, & indulgence
de la Fortune, vous vous estes fiez en vos
biens, sans en remercier, ny loüer l’Autheur ; c’est
pourquoy il ne faut donc pas que vous vous estonniez,
si par vn iuste iugement de la vengeance Celeste, vous
auez esté des-vnis de cœurs, de conseils, de desseins,
& de volontez, afin que vostre foiblesse vous attendrisse
le cœur, vostre mal vous humilie, & vostre humilité

-- 21 --

vous porte au Ciel, pour coniurer la diuine Bonté,
qu’il luy plaise, vous reünissant ensembles, de vous remettre
en vostre premiere splendeur. Venez donc, mes
enfans, reuenez François à vous mesmes, dressez-vous
droit au Ciel, comme le Cedre, esleuez-y vos pensées,
comme cét arbre fait ses branches, & portez tousiours
vostre cœur en haut, cõme il ayme les Montagnes, qui
fait qu’il ne se moisit iamais ; aussi pour cette consideration
les Payens en faisoient les Idoles de leurs Dieux.
Cherchez vostre conseruation dans le Firmament, &
non pas dãs les entrailles de la terre, où vous auez trouué
le fer pernicieux instrument de la mort, de la vie humaine,
que cette terre a neantmoins caché bien auant,
comme chose tres-nuisible, & qui ne sort de ses tenebres,
que pour faire mal à l’homme. Ce metail n’est
point le remede à vos maux, c’est à Dieu premierement,
auquel il faut auoir recours, comme estant le premier
ressort de nostre machine, sans lequel les autres
sont immobiles. Mais, apres Dieu, iettez les yeux sur
vostre Roy, sur vostre grand Roy, quoy qu’en bas âge,
vostre Prince naturel, ce Monarque, cét enfant de
Roy, vray Successeur & legitime heritier de la Couronne,
& du courage de LOVIS le Iuste, son
Pere, de glorieuse memoire, venez, & vous auancez,
pour rentrer dans la maison d’où vous estes sortis. Le
Roy vous attend les bras ouuers, pour vous recueillir
comme ses enfans, & les miens ! Que si, par ie ne
sçay quel malheur, vous auez cy-deuant perdu le respect,
& la qualité de vrais & de fidelles enfans, il n’a
pas perdu ce qui estoit de l’amour & de l’affection de
vray pere.

 

Venez donc, & vous approchez, ne craignez point,
l’amitié qui est reconciliée, est plus forte & plus ferme,
que celle qui n’a iamais esté interrompuë, & il n’y a
point de telles caresses, qu’entre amis qui se sont courroucez.

-- 22 --

Venez donc voir vostre Roy, & adorez l’image
viuante en terre du Dieu viuant, qui est au Ciel ; &
pois qu’il est LOVIS XIV. de Dieu donné, rendez-luy
ce qui luy est deu, reuerez sa Couronne, abbaissez-vous
sous la grandeur de son Sceptre, redoutez sa main
de Iustice, & vous mettez à couuert sous son manteau
Royal semé de Fleurs de Lys, marque de sa douceur
Royale, capable non pas seulement de couurir ses enfans
& Sujets, qui se retirent sous son ombre ; mais aussi
les Peuples Estrangers, & les fauoriser de sa protection,
comme ont fait plusieurs fois ses Predecesseurs
les plus grands Princes de la terre. Les Roys de Chypre
ont autrefois demandé cette protectiõ, & l’ont obtenuë.
Les Roys d’Armenie, les Roys de Hierusalem,
ceux de Portugal & de Hongrie, & entre nos voisins,
aucun ne l’a requise, qui en aye esté refusé. Ainsi
ce manteau Royal a seruy comme de retraite à tous
les affligez, & tous les Roys Chrestiens de la terre, s’y
sont mis à l’abry, pour se guarentir des orages qui les
menaçoient. O l’heureux iour, en laquelle on verra
cette aymable reünion du Roy auec ses Sujets, cette
liaison du pere, auec ses enfans ! Concorde toute diuine,
qui ne sera pas si tost logée au sacré Palais de vostre
Roy, qu’elle se communiquera par toutes les Prouinces,
par toutes les Villes, & par toutes les familles de
cét Estat, ainsi que les lignes de leur centre s’en vont à
la circonference, & comme les esprits animaux, vitaux
& raisonnables, sont départis par tout le corps au
moyen du cœur, du foye, & du cerueau.

 

O grand Dieu des Armées, qui tiens dessous tes
pieds la Nature des choses, qui d’vn clain d’œil font
marcher deuant toy la troupe brillante des Astres des
Cieux, qui seul manie les resnes du Destin, & de la
Fortune. Dieu, Roy des Roys, Protecteur des Roys,
Defenseur des Monarchies, & le seul salut des Peuples,

-- 23 --

qui des tenebres fais naistre la lumiere, & qui
du desespoir tire de l’esperance, ouure les yeux de
ta pitié & misericorde, sur cette pauure & desolée
Prouince de Guyenne, & sur ses pauures enfans !
Me voicy deuant le Throne de ta Diuinité, prosternée
en terre, arrousée de mes larmes ; larmes qui me
seruent de paroles, paroles qui tesmoignent bien assez
suffisamment l’excez de mes douleurs, & de mes
cuisantes amertumes. O Dieu ! qui as de telle sorte
chery le Lys, qui est la liurée de la France, son
Symbole, & la gloire de ses Armes, que tu l’as fait
planter deuant ton Temple sur deux belles Colomnes,
& dedans ta saincte Maison en tant de lieux,
mesme en ton sacré Sanctuaire, pour auoir tousiours
cette Fleur presente deuant tes yeux, pour te seruir
comme d’vn parfum agreable, voulant predire à tout
le monde par ce moyen, combien les mœurs des
François, qui deuoient fonder cét Empire, combien
leur pieté, leur Religion, & leur valeur, seroit
de bonne odeur en ton sainct Tabernacle, c’est à dire,
en ton Eglise. Ne permets pas, Roy de gloire,
Grand Maistre des Batailles, Seigneur des Exercices,
que cette Fleur se fane, releue son lustre & sa
beauté fais fleurir parmy les Gascons, mes enfans,
la Iustice & la Pieté, la Religion & l’Estat, la Foy,
la Charité & la Paix. Entreprens, & fais, s’il te plaist,
ce chef d’œuure du Ciel, tu le peux, si tu le veux,
tout t’est facile, ton Sceptre diuin sera le Caducée
qui conduira, induira, & reduira mes enfans à tes
sainctes volontez, & qui fera germer dans leurs ames,
les germes de la bonté.

 

O Dieu, assiste LOVIS XIV. leur Pere, leur
Roy, leur Pasteur, & mon Prince ; assiste-le, & luy
enuoye secours de ton Sainct lieu, afin que comme
Pere, il pacifie ses enfans ; comme Roy, il r’allie ses

-- 24 --

Sujets ; & comme Pasteur, il reünisse ses oüailles
sous la houlette de son Sceptre. Sauue la Fleur de
Lys, sauue la Couronne, sauue le Sceptre de ce
grand Monarque, & soustiens puissamment le bras
de ce Prince mineur : Marche deuant luy, fais voye
à ses iustes desseins, & conduis à bonne fin ces iustes
entreprises ? Sois son Arche d’Alliance, & son
Auriflam, & son Guidon, & fais que tant de millions
d’ames, qui respirent en cette Monarchie, flechissent
toutes sous le ioug tres-agreable de ses Loix ?

 

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1649], LA GVYENNE AVX PIEDS DV ROY, QVI SE PLAINT DE SES ENFANS, ET QVI DEMANDE A SA MAIESTÉ la continuation de la Paix interrompuë. Discours Moral & Politique, qui monstre l’obeyssance que l’on doit aux Roys, & l’obligation à quoy leurs Majestez sont engagées d’aimer, & de conseruer leurs Peuples, dont ils sont les Protecteurs, & les Peres. , françaisRéférence RIM : M0_1536. Cote locale : C_5_34.