Anonyme [1652], LA HARANGVE FAITE AV ROY, PAR LE PLENIPOTENTIAIRE de Venise, à Ponthoise, pour la Paix Generale. , françaisRéférence RIM : M0_1590. Cote locale : B_16_33.
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LA
HARANGVE
FAITE
AV ROY,
PAR LE PLENIPOTENTIAIRE
de Venise, à Ponthoise, pour
la Paix Generale.

A. PARIS,

M. DC. LII.

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HARANGVE FAITE AV
Roy, par le Plenipotentiaire de Venise
à Ponthoise, pour la Paix Generale.

SIRE,

Entre tous les mal-heurs qui se puissent remarquer,
il n’y en a point de plus general que
la guerre, plus cruel fleau que le Ciel puisse enuoyer
aux hommes pour la vengeance de leurs
offenses : & s’il y a Empire sur la Terre qui en ait
puissamment ressenty les funestes effets : c’est
singulierement l’Empire Chrestien qui en a esté
trauaillé en tous ses membres depuis l’année mil
six cens dix-huict, & n’y a Royaume ny Republique
qui se puisse dire en auoir esté exempte.
C’est vn feu Gregeois & consommant qui a embrazé,
consommé & fait voir sa violence en France,
en Allemagne, en Italie, en Espagne, en
Hongrie, en Angleterre, en Dannemarch, en
Flandres, en Lorraine & en Sauoye : en France
par les mouuemens Ciuils qui s’y sont veus au
sujet de ceux de la Religion Caluiniste, contre

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le feu Roy Louys XIII. Pere de vostre Majesté,
qui ont commancé depuis l’an mil six cens vingt,
iusques à l’an mil six cens vingt-neuf, auec perte
d’vn grand nombre d’excellens Capitaines &
soldats. En Allemagne depuis l’année 1618. iusques
à l’année 1648. qui sont trente années consecutiues
sous le regne de trois Empereurs, Mathias,
Ferdinand deuxiéme & Ferdinand troisiéme
qui regne à present ; guerre qui a commancé
par le sousleuement des Estats Protestans du
Royaume de Boheme l’an 1628. contre Mathias
& leur Roy Ferdinand, en laquelle guerre, le
Corps des Protestans d’Allemagne se sont voulus
interesser pour l’abbaissement de la Maison
d’Austriche & l’establissement de leur puissance
en l’Empire, portant le party de Frederic Comte
palatin du Rhin, Electeur de l’Empire, appellé
à la Couronne de Boheme par les Estats du
Païs, contre leur Roy Ferdinand, ayans demandé
à leurs secours Bethleen Gabot Prince de Transsyluannie
& Vassal du Turc, dans laquelle guerre,
la Boheme, la Silesie, la Morande, la haute &
basse Austriche & la Hongrie ont esté ruinées
par les armées des deux partis, le haut & bas Palatinat
pris & rauagé par l’Espagnol & par les
Protestans, guerre qui fut terminée pour la Boheme
par la bataille de Prague l’an 1620. où Frederic
nouueau Roy de Boheme fut défait. Mais

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l’an 1625. la guerre recommança entre l’Empereur
Ferdinand & le Roy de Dannemarch au sujet
de l’inuasion du Palatinat qui dura trois ans,
auec perte de beaucoup de soldats & de Villes,
qui faillit à ruiner le Roy de Dannemarch :
Voyant deux de ses Prouinces prises par Albert
Valstein, en suitte la guerre par toute l’Allemagne
par Gustane Adolphe Roy de Suede, appellé
par les Protestans cõtre l’Empereur Ferdinand,
qui fut la plus cruelle & longue, ayant continué
depuis l’an 1631 iusques à l’an 1648. que la paix
de Munster fut faite, paix que les Espagnols appellent
infame pour la religion, & furent contraints
dans la conjoncture du temps de l’accepter,
quoy qu’elle fut iugée dommageable à la
Religion Catholique. L’Italie n’a point demeuré
en repos : car elle s’est veuë troublée par les
guerres, entre le feu Duc de Sauoye & l’Espagnol :
en celle de l’Espagnol, le Duc de Sauoye
& le Duc de Mantoüe, au sujet de Casal en la
guerre du Pape Vrbain VIII. contre le Duc de
Parme joint auec les Ducs de Toscane & de Modene,
guerre au Royaume de Naples contre le
Roy d’Espagne, aux Pays Bas où la guerre qui s’y
est entretenuë depuis plus de soixante & dix
ans entre l’Espagnol & les Estats de Holande, en
Angleterre par les Parlementaires contre leur
Roy Charles I. qu’ils ont fait honteusement

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mourir, en Lorraine par les armes du pere de vostre
Maiesté contre le Duc Charles, & maintenant
la France entre vostre Majesté & les Princes :
de maniere que si iamais la Chrestienté a eu
besoin de repos, c’est à present qu’elle se void delabrée
& presque ruinée par des guerres de si
longues traittes ; en sorte qu’il luy est comme
impossible de subsister ny de respirer, si ce n’est,
SIRE, que vostre Maiesté se resoude à la Paix
Generale, & qu’elle essuye ce reproche, que la
France seule est cause que la Chrestienté ne jouïsse
se de la paix : & defait, vostre Maiesté considerera,
s’il luy plaist, que si la France fust demeurée
en repos, & eust arresté la longue suitte de tant
de guerres, comme elle pouuoit faire il y a six
ou sept ans : le Turc ennemy commun de la Chrestienté,
n’eust point entrepris la guerre qu’il fait
depuis cinq ou six ans à la Seigneurie de Venise
auec tant d’opiniastreté, comme il a fait voir, se
preuallant des guerres que les Chrestiens s’entrefont,
sçachant bien que les esprits des Princes
estans vlcerez & animez, comme ils sont les vns
contre les autres : ils ne peuuent pas donner les
secours qui serbient necessaires pour deffendre
contre luy l’Estat de la Seigneurie, qui a neantmoins
grand besoin d’estre secourue, & la Chrestienté
grandement interessée d’empescher que
le Turc ne s’en rende Maistre, à moins que de

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voir en suite toute l’Italie vnie à son redoutable Croissant :
ce qu’il eust fait, si Dieu par sa diuine bonté n’eust pris la
deffense de la Seigneurie, & n’eust fortifié la resolution genereuse
qu’elle a monstrée en resistant puissamment à ces
Infidelles, ayant expose en cette fascheuse guerre tout ce
qu’elle auoit de forces & de moyens, sans aucune assistance
considerable des Princes Chrestiens. assez empeschez à
chercher la ruine des vns & des autres : car s’ils eussent esté
vnis ensemble par vne bonne paix & en estat de pouuoir secourir
la Seigneurie de Venise, le Turc se fust bien gardé
de luy declarer la guerre & de la continuer, comment a fait
iusques à present.

 

Sur ces considerations, SIRE, selon les Ordres qui m’ont
esté données par la Seigneurie de Venise, qui a tousiours
tenu pour chose precieuse & honnorable, d’estre alliée de
vostre Maiesté & entretenu en tout temps la bonne amitié
& intelligence auec la France : Supplie vostre Maiesté pour
le repos de ses Peuples & de toute la Chrestienté, de se resoudre
à vne Paix Generale, selon la disposition à laquelle
nous la voyons portée, la Seigneurie y a contribué tout ce
qu’elle a eu de faueur & de credit pour la procurer ferme &
stable, depuis l’Assemblée de Munster iusques à present,
qu’elle continuë encore ses interuentions pour le bien commun
de toute la Chrestienté, laquelle se verra asseurée d’vne
souhaittable tranquilité, lors qu’elle sçaura les deux
Couronnes de France & d’Espagne joüir d’vne bonne paix,
qui est entre vos mains, SIRE, & la pouuez dés à present
accorder, en ce faisant vostre Maiesté fera cesser la guerre
Ciuile qui consomme son Royaume, ronge & deuore ses
entrailles, fer a poser les armes, reparer ses Peuples, ce qui
luy acquera la benediction de Dieu, sera prosperer son regne,
obligera la Chrestienté du calme qu’elle luy procurera,
& cesser cette miserable guerre que le Turc nous fait, auec
asseurance de maintenir les Princes Chrestiens en bonne
vnion : C’est ce que nous nous promettons des pures &

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sainctes intentions de vostre Maiesté, qui témoigne en auoir
la volonté, sans s’arrester aux choses passées qu’elle vent
oublier en preferant le bien de la Paix à toute autre consideration :
ce qui fera que les Princes n’auront plus d’armes que
pour son seruice & à la deffense de son Estat, conspireront
à vne parfaite vnion & émulation à bien faire & maintenir
vostre authorité en sa force, contre qui que ce soit, renonceront
à toutes assotiations, sans plus songer qu’à s’entretenir
auec vostre Maiesté, & luy rendre tous les deuoirs de
seruice & d’obeïssance qu’ils sçauent luy appartenir & qu’ils
croyent estre obligez luy rendre. Cela estant, SIRE, nous
ne tiendrons point nostre entremise pour la Paix inutile ;
au contraire, ce nous sera gloire de voir vn bon succés de
nos voyages & de nos interuentions auprés vostre Maiesté,
puis qu’en cela nous aurons obligé la Chrestienté, outre l’esperance
que la Seigneurie de Venise aura de se voir par cette
Paix, bien-tost deliurée de cette mal-heureuse guerre.

 

FIN.

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