Anonyme [1652], LA HECATOMBE PROPHETIQVE, OV LES CENT CENTVRIES DE DOMPEDRO OLOSO, GENTIL-HOMME VENITIEN, ASTROLOGVE DE LA REPVBLIQVE DE VENIZE. , françaisRéférence RIM : M0_1620. Cote locale : B_13_71.
Section précédent(e)

LA
HECATOMBE
PROPHETIQVE,
OV LES CENT
CENTVRIES DE DOMPEDRO
OLOSO,
GENTIL-HOMME VENITIEN, ASTROLOGVE
DE LA REPVBLIQVE DE VENIZE.

Où l’on recognoistra l’heureuse entreprise de Messieurs les
Princes ; Et la perte du Cardinal Mazarin.

Presenté à son Altesse Royalle.

A PARIS,
Chez LAVRENS LORMEAV, ruë S. Iacques
à la Croix d’Or, deuant S. Benoist.

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

LA HECATOMBE PROPHETICQVE,
où les cent Centuries de Dom Pedro Oloso Gentilhomme
Venitien, Astrologue de la Republique de
Venize ; Où l’on recognoistra l’heureuse entreprise
de Messieurs les Princes, & la perte du Cardinal
Mazarin.

Presenté à son Altesse Royalle.

Premier Centurie.

 


Dieu seul autheur de l’Vniuers,
Pour vn temps permet la souffrance,
Fortuné frappent de reuers,
Pour nous donner congnoissance.

 

II. Centurie.

 


Malheur à luy qui reuient d’auanture,
Ce sauuera du danger qui pourra,
A dieu l’honneur adieu la Prelature,
La voûte en terre bien-tost tombera.

 

III. Centurie.

 


Dedans la cinquiesme dixaine,
Lon verra l’amoureux vinqueur,
Remply d’vne flame diuine,
Requerir la Paix & douceur.

 

-- 4 --

IV. Centurie.

 


Teste portant voûte d’Hereste,
Sera escrazé par les mains,
De celuy qui fait la conqueste,
De l’heritage des Troyens.

 

V. Centurie.

 


Par trop souuent celuy se trompe en luy,
Qui veut iuger l’intention d’autruy,
Et qui ce croit de se faire capable,
Trompé souuent se trouue miserable.

 

VI. Centurie.

 


Oüy le cœur courageux & gros de viue audasse,
De luy mesme sans fer la victoire se trasse,
C’est luy qui tout seul ving & le fer seulement,
Sert a parer aux coups qu’on pousse rudement.

 

VII. Centurie.

 


Celuy là n’aura peur de cõmettre tout vice
Qui ne craint son honneur ny la Iustice,
Qui suit ces passions de qui la liberté,
Ne se veut esclairer de l’aste équité.

 

VIII. Centurie.

 


Non il n’est rien plus doux que le bien que
l’on fait,
Sans nous couster beaucoup a l’amy plus parfait,
Et l’Hospitalité est tousiours agreable,
Puis qu’à l’vn & à l’autre elle se rend fauorable.

 

-- 5 --

IX. Centurie.

 


Ainsi meurt iustement le barbare infidelle,
Qui contra la vertu laschement se rebelle,
Comme fait le coüard qui d’vn courage fier,
Natand pas celuy-la qu’il enuoye deffier.

 

X. Centurie.

 


Mars & l’Amour semblables de nature,
Courent tousiours vne mesme aduenture,
Sont bien-heureux ores en quelques estour,
Ou malheureux aux cours d’vn autre iour.

 

XI. Centurie.

 


Non il ne faut iamais quitter son aduantage,
Espargnant l’ennemi qui deffaut de courage,
Faut poursuiure la pointe & ne reposer point,
Qu’on ne l’ait desarmé & mis au dernier point.

 

XII. Centurie.

 


Car la gloire qu’on trouue aux entrailles
felonnes,
Des mortels ennemis nous vaut milles Couronnes
Nous donne milles honneurs dans le beau
Champs du los,
Que nous allons cueillans au milieu du repos.

 

XIII. Centurie.

 


On court apres la mort, mais lors quelle se
tourne,
Deuers les poursuiuant sa fasse les estonne,
De sorte qu’ils s’en vont & ne craignent rien
tant,

-- 6 --


Que cét horrible front qu’ils alloient souhaittant,

 

Centurie.

 


Ce qui n’est esbranslé des aquillons seuere
Ne le sera iamais des Zephirs debonnaire,
Et le Roc qui resiste aux tonnere du Ciel,
Pourra bien tenir ferme aux feu Materiel.

 

Centurie.

 


Vn ieune courage imdomptable,
Pour quelque escher sera surpris,
Mais sa passience admirable,
Sur tout emportera le pris.

 

Centurie.

 


L’innocence estant reconnuë,
Par la reuolution du temps,
La liberté sera renduë,
A ceux qu’on nommoit malcontemps.

 

Centurie.

 


Qui na point en ses faits de fidelle prudence,
Ne peut auoir aussi d’aucun bien l’assistance,
Et qui ne sçait iuger des mal-heur auenir,
Ne pourra d’aucun heur ses iours entretenir.

 

Centurie.

 


Il n’est point de fureur tant soit elle petite,
En ces affections que nos esprits n’agiste,
Et les viues fureurs nous rauissent a nous,
Pour sur nous exercer l’éfort de leurs couroux.

 

-- 7 --

Centurie.

 


Lors que moins on y songera,
Dans la France naistra vn Prince,
Qui de beaucoup resiouyra,
Les subjects de c’este Prouince.

 

Centurie.

 


Tout acte qui n’est pas garny de la Iustice,
Bien qu’aparant parfait en effet n’est que vice,
Et tout ce qu’on arrasche a laste équité,
Est tout plein de fureur ou plein de cruauté.

 

Centurie.

 


Oüy, il faut opposer le pouuoir a la force,
Affin de l’empescher que fierre elle nous force
Le fer combat le fer, & chacun sans mechef
Peut repousser le traict qui dessand sur son
chef.

 

Centurie.

 


Gardez vous bien muttins,
Des grabuges de France,
Puis que leurs bons destins,
Vous promettent souffrance.

 

Centurie.

 


Non nul ne fust iamais & nul n’est pas encores,
Pareil à *** au bon heur qui l’honores,
Non pas vn ne viura qui luy resemble vn iour
Puis que rien ne resemble a sa gloire & amour,

 

Centurie.

 


Non celuy la assez ne peut estre battu

-- 8 --


De cent calamitez qui combat la vertu,
Qui offense l honneur, & luy mesme ce priue,
Par son cruël peché de son amitié vifue.

 

Centurie.

 


Puis que tout ce qui vist comme serf du
malheur,
N’en sçauroit esviter la picquante douleur,
Faut essayer ces feux & courir son orage,
Qui souuent nous accable en la fleur de nostre
aage.

 

XXVI. Centurie.

 


Ainsi le plus souuent la cruelle finesse,
Fait plus en ces projects que la vifue proüesse,
Et ce braue Heros qui a tout surmonté,
Dans vn traistre fillet est enfin arresté.

 

XXVII. Centurie.

 


Si d’vn cœur genereux la parolle hautaine,
Qui s’adresse a quelqu’vn est vne Loy certaine.
A qui ce sent loüé de sa diuine voix,
Acquiers vn riche honneur qui ne mourra
iamais.

 

Centurie.

 


Mellieurs est le secours durant l’extremité,
Que celuy qui nous vient hors la necessité,
Plus le peril est grand plus riche est la Courõne
Et le bien qui nous oste a sa rage felonne.

 

Centurie.

 


Puis que l’amy parfaict est vn second nous
mesme

-- 9 --


Il faut tout esperer de son amour extresme,
S’attendre tout a luy & croire que nostre heur,
Est son bien plus heureux & son plus riche
honneur.

 

Centurie.

 


Le bon Dieu, le Dieu sainct, le grand Dieu
de Nature,
A de ses bien aimez tousiours soigneuse cure,
Ne les quitte iamais il rencontre tousiours,
En leurs extremitez propisce son secours.

 

Centurie.

 


Il n’est point de douceur qui resemble au
plaisir,
Qu’on a d’auoir a plain le fruit de son desir,
C’est le comble du bien ou nostre esprit aspire,
Et que pour bien parfait nostre vouloir desire.

 

Centurie.

 


Malhureux en celuy qu’ils contẽple l’orage.
Et ne veut l’euiter pour plaire a son courage,
Bien-heureux est celuy qui s’echappe a propos,
Du danger qui vouloit ruiner son repos.

 

Centurie.

 


Tel qui souffre en l’effet du naturel deuoir,
Fidelle & courageux aux hommes se fait voir,
Sa peine a la parfin luy redonde en Couronne,
Et entre mille honneurs le sien diuin fleurõne.

 

Centurie.

 


Oüy le Peuple ignorant admire l’exellence,
Du fait qu’il ne peut faire en sa foible puissance

-- 10 --


S’estonne de le voir car diuin le fait voir,
Tout acte qui surpasse en luy nostre pouuoir.

 

Centurie.

 


Comme le fol amour foulle toute Iustice,
Et rend serues les Loix a sa fiere malice,
Il ne respecte rien que sa crüelle ardeur,
Qui le rend bien souuent de cent crimes l’hauteur.

 

Centurie.

 


Le mal poursuit le bien & le bien l’infortune
Selon qu’il plaits aux vents de la dame fortune
Qui legere incertaine & sans autre arresté,
Gouuerne tout aux cours de sa legereté.

 

Centurie.

 


Heureuse mille fois ce peut proclamer l’ame
Qui parfait son desir hors la frayeur du blame,
Qui n’a point de Toupson que le fier déhonneur,
Tache de ses effets la pudicque candeur.

 

Centurie.

 


Oüy il faut qu’vne force orgueilleuse en sa
force,
Par vn autre pouuoir insollamment s’efforce,
Et tout suiet puissant ne change pas de sort,
Sans sentir la fureur d’vn esclatant effort.

 

Centurie.

 


Que celuy iustement par la peyne perisse,
Qui auoit contre autruy inuentée en son visse,
Et que le mesme fer du meschant ayguisé,
Perce son sein cruël de fureur attisé.

 

-- 11 --

Centurie.

 


S’il qui contre quelqu’vn veut ayguiser sa
l’ame,
Iustement vn resseu, la pointe qui l’entame,
Car iuste est le tourment contre autruy pour
pensé,
Qui nous est sur le chef par autruy relansé.

 

Centurie.

 


Non les ames qu’amour à fermement liez,
Ne peuuent iamais estre au monde desliez,
Il y viuent contents aux fruits de leurs enuie,
Ou d’vn mesme vouloir ils sortent de la vie.

 

Centurie.

 


Son malheur aussi fort que ceste loy diuine,
N’a iamais absenté sa fatalle ruyne,
Il l’a tousiours suyuie & ce l’angoureux sort,
Ne doit comme ie croy le quitter qu’à la mort.

 

Centurie.

 


Oüy la necessité nous ouure le courage,
A porter constemment le suruenu dommage,
Et la prudence agist aux deffaux du pouuoir,
Afin de receuoir les cents en leurs deuoir.

 

Centurie.

 


L’on voit le plus souuent vne cause petite,
Alumer vn grand feu que la fureur excide,
Car le courage ardent semeur a peu de vent,
Et le mortel peril il mesprise souuent.

 

Centurie.

 


On blasme le vaincu a faute de promesse,

-- 12 --


Et non celuy qui l’est par iniuste finesse,
Car l’honneur seullement suit la propre vertu,
Non la desloyauté qui l’asche a combatu.

 

Centurie.

 


Le grand Dieu qui maintient la Iustice Diuine,
Empesche les effets de sa pasle ruyne,
Retient la main du traistre & esmouce son fer,
Ce faisant bien souuent deualler en enfer.

 

Centurie.

 


Les Agneaux tendrelets viuent en asseurãce,
Voyant mourir les loups dans les peynes &
souffrance,
Et la Caille repose aux furieux combat,
Des coqs qu’ils l’ont battuë & fait son esbat.

 

Centurie.

 


L’heure diuerse fois finissoit son desir,
Et de contraire faits il formoit son plaisir,
Mais Dieu brise tousiours du feu de sa tempeste,
Le dessein qui n’est iuste ny saintement hõneste.

 

Centurie.

 


Meurent donc iustemẽt au fort de leurs malice
Ceux qu’ils veuille meurdrir l’innocent par
leurs vice,
Et que leurs propre fer contre iceux ayguisé,
De frapper leurs poitrine ores paroisse vzé.

 

Centurie.

 


Oüy le commencement d’vn ouurage entrepris,
Selon nostre desir resioüys nos esprits,

-- 13 --


Les assure a la fin qui souuent d’ordinaire,
Suit le cõmencement ou mauuais ou prospere.

 

Centurie.

 


C’est nolise d’vn ame ou folle ou mal aprise,
Delaisser imparfaite vne chase emtreprise,
La fin est plus loüable encor que sans heur,
Que son departement pour estre sans honneur.

 

Centurie.

 


Non de deux biens egaux on ne sçait lequel
prendre,
Et de deux maux pareils vers lequel se deffẽdre
On reste iresolu & celuy n’a repos,
Qui n’a rien d’aresté en faits, & en propos.

 

Centurie.

 


Toute chose ce fait encore que dificille,
Par laide du Conseil salutaire & vtille,
Et rien n’est differé qui resoit la raison,
Pour estre de son mal l’heureuse guarison.

 

Centurie.

 


La pluye & esclaire vif sont tesmoings des
tempestes,
Qui roüllent fierement sur nos coupable testes
Et les pleurs & les cris content pareillement,
Les ardeurs qui ont vie en nostre aspre tourment.

 

Centurie.

 


Non il n’est point de mal plus serf du vitupere,
Que celuy qui par nous paroist à la lumiere,

-- 14 --


Et deceller son crime est de sa propre main,
Se liurer au mespris & au blasme inhumain.

 

Centurie.

 


Car nul ne peut marcher és voyes de iustice
Qui porte sur son front escritte sa malice,
Dautant que ceste Dame en punit le forfait,
Et ne veut rien souffrir qui ne soit tout parfait.

 

Centurie.

 


Oüy vn chacun se croit de luy-mesme si sage,
Que na besoing d’autruy d’auis ny de langages
Pour faire ce quel veut & quel repensse en soy,
Conforme au iustes vueil de lequitable loy.

 

Centurie.

 


Celuy la meurt cent fois veuf d’honneur &
de ioye,
Qui ne vit que pour estre à la douleur en proye,
Car la mort n’est point mort ains la vefue douleur,
Qui plus fort que la mort, poinçonne nostre cœur.

 

Centurie.

 


L’on se rid sort de ceux qui faute de prudense
Ce qu’il ont entrepris, ne mettent en éuidense,
Qui demeure sans cœur a poursuiure l’effait,
Qu’ils auoient entrepris pour le rendre parfait.

 

Centurie.

 


Quiconque se resout de courir à la Parque,
N’a plus soucy du mal qui en viuant l’ataque,
Il ne songe qu’à l’heur qu’il esperent trouuer
En ce remede heureux qui desire esprouuer.

 

-- 15 --

Centurie.

 


Comme vn desesperé ne sent pas autre bien
Que viure sans attente & n’esperent plus rien,
Comme il va que se soit à conduire sa vie,
En luy tout seul aussi son attente est rauie.

 

Centurie.

 


S’il veut paruenir aux fins de son courage,
Ne doit rien espargner de propre à son ouurage,
Il faut tout émployer car souuent par hazard,
L’on trouue le remede bien plutost que par l’art.

 

Centurie.

 


L’on ne peut pas crier aux chemin dépandense,
Qui chasse nostre mal & nostre bien aduanse,
Le Conseil est souuent autheur de riche bien,
Qui nous arriue alors que nous n’esperons rien.

 

Centurie.

 


Ouy, l’estat des grands, & leurs gloires Eternelles,
Se maintiennent en bon-heur par leurs subjets fidelles
Viuent en leurs vigueur & le Prince plus fort
Tire de ses sujets son assuré support.

 

Centurie.

 


Si le double mal-heur doublement nous outrage
Vn double coup du Ciel double nostre domage
ces doubles meschefs qui nous vont poursuiuant

-- 16 --


A nous faire perir s’entrenuisent souuent.

 

Centurie.

 


Non en amour rien n’est si necessaire,
Que sçauoir bien desguiser & se taire,
Qui n’a ces deux pour aydes en son fait
Ne peut auoir aucun plaisir parfaict.

 

Centurie.

 


Les plus grands ennemis font la grande Victoire
Et qui vinc peu de cas Remporte peu de Gloire,
La celebre vertu qui vifue ce fait voir,
Aux dificilles faits exerce son pouuoir.

 

Centurie.

 


Bien plus douce est la mort qui tuë nostre peine
Que la vie animée à la mortelle hayne,
Et qui vis pour mourir au fort de la douleur,
Est cruel meurtrier de son heureux bon heur.

 

Centurie.

 


O tres-heureux Combat dont la belle Victoire
Ioyent à lutilité la desirable Gloire,
Qui cõtents nous fait estre au feste de bonheur
Amassant cherement c’est hõnorable honneur.

 

Centurie.

 


Quand nostre esprit conduit du flambeau de
l’Amour,
Court vers la chose aymée & la nuict & le iour
Ne cherche que le bien comme fait hors d’halaine,
Le Cerf chassé des chiens l’agreable Fontaine.

 

-- 17 --

Centurie.

 


Comme l’extremité apparoist furieuse,
Où saoülle de plaisir viuement amoureuse,
Il n’est point de milieu en la necessité,
Et la force forcée oste la liberté.

 

Centurie.

 


Si la grandeur du cœur du vaillant & du sage,
Parfait son action en celle du naufrage,
La valleur ne reluit qu’en l’obscur tenebreux,
Du danger qui paroist effroyable à nos yeux.

 

Centurie.

 


Toute loüange doit pour se estre prisée,
Qui sort d’vne ame iuste, & d’hõneur embrasée
Qui cognoist le merite, & ne le chante pas,
Pour aucun riche bien qui demande icy bas.

 

Centurie.

 


Le seul temperemment de deux choses contraires,
Est heureux aux mortels, & ces faits necessaires
Comme on sent la douleur que pour courtoise
il faut,
De l’haleyne de l’air qui n’est ny froid ny chaut.

 

Centurie.

 


Les esprits ne sont faits que pour estre agistez,
De milles vains desirs & vaisnes volontez,
Et comme ils sont diuins diuins aussi leurs reste
Les diuers mouuements qui sans fin les moleste.

 

-- 18 --

Centurie.

 


Non celuy nerre point qui en son entreprise,
Le seulle verité pour sa conduitte a prise,
Et qui voit deuant luy aux rayons du Soleil,
Ne peut broncher du pied encontre quelques
escüeil.

 

Centurie.

 


Vn homme resolu est tousiours miser able,
Car la diuersité de ses projets l’accable,
Et qui d’vn droit chemin son voyage ne fait,
Et change de sautiers à peines le parfait.

 

Centurie.

 


Si l’homme na plus rien qui le fasse paroistre
Sans la vertu pour guyde & l’honneur pour son
maistre,
Dautant que de ces deux salume le flambeau,
Qui de l’homme honore les iours & le tombeau.

 

Centurie.

 


Oüy celuy meurt heureux qui par la mort
contente,
Et son ardente amour & sa vertu luysante,
Et le tõbeau qu’amour & l’honneur ont parfait,
Ne peut estre du temps iniurieux d’effait.

 

Centurie.

 


Si de trois ennemis vn tout seul combatu,
Suscombe bien souuent de force & de vertu,
Et deux chaisnes pousez sur vn qui les voysine,
Le renuersent aussi & cause sa ruyne.

 

-- 19 --

Centurie.

 


Oüy l’autheur du forfait en merite la peine,
Non celuy qui ne veut que la rendre plus vaine
Et qui deffend autruy pour ce bien ne doit pas,
Participer au sort de son iuste trepas.

 

Centurie.

 


Non l’on ne doit iamais faire reffus de l’aide
De ce qui peut donner a nos trauaux remede,
Faut prendre le secours qui se presente doux,
Qui ne s’esloigne apres trop promptement de
nous.

 

Centurie.

 


Cruëlle destinée quelle fierre semonce,
Puis que sans nul espoir estoit c’este responce,
Dieu qui resoit aduis contraire a son desir,
Resoit l’esloingnemẽt de son plus doux plaisir.

 

Centurie.

 


Ce qui nous est vtille & necessaire,
Nous semble il bien qu aux loix aduersaire,
Car chacun veut imposer a par soy,
A tous effets sa volonté pour loy.

 

Centurie.

 


Tout comme sont diuers les effets de nature,
Diuersement aussi leurs bien fait on procure,
Diuers honneurs nous font diuersement cherir
Et diuerses douleurs cruellement mourir.

 

Centurie.

 


L’on trompe aysement celuy la qui se lie,
A la palle trahyson & point ne se deffie,

-- 20 --


Puis que la deffiance est l’assuré suport,
De nos iours de nos ans contre la fiere mort.

 

Centurie.

 


Oüy les infortunez cherchent a leurs misere
Affin de l endormir quelque bois solitaire,
Quelque triste desert pour n’estre point tirez,
Du penser des trauaux dont ils sont martirez.

 

Centurie.

 


Non bien souuent la voix n’est aux desir s’emblable,
Et le front paroistre quay dont l’ame est miserable,
L’escorce ne resemble a la douleur du fruit,
Que se Soleil dans elle heureusement a cuit.

 

Centurie.

 


Miserable qui vit & qui viuant n’espere,
Que la mort pour tuer sa cruëlle misere,
Miserable qui vit combatant iour & nuit,
L’immortel douleur qui tousiours le poursuit.

 

Centurie.

 


Aussi le plus souuent au cours de nostre vie,
Indignes de tous biens nous rend nostre folye,
Amenent sur nos chefs le celeste couroux,
De tous les souuerains indignez contre nous.

 

Centurie.

 


Les resolus au mal ne demande personne,
Qui de penser au mal promptement les detourne,

-- 21 --


Ils veuillent seuls si rendre & les infortunez,
Veuillent viure en malheur comme mal ils sont
nez.

 

Centurie.

 


Oüy il faut quelque fois disimuler de sorte,
Qu’on n’appersoiuent pas l’horreur qui nous
transporte,
Faut couurir son forfait sinon de passion,
Paroistre aux mortels tout autre d’action.

 

Centurie.

 


Tout est suiet à la mort toute douleur mortelle,
Bien que fiere en rigueur se termine par elle,
Et hors de sentiment de nos humains trauaux,
Sont les corps enchassez aux funestes tombeaux.

 

Centurie.

 


En vain celuy va contre le destin,
Qui dit de l’vn voulant faire de l’autre,
En vain fait il le meschant & mutin,
On le connoist pour vn treisiesme Apostre.

 

Centurie.

 


Quand l’on contera soixante & vnze & trois,
Vn cas subtil l’on verra admirable,
D’vn fauory vn grand Roy fera choix,
En l’esleuant aux charges honorable.

 

Centurie.

 


De peu parler quelques fois il est temps,
Car trop parler souuent porte nuissance,

-- 22 --


Pour se subjet quelque vns malcontants,
Se pourront voir dans la peine & souffrance.

 

Centurie.

 


La fortune les armes & le jeu,
L’inconstance & la faueur petite,
Se rencontrants ensemble en vn lieu,
Pourront joüer au double ou au quitte.

 

Centurie.

 


Vn fatigué voulant prendre repos,
Et raconter ses vaillantes & proüesse,
Est menassé d’aller voir a tropos,
Par le poison aux fierre hardiesse.

 

Centurie.

 


Quinze & vnze ensemble jointe a deux,
Mars & Venus seront surpris ensemble,
Leurs partie finie & leurs jeux,
L’on pourra voir & leurs couroux qui tremble.

 

Centurie.

 


Par trop bouffi il vouloit menasser,
Cest innoçant sans aucune malice,
Ne croyant pas que Dieu peut terrasser,
Les incenssez qui vse d’artifice.

 

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1652], LA HECATOMBE PROPHETIQVE, OV LES CENT CENTVRIES DE DOMPEDRO OLOSO, GENTIL-HOMME VENITIEN, ASTROLOGVE DE LA REPVBLIQVE DE VENIZE. , françaisRéférence RIM : M0_1620. Cote locale : B_13_71.