Anonyme [1649], LA IOYE CELESTE PAR L’APPARITION D’VNE NOVVELLE ESTOILLE SVR LA VILLE DE PARIS : AVEC L’EXPLICATION DE ce qu’elle signifie. , français, latinRéférence RIM : M0_1737. Cote locale : C_5_67.
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LA IOYE CELESTE PAR L’APPARITION
d’vne nouuelle Estoille sur la ville de Paris :
Auec l’explication de ce qu’elle signifie.

IL n’y a que les aueugles qui puissent nier qu’il [1 lettre ill.]ait
les Astres, & toutesfois ils en ressentent les effets,
quoy qu’ils ne iouyssent pas de leur veuë, & tout ce
qui est en la nature participe à leurs influences, Il n’est
pas besoin d’auoir vne connoissance particuliere, pour
sçauoir quel est l’effet de la chaleur du Soleil sur les
Meteores, sur les pierres ; sur les metaux, sur les plantes,
en vn mot & sur ce qui a vie & sur ce qui n’en a pas.
Ce n’est point pour donner du credit à ma science que
i’auance ces choses, les plus incredules aussi bien que
les plus grossiers demeurent d’accord de toutes ces veritez.
Ce sont des effets naturels des Astres, & si les Cõciles
apres plusieurs grands Peres de l’Eglise tant de la
Grecque que de la Latine ont fulminé contre l’Astrologie,
il est tres-certain que ce n’a esté que contre celle
qui ne leur attribuë que des effets qu’on ne leur peut
dénier sans iniustice. On ne doute pas que de temps en
temps on ayt veu dans les Cours des Monarques de
ces diseurs de bonnes fortunes, qui pour faire valoir
les faussetez qu’ils debitent à prix d’argent ; donnent
plus de pouuoir aux Astres que Dieu ne leur en a
communiqué. C’est auec beaucoup de raison que les
loix Romaines ont decerné des supplices contre ces vagabonds,
& que les Papes ont pris en main la foudre du

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Vatican. Quelque profession que ie fasse de cette sciẽce,
i’ay tousiours creu qu’elle auoit des bornes tres-étroittes,
puis que mesme il, se trouue tant d’opinions
differentes touchant ses principes.

 

Ie pourrois rapporter icy les opinions differentes
des anciens touchant le nombre des Cieux, & peut-estre
que la lecture n’en sera pas sans vtilité, si ce n’estoit
que ie me suis proposé de vous parler seulement
de cette Estoille qui se voit depuis peu de iours sur la
ville de Paris, & qui a causé tant d’opinions diuerses
dans les esprits. Toutesfois ie pense qu’il me sera permis
de donner quelque chose aux desirs d’vn de mes
amis touchant les diuers sentimens des vieux & des
modernes sur le nombre des Cieux. Ie scay qu’vn bel
esprit qui professe encore tous les iours auec tres-grãde
reputation sur ce fameux Theatre de la Ville de Paris,
en parle de la sorte. Il ne faut pas demander combien
il y a de Cieux, puis qu’il est impossible de le scauoir,
c’est pourquoy il suffit de dire qu’on peut admettre
onze Cieux pour accorder les apparences. Quant
à moy, ie vous aduouë que ie defere tant aux sentimẽs
d’vn grand homme, que ie me contenterois de cette
opinion, qui de toutes est la plus probable. Plusieurs
entre les plus anciens n’en admettent que neuf, d’autres
huit, & d’autres n’en contẽt que trois. Que si nous
nous en rapportons à Xenocrate, nous asseurerons
qu’il n’y en a qu’vn. Ie pourrois dire quelque chose de
leurs mouuemens où il n’y a rien de plus certain qu’ẽ
leur nombre, ce qui fait bien voir qu’il y a peu de certitude
en tout ce qu’on nous raconte des merueilles de

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l’Astrologie. Cependant il faut que l’on auouë qu’il y
a plusieurs choses chez elle qui sont tres-infaillibles,
comme de predire les Eclypses, les Comettes & les autres
choses de cette nature. Il y a long temps que i’auois
predit lors mesme que i’estois loin de cette ville
qui m’a veu naistre, qu’vne estoille seroit veuë en plein
Midy le 31. du mois d’Aoust : le 1. le 2. & le 3. iour de Septembre.
Ces apparitions ont quelque chose de merueilleux
entant qu’elles sont tres rares, & pour moy,
ie me figure que ie pourrois dire de cette Estoille ce
qu’vn excellent Poëte Latin a dit sur celle qui apparut
aux Mages ce que ie puis attribuer à mon Prince :

 

 


Ecce nouum placido consurgit sydus Olympo
Prouocat antiquas æmula flamma faces.
Non sat erant pleno tot condita lumina cœlo ?
Cur stellæ sedes debuit esse nouæ,
Principem nostrum Polus actus amore, velvno
Vt melius videat, crescere vult oculo.

 

Il est tres-certain, dis-je, que c’est vn nouueau feu
qui s’allume dans le Ciel pour deuancer celuy qui est
le signe de nostre ioye apres le retour de leurs Majestez
en cette ville. Nous n’auons rien qui puisse mieux
tesmoigner nos plaisirs, & quelques marques qui éclatent.
elles sont infiniment au dessous de ce que nous
ressentons dedans le cœur. Les vœux que nous formõs
secrettement pour vous, ô mon Prince, sont bien d’vne
autre efficace que tous ces signes de resiouyssance que
les Sages meslez confusement auec le peuple ont fait

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paroistre à vostre retour. C’est en desemblables rencontres
que les Philosophes les plus serieux se relaschent
auec le reste de vos sujets quand il s’agit de
faire voir aux yeux des Princes l’aise que l’on reçoit par
sa presence. Il est tres certain, ô grand Roy, que le Ciel
par l’apparition de cet Astre prend part à nostre ioye,
& que c’est vn flambeau qu’il allume pour éclairer vostre
triomphe, & qui aduertit vos peuples du culte
qu’ils vous doiuent rendre apres celuy qu’ils doiuent à
Dieu le croy qu’il me sera permis de leur dire en cette
conioncture ce que dit iadis vn excellent Poëte
aux Romains vostre felicité se conseruera par la continuation
de vostre pieté enuers Dieu, & de vostre soumission
& fidelité enuers le Prince. Le mespris de la
Religion a esté vne des causes de tous les malheurs
qui ont fait gemir l’Italie. Les aduis qu’il donne à ce
peuple qui de luy mesme estoit assez religieux, puis
qu’on remarque que des ceremonies publiques ont
esté recommencées à diuerses fois pour le moindre
scrupule que l’on formoit, peuuent estre communiquées
à vos vassaux. Quant à la fidelité qui est si necessaire
à la conseruation des Empires, il est tres-certain
qu’elle se conserue glorieusement dans le cœur de vos
sujets & que vous pouuez iustement dire que si vous
les aimez qu’ils vous cherissent & qu’ils vous reuerent.
Cette Estoille qui ose paroistre en plein Midy vous
vient faire la Cour, ô mon cher Monarque, & quoy
qu’elle nous oblige de leuer les yeux au Ciel pour la
contempler nous pouuons dire que nous ne la regar
dons que comme vne chose extraordinaire, & que

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comme vn nouuel œil que le Ciel a pris pour vous considerer
comme son rare chef d’œuure. Partant nous
nous sentons forcez à vous benir à tous momens par
des acclamations publiques, & à dire sans relasche :
Viue le Roy, Viue le Roy.

 

FIN.

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