Anonyme [1649], LA MERCVRIADE, OV L’ADIOVRNEMENT PERSONNEL enuoyé à Mazarin PAR LE CARDINAL DE RICHELIEV. En Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2456. Cote locale : C_4_55.
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LA MERCVRIADE,
OV
L’ADIOVRNEMENT PERSONNEL
enuoyé à Mazarin
PAR LE CARDINAL
DE
RICHELIEV.

En Vers Burlesques.

M. DC. XLIX.

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LA MERCVRIADE,
OV
L’ADIOVRNEMENT PERSONNEL
enuoyé à Mazarin par le
Cardinal de Richelieu.

En Vers Burlesques.

 


Mercure le Macreau des Dieux
Descendant vn iour dans ces lieux
Pour y faire vn macquerellage,
Comme il apperceut mon visage,
Il fut grandement outragé
De me voir si palle & changé,
Se souuenant que dans la France
I’auois eu meilleure apparance.
Ah ! me dit, cher Richelieu
Qui t’a mis en ce triste lieu,
Puisque ie t’ay veu dans le monde
Maistre de la terre & de l’onde,
Et mesme que tu commandois
Sur les peuples & sur les Rois.
Qu’oy l’amitié d’vn grand Monarque
Qui sembloit oster à la Parque
Le pouuoir qu’elle auoit sur toy,
Qu’en la faueur de ce grand Roy,
Ny ce Cardinalat insigne
Qui te fit si grand & si digne,
Toutes ces belles qualitez,

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Toutes ces riches vanitez,
Cette pourpre & cette thiarre,
Ta doctrine qui fut si rare,
Ton esprit qui fut si subtil,
Qu’il a tousiours seruy d’outil
Pour chercher de nouuelles ruses,
Pour trouuer par tout des excuses,
Pour tromper le Peuple & le Roy,
Pour faire que tout vint à toy,
Ce grand bastiment de Sorbone
Pour qui tout le monde s’estonne,
Tant de villes, tant de citez,
Tant de lieux qui sont frequentez
Par ton art & ton industrie,
Tant de Ss. que pour toy l’on prie,
Sont-ils pas assez specieux
Pour t’enleuer dedans les Cieux,
Sans te laisser en ces lieux sombres,
Où l’on ne void rien que des ombres.
Pour moy doncque ie ne sçay pas
Où doit estre apres son trespas
Mazarin ce Ministre infame,
Ce meschant pour qui l’on te blâme,
De l’auoir instruit à fourber
Ce Prelat qui fait tout courber,
Et dont la mauuaise entreprise
Ne tient rien d’vn homme d’Eglise.
Entendant Mercure parler
Mon cœur commença de trembler,
Et voyant dans ma conscience
Que ie causois ce mal en France,
I’eusse desiré pour beaucoup :
De n’auoir fait ce lasche coup
Ie priay donc alors Mercure
De me dire vostre nature,
Vostre art, & vostre procedé,

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Ce qu’il m’eut bientost accordé.
Vrayment, ce dit-il, c’est grand honte
Qu’vn homme fasse peu de compte
De la nature & de ses loys,
Et qu’il mette tout aux abbois
Sans gardes ny droit ny iustice,
Et de faire par sa malice
Que les Peuples soient mutinez,
Et par ce moyen ruinez,
Que les bons ayent des allarmes,
Que les meschans prennent les armes,
Non pas tant pour se maintenir,
Pour se d fendre & se munir
Que pour le vol & le pillage,
Qu’on ne parle que de carnage,
D’assassins, de violemens,
Sans espargner les ornemens
De l’Eglige, ny les calices,
Laschant la bride à tous les vices.
C’est tout ce que Mazarin fait,
Et pour augmenter son forfait,
Il a fait si bien que la Reyne
Ne peut plus estre Souueraine,
Qu’on ne paye plus les tribus,
Et par vn detestable abus,
Il la possede en telle sorte,
Qu’elle est comme vne Reyne morte
Qui ne sçauroit agir sans luy,
Que si vous voyez auiourd’huy
Le beau renom de cette Dame
On l’estime comme vn infâme,
On l’iniurie librement,
On en parle diuersement
Dans les maisons & dans la place,
Chez les grands, chez la populace,

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De telle sorte qu’on en dit
Ce que iamais elle ne fit,
Et dont seulement sa pensée
Ne se vid iamais offensée.
Medisance que tu peux bien
Faire beaucoup auecque rien
Quand tu veux mouuoir vne langue
Tu conduis si bien sa harangue
Qu’on iureroit à son serment
Qu’elle dit veritablement.
Virgile a fait par sa menée
Coucher Didon auec Enée
Bien que cette Reyne iamais
Ne l’ait receu dans son Palais,
Ne viuant pas dans vn mesme aage.
Ie te diray bien dauantage,
Ce Mazarin est si coquin,
Si sompteux & si faquin,
Il a tellement l’impudence
Qu’au lieu d’apporter à la France
Vne Paix qu’on luy veut donner
Comme ne voulant ordonner
Que ce qui luy est fauorable,
Il tient le peuple miserable
L’exposant tousiours au danger
Que fait le soldat estrangers.
Vrayment, dis-je alors à Mercure,
C’est vser d’vne procedure.
Dont l’iniquité me fait voir
Qu’il manque bien à son deuoir,
Car bien que i’aye fait la trace
D’vne si fascheuse disgrace,
Et que i’aye donné suiet
Aux armes, pourtant mon proiet
Estoit bien d’vne autre maniere.

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I’en sçay bien la cause permiere,
Dit Mercure, il estoit raison
De sortir hors de sa maison
Pour faire de belles conquestes
Qui pourtant ont cousté des testes.
Mais pour acheuer mon discours,
Sont-ce pas là de lasches tours,
Voyant vn Peuple qui respire
De viure sous vn doux Empire,
De luy causer tant de trauaux,
Tant de pertes & tant de maux,
Ne pas asseurer les frontieres,
Perdre les Prouinces entieres,
Mescontenter tous les François,
Faire craindre tous les Bourgeois,
Faire piller Bourg & Village,
Menacer Paris du carnage,
Sont ce pas là des actions
Pour faire dire aux nations,
Qu’on fit vne grande folie,
De prendre en France l’Italie
Pour gouuerner & pour regir :
Les François en deuroient rougir,
Et ie ne sçay comme ils permettent
Que tant de fraudes se commettent.
Il est vray, respondit ce au Dieu,
L’on n’a iamais veu Richelieu
Mettre le trouble dans la France,
Car dittes-moy, qu’elle apparence
Que moy qui suis né bon François
L’eusse reduite à ces abbois,
I’auois vn peu trop de courage
Pour luy faire vn si grand outrage,
Et pour monstrer apres ma mort
Que ie voudrois vanger son tort,

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Ie vous vay faire vne priere,
S’il vous plaist de le vouloir faire,
C’est de le trouuer à l’escart
Et de luy dire de ma part,
Mazarin, Richelieu te mande
Que si bien-tost tu ne ramende,
Si dans peu tu ne veux changer,
Il se resout de se vanger,
Car comme estant sa creature
Tu deurois par droit de nature
Ne luy faire vn si grand affront
Qu’il aura tousiours sur le front.
Ce n’estoit pas là sa pensée,
Que la France en fust offensée
Quand il te mit dedans la main
Le moyen de manger du pain.
Que si tu ne veux pas mieux faire,
Tu dois songer à ton affaire,
Car au plus profond des enfers
Il te fait apprester des fers,
Qui te feront bien peur aux fesses,
Ameine auec toy tes Nieces,
Affin que tous ensemblement
Vous ayez vn mesme tourment.
Allons vistement que l’on vuide,
Moy mesme ie seray ton guide,
Car à te voir ie sçay fort bien
Que tu ne vaudras iamais rien.

 

FIN.

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