Anonyme [1652], LA METAMORPHOSE DE MAZARIN, EN LA FIGVRE DV DRAGON NOSTRE-DAME. EN VERS BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_2463. Cote locale : B_13_40.
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LA
METAMORPHOSE
DE
MAZARIN,
EN LA FIGVRE
DV DRAGON
NOSTRE-DAME.

EN VERS BVRLESQVE.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LA METAMORPHOSE
de Mazarin, en la figure du Dragon
Nostre-Dame.

En Vers Burlesque.

 


PEVPLE à mes vers prestez l’oreille,
Ie vay vous dire vne merueille,
Qui vous rendra le siecle d’or,
Merueille qui n’est pas encor ;
Mais merueille, enfin qui doit estre,
Et dont vous auez veu paroistre,
N’aguere le signe euident,
Que ie descriray cependant.

 

 


Vous auez veu parmy la ruë,
Ce Dragon à teste bouruë ;
Ce Dragon qu’au bout d’vn Epieu,
Belle Procession de Dieu,
Fait porter vn superbe monstre :
A quiconque vient à l’encontre.

 

 


Ce Dragon aussi gros qu’vn bœuf,
Qui chaque œil à gros comme vn œuf :

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Oeil qui comme vn charbon est rouge,
Et qui dans sa place ne bouge,
Au lieu qu’excittant mointe vois,
La gueule il en trouuer par fois,
Et tire vne langue effroyable,
Que l’on croiroit celle d’vn Diable,
Qui fait crier à maint gredin,
Au Mazarin, au Mazarin.

 

 


Ce Dragon dis-je, qui la queuë,
A verte, rouge, iaune & bleuë :
Auec trente replis diuers :
Et qui le corps à iaune & pers,
Auec vn ventre de harpie,
Signe d’vn animal impie,
Ayant les griffes d’vn oiseau,
Mais d’vn oiseau qui n’est pas beau,
I’entens d’vn sale oiseau de proye ?
Bref à le voir on à grand ioye,
Le voyant qui tourne souuent,
Ainsi qu’vn nauire à tout vent,
Qui le corps à semé d’escailles,
Non de plumes, comme les Cailles,
Et qui monstre par tout Paris,
Ses Aisles de chauuesouris,
Sans parler icy de la creste,
Qui sert de Couronne à sa teste :
Vous l’aués veu ? car c’est enfin,
Vn spectacle vrayment badin,

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Vn spectacle à creuer de rire,
Qui me donne suiet de dire,
Que comme cét oiseau poisson,
Fut certes vn mauuais garçon :
Qui deuoroit garçons & filles,
Les beaux Messieurs comme les drilles,
Les coëffes, & les chaperons,
Les belles, & les laiderons,
Les lubriques comme les sages,
Les Escuyers comme les Pages,
Les Pages comme les Laquais,
Dont il faisoit ses entremets :
Sans espargner mesme les cales,
Des illustres Reynes des halles,
Gobant aussi dans le besoin,
Les courtisans du port-au-foin :
Comme tel il est la peinture,
De la Mazarine figure :
Qui processionnellement,
Marchant vn iour pareillement,
Se verra de mesme couruë,
Des petits garçons par la ruë,
Faisant dire comme autrefois
Mazarin iettant feu gregeois
Auec ses brutales cohortes :
Causoit meurtres de toutes sortes,
Pilloit Sevres, Meudon, S. Clou,
Ez plus affreus qu’vn loup garou,

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Se rendoit par tout redoutable,
Et se monstroit vn maistre Diable,
Suiuy de Diables incarnez,
Et comme luy de vrays damnez.
Ouy : le temps viendra que l’infame,
Au lieu du Dragon Nostre-Dame,
Par toute la grande Cité,
En triomphe sera porté :
Et que suiuy de mainte aumusse,
Sous qui le scrupule se musse,
Il passera pour vn Dragon,
A face de demogorgon,
Exposant sa vile carcasse,
Qui lors fera mainte laide grimasse,
Et qui fera crier sans fin,
Au Mazarin, au Mazarin :
Or quel plaisir de voir ce drolle,
Aprez auoir ioüé son roolle,
Auprez de nostre Potentat,
Reduit en si piteux estat :
De le voir dedaigné des Reynes,
Qui deuant luy faisans les vaines,
Le rebutteront fierement,
Comme n’estant plus l’instrument,
D’vne amoureuse confidence,
Dieux ie ry dé-ja quand i’y pense,
Le croyant voir tel qu’en effect,
M’a paru ce Dragon infect,

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Le Dragon dis-je Nostre-Dame
Duquel ie chante icy la game,
Dragon effroyable, hydeux ;
Assez grand pour en faire deux.

 

 


Disons vn mot de son histoire :
Saint Marcel en ait la victoire,
Et m’eist ce Mazarin à bas :
Que cela soit ou ne soit pas,
La chose passe pour certaine ;
Et dessus les bords de la Seyne,
Ce Dragon aux fiers appetits,
Mangeoit dit-on Grands & petits,
De tous enfin faisoit vendange,
Et mesmes sur le Pont au Change,
Les alloit prendre en plain midy :
Le coup certes fut bien hardy,
Sainct Marcel auec son estolle,
Saisis incontinent le drolle,
Et feist vn tel coup de sa main,
Que feist autresfois sainct Romain,
Lors qu’il deconfit la Gargoüille,
Dont on voit encor la dépoüille,
A Nostre-Dame de Rouen,
Qui de rouë exempte chaque-an
Vn Braue, à qui grace est offerte,
A cause qu’à leuer la fierte,
Ce Meurtrier à force d’Amis,
Est fauorablement admis,

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Or cette Gargoüille subtile,
En mangeoit tant que tout les mille,
Et de la Forest tous les iours,
Passoit dans la Ville & Faux-bourgs,
Où Dieu sçait si la Lauandiere,
N’estoit pas aussi-tost en biere,
Et comme vn infame escueil,
Passoit dans vn viuant œcueil,
Se trouuant soudain dans le centre,
Du plus abominable ventre,
Que iamais nature ait produit.

 

 


Mais n’en faisons point tant de bruit,
Puis qu’il est certain que la Seyne,
Dans l’vne ny dans l’autre plaine,
Prés de Rouën & de Paris,
Ou tant de corps furent meurtris,
Ne veid oncques rien de semblable,
A ce que fait ce maistre Diable,
Ie veux dire ce Loup Marin,
Surnommé Iules Mazarin,
Esprit ne le sçauroit comprendre.
Oreille ne sçauroit l’entendre,
Langue ne sçauroit l’exprimer,
Et si ne sont contes en l’air,
Comme l’on dit coquecigruë,
Mais des veritez recogneuës,
Touchant les forts qu’il nous a faits,

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Par d’abominable forfaits,
Et d’effroiables Sacrileges,
Plus grand qu’en la guerre des Neiges !
Autrement guerre de Paris,
Ne feist ce proscrit des proscrits.

 

 


Lycaon onc n’eut tant de rage,
Cacus ne feist pareil rauage
Les Phalaris & les Nerons,
A luy comparez furent bons,
Puisque Neron ne pilla Rome,
Comme ce Tyran nous consomme,
Et s’il la brula par depit,
Du sien apres il la refeit,
Enfin ce fut Ieu de Ieunesse ?
Mais pour cecy, par Dieu Ieune n’est-ce,
Puisque Paris manque de pain,
Qu’on porte tout à sainct Germain,
Ou le Dragon fait sa retraitte,
Sans qu’il arriue icy charrette,
De ce costé là, ny batteau,
Ny du costé de Loniumeau,
D’où Sortent ses noires furies,
Qui font par tout cent voleries,
Sans qu’il espargnent Villageois,
Noble Marchant Prestre ou Bourgeois,
Manant passant fille, ny femme,
Bauolet Damoiselle ou Dame,
Dont ils font suiuant leur desir,

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Car tel du chef est le plaisir,
De leur Chef qui creue de rire,
Quand quelqu’vn des siẽs luy vient dire
Que quelque poste est detroussé,
Ou quelque riche Bourg forcé.
Bref, oncques ne fut pareille peste,
Ny qui plus la terre deteste,
Ny dont quelque suite qu’il eust,
Le meurtre dauantage pleust.

 

 


Cependant qui sera l’Hercule,
Qui defera le monstre Iule ?
Serace le Prelat du lieu ?
Ha ! n’en disons mot de par Dieu,
Puis qu’il est amy de la beste,
Et comme elle leue la creste.

 

 


Non, ce sera vous grand Condé,
De vostre vertu Secondé,
Ce sera vous Prince inuincible,
Prince à nos maux vrayement sensible,
De nostre siecle le Cæsar,
Qui vous souuenant que de Bar,
Par ses Ordres vous tint en cage,
Vangerés sur luy cét outrage.

 

 


Sus auancez donc hardiment,
Sçachant que comme vn Regiment,
Tout vn grand Peuple à vostre suitte,
Marchera sous vostre conduitte,
Et si vous tuez le Dragon,

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Contre les autres tiendra bon,
En fera cruelle vandange,
Et leur sçaura rendre le change,
Sans se lasser de les meurtrir.
Courez donc, pour nous secourir,
A sainct Germain la droitte voie,
Disons Amen, que Dieu L’octroye.

 

FIN.

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