Anonyme [1652], BALADES SERVANT A L’HISTOIRE DES TROVBLES ADVENVS EN BERRY. , françaisRéférence RIM : M0_569. Cote locale : E_1_119.
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BALADES
SERVANT A L’HISTOIRE
DES TROVBLES ADVENVS
EN BERRY.

A PARIS,

M. DC. LII.

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BALADES
SERVANT A L’HISTOIRE
DES TROVBLES ADVENVS
EN BERRY.

SVR L’ARRIVÉE DE MONSIEVR
le Prince à Bourges, au mois
de Septembre 1651.

 


LORS que le Grand Condé de Paris s’absenta,
Et ne voulut pas estre à la Majorité,
Il craignit iustement d’estre encore arresté
Et sa prudence, ainsi, ce malheur éuita.
Bourges fut son Azyle, ou chacun protesta,
Qu’il s’estimoit heureux de suiure son party ;
On promit d’obeïr au Prince de Conty,
D’abord on s’engagea sans reserue & presto
Alors pour son seruice on auroit combattu
Mais la chance tourna, ie ne sçay quo fato
Et la necessité fit ceder la vertu.

 

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D’vn zele si feruent Condé se contenta,
Et comme on luy promit toute fidellité,
Croyant qu’on se tiendroit dans cette fermeté,
Dessus ce bel espoir ses desseins projetta ;
Il part fort satisfait, le Bourgeois l’escorta,
Qui d’auoir tant promis fut bien-tost repenty ;
Il estoit pour la guerre assez mal assorty,
Ses murs tous démolis, & sans parapetto,
Peu de pou[2 lettres ill.]re & de plomb, & peu de bled battu
Luy fit apprehender de se voir sus peto,
Et la necessité fit ceder la vertu.

 

 


Le Maire, à ce qu’on dit, en secret concerta
D’enuoyer promptement deuers sa Majesté
Pour luy representer l’estat de la Cité,
Ce qu’estant découuert, Conty s’en irrita,
L’enuoya prisonnier, & contre luy pesta,
Il crût par ce moyen le complot diuerty.
Cependant le Roy vient par d’autres aduerty,
On attend cét honneur, con grande respetto,
Les Princes pour rempart n’ayant pas vn festu,
De peur d’estre supris, délogent snbito,
Et la necessité fit ceder la vertu.

 

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ENVOY A MONSEIGNEVR
le Prince.

 


PRINCE de qui le nom a si loin retenty,
Dont tant de Mazarins ont le bras ressenty,
Au lieu de nous haïr, ayez en memento
Que l’impuissance auoit nostre cœur abbatu,
Nous n’auons pas manqué de vouloir profecto,
Mais la necessité fit ceder la vertu.

 

AVTRE BALADE.
SVR LA DEMOLITION DE LA
grosse Tour de Bourges.

 


BOVRGES, la Grosse Tour n’est plus ton gouuernail,
Dans ses plus noirs cachots elle admit le Soleil
Depuis que l’on commence à la vendre en destail,
Nous verrons quelque iour si c’est par bon conseil ;
A la faire saulter on eut bien du trauail,
Mais elle causa plus de pleurs & de babil
Lors que laschant vn pet plus tonnant qu’vn fusil,
Elle fut assommer gens d’vt, re, mi, fa, sol,
Et d’autres dont on n’a fait encor le calcul,
Cela n’empesche pas qu’on ne chante en bemol
Nostre grosse Pucelle en a bien dans le cul.

 

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Quand pour la renuerser on eut fait l’attirail
Plusieurs sont accourus à ce grand appareil,
S’y trouuerent surpris comme dans vn tramail,
Et là furent blessez plus de gens qu’à Corbeil :
Si ce gros Coulombier seruoit d’espouuentail,
Il sera maintenant vn clappier à conil
Fort propre à retirer quelque Poisson d’Auril,
Il fit prendre autresfois nostre ville par dol,
Aussi chacun s’en mocque, & ie ne cognois nul,
Qui ne chante d’vn ton, ou doux, ou graue, ou mol,
Nostre grosse Pucelle en a bien dans le cul.

 

 


Elle ne verra plus ses foudres de métail,
Qui la nuict quelquesfois troublent nostre sommeil,
Et dont l’air agité, plus que d’vn éuentail,
A de mainte Pucelle esmeu le teint vermeil,
Elle a fait peur à tel, de qui le souspirail,
Se fust bien aysement bouché d’vn grain de mil,
Quel que soit son autheur, Romain, Goth, Espagnol,
Roy, Maire du Palais, Empereur, ou Consul,
Sans respecter son nom qui n’a pas eu grand vol,
Nostre grosse Pucelle en a bien dans le cul.

 

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Enuoy à quelque Balafré.

 


VOVS que la grosse Tour à rendu torticol,
Qui vous estes deffait de Francs ou d’escus sol,
Pour guerir d’vne pierre autre que le calcul,
Vostre chef ne peut plus faire le girasol ;
Si vous en auez mal au siege du licol
Nostre grosse Pucelle en a bien dans le cul.

 

BALLADE SVR LA REDDITION
de Montrond le I. Septembre 1652.

 


QV’ON ne s’estonne pas si Montrond capitule,
Ses braues deffenseurs n’en seront point blasmez
Ils ne craignent pas tant les gens du Seigneur Iulle,
Mais apres le long-temps qu’on les tient enfermez,
Apres qu’ils se sont veus au point d’estre affamez,
Et de ne pouuoir plus cette place deffendre ;
Apres s’estre battus mieux que l’on n’auroit creu,
A l’accommodement ils sont contraincts d’entendre,
Enfin le temps à fait ce que Mars n’auroit peu.

 

 


La rigueur de l’hyuer, l’ardente canicule ;
La pluye & les broüillards souuent en l’air formez
Donnoient aux assiegeans vn espoir ridicule
De voir leurs ennemis de fatigue opprimez :
Les foudroyans canons, l’effort des gens armez,

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Les mines qui mettoient tous les dehors en cendre,
Iamais des assiegez n’ont la constance esmeu ;
Tout le camp fremissoit en les voyant descendre,
Enfin le temps à fait ce que Mars n’auroit peu.

 

 


Il faut pourtant ceder, c’est en vain qu’on recule,
Ils n’ont pouldre ny plomb, leurs bleds sont consommez,
Le secours vient à tard, sa force est comme nulle,
Et dans l’extremité ces frondeurs renommez,
Vont sortir glorieux sans estre desarmez :
S’ils ont versé du sang, ce n’est pas sans le vendre,
Le Soldat Mazarin s’en est bien apperceu,
Mais les voila dehors, ne pouuant plus attendre,
Enfin le temps à fait ce que Mars n’auroit peu.

 

ENVOY A MONSEIGNEVR
le Prince.

 


PRINCE de qui l’abord eut surpris Alexandre
A la haute valeur Persan peut bien pretendre,
S’il eut vn peu plustost quelque secours receu,
Palluau ne l’eut iamais obligé de se rendre,
Enfin le temps à fait ce que Mars n’auroit peu.

 

FIN.

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