Anonyme [1649], LA METAMORPHOSE MORALE, OV L’HEVREVX CHANGEMENT DE NOS FORTVNES. Par la Prudence de Nosseigneurs de Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_2464. Cote locale : A_6_11.
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LA
METAMORPHOSE
MORALE,
OV
L’HEVREVX
CHANGEMENT
DE NOS FORTVNES.

Par la Prudence de Nosseigneurs
de Parlement.

A PARIS,
Chez la Veufve d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse
aux trois Cramailleres. 1649.

AVEC PERMISSION.

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LA METAMORPHOSE
MORALE,
Où l’heureux changement de nos Fortunes.

TOVTES les vertus ne sont pas necessaires
pour la conseruation des Estats, & la societé
de la Republique ; les speculatifs se
sont autresfois acquis beaucoup de renommée.
Toutesfois les plus grands Philosophes
ne ce sont pas rendu leur sectateurs, & les
Princes de cette science ont esté les premieres qui l’ont
estimé ridicule pour l’vsage des mortels. Comme la seule
pure pratique des intelligences ou des esprits que la
corruption ne rend plus attaché à la terre, & qui ont separé
l’homme de la nature de l’homme. Sçache, disoit
Platon à l’vn de ses plus particuliers amis, que tu n’est pas
nay pour toy seule, mais que ton païs en demande vne
partie, ainsi que tes amis tes Concitoyens, & le reste des
hommes : de sorte qu’il ne t’en reste qu’vne bien petite
portion.

En effect, ceux qui s’attachent tout à sait à la meditation
des choses celestes, sont inutiles pour tout autre
qu’eux mesmes, & souuent pour auoir les yeux tres attentifs

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vers les Astrés, bronchent en marchant sur la terre :
Mais les personnes zelées pour la societé, s’esleue
des degrez dans le Ciel, en administrant la chose public,
en seruant le Prince ; en protegeant les villes ; en conseruant
les peuples, & donnant secours à leurs alliez, ou
par leur prudence, ou par leur liberalitez : Et c’est d’eux
que le Poëte semble auoir dit fort à propos.

 

Qui quæ sui memores alios feceré merando.

Le Prince de l’eloquence remarque aussi sur ce sujet
qu’il n’y a rien de siagreable à Dieu qui gouuerne toutes
choses, que de voir les assemblées des hommes vnies par
le droit de la societé. Ceux qui le conseruent, dit il, estant
descendus du Ciel, retournent à leur premiere origine,
& ces actes de vertus toutes heroïque leurs ouuren
des nouueaux passages dans le Ciel.

L’assemblage de tant de vertus esclatantes, ce rencontre
aujourd’huy dans nostre Auguste Parlement de Paris
qui ne peut mieux meriter du public qu’en restaurant vn
Estat desolé ; en releuant l’authorité d’vn pupille ; en protegeant
vn peuple oppressé, & r’appellant la Paix de puis
si long-temps bannie. Sans doute les Pages Sacrées ne
peuuent inspirer des mouuemens plus Chrestiens, & la
charité ne peut estre plus parfaite.

L’interest a tousiours tyranniquement vsurpé la recompense
que meritent les plus illustres actions ; les Alexandre
& les Cesars ce sont trouué foibles à son atteinte,
lors qu’ils ce sont armez à la Conqueste de tout le monde :
Mais en cét Auguste Corps du Parlement, nous
voyons esclater aujourd’uy l’action la plus noble & la

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moins interessée ; puis que ces illustres Senateurs prodiguent
genereusement leurs vies pour le public, n’ont
pour objet que le bon heur d’autruy : C’est en cét illustre
sujet que l’interest ne se rencontre point, ou du moins
qu’il ne dérobe pas la recompense deuë à l’action. Ainsi
ce Corps Auguste du Senat François, ne trouue point de
plus glorieuse recompense qu’en la vertu mesme.

 

Qui trauaille pour la fortune de ses successeurs, merite
de viure dans leurs memoires : mais qui s’attache au
bien de tout vn Estat, est digne des loüanges, & des
vœux de tout le peuple qui la public.

Nos dignes Restaurateurs de l’Estat, ont genereusement
tourné le dos à vn tyran que la fortune faisoit suiure
auec empressement, pour se rendre au secours d’vn
peuple que tout le monde abandonne.

Qui vient au secours d’vn oppressé fait vn effort genereux :
mais qui deffend vn party despourueu de toute assistance,
execute vne chose diuine. Quant Homere void
Vlysse abandonné des hommes, il luy suscite vn Dieu pour
son deffenseur.

C’est ainsi que le Parlement a volontairement mesprisé
le repos domestique, pour trauailler au calme public :
Et s’auançant à l’ayde des oppressez, s’efforce aujourd’huy
par vn coup inesperé de les r’emmener triomphans
du bort du precipice, où les poussoient vne main tyrannique.

Le Cardinal Mazarin ennemy de cette Cour Souueraine,
s’est couuert de honte en pensant esbloüyr tant de soleils ;
Et sa langue enuenimée n’a pû à l’ayde de ses libelles

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calomnieux, noircir la renommée de tant d’illustres personnages.

 

L’enuieux ce declare inferieur de celuy qui luy fait ombrage
aussi-tost qu’il choque sa grandeur ; il a perdu la
gloire du combat, deuant que d’en venir aux mains, &
son esprit timide se rendant à la deffiance, se dérobe
le pris du combat, auant qu’il ayt fait essay de ses forces.

C’est ainsi que ses dignes Conseruateurs de la liberté
Françoise, ont par leurs prudence destruit les progrés de
cét ennemy public, dés le poinct de leurs conceptions.
Deux mois de siege, n’ont pû allentir leur zele, ny leurs
soins ordinaires, pour la conseruation de cette ville ; qui
sans leurs admirable conduitte, auroit senty des les premiers
iours de son oppression, les plus cuisantes atteintes
que liure la dizette & la necessité ; Enfin quelques
efforts qu’ayent pû faire ses perturbateurs du repos public,
pour destruire le peuple d’auecque le Parlement,
ils n’ont pû diuertir les appres d’vne Paix prochaine : &
ses grands personnages portent aujourd’uy dessus le front
les Celestes impressions de Themis & de Minerue tout
ensemble ; Aussi ny a-il point de Paix plus glorieuse ny
mieux affermie que celle que font les armes, & qui
est cimantée par la prudence & le resonnement. Le Parlement
s’est acquis cy-deuant des Lauriers immortels,
par sa genereuse resolution ; Il gaigne aujourd’huy le rameau
de la Paix auec l’or de ses paroles, & la force de
son Iugement. Ses deux Augustes actions sont nées parmy
les Diadesmes, & les Sceptres. L’vne est tousiours

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empourprée de sang, l’autre est tousiours esclatante des
richesses de l’eloquence.

 

Ainsi nous n’auons plus qu’vn pas pour franchir le reste
de cette carriere espineuse. Et c’est, s’il plaist à Dieu,
pour la derniere fois qu’estant armé pour le repos de l’Estat
nous aurons à combatre ce monstre de famine, que
le Poëte appelle, Instrument difforme & espouuantable. Nostre
ennemy commun n’a plus de retraitte asseurée dans
le Royaume ; il a tourné le dos à la raison ; le desespoir est
le seul qui luy tendent les bras & le plus fort rampart ne
le peuuent cacher au tonnere qui gronde ; il succombe
sous le poids de ses crimes : Et la grace du Ciel nous releue
des maux qu’il nous a fait sentir ; Il se trouue surpris
dans le piege qu’il auoit tendu a ses illustres Senateurs,
& leurs gloire paroist plus esclatante apres les ombres de
cette nuit detrouble, & de guerre ciuile.

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