Anonyme [1651], LA MORT FVNESTE DV CARDINAL MAZARIN AVEC SON EPITAPHE. Dediée à Monseigneur le Duc de Beaufort, Duc & Pair de France, & Protecteur du Peuple. , françaisRéférence RIM : M0_2497. Cote locale : C_11_11.
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LA MORT FVNESTE
DV
CARDINAL MAZARIN
AVEC SON EPITAPHE.

Dediée à Monseigneur le Duc de Beaufort.

 


ENFIN le Ciel flechy par nos Prieres,
A banny de ces lieux l’autheur de nos malheurs,
Et celuy qu’on a veu Chef de tant de voleurs
Ne paroit plus qu’au tour de nos fontieres.
Là l’obiect de son crime, & l’horreur des enfers,
Pires que deux bourreaux l’accablent sous leurs fers,
Là les soins, le chagrin, le desespoir, la rage,
Le fun este trespas luy causent mille peurs,
Et son esprit broüillé de cent noires vapeurs,
Croit tousiours voir la main du bourreau qui l’outrage.

 

 


Là sans espoir d’vn asseuré refuge
Il attend la sentence, & l’arrest de sa mort.
Ou comme vn criminel qui n’a point de support,
Luy mesme enfin se condamne & se iuge.
Tisiphone, Megere, & la noire Atropos
Iusques dedans son lict vont troubler son repos :
Son visage abbattu, sa voix entrecoupee,
Font paroistre le deuil de son cœur accablé,
Il radote, & fait voir son esprit si troublé,
Qu’au milieu de ses gens il court à son espée

 

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Ses grands thresors artisans de ses crimes,
Ne seront plus pour luy que des pesans fardeaux,
Si ces cruelles mains ont forgé tous nos maux,
Ses biens seront pour nous tous des victimes ;
Et ses coffres chargez du trauail de nos mains,
N’aborderont iamais le fleuue des Romains :
Que si l’or & l’argent que nostre France forge,
Courent d’autres Pays que leur Pays natal,
Vn iour ils reuiendront, quand par vn coup fatal,
Ce pirate estranger à nos pieds rendra gorge.

 

 


Mais ô grand Dieu, ta force est sans esgale,
Et qui peut resister à ta puissante main,
Elle frappe auiourd’huy ce tyran inhumain,
Sous les lambris de la Maison Royale.
Et celuy qui se creut aussi puissant qu’vn Roy,
Abandonné des siens se treuue en desaroy.
Les ombres de la nuict ont cache sa retraité,
Mais l’or dont il reluit le de couure à nos yeux,
Ces riches diamans ces rubis precieux,
Le liurant dans nos mains font le prix de sa teste.

 

 


Comme le but des publiques allarmes,
Ses efforts seront vainscontre tant d’ennemis,
La hayne des plus grands, le peuple auec Themis,
Le defferont dessous ses propres armes :
Cette hache empruntée, & ces faisseaux Romains,
Pour nous vanger de luy, s’en vont armer nos mains,
Nos mains dedans son sang vangeront nos outrages,
Nos yeux se soul[2 lettres ill.]ont de regarder ses maux,
Et comme Concini deschire par Lambeaux,
Il ne restera rien de luy que ses images.

 

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On entendra les femmes mutinees,
Comme celles de Thrace aux Festes de Bacchus,
Auec des hurlemens courir mesme dessus
Ces Mancinis pour des Roys destinees ;
Ces Reynes du Theatre, & ce Prince du hoc :
Mancini mancinique auront leur dernier choc,
Et la posterité verra dans nostre Histoire,
Que ce grand fauory de la farce & du jeu,
Se vit par la fortune esleué comme vn feu,
Qui meurt & ne fait rien que de la cendre noire.

 

 


Muse reuiens sans contraindre ta veine,
Au lieu de son exil, & poursuit-le sans bruit,
Effrayé de son ombre, il s’allarme & s’enfuit,
Croyant de voir le Preuost qui l’entraine,
Il est de bonne prise & les peuples d’Amiens,
Ont attaque desia sa personne & ses biens.
Les Nobles, les Paysans, chacun luy dresse vn piege,
Dans la passe Bourgongne on y court à miliers,
Les femmes, les enfans, s’arment en fuzeliers,
Crainte que par Sedan il ne se sauue en Liege.

 

 


Bien reconnu dessous teste chauue,
Vestu d’vn manteau rouge, & de son habit gris,
Le mesme qu’il portoit au Blocus de Paris,
On n’attend pas que iamais il se sauue.
Il ne l’espere pas ce malheureux escroc,
Cet infame harlequin cet inuenteur du hoc,
Il ne l’espere point, plus rouge de sa honte,
Que de son escarlate, il lit dans ses cahiers,
Si de tant de Louys transportez à milliers,
Deuant le tribunal il pourra rendre conte.

 

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Luy ; rendre conte helas plustost la Seine,
Remontant vers sa source arresteroit son cours ;
Ou plustost on verroit les Dames sans atours,
Marcher à pied de Paris à Sureine.
On ne satisfait pas par de foibles raisons,
Aux assassins, aux vols, aux funestes poisons :
Barillon exilé, sa mort inopinée,
Ne se peut racheter auec des Louys d’or,
Son ombre veut du sang, & Courtray plus encor,
Que l’Espagnol reprit dans vne apres disnée.

 

 


Broussel, Beaufort, Houdancour & les Princes,
Et mille autres par luy logez dans les prisons,
Ont suiet de punir ses noires trahisons,
Et de vanger la perte des Prouinces.
Ses membres mutilez, tout son sang respandu,
Le reste de son corps dans la greue pendu,
Puis jetté sur la claye & traisne dans la boüe,
Les plus cruels tourmens, qu’on peut s’imaginer,
Les plus honteux encor, s’il s’en peut deuiner,
D’autres que le carquan, la potence, & la roüe.

 

 


Qu’on cherche enfin le dernier des supplices,
Dont le scythe cruel punit vn scelerat,
Degradé de l’honneur de son Cardinalat,
Et depoüillé de tous ses benefices.
L’empalement des Turcs, les tenailles, le feu,
Mourir de faim, de foif, de rage, c’est trop peu,
Les Croix, les cheualets, l’huile, la poix raisine,
Lentement decoulez par le feu sur son dos,
Bruslans iusques au vif de la moüelle, & des os,
Ou tout vif escorché par le ventre & l’eschine.

 

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La fureur de cent Harangeres
Au tour de son colet luy frotter le museau,
Traiter indignement d’vn coultre ou d’vn cizeau
Ce fomenteur des guerres estrangeres.
L’vne l’esoriller, l’autre auec vn cousteau,
Luy dechirer le naiz, luy ratisser la peau,
Tout le mal en vn mot que l’art, & la nature.
Peurent iamais trouuer pour tourmenter les sens,
Et dont en fit mourir nos martyrs innocens,
Sont trop peu pour punir cet autheur d’imposture.

 

 


Ce partysan ce Chef de voleries,
Ce rusé Maltotier, ce mangeur des Chrestiens,
Fieffé monopoleur, rauisseur de nos biens,
De nos escus, & de nos pierreries.
Tyran double tyran, ministre demonté,
Impudique vilain, orgueilleux effronté.
Infracteur de nos Loix, & de nos Priuileges,
Rebut des nations, opprobre des mortels,
Approbateur des viols, commis sur nos Autels,
Et le seul protecteur de tant de sacrilleges.

 

 


Quoy ? l’oppresseur de l’innocente veufue,
Le Chef des Intendans, celuy des Fuzeliers,
Le pere nourrissier des Gargans, des Telliers,
Ne viendroit pas finir ces iours en greue ?
Hâ France que fais tu ? l’ennemy de ta paix,
S’il t’eschappe vne fois tu ne l’auras iamais,
Vn iour il te nuira, s’il sort de ton Empire,
Tes voisins qui par tout respectent tes Arrests,
Et ceux qui contre tous portent tes interests,
Bien loin de t’estimer n’en feront plus que rire.

 

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Digne seiour des Monarques de France,
Glorieux racourcy de ce grand Vniuers,
Paris permets icy qu’en augmentant mes vers,
Par le recit de ta longue souffrance ;
Ie represente encor sous des viues couleurs,
L’estat de tant de maux, & de tant de malheurs :
Sainct Denis, Charenton, sont des tesmoins fidelles
Et publient encor le mal qu’ils ont souffert,
Sainct Cloud, Meudon, Corbeil, Briecontrerobert,
Ont tousious de leur sang des marques eternelles.

 

 


Les rapts, les viols, des femmes & des filles
Les rauages publics, les villages bruslez,
Les lieux circonuoisins à sa rage immolez
Le pauure estat des entieres familles.
Sont des Tableaux viuans ou la posterité
Verra de ce tyran l’horrible cruauté
Ie n’entre pas icy dans la liste des crimes,
Que ce monstre estranger, ce Neron deloyal
A fait depuis long-temps dans le Palais Royal,
D’autres en ont formé le suiet de leurs rimes.

 

 


Ie passe icy pardessus les rapines,
Dont vn tas de frippons, qui n’auoiẽt point de pain,
Dans le vol du public ont si bien fait leur main,
Qu’ils ont suiuy ce faiseur de Machines.
Tout le monde sçait bien que dans les Parlemens,
La plus part ont esté ses lasches instrumens,
Ie brise icy mes vers, & ie taris ma veine,
Quoy que mon desplaisir vueille encor vne fois
Que ie fasse eclater les plaintes de ma voix,
Et ces lugubres vers sur les bords de la Seine.

 

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Hâ pauure France, ha quel demon t’inspire,
Tu laisses euader ton tyran inhumain,
Il se sauue, il s’enfuit, il n’est plus dans ta main
Et tes Louys sont hors de ton Empire.
Va, cours, vole apres luy, poursuit le iusqu’au nord
Traine le s’il est vif, porte le s’il est mort,
On l’a veu tout chargé de tes cheres depoüilles,
Ha que dira l’Europe, & tous tes ennemis,
Ils se riront de toy, mesme chez tes amis,
Au lieu de dignes loz on te chantera poüilles.

 

 


Que si tu peux par vn bon heur extreme,
Le rauoir sous le toict d’vne noire prison,
Sa prise vaudra mieux qu’vne iuste rançon,
Et sõ or plus qu’vn Sceptre ou plus qu’vn Diademe.
Sa perte est assuree, il est dedans tes mains,
On l’ameine, on le tient ce mangeur des humians,
Il mourra ce pipeur de cartes & de raffe,
Il expire, il est mort, on luy fait cent tombeaux,
Vn chacun dans son cœur le dechire en lambeaux,
Et moy dans dix beaux vers, ie fais son Epitaphe.

 

EPITAPHE DV MAZARIN.

 


CY gisoit Mazarin, qui fut d’vn pauure Cuistre,
Esleué dans l’honneur par magie, & par dol,
Plus riche qu’vn milort, par larein, par vol,
Fut de l’Estat François le principal Ministre.
Sa trop grande auarice enfin le fit dechoir,
Si ton œil curieux desire de le voir ?
Passant regarde au fond de cette sepulture,
Pour le voir il falloit venir auparauant,
Qu’on l’eut bruslé tout vif, ierté sa cendre au vent,
Tu ny trouueras plus que sa triste peinture.

 

FIN.

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LA MAZARINADE COMPOSEE
à quatre parties lors que le Mazarin
assiegeoit la Ville de Bordeaux.

 


Amis ne parlons plus d’affaire,
Sur tout dedans le cabaret,
Ce verre vaut mieux qu’vn arret,
Et que la Lettre circulaire.
Laissons la Mazarin, & viuons sans soucy,
Au diable soit le sot, s’il reuient plus icy.

 

 


Qu’il blocque par mer & par terre,
Les murailles des Bordelois,
Qu’il meine la Reyne & nos Roys
Dans les confins de l’Angleterre,
Laissons la Mazarin, & viuons sans soucy,
A u diable soit le sot s’il reuient plus icy.

 

 


Si l’Archeuesque de Corinthe
Reuestu de son habis gris,
A pris les armes pour Paris
Qu’importe, vuidons cette pinte,
Beuuons à la santé de ce digne Prelat,
La France le verra dans le Cardinalat.

 

 


Que Beausort en aimant la fronde
Plus que le tiltre d’Admiral,
Grand ennemy du Cardinal,
Se fasse aymer de tout le monde
Prenons le verre en main beuuons à sa santé,
Les Princes par ses soins seront en liberté.

 

 


Sus beuuons à cette assemblée,
Qu’on nous dit estre vn coup d’Estat
Pour déthrouer ce Potentat
Par qui la France est accablée,
Laissons la Mazarin & viuons sans soucy
Au diable soit le sot s’il reuient plus icy.

 

FIN.

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Anonyme [1651], LA MORT FVNESTE DV CARDINAL MAZARIN AVEC SON EPITAPHE. Dediée à Monseigneur le Duc de Beaufort, Duc & Pair de France, & Protecteur du Peuple. , françaisRéférence RIM : M0_2497. Cote locale : C_11_11.