Anonyme [1652], LA NOVVELLE GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. Du dix-neufiéme Octobre 1652. , françaisRéférence RIM : M0_2549. Cote locale : B_18_31.
LA NOVVELLE GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. Du dix-neufiéme Octobre 1652. A PARIS, M. DC. LII.
LA NOVVELLE GAZETTE DV TEMPS A SON ALTESSE
Genereuse & bonne Princesse, Pour qui tout mon esprit sans cesse D’vn profond respect est atteint, Et dont l’ame, comme le teint, Brillante d’vn éclat extresme Se peut dire la blancheur mesme : Vous auez tant d’aduersion Pour la noire & lasche action De ces audacieux belistres Qui font imprimer mes Epistres, Que ie crois que vostre grandeur Detestant leur peu de candeur, Sans doute fera bien-tost faire Vn chastiement tres-exemplaire De ces sots falsificateurs, Et des Crieurs & Colporteurs, Qui par leurs mesquines practiques Les rendent tout à fait publiques Dans les Places & Carrefours : Mais il faut changer de discours.
Le Prince de Condé, Dimanche Ayant pris sa chemise blanche, Partit de cette ville icy, Et le Duc de Lorraine aussi ;
Malgré cette maligne race Qu’on appelle la populace, Le Duc de Beaufort prudemment L’autre iour en plein Parlement Abjura le tiltre inutille De Gouuerneur de cette ville, Il se desmit de cét employ, Et fit aux volontez du Roy Soubmission assez exacte, De laquelle chose il prit acte.
Messieurs Seruient, & le Tellier, Chacun en son particulier, Ont, dit-on, quelque picque ensemble Dont i’enrage, car il me semble Qu’estre froids, & se diuiser, Ce n’est pas trop bien en vser, L’vn & l’autre est grand Politique, Et certes, l’Estat Monarchique, S’ils se tenoient vnis tousiours Prẽdroit, sans doute, vn meilleur cours : Auec vne ferueur tres forte Ces deux grands hõmes, donc i’exhorte De se rejoindre & reünir, Et d’estre amis à l’aduenir, Employant au bien de la France Tout ce qu’ils ont de suffisance, Si ce n’est pour l’amour de moy Que ce soit pour l’amour du Roy.
Lundy dernier, Madamoiselle, Par vne inuention nouuelle, Soit qu’elle eust, ou non, le bouquer, Fit vn delicieux banquer, Et traitra neuf ou dix personnes, Non de ces viandes tres-bonnes, Comme mouton, agneau, chevreau, Biche, Sanglier, Cerf, Cochon, Veau, Oyseaux de mer pris dans des mares, Qui sont à Paris vn peu rares, Phaisans, Lapins, Levraults, Dindons, Tant sans larder, qu’auec lardons, Chappons, Poules, Poulets, Poulettes, Bocfigs, Ortollans, Alloüettes, Beccassines, & Beccasseaux, Qui sont de tres-friands morceaux, Confection d’or, d’ambre, ou perles, Pigeons, Perdrix, Cailles & Merles, Truffes, Champignons, Iaunes d’œuf, Mais rien seulement que du bœuf, Dont par de rares artifices, On fit quatre ou cinq beaux seruices, A ce que disent gens loyaux, Langues, poictrines, alloyaux, Rosty, boüilly, capillotades, Tourtes, pastez, & carbonnades, Et tout si bien assaisonné Que chacun dit, i’ay bien disné. Si d’auanture on me demande Pourquoy cette seule viande Fut seruie en ce grand repas, La raison, ie ne la sçay pas.
L’autre iour ce Seigneur ou Prince, Qui maintenant est en Prouince, Sçauoir Monsieur de Guemené, En espouse tres-fortuné, Estant chez Madame du Lude, Luy fit à peu prés ce prelude : Madame, mon fils premier né Que i’auois quasi destiné A porter la Mitre & la Chappe, N’a point voulu mordre à la grappe, Ie l’en ay mille fois prié, Mais il veut estre marié ; Vous auez vne vnique fille Tres-rauissante & tres-gentille, Madame, quand il vous plaira Monsieur mon fils l’espousera, Ce n’est pas vn tres galand homme, Mais il est na y tres Gentil homme, Et de plus le soir & matin Il dit son breuiaire en Latin, Son Pater, & tout son seruice Mieux qu’aucun Clerc Prestre, ou Nouice, Il a vingt & deux ans passez, Du reste, vous le connoissez : Enfin si ce fils dont ie parle Nommé Louys, & non pas Charle, A l’honneur d’estre à vostre gré, Ie l’ay de bon cœur consacré Pour estre espoux de vostre Infante Qu’il trouue tout à fait charmante, Ie viens icy sans hesiter La parole vous en porter, Madame, apres cette semonce C’est à vous à faire responce, Voila ce que le Prince dit, Et la Dame luy respondit, Monsieur, ie vais trouuer ma fille, Qui ie vois trauaille à l’esguille, Et luy proposeray le fait, Aussi tost dit, aussi tost fait, Elle alla consulter la belle. Que sans faire trop la rebelle, Oyant parler du Sacrement Y consentit gaillardement. Ainsi sans aucune remise, Et le iour d’apres qu’à l’Eglise On eut fait le troisiesme ban, L’heureux Monsieur de Montauban Espousa l’aimable pucelle, Et cette rare iouuencelle Accepta ledit iouuenceau, Qui passoit aussi pour puceau.
Mardy quinze ou seize dousaines De Colonnels & Capitaines, Et d’autres bourgeois de Paris, Tant mentons blonds, que mẽtons gris, S’esquipperent, la marinée, Puis partirent l’apresdisnée, Pour aller comme deputés Presenter à leurs Maiestés Vne requeste humble & ciuile De retourner en cette ville ; Leur rendez vous fut à Ruel : Mais d’autant que le camp cruel De ces belles troupes d’Espagne. Ont tout raflé par la campagne, Eux craignant de ne trouuer pas Dequoy faire vn ample repas,
Il n’est pas que vous n’ayez sçeu Que la Contesse de B[1 lettre ill.]ssu En attraits, dit on, sans esgalle, De la belle du Pont, Riualle, Apres maint trauail & soucy Est enfin arriuée icy : Mais on doute encor si ses larmes, Sa douceur, sa vertu, ses charmes, Et sa rare, & sainte amitié, Inspireront quelque pitié Au cœur nouueau venu d’Espagne, Dont elle se dit la compagne.
Vn homme arriué de de nouueau, M’a dit que Monsieur de Nouueau Auoit offert grosse finance Pour cette charge d’importance Par qui Monsieur de Chauigny Deuenu riche à l’infiny Estoit Secretaire de l’Ordre, Mais on en veut sans rien desmordre Cent mille escus d’argent comptant, Office vrayment important, Honnorable, brillant, & leste, A cause du cordon celeste,
Toute la Cour qu’a Sainct Germain On attendoit de longue main, Y vint Ieudy prendre son poste, Tel en carrosse, tel en poste, A pied, en fourgon en relais, Tant les maistres, que les valets ; Plusieurs gens si tost qu’ils le sceurent, En grande diligence y feurent Pour monstrer en faisant leur Cour, Leur foy, leur zele, & leur amour. I’ay sceu mesmes, que vostre ALTESSE Tesmoignant beaucoup d’allegresse, Pour y faire son compliment S’y transporta pareillement ; Ie ne sçay pas si ce voyage Sera d’vn iour, ou dauantage : Mais soit auiourd’huy, soit demain, Soit icy soit à saint Germain, La lettre par moy griffonée Vous sera portée ou donnée,
Fait dans le propre Hostel d’vn Duc Le lendemain du iour saint Luc.
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