Anonyme [1652], LA NOVVELLE GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. Du douziéme Octobre 1652. , françaisRéférence RIM : M0_2549. Cote locale : B_18_22.
LA NOVVELLE GAZETTE DV TEMPS, A SON ALTESSE
Illustre & haute Damoiselle ! Pour qui la Muse à tant de zele, Princesse pour qui dans mon cœur I’auois vne ardente vigueur Qui tiroit de ma pauure veine Plus de deux cens Vers par semaine ; Ie suis si fort descouragé Par ce fou, par cét enragé Qui perseuerant dans ses crimes, Fait de mes miserables rimes Vn infame & sordide gain Pour auoir vn morceau de pain ; Que ie ne bas plus que d’vne aisle, Ie n’ay quasi plus de ceruelle, Et si ie n’ay bien tost raison De cette noire trahison Plus que Iuifue & qu’Arabesque, Adieu la Gazette Burlesque.
De la Cour, la blanche Segur, Trouuant le seiour vn peu dur Pour ses voyages & fatigues, Et ses diuersitez d’intrigues, Afin d’auoir quelque repos. Et non pas pour prendre campos, A fait vne retraite austere, Et s’est mise en vn Monastere :
Monsieur le Marquis de la Caze Qui ne parloit qu’auec emphaze, Homme de naissance, & d’honneur, Et qui pouuoit auec bonheur. Par vn sort plein d’aymables charmes Ioindre les Lettres & les Armes, Est mort d’vn mal si violent Que ce personnage excellent Encor qu’il fust fort & robuste, N’a duré que trois iours tout iuste, Et ce fut M[1 lettre ill.]ady qu’il mourut D’vn dard dont Cloton le ferut, Sa sœur toute desconfortée D’vne mort si precipitée, (A sçauoir la belle de Pont) En ressent vn ennuy profond, Car c’estoit vn braue & bon frere, Mais vne main tout à fut chere, Qui prend soin d’essuyer ses pleurs, Adoucit vn peu ses douleurs : Ainsi l’ou voit en mainte chose L’espine meslée à la roze, Ainsi les maux des affligés Le plus souent sont mitigés, Ainsi les plus illustres vies De biens & de maux sont suiuies, Car chacun n’est pas n’ay coiffé, Mais c’est assez philosophé.
Chauigny par vn sort sinistre Ce grand, ce raffiné Ministre, Cét homme tousiours agissant, En biens si riche & si puissant, Si fameux dans plusieurs Prouinces, Et si grand Conseiller des Princes, Mourut comme vn autre mortel Ieudy la nuict dans son Hostel ; De faire Oraison & suffrage Pour ledit deffunct personnage Prenons vn charitable soin, Car tout Ministre en a besoin.
La mesme nuict, & la mesme heure Car l’vn rit, lors que l’autre pleure Tel est le destin des mondains Charles, Duc & Chef des Lorrains, Estoit chez Madame de Fiesque, Qù certain poëme grotesque, Du ieune Corneille inuenté, Fut assez bien representé ; Ladite Dame qui se picque D’estre Comtesse magnifique, Auec grande profusion Y donna la Colation De vins, de fruits, & confitures, Et diuerses autres pastures,
Les Lorrains, & Vitembergeois, Terreur des tristes villageois, Dont ils font souuent des victimes, Chargez de butins, & de crimes, Qui font que chacun les maudit, S’en retourneront à ce qu’on dit Vers l’Allemagne, ou ses frontieres, Reporter leurs vieilles rappieres, Plusieurs bons François assemblés En despit de leurs pauures bleds, Que ces gens qui ne sont pas sages Ont ruinés sur leurs passages, Pretendoient bien à leur retour Leur ioüer quelque mauuais tour, Mais vne suspension d’armes, D’hostilitez, & de vacarmes, Qui doit autant de temps durer Qu’il en faut pour leur retirer, Les met à l’abry de l’orage, Et cette nation sauuage Qui nous a fait tant de tourment, Va s’en raisler impunement ; Politique certes, nouuelle, Qui met en peine ma ceruelle, Qui fait gronder les gens de bien, Et que ie ne comprens pas bien.
De l’Hospital ce Personnage Qu’on tient si fidelle & si sage, Est par l’odre du Potentat Maintenant Ministre d’Estat, Et Iean de Vert, en Allemagne Au grand regret du Roy d’Espagne Lequel il a seruy lorg temps, Est [1 mot ill.] aagé de soixante ans.
Pourueu qu’vn cõmun bruit ne mente Le Roy de present [illisible] Mante, Mais n’y sera dit-on qu vn iour, Et l’on croit que toute la Cour S’en vient, plus tranquille : & plus gaye Loger à Saint Germain en Laye. Tels pensent que les differents Des Princes, & de plusieurs Grands, Sont accommodez d’asseurance, D’autres n’ont pas cette croyance, Ie n’en diray donc rien encor, Iusques à tant qu’au son du Cor On ait prosné cette nouuelle Qui sans doute semblera belle ; Car si l’aimable & sainte paix Dissipant les broüillards espais, Nous peut sans trouble & sans nuage Monstrer encor son beau visage, Nous aurons aussi le bonheur De reuoir nostre cher Seigneur Auec toute la Cour Royale Dedans sa Cité capitale [1 mot ill.] les cœurs comme autrefois Des francs & fidelles Bourgeois. Ie ne suis tant en paix qu’en guerre, Qu’vn simple vermisseau de terre ; Ie sens, toutesfois, tant d’ardeur Pour la gloire & pour sa grandeur, Qu’en cela, i’ay bien cette audace De croire qu’aucun ne me passe
Princesse à qui i’escris cecy, Puisse-ie voir tousiours aussi Florir en vostre illustre Altesse Santé, grandeur gloire, & liesse, Pour cela, tous les iours, ie fais Du moins deux cens trente souhaits.
Le douze du mois où nous sommes Cecy fust moulé par deux hommes.
APOSTILLE,
Ce detestable plagiaire Cette ame basse & mercenaire Qui ma Gacette imprimer fit Pour en tirer quelque profit Ayant de peur de playe, ou bosse, Discontinué son negoce C’est impudent, cét insensé, La depuis peu recommence : Mais si ce miserable here En son vol encor perseuere, Soit qu’il soit gueux ou bien [1 mot ill.]pé Il sera sans doute attrapé. Que s’il reste a ce personnages Vn rayon encor d’homme sage Il doit profiter prudemment De ce mien aduertissement
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