Anonyme [1649], LA PAIX VERITABLE PRESENTEE A LA REINE. , françaisRéférence RIM : M0_2653. Cote locale : A_6_56.
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LA PAIX
VERITABLE
PRESENTEE
A LA REINE.

A PARIS,
Chez Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, ruë des Cordiers, proche
Sorbone, aux deux Tourterelles.

M. DC. XXXXIX.

Auec Permission.

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LA PAIX
VERITABLE
PRESENTEE
A LA REINE.

MADAME,

CE n’est pas sans vn traict d’vne
speciale Prouidence de Dieu, qu’au
temps que l’Eglise celebre le mystere ineffable
qui a mis la Paix entre Dieu & les hommes, nous
venons nous presenter à Vostre Majesté pour luy
rendre tres-humbles actions de grace pour la
paix qu’elle a donné à toute la France.

Il est vray, MADAME, qu’encor que les
œuures de Dieu soient parfaites, il ne leur communique
pas pourtant cette perfection tout à la

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fois, cela se fait petit à petit : Et de fait nous remarquons
en l’Escriture sainte, que Dieu creant
le monde produisit en premier lieu ses parties les
plus imparfaites, pour de là venir à celles qui
sont plus nobles, & en suite à celles qui sont les
plus excellentes, il donna premierement l’estre
aux creatures inanimées, en suite aux animées,
& en dernier lieu aux raisonnables.

 

Ces jours passez, MADAME, nous auions
veu vn ébauchement de la Paix : Il auoit pleu à
V. M. d’accorder à vos Sujets quelques Articles
qui tendoient au retablissement de la Concorde
qui se doit rencontrer entre l’autorité Royale, &
la subjection des peuples : Cela neantmoins n’eut
pas sa consommation, dautant que les œuures
de V. M. pour estre semblables à celles de Dieu,
doiuẽt acquerir leur perfection, auec succession
de temps ; Voicy, MADAME, la plenitude
de ce temps bien-heureux arriué, auquel on
publie la Paix entiere, qu’il a pleu à la bonté de
V. M. accorder à son Peuple.

Nous ne pouuons assez admirer la conduite
de Dieu sur ce Royaume, qui a permis ces petits
mouuemens, pour enraciner dauantage l’amour
& l’affection que les François ont toûjours porté
à leurs Rois : Ils les ont toûjours consideré comme
Images viuantes de Dieu, & partant ils ont

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toûjours creu que le mesme amour qu’ils doiuent
porter à Dieu, se doit étendre sur toutes
ses Creatures, & notamment sur les Rois, ausquels
il communique dauantage la grandeur de
sa Puissance.

 

Vostre Majesté, MADAME, peut rendre
temoignage authentique du desir que tous ses
Sujets ont eü pour l’éleuer sur le trône de la Regence
de ce Royaume : Le Parlement a jugé
qu’il y auoit moins d’inconueniens à casser le
Testament d’vn de ses Rois, Mary & Seigneur
de V. M. que de luy donner des Competiteurs en
sa Regence, tant le sentiment de la prudence &
bonté de V. M. auoit jetté de profondes racines
dans le cœur de tous les François : Vn certain
nuage à voulu obscurcir cette verité ; & vne Conference
l’a entierement dissipée ; si bien qu’à
present nous nous complaisons du sort qui est
tombé sur V. M. au gouuernement de ce Royaume,
& nous loüons Dieu d’auoir inspiré à ses peuples
à receuoir vne Reine, qui a preferé les
biens publics de la Paix à ses propres interests.

Tout le monde, MADAME, trouue sa satisfaction
en cette Paix : Dieu y est glorifié, puis
qu’il fait publier à sa Natiuité, que la Gloire est
à Dieu aux lieux tres-hauts, à cause qu’il venoit
donner la paix aux hommes de bonne volonté :

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Le Roy y trouue sa seureté, puis que la puissance
d’vn Roy depend de l’obeïssance que les Sujets
luy rendent pendant la Paix ; Vostre Majesté,
comme Regente du Royaume, & Tutrice
de nostre Roy Louïs XIV. que Dieu conserue,
& comble de ses sainctes benedictions, y trouuera
sa satisfaction, puis que par ce moyen elle
rendra au Roy vn compte tres fidelle des biens
qu’elle a gouuerné pendant la minorité de son
âge : Les peuples receuront vn contentement
indicible en cét accommodement, dautant qu’il
ne trouue son soulagement que dans la paix,
comme il n’experimente sa ruine que pendant
la guerre.

 

Il n’y a, MADAME, que les ennemis de
cét Estat qui ne pourront digerer cét accord,
dautant qu’il leur oste entierement l’esperance
qu’ils auoient de profiter de nos diuisions, & reprendre
pendant nos guerres ciuiles tous les
auantages que nous auons remporté sur eux,
tant sous le regne du defunt Roy, de tres-heureuse
memoire, que sous la Regence de Vostre
Majesté, gouuernant cét Etat sous nostre tres-aimable
Roy, qui est les delices de son peuple.

Si Dieu auquel seul, MADAME, appartient
de donner la paix, ne nous eût regardé des yeux
de sa misericorde, nous allions entrer dans vne

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guerre ciuile qui eût armé l’amy contre l’amy,
le frere contre le frere, & peut-estre le fils contre
le pere, & qui en suite eût ruiné ce florissant
Royaume, qui est l’heritage de celuy duquel
dans l’ordre de la nature, vous estes Mere,
dans l’ordre de l’Etat subjecte, & dans l’ordre
ciuil tutrice & Regente : Mais Dieu a eu égard
à la pieté de vostre Majesté, à l’innocence de
nostre Roy donné de Dieu à la France pour son
bon-heur, & au peuple de France qui a esté
quelque temps en armes, pour ne point se rendre
preuaricateur de la Loy de nature, qui exige
de nous nostre conseruation ; sur tout quand
les injures qu’on nous fait ne tournent pas au
profit de sa Majesté, & à la manutention de l’Etat,
mais seulement à l’enrichissement de quelques
particuliers, qui deuorent la substance des
François.

 

Il faut confesser ingenuëment, MADAME, que
dans les apparences humaines, & dans les raisonnemens
Politiques, nous ne pouuions si tost
esperer vn si grand bien, & vn adjustement si
judicieux, qui dans lequel chacun des partis
trouuât son compte : mais la sagesse de Dieu
qui paroist à trouuer des merites proportionnez
pour sortir des affaires desesperées, & sa puissance
qui éclate en l’execution de ce qui nous

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semble impossible, a trouué vn milieu auquel se
sont vnis les deux partis, qui sembloient tendre
aux extremitez, & il y a operé si puissamment,
que châcun est conuaincu de publier par tout,
que cette Paix est vn ouurage de la main de
Dieu, & non pas l’œuure des hommes.

 

C’est ce qui nous fait resoudre, MADAME,
de conseruer ce precieux gage du Ciel aux dépens
de nostre vie, & le proteger jusques à la derniere
goute de nostre Sang, nous sommes asseurez
que les Princes & Messieurs du Parlement y
mettront le tout pour le tout, à maintenir ce
que par leur prudence ils ont negotié, & esperans
de la bonté de V. M. que vous aurez assez
de tendresse pour le pauure peuple, afin de le
soulager en ses extrémes necessitez, & que par
effects V. M. recognoisse, que c’est du fond du
cœur qu’ils protestent par nos bouches, & nous
auec eux, qu’ils veulent viure & mourir les tres-humbles,
tres obeïssans, & tres fideles Sujets
de Vostre Majesté.

Il est permis a Guillaume Sassier, d’Imprimer &
vendre ce present traitté de Paix, & defences à
tous autres, Fait ce 1. Auril 1649.

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