Anonyme [1649], BALLET DANCÉ DEVANT LE ROY, ET LA REINE REGENTE SA MERE. PAR LE TRIO MAZARINICQVE. POVR DIRE ADIEV A LA FRANCE. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_571. Cote locale : C_2_19.
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BALLET EN VERS BVRLESQVES.

ENTREE PREMIERE.

Mazarin habillé en vendeur de Baume.

 


Messieurs ie vous offre mon Baume,
Le meilleur que dans ce Royaume
Ie puisse iamais debiter,
Ie ne veux pas vous le venter,
Mais faites en l’experience,
Lors admirant ma quinte essence,
Vn chacun sera diligent,
De m’enuoyer de son argent,
Sa maintenant ie vous defire,
Sa composition d’escrire.
Il est composé des soucis,
Et du sang des peuples trancis,
Auec cent dragme de leurs peines,
Et cent onces des larmes vaines,
I’y mesle du iux des cirons,
Et des escargots les roignons,
Des influences de la Lune,
Et de l’huyle d’vne infortune,
I’y mets la ratte & les poulmons,
Des plus enragez des Demons,
Plus de douze fagots d’espine,
Et tout le fiel de Proserpine,
Apres i’achepte de Medeuse,
Vne once de rage escumeuse,
Ie prends aussi bien des bourreaux
De leurs pendus les plus grands maux,
Dont ie faits vn meslange encore
De tous les malheurs de Pandore,
Ainsi ma composition
Est faicte auec perfection

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Si quelqu’vn de vous en souhaite
Il faut que maintenant il iette
Son mouchoir auec vn escu
Ou bien qu’il me montre le eu.

 

SECONDE ENTREE.

Les deux Niepces de Mazarin danseuses dessus la corde.

 


Nous dansons si bien sur la corde
Que nostre teste aux pieds s’accorde,
Plus viste qu’vn moulin à vent
Nous y courons le plus souuent,
O que c’est vn bel exercice
De practiquer cét artifice,
C’est là que sans aucuns ressorts
L’on apprend à mouuoir le corps,
De viste remuer les fesses
Et de faire mille soupplesses,
D’auancer & de reculer,
Et de trauailler sans parler ;
Certainement nostre bon Oncle,
De crainte de quelque fleuronde,
Nous a fait apprendre cét art,
Afin de nous mettre à l’escart,
Il auoit peur que la paresse,
Auec nostre delicatesse,
Ne rendit pesant nostre ou,
Et qu’ainsi nous eussions vescu,
Sans auoir le mouuement libre,
De mesme que dans l’Equilibre,
O que nos esprits sont contents,
Quand nous passons si bien le temps,
On nous prendroit pour quelques folles,
De nous voir faire nos cabriolles,
Mais on se tromperoit fort bien,
En cela nous n’entendons rien,
Nous voulons le mestier apprendre,
Afin de sçauoir bien entendre,
Celui-là qu’auec l’homme seul,
On pratique sous le linseul.

 

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TROISIESME ENTREE.

Les Partisans faisans les arracheurs de dents.

 


Par des raisons tres-equitables,
Nous voulons paroistre semblables,
A ces grands Arracheurs de dents,
Car nous sommes plus impudents,
Et mentons auec plus d’audace,
Que toute cette belle race,
Outre que nous sommes menteurs,
Nous sommes de tres-grands flateurs,
Et comme cette vile engence,
Cause bien souuent l’impuissance,
De macher ou manger du pain,
Et nous faisons auoir la faim,
Au peuple lors que trop credule,
Il soubsigne à nostre sedule,
O que nostre comparaison,
Est faite auec grande raison,
S’ils tirent vne dent de la bouche,
Lors qu’il branle quand on la touche,
Et nous l’argent hors des goucets,
Sans autre voyes ny procez,
Car nostre Auguste compagnie,
Ne veut pas qu’on le denie,
Aussi bien que les Arracheurs,
Nous parressons des grands prescheurs,
Ceux qui croyent à nos parolles,
Sans doutes sont des testes folles.

 

QVATRIESME ENTRÉE.

Le Mazarin habillé en vendeur d’oublie,

 


I’Ay quitté d’estre Basteleur,
Il faut estre trop grand parleur,
Pour bien faire cétte exercice,
I’ay maintenant vn autre office,
Ie vends d’oublies, des cornets,

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Et vous seriez tous estonnets,
De voir que ma petite balle,
A mesure que ie l’estalle,
Quand elle diminuë croit,
Ie prends le tort donne le droit,
Comme vn braue crieur d’Oublies,
Qui soubs le masque des folies,
Tasche à rauir le bien d’autruy,
Pour mon plaisir & son ennuy,
Depuis que ie suis dans la France,
I’ay monstré par experience,
Que i’estois habille ioüeur,
Et qui sans peine & sans sueur,
Ie faits que dans ma large bource,
L’argent des Princes vienne en cource,
Ie iouë aux dez, ie ioue à l’hoc,
De chaque doigt ie faits vn croc,
Afin d’attirer la finance,
Des plus grands qui sont dans la France,
Si ie contrefaits l’Oublieur,
C’est sans doute pour mon meilleur,
Car il faut que ie me desguise,
Pour n’estre pas mis en chemise,
En ce temps où le Parlement,
Veut sçauoir sur quel fondement,
I’appuye ma grande esperance,
Ie dits que c’est sur la Regence,
Elle a dequoy me maintenir,
Et de me faire paruenir,
Aux plus hautes charges du monde,
C’est où tout mon bon-heur se fonde.

 

CINQVIESME ENTRÉE.

La Niepce aisnée de Mazarin represente vne Maquerelle,
Et la cadette vne Garce.

 


Dans cét agreable Ballet,
Nostre personnage est si laid,
Qu’à peine osons-nous le dire,
Vous en creueriez tous de tire,

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Sans doute en voyant nos habits,
Tissus de laine des brebis,
Et nostre teste mal coiffée,
D’vn vieux tafetas de trophée,
Vous pouuez iuger à nous voir,
Sans vous le faire plus sçauoir,
Qu’vne de nous est Maquerelle,
Et l’autre vne garce fidelle,
O le terrible changement,
Qui s’est formé dans vn moment,
Nous esperions auoir des Princes,
Ou des Souuerains des Prouinces,
Cette guerre nous fait bien tort,
Elle nous met presque à la mort,
Mais peut estre que la fortune,
Nous sera tousiours opportune,
Ce mestier n’est pas le dessein,
Que nous auons dans nostre sein,
Puisque mesme en nostre bel aage,
Nous auons nostre pucelage,
Selon l’estime de la Cour,
Mais il peut estre de retour,
Nous auons trop d’esprit encore,
Pour garder ce qui nous deuore,
Et nuit aux filles de quinze ans,
Qui veulent se passer le temps,

 

SIXIESME ENTREE.

Les Partisans representans les leueurs de manteaux.

 


O Que nostre industrie est bonne,
Nous meritons vne couronne,
Tissuë des plus lauriers vers,
Qui se trouuent dans l’Vniuers,
Depuis nostre Sentence iuste,
Que nostre Parlement Auguste,
A fait contre nous Partisans,
Qui tirannisions les païsans,
Nous auions conçeu cette enuie,
Afin de gagner nostre vie,

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De nous rendre Arracheurs de dents,
Mais vous sçauez les accidents,
Que courrent ces pauures belitres,
Qui nous donnent leurs mesmes tiltres,
Nous nous exerçons de nouueau,
A l’art de leuer le manteau,
Chacun de nous de nuit s’efforce,
A desployer toute sa force,
Pour arracher auec ses grifs,
Quelque manteau qui soit de prix :
Cét art a de la sympatie,
Auec le nostre qu’on chastie,
Aujourd’huy si seuerement,
La rigueur de nostre tourment,
N’aura pas tousiours la durée,
Nous aurons encor la curée,
Et peut-estre que des demain,
Nous mettrons impots sur le pain.

 

LE GRAND BALLET.

Le Trio Mazarinicque.

 


Nous representons en figure,
Sept Astres qui font leur demeure,
Au dessous du grand Firmament,
N’en ayez pas d’estonnement,
Ces sept Astres des sept Planettes,
Disent par leurs langues muettes,
Qu’ils influent sur les metaux,
Pour qui vous souffrez tant de maux,
Tant que vous en auez en France,
Nous les aurons par violence,
Mais que nous soyons dans le trin,
Du grand Ministre Mazarin.

 

FIN.

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