Anonyme [1649], LA RENCONTRE D’VN GASCON ET D’VN POITEVIN, LES FANFARONADES DE L’VN, ET LES CONTINVELLES RAILLERIES DE L’AVTRE. DIALOGVE. , françaisRéférence RIM : M0_3346. Cote locale : C_9_61.
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LA
RENCONTRE
D’VN GASCON
ET D’VN POITEVIN,
LES FANFARONADES
DE L’VN, ET LES CONTINVELLES
RAILLERIES DE L’AVTRE.

DIALOGVE.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LA RENCONTRE
D’VN GASCON
ET D’VN POITEVIN,
LES FANFARONNADES DE L’VN,
ET LES CONTINVELLES
Railleries de l’autre.

DIALOGVE

A ALCIDON, c’est le nom du Poiteuin reuenant
de Ville-Iuif à Paris, rencontra en
chemin vn Caualier assez mal monté, &
d’assez mauuaise mine, qui sans d’autre ceremonie
luy parla de la façon.

Le Gascon, Dieu bous gard lou vrabe.

Le Poiteuin, Et à vous le mignard.

Le Gas. Nommez bous mignard vn guerrier, qui bient
de vailler des preubes de sa ballour au siege de Cremone,
& en veaucoup d’autres lieux de l’Italie ?

Le Poit. Les braues comme moy appellent les personnes
comme vous, ainsi que bon leur semble, & si vous
m’auez qualifié du nom de braue, pourquoy ne voulez
vous pas que ie vous appelle mignard ?

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Le Gas. Le nom de vrabe est veau : mais lou celuy de
mignard est infame.

Le Poit. Pour moy ie les trouue tous de mesme importance.

Le Gas. L’vn me semule propre à vn homme, & l’autre
conbenaule à vne femme. Le mot de mignard me
choque iou beux que bous m’en vailliez vn autre.

Le Poit. Ie ne reçoy de loy de personne. contentez-vous
de cela, si vous n’auez enuie d’éprouuer mon courage.

Le Gas. Tout veau lou baillant, iou ayme mieux estre
mignard toute ma bie, que d’estre contraint de bous oster
la bostre parlons d’autre cas, d’où benez bous ?

Le Poit. D’où venez-vous vous mesmes ?

Le Gas. Iou biens de cette velle Probince d’Italie, &
du siege de Cremone, où iou y ay tant fait de merbeilles,
qu’on ne les sçauroit raconter.

Le Poit. Vous auez donc acquis vne grande gloire ?

Le Gasc. Diou me saube iamais on n’en bid de semulaules.

Le Poit. Vous estes sans doute vn Seigneur de qualité,
vous auiez quelque eminente charge dans l’armée : Estes
vous Marquis, Comte, ou Baron, & possedez vous de
grands reuenus ?

Le Gas. Iou suis issu de l’Illustre maison de Foix, iou
m’appelle le Marquis de Roche-vlanche, iou possede enuiron
trente mil liures de rente, & iou n’ay porté les armes
en Italie que comme bolontaire.

Le Poit. Il n’y a pas long-temps que ie suis de retour
des sieges d’Orbitello, de Portolongone, & de Cremone
mesme, & cependant ie n’ay iamais ouy parler ny de
vostre nom, ny de vos beaux faits.

Le Gas. Boicy qui en est la cause, iou me suis deguisé,
iou ay cellé mon nom, de crainte qu’estant connu du general
d’armée, l’on ne m’importunast point d’accepter les

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plus velles charges de l’armée & dans les comvas l’on ne
m’a iamais nommé que le Cabalier inconnu.

 

Le Poit. Que vous m’obligeriez bien fort, si vous me
vouliez dire quelque chose de vostre belle vie ?

Le Gas. Pour bous oveїr, sçachez que iou suis baillant
comme Cesar, & que mes delices sont les armes &
les conuats. Iou iure par le Diou bibant que le cœur me
send, quand i’entends vattre le tamvour à faux, & que les
mains me demangent que iou ne me vatte.

Le Poit. Si vous auez vne si grande demangaison de
vous battre ie vous la feray passer si vous voulez.

Le Gas. Me bouloir vattre contre bous, c’est ce que
iou ne beux pas faire, iou ne me vat iamais que ie ne tuë,
& iou bous beux laisser bibre.

Le Poit. Ca ça l’espée à la main sans ceremonie.

Le Gas. Iou bous l’ay desia dit, que iou ne beux pas
me vattre contre bous, que i’aime, bibons amis iou bous
en prie.

Le Poit. Ie le veux puis que vous le voulez : mais connez
moy, comme vous auez quitté la Gascogne pour aller
chercher la guerre en Italie, puis que vous la pouuiez
trouuer en Flandre qui est bien plus proche de vostre paїs
& comme vous estant trouué en tant de pertes, vous n’ayez
point de cicatrices, ny sur vostre corps, ny sur vostre
visage.

Le Gas. Iou suis inbinciule, & inbulneraule aux coups
de canons, & de mousquets, comme Achile l’estoit aux
traits enbenimez des Centaures, & par le moyen de quelques
Sainctes Reliques iou souis tousiours preser bé de la
mort.

Le Poit. Vous n’estes pas seulement valeureux : mais
vous estes aussi heureux, & vous deuez bien aller librement
aux combats, puis que vous n’y pouuez iamais estre
blessé.

Le Gas. Sans que Diou me conserbe, iou deberois ébiter

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les armes, pour ce que n’estant que cœur iou ne sçaurois
estre vlessé que iou ne mourusse beu que le cœur vlessé,
il faut mourir. Iou bay bous dire, comme i’auandonay
ma Probince, & pourquoy iou choisi, plustost l’Italie
que la Flandre, pour aller faire mes proüesses.

 

Le Poit. C’est ce que i’attends auec impatience.

Le Gas. Amarante, velle comme le iour, aboit depuis
peu de iours, accepté mes serbices, iou la serbois comme
ma Maistresse, i’abois gagné sa vien-beillance, & iou
m’estimois plus heureux qu’vn Roy, lors que le Marquis
de S. Georges debenant amouroux de cette veauté ne fit
point difficulté de se declater son amant, & mon ribal.
Diou sçait à quel punt de colere s’excita mon courage,
iou lou priay cibilement de se dispenser de cette recherche,
ce qu’il me refusa, & deslors nous prismes iour pour
le lendemain pour bider cet amourous different. Le Marquis
de S. Georges, estoit adret, & baillant, son second
l’estoit semulaulement, mais ie ne manquois pas ny de
l’vn ny de l’autre non plus que mon Escuyer qui meserboit,
de façon que le lendemain nous troubant sur le pré
en honnestes gens, nous mismes l’espée à la main, & nous
disputasmes Amarante : mais mon bon heur boulut que
ie port asse par terre mon ennemy qui mourut sur le chãp,
& qui alla tenir compagnie à vingt-deux. Varons, Comtes,
& Marquis que i’abois mis à la sepulture. Mon Escuyer
bainquit semulaulement son adbersaire, & il nous
fallut sauber à Cadillac chez lou Duc d’Espernon mon
Cousin, quittant ainsi, & amour & Maitresse.

Le Poit. Que de monde vous auez tué, M. le Marquis
sans estre en peine !

Le Gas. Que distes-bous, sans estre en peine ! tous ces
duels m’ont raby plus de cinq à six ans de liberté, & plus
de vingt-mille libres de rebenu, pour outenir mes graces
& contenter mes parties cibiles.

Le Poit. Le Roy vous a t’il bien voulu donner tant de
graces ?

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Le Gas. Iou ay l’honneur d’estre son parent, & puis
toutes mes querelles ont esté ioustes de mon costé, ie
bous beus dire le reste.

Le Poit. Ie lis les Amadis de Gaule, quand ie vous entends
parler de tant de duels, de valeur, & de courage :
mais puis que vous le voulez bien, voyons donc comme
vous débroüillastes cette derniere.

Le Gas. C’estoit fait que de moy, si l’on m’eut attrapé :
tous les plus vrabes de la Probince se mirent en campagne
pour me chercher, & me mettre au tomveau, en recompense
de tant d’autres que i’abois mis dans la viere.

Lou Duc d’Espernon me serbant d’azile, me conseilla
de n’aller ny en Allemagne, ny en Catalogne, ny en
Flandres, doutant qu’en ces endroits mon ennemy y
aboit des parens qui possedoient de grandes charges, &
qui n’eussent pas manqué de m’y faire prisonnier, si iou
eusse pris cette route, & c’est la braye raison pourquoy
iou fus contraint d’aller en Italie pour ébiter l’ourage
dont l’on bouloit m’avismer. Veaucoup de gens de mes
parens, & de mes amis voulurent s’oupouser à mon boyage :
mais le moyen d’arrester le cours à vn deluge, d’empescher
le moubement du Souleil, & de vorner mon courage ?
C’est foulement bouloir enfermer l’air, & lier le
bent que de bouloir limiter les bolontez martiales du
Marquis de Roche-vlanche. Iou boulus d’auord me faire
dresser vn superue équipage : mais considerant que cette
superve despense me feroit plus d’enbieux que d’amis,
ie me fis en dresser vn mediocre. Six chebaux ; six paires
d’avis, & six balets domestiques furent toure ma suitte,
resolu de n’aller à l’armée que comme bolontaire. Enfin
la Renommée puvliant que les Mareschaux de la Meilleraye,
& du Plessis Prassin alloient assieger Piombino, iou
sus à l’instant si touché d’impauence d’aller à ce siege que
ie commeucay de faire mes adious. Cependant que grand
nomvre de gens me benoient complimenter, iou sçeus

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qu’on alloit trabailler à la circonbalation de Piombino, ô
Diou que ie fus surpris, & que iou conçeus de deplaisir en
mon cœur iou fus quelque moment inconsolaule : mais
comme ie bis qu’il ne me serboit de rien de m’affliger, &
que i’abois assez de temps pour me rendre au siege, iou
resolus de partir promptement. Cinq de mes havis
estoient faits, il n’y auoit plus qu’à attacher quelques vastes,
& quelques voutons à mon bestement, dont le pourpunt
estoit de chamois tout vrodé d’or, & la gregue d’escarlatte
en mesme vroderie, quand quittant tout ie laissay
à mes balets le soin de ses nipes, auec ordre de me benir
trouberau campde Piombino ; ainsi iou pris la poste, &
me rendis vien-tost à ce siege.

 

Le Poit. Voila bien la plus grande impatience, dont
i’aye iamais ouy parler, replique Alcidon en se mocquant.
Ce que c’est de la valleur, du courage, & du desir d’aquerir
de la gloire ! il ne faut pas demander si vous fustes bien
receu des Generaux de l’armée, & si tout vostre équipage
ne vous alla pas ioindre selon vos ordres.

Le Gas. Personne ne fuit plus la confusion que iou fais,
& cela fit que quand ie bis que ces Illustres Generaux
consideroient les personnes qui leur rendoient leurs deboirs,
ie resolus de iuo ne me point faire connoistre à eux,
de crainte d’estre importuné d’accepter quelque éminẽte
charge. Pour mes gens, & mon équipage, tout bint vien
à von port iusques prés du camp, mais par la mort de
mon Escuyer qui m’aboit serbi en mes dix duels, qui fut
attaqué, & tué par vne troupe d’Ennemis, tout me fut bolé ;
car le reste de ce naufrage s’estant boulu sauber se trouba
entre les mains des Espagnols, qui s’en emparerent.
C’est pourquoy bous me boyez si mal monté, & si mal
bestu. Six autres chebaux que i’abois achepté vien cherement
au camp, m’ont tous esté tuez dans les comvats que
nous abons eu à ce siege, & ailleurs.

Le Poit. Les hommes extraordinaires comme vous,

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sont tousiours suiets à de grandes disgraces ? & comment
fistes vous pour auoir vostre nouuel equipage ?

 

Le Gas. Des que iou sceus la mort de mes balets, qui
moururent tous en conuatans baillamment, & la perte du
reste, trois mille pistoles que iou m’estois fait pourter
dans vne male en courant la poste, me donnerent de noubeaux
serbiteurs, & vn autre equipage. De sorte que comme
iou bous ay dit, ie ne boulus point me faire connetre,
ny agir dans l’armée que comme bolontaire. Que iou de
dé plaisir de ne trouber pas les occasions d’vne vataille.
I’estois en si velle humeur de comvattre, que si nous fussions
benus aux mains, iou eusse esté capable de mettre
feul l’armée ennemie en pieces.

Le Poit. Quoy que ie me sois trouué au siege de Piombino,
& de Portolongone, & en beaucoup d’autres occasions
aussi perilleuses, ie reçoy vn si grand plaisir à vous
ouïr parler, que i’ay peur que vostre humilité vous fasse
passer sous silence beaucoup de glorieux faits d’armes,
où vous auez, non pas seulement agi en volontaire : mais
en Cesar, & en Pompée ; c’est maintenant que me ressouuiens
bien d’auoir oüy parler du Cheualier inconnu,
comme d’vn Heros incomparable.

Le Gas. Bous bous raillez bollontiers lou mien, &
bous croyez peut-éstre que ce que ie dis sont sadaises,
croyez à cette berité comme à l’Ebangile. Nous boicy
tantost proche des portes de Paris, iou suis d’abis que
nous ne parlions plus de rien que nous ne soyons arribez
dans cette bille. Boicy benir force cabaliers, qu’abons
nous à faire qu’ils entendent nostre conference, l’on peut
aprendre le mestier de la guerre à nous en oüir discourir ?

Le Poit. Quoy ! vous voulez que la guerre s’apprenne
plustost par le recit que par la pratique, ie ne suis pas de
vostre sentiment qu’on parle tant qu’on voudra de l’art
militaire, à en entendre parler seulement l’on n’apprendra
iamais le mestier de Capitaine. Ne laissez pas pour la

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troupe de gens qui nous approche d’acheuer le recit de
vos faits d’armes.

 

Le Gas. Que bous sçaurois-ie dire dabantage, sinon
qu’en partie i’ay vien aydé à la prise de cette importante
place de Piombino, par mes faits d’armes merbeilleux,
& par mes stratagemes. Incontinent que ie seray à Paris
iou referay mon équipage, & me seray tout de bon connetre
pour le Marquis de Roche-vlanche. I’y dois receboir
deux mille pistoles, dont i’acheteray vn carrosse,
des chebaux, & feray auiller des Pages & des Laquais.

Ie donnerois bien mille francs d’appuntement à vn Escuyer
qui eut le courage, & l’addresse du mien ; si bous en
connoissez quelqu’vn iou lou prendray de vostre main,
sçachant vien que bous ne connoissez que des hommes
baillans.

Tandis que le Gascon parloit de cette sorte, à Alcidon
qui estoit sur le point de luy repartir, vn homme
armé de deux pistollets, & bien monté l’interrompit par
ce discours ; Monsieur, vn Preuost & huict archers vous
suiuent à dessein de vous faire prisonnier, sauuez vous ils
vous accusent d’estre vn deserteur d’armée, c’est vn auis
que ie vous donne seruez vous en.

Le Gas. Seroit-il vien possiule que ces couquins se méprisent
de me croire vn deserteur d’armée, iou qui suis
vne personne extraordinaire ? Ha ! Ciel, coubre moy
d’vn nuage pour me cacher, ou vien aueugle ces infames
qui ont enbie de me perdre, cependant ie bous remercie
de bostre cibilité.

Le Poit. Comment le genereux, le vaillant, & l’inuincible
Marquis de Roche-blanche, vous palissez de peur ?
& au lieu de vous mettre en deffence contre vos ennemis,
vous priez le Ciel qu’il vous cache, vos paroles dementent
bien les effets, dont vous m’auez naguere entretenu,
& ie iuge par là que vous estes cirminel ?

Le Gas. Iamais le von homme lob ne fut plus homme
de vien que moy.

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Le Poit. Si vous auez autant de courage que de sainteté
vous ne deuez point craindre ces gens.

Le Gas. Ouy vien, si ces faquins estoient dignes de ma
coulere ; puis il faut que i’abouë que iou suis en peché
mourtel, & qu’abant de me vattre ie boudrois vien me
reconnoistre.

Le Poit. Tantost trente mil hommes rangez en bataille
ne vous estonnoient point, vos teliques vous preseruent
de la mort, vous estiez nagueres inuincible, & vous
auez maintenant peur de mourir. Cela ne témoigne pas
que vous soyez de la Maison de Foix.

Le Gas. Iou suis tel que iou bous ay dit : mais il y a vien
de la difference d’affronter des gens en vne iuste guerre,
où mes reliques ont vne grande bertu, ou de se vattre de
sang froid contre des couquins. Cependant mon vraue,
si ces gens qui s’approchent de nous, me beulent prendre
pour vn deserteur d’armée, respondez de ma bertu lou
mien, & soyez mon pleige.

Le Poit. Que vos discours tesmoignent bien que vous
estes lache, & que vous n’estes pas grande chose !

Le Gas. Appellez-vous làche le plus baillant de tous
les hommes ?

Le Poit. Aprenez que dés le commencement de vostre
entretien, i’ay connu que vous estiez vn fourbe, & que ie
me suis gabbe de vous en me diuertissant. A vostre taille
ie iuge que vous pourrez bien aller seruir le Roy dans ses
galleres à Marseille.

Le Gas. Ha ! que bous m’ouffencez, si ie me voute en
coulere i’estrangleray tout ce que iou trouberay debant
moy.

Il n’en peut pas dire d’auantage, car le Preuost le preuenant
l’entoura, & luy tint ce discours. Hola ! le vetu de
gris perlé arrestez-vous, ie vous fais prisonnier de par le
Roy, rendez moy vos pistolets, & vostre espée.

Le Gas. Bous bous mesprenez lou Prebost, bous faites
vn attentat, le Roy sçaura l’affront que bous faites au Marquis

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de Roche-vlanche, adieu bostre charge.

 

Le Preuost. Miserable fourbe, me menaces-tu du Roy,
& tu es vn deserteur de ses armes, tu te nommes la Breche,
qui as vollé trente pistolles à vn Capitaine, & auant ce la
cinquante autres à vn Seigneur, dont tu estois palfrenier,
auile si tu es le Marquis de Roche-blanche ; i’ay ta conuiction
dans ma pochette.

Le Gas. O quelle imposture, s’écrie le Gascon, apres
qu’on l’eut desarmé & lié sans faire resistance. Ciel bangez
moy de cette iniure cependant retenez mon courage,
& faites que mon humilité soit plus forte que ma resistance ;
autrement i’enboyerois de mon regard seulement
ces gens au Royaume des omures. Ce qui m’afflige le plus
est que l’on donne vne mauuaise opinion de moy à vn
Gentil-homme à qui iou l’abois donné vonne.

Le Poit. Detrompes-toy la Bresche, i’ay dissimulé auec
toy, comme ie t’ay desia dit ; ie t’ay tousiours bien pris
pour ce que tu es, garde que tu n’ailles estre forçat de galere ;
c’est le moindre mal qu’on te puisse faire.

Le Gas. Ainsi la calomnie outrage mon innocence ! &
l’infamie obscuroist ma gloire ; Puis que le monde me tyranise
soyez mon Protecteur Dieu Venin, & amy des velles
ames comme la mienne, tandis mon vraue, s’addtessa-t’il
au Poiteuin, informez bous de ma prison pour iou
m’y bisiter. Ie bous donneray charge de receboir les deux
mille pistolles qui me sont deuës dans quatre iours par
lettre de change ; ce sera lors que bous sçaurez qui iou suis,
& ce que re baux ; de cét argent ie feray pendre lou Prebost,
& du reste ie m’en équiperay en homme de ma condition,
pour me reboutter en gloire, & triompher de mes
ennemis.

Cela fut cause que le Poiteuin, le Preuost, & les archers
se mirent à rire à gorge déployée. Tandis on laissa Alcidon
à la porte de la ville, & l’on emmena le miserable
fourbe la Bresche, qui se laissa conduire en prison aussi
doucement qu’vn agneau se laisse aller à la mort.

FIN.

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