Anonyme [1649], LA RESPONSE DES BOVRGEOIS DE PARIS, A LA LETTRE ESCRITE DES PROVINCES SVR LE MVTVEL SECOVRS de leurs armes. , françaisRéférence RIM : M0_3415. Cote locale : C_3_56.
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LA
RESPONSE
DES BOVRGEOIS
DE PARIS,
A LA LETTRE
ESCRITE DES PROVINCES
SVR LE MVTVEL SECOVRS
de leurs armes.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LA RESPONSE DES BOVRGEOIS
de Paris, à la Lettre escrite des
Prouinces, sur le mutuel secours de
leurs armes.

CHERS COMPATRIOTES,

On nous a ces derniers iours rendu vne lettre de vostre
part, laquelle estant sans datte & subscription nous eust
empesché de luy respondre, de crainte qu’elle ne fust supposée &
à dessein pour descouurir nos sentimens, sans deux puissantes
considerations que nous auons eu sur ce sujet : La premiere, est
la crainte dans laquelle il y a apparence que vous estes de vous
declarer ouuertement aux yeux de ceux que vous auez
tant sujet d’apprehender : La seconde, la parfaite connoissance
que nous auons, autant de vostre zele que de vostre ordinaire oppression,
qui estans toutes deux dans l’excez ne peuuent produire
que des effets extrémes ; Nous vous respondrons donc en la
mesme façon que vous nous auez escrit, & vous dirons en premier
lieu que c’est à tort que vous nous accusez d’auoir seulement
douté de vos volontez & de vostre secours lors que l’vn &
l’autre nous estoient si necessaires, nous sommes si confirmez
dans la bonne opinion de vostre generosité & dans l’asseurance
que vous estes veritablement François, que nous sommes autant
incapables d’apprehẽder aucune lascheté de vous que vous l’estes
de la commettre ; Les retardatiõs de vos offres ne nous ont point
donné d’ombrage, quelque chose qu’on vous aye pû dire, trois
ou quatre particuliers sans conseil ny experience aucune, qui ont
pû crier apres vous, de ce qu’au preiudice de tant de belles protestations
que vous faisiez auec tant de chaleur de nous seconder

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aussi-tost que vous nous verriez auoir primé & nous estre mis
vne bonne fois en deffense, il sembloit que vous nous abandonniez
dans le fort de nos necessitez : Ces trois ou quatre crieurs,
disons nous, ne font pas tout vn peuple, comme nous sommes
les plus sages & les plus aduisez en ont bien iugé plus sainement,
ne donnant ce défaut qu’à l’incertitude dans laquelle vous estiez
touchant l’estat de nos affaires par l’Arrest des Couriers & de
toutes autres sortes de voyes, & par cette mesme apprehension
de vous declarer prematurement comme nous auions desia reconnu
par autres lettres & escrits venant de partie de vous, que le
respect a empesché de se souscrire aux meilleures pieces qui se
soient leuës pendant tous ces derniers mouuemens ; En second
lieu, pour les offres qu’auec tant d’ardeur vous nous faites de vos
assistances, nous passerions pour les plus ingrats de la terre à la
veuë de toute la terre mesme, si nous ne vous en rendions auec
toutes les actions de graces possibles pareilles offres des nostres,
en reuanche d’vne bienueillance si singuliere. Estant outre cela
bien raisonnable, puisque la cause en est commune, que le trauail
y soit aussi general ; Mais certes, nous nous trouuons merueilleusement
empeschez à faire reüssir ce mutuel secours. Et nous apprehendons
que ces entretiens de secours, d’armes ; d’oppression,
tyrannie & semblables, ne nous soient aux vns & aux autres plus
prejudiciables qu’vtiles, dans vn temps mesme auquel apres
auoir essuyé tant de malheurs il semble qu’on aye enuie de nous
laisser dans le repos, c’est aigrir vne playe que d’y porter si souuent
la main, & empescher qu’elle ne vienne à vne loüable cicatrice,
que d’en leuer si souuent l’emplastre ; Les Puissances qui
gouuernent l’Estat, sont, ou dans la volonté de nous laisser en
paix, ou de nous recommancer la guerre, si en paix, c’est les irriter,
leur donner matiere d’inimitié, & armer leur vengeance à
nostre ruine, si la guerre, c’est encores fournir d’apparens & de
specieux pretextes aux cruautez qu’ils n’oser oient possible commettre
sans auoir quelque sorte d’iniure pour les authoriser ;
Mais direz vous les sanglants restes du passé, nous sont des presages
assez asseurez de l’aduenir, l’échantillon de leur essay nous
a trop fait connoistre la piece entiere de leur malice consommée,
qu’ils ne manqueront de nous desployer si tost qu’ils en auront

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le moyen. Il est aisé de voir à leur demarche qu’ils ne sont
pas satisfaits, le long eloignement du Roy de Paris ne doit estre
à meilleure augure que les continuelles approches des trouppes
Estrangeres jusques dans le sein de l’Estat, & en vn mot les plus
iudicieux craignent vn hyuer beaucoup plus rigoureux que n’a
esté le passé. A cela nous vous respondrons que c’est le plus souuent
aller audeuant du mal que de luy preparer des remedes auant
qu’il aye paru, nous aduoüons que le Medecin qui empesche que
la maladie n’arriue, merite plus de gloire que celuy qui la chasse
quand elle est venuë, mais aussi comme la gloire en est plus grande,
l’addresse en est bien plus difficile, Et puis qu’il y a pouuoir
de remedier à ces desordres qui est celuy d’entre nous qui puisse
non seulement legitimement, mais encor seurement s’ingerer
dans vne si haute & arduë entreprise ? de pouuoir legitime,
vous n’en disconuiendrez pas, car vous scauez que ce n’est pas
aux particuliers à controller les actions, non pas des Roys, car
ie sçay que personne n’y a iamais pensé, & particulierement à
present que celuy que Dieu nous à donné ne peut encor estre accusé
du mal qu’on nous fait souffrir sous son nom, & par l’abus
qu’on fait de son auctorité, mais mesmes de ceux que vous pretendez
s’estre emparez de sa personne & de son Estat. Vous sçauez
qu’il n’appartient qu’aux Estats generaux, aux principaux
Officiers de la Couronne & aux Parlemens, principalement à celuy
de cette grande ville de Paris, qui en represente luy seul tout
l’esclat & toute la grandeur, & que pour apporter le reglement
que vous desirez, il faudroit d’abord changer iusques à la Regence :
ce qui causeroit infailliblement des maux tant par l’iniure
qu’on feroit à la Reine, que par la jalousie de ceux qui la pretendroient
& autres ordinaires aux changemens de cette consequence,
beaucoup plus grands que tous ceux que nous auons senty &
que vous apprehendez Mai qui est ce qui conuoquera ces Estats
si ceux-là seuls sans ce ministere desquels il ne le peuuent estre,
sont ceux-là mesme qui les apprehendent le plus ; Et quand ils le
seroient, qui nous asseureroit qu’ils commençassent sans corruption
& finissent sans nouuelles surcharges, qui leur sont deux
conditions aussi essentielles que la chaleur au feu & la froideur à
l’eau : qui seront ces Officiers de la Couronne, puisque depuis

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vn si long temps qu’ils deuroient auoir paru, au lieu de nous soulager
auec eux, ils acheuent la pluspart de se perdre auec nous,
par des considerations que nous serons plus aises d’ignorer
que de nommer : Et à l’esgard du Parlement, quel estat en
a-on fait depuis que les Roys se sont mis comme on dit eux
mesmes hors de page ? Croyez vous qu’on ne mette point de
difference entre la declaration & la nomination à la Regence, &
mesmes entre l’enregistrement & la verification des ordonnances
& volontez des Roys ? asseurez vous qu’à present que les Paradoxes
& les distinctions ont tant la vogue, qu’on n’oublie pas
d’en faire en ces rencontres, & qu’on n’accorde plus aux Parlemens
que le mesme pouuoir qu’ils accordent eux mesmes à leurs
Greffiers, d’inserer leurs Arrests sur leurs plumetifs & en deliurer
des copies apres qu’ils les ont pronõcez Mais passant aux moyẽs ;
suposé que nous fussiõs dans le droit, ou les voulez vous prendre ?
vous confessez vous mesmes que vous & nous manquons de
bons Capitaines & de fidels conducteurs, & il est vray, mais ou
en voulez vous trouuer ? esperés vous de mieux reüssir à l’aduenir
que par le passé, ne voiõs nous pas à present que la piece est ioüée,
que la pluspart des acteurs estoient desguisés ? les funestes effets de
leur mesintelligence entr’eux, autant que de leur intelligence
auec nos ennemis, sont-ils pas bien capables de nous faire craindre
la recidiue ? croyez-vous qu’vne fois soit suffisante pour nous
deffendre d’vne nouuelle surprise ? vne fois on nous a pris par vn
piege, vne autre fois on nous prendra par vn autre, & quand on
deuroit encor nous enuoyer des Generaux & nous corrompre
des Magistrats (si tant est qu’on l’aye fait, comme l’on se forge
mille apprehensions, qui n’ont le plus souuent de causes que nos
propres foiblesses) croyez vous que l’vn ny l’autre soit impossible,
dans ce miserable temps où l’interest triomphe si hautement
de la liberté, presque de tous les hommes, & à ceux qui seuls ont
le tresor des recompenses & le pouuoir des chastimens, la liberté
des plus pernicieuses diuisions, les forces du dedans & du dehors
de l’Estat à commandement ? & pour dire en trois mots, les hommes,
l’argẽt & les munitiõs, dont on nous desgarnist si fort tous les
iours, (sous pretexte de les mener dans vne armée, où il ne se brûle
pas vne charge de poudre) que nous ne croyons pas qu’il y aye

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à present dans l’Arcenal dequoy armer vne compagnie de cent
hommes, encores n’osons nous pas en parler, aussi a le bien prendre,
que ce n’est pas à nous : Si bien, chers Compatriotes, que si
on est dans le dessein de nous trauailler vne seconde fois, nous ne
voyons guere de moyen de nous en deffendre. Estimant qu’il
vaut mieux se baisser en terre, pour laisser passer cet orage, que
de s’esleuer pour luy resister, & s’humilier deuant Dieu en detestation
& penitence de nos pechez qui allument sa cholere sur
nous, attendant sa misericorde, que de hausler nos testes criminelles
en mespris de sa Majesté tousiours adorable. Les prieres
d’vn seul homme ont autrefois arreste le bras de sa vengeance
qu’il auoit leué sur tout vn peuple : Il faut à present, & auec plus
de raison, que tout le peuple se mette en ce deuoir, puis qu’il y
est tout égallement interessé. Estant dans cet estat, il ne faut
nullement douter que sa bonté ne nous assiste, & qu’apres auoir
permis qu’on nous aye donné sur la robbe, il ne iette les verges
au feu plustost que de nous en tirer du sang. Que si toutesfois
par des considerations tres-iustes & des moyens tres-asseurez &
tres-legitimes, nous cognoissons que Dieu approuuera nos armes,
nous suscitant quelque saint liberateur, dans l’esperance
que vous ne manquerez au secours que vous nous promettez.
Asseurez vous que nous ne manquerons non plus à vous assister
de toutes nos forces d’aussi grand cœur que nous les employerons
volontiers pour nous seuls, si nos interests se pouuoient separer,
comme estans

 

Vos tres-fidelles & affectionnez
Compatriottes, & seruiteurs,
LES BOVRGEOIS DE PARIS.

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