Anonyme [1649], LA RVINE DV MAL NOMMÉ, OV LE FOVDROYEMENT DV DONION, FAVSSEMENT APPELLÉ DV Droit naturel Diuin ; auec l’abomination de sa memoire, par l’enorme peché de son deffenseur, qui pour le maintenir injustement, s’est declaré ennemy mortel de Dieu, des Roys, & des peuples. , françaisRéférence RIM : M0_3567. Cote locale : C_7_58.
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LA RVINE DV MAL NOMMÉ,
OV
LE FOVDROYEMENT
DV DONION, FAVSSEMENT APPELLÉ DV
Droit naturel Diuin ; auec l’abomination
de sa memoire, par l’enorme peché
de son deffenseur, qui pour le maintenir
injustement, s’est declaré ennemy
mortel de Dieu, des Roys, & des peuples.

A PARIS.

M. DC. XLIX.

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LA RVINE DV MAL NOMMÉ, OV
le Foudroyement du Donjon, faussement appellé
du droit naturel Diuin, auec l’abomination
de sa memoire, par l’enorme peché de
son deffenseur, qui pour le maintenir injustement,
s’est declaré ennemy mortel de Dieu,
des Roys, & des peuples.

Attendite à falsis prophetis, qui veniunt ad nos in vestimentis
ouium, intrin secus autem sunt lupi, rapaces : à fructibus eorum
cogno sceris eos. Marth. cap. 7. vers. 15.

Reuelatur enimira Dei de Cœlo, super omnem impietatem &
iustitiam hominum eorum, qui veritatem Dei in iustitia
detinent. Rom. cap. I. vers. 18.

Hoc erit ius Regis, qui imperaturus est vobis filios vestros tollet :
filios quoque vestras agros quoque vestros, seruos etiam
vestras, & ancillas, & clamabitis in die illæ à facie regis
vestri, quem elegistis vobis : & non exaudiet vos Dominus
in die illa, quia peristis vobis Regem. Sam. Cap. 7.

Ne festines recedere à facie eius, neque permaneas in operèmalo :
quia omne quod voluerit, faciet. Ecclesiastes. Cap. 8.
vers. 3.

IE sçauois bien qu’il vous estoit impossible
de respondre à la veritable Censure de
vostre fameux libelle, sans nous faire voir,
qu’il y auroit suffisamment de l’Asne Monsieur,
en tous les discours que vous entreprendrez de
nous faire ; & si ie ne craignois d’offencer les

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oreilles de ceux qui prendront la peine de lire ce
petit ouurage, ie dirois hautement qu’il vous F.
Monsieur, auec le mesme instrument dont il se
sert pour accommoder, les animaux de vostre
espece. Ie n’eusse iamais creu que l’impudence,
& vn homme qui ne voudroit pas donner le Sceptre
qu’il porte, pour toute la nature crée, eussent
peu compatir ensemble, si vous ne me l’eussiez
appris par vne response si boufonne & si
outrageuse que la vostre. Mais vous auez beau
dire, ce baston que vous tenez si precieux, ne
sçauroit estre au pis aller entre vos mains, Monsieur
le reprouué, que la marque des hommes
qu’on loge aux petites maisons, ou du moins
qu’on doit coiffer d’vne belle marote : Car de s’imaginer
que vous puissiez meriter vn honneur
plus excellent, cela n’est pas croyable ; à l’ouurage
on connoist l’ouurier, & par la parole on iuge
de la suffisance de celuy qui parle. Nest-ce pas vne
folie extraordinaire de s’amuser à faire imprimer
des ouurages si noirs, & si ambigus, où les regles
de la Grammaire ne sont pas seulement obseruées ?
n’est-ce pas estre possedé d’vne estrange
manie, que de vouloir discourir de certaine
matieres que ce miserable Theologien n’entend
pas, & qu’il ne sçauroit iamais cõprendre ? N’est-ce
pas se rendre le plus abominable de tous les
hommes, de s’opposer si demesurement aux volontez
de Dieu, de blasphemer à tort contre ses

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Oints Sacrez, & de susciter les peuples à se retirer
de la legitime obeïssance qu’ils doiuent à leur Prince.
Qu’il n’entend pas les regles de la Grammaire,
cela se void assez au frontispice de son malheureux
Donjon, lors qu’il dit, du Droit naturel Diuin, il
me semble, sauf meilleur aduis, qu’il deuoit dire,
du Droit naturel & Diuin, s’il ne vouloit pas repeter,
du Droit naturel, & du droit Diuin, qui est vne
excellente figure, de laquelle on se sert ordinairement
pour donner vne plus noble expression à la
pensée, à vray dire si c’estoit contre toutes les attaques
des ennemis de Dieu, que ce beau Donjon
estoit estably ne l’auroit-il pas fait construire sans
y penser contre les siennes propres ; veu que ceux
qui n’aiment pas ses Oints Sacrez, ses veritables
Lieutenans, ses venerables Images, ceux qui luy
a pleu d’establir en sa place, de ses propres mains,
ceux de qui il tient le cœur, comme vn thresor precieux,
qu’il nous commande d’honnorer, de prier
pour eux, de leur obeir, & de leur estre subiets,
ceux de qui il nous defend de mal parler, & ceux
de l’indignation de qui il nous faut garder comme
d’vn grand crime, ne sçauroient aymer en façon
quelconque, celuy qui les a constituez en ceste dignité
Royale Qui mesprise la creature, mesprise
le Createur, & qui mesprise le Createur, merite de
mourir en ce monde cy, parmy les feux passagers,
& de viure en l’autre, au beau milieu des flames
inextinguible. Ce mot de Comusade est vn terme
qui sent si fort le fripon, que i’aurois tort de my
amuser d’auantage. Outre cela, le Verset qu’il raporte

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de S. Paul, escriuant aux Romains, Chapitre
premier, fait si fort contre luy, que vous diriez
que le Saint Esprit le luy a dicté pour le confondre.
C’est la raison pour la quelle ie l’ay mis en suitte de
celuy de Saint Matthieu, veu qu’ils s’accordent si
bien tous deux pour la deffense de nostre cause.
Apres ceux-là i’en ay mis encore quelques autres
que i’ay tirez de Samuel, & de l’Ecclesiaste, pour
luy faire voir, par qui est ce que les Roys ont esté
receus, & le pouuoir que ce Souuerain Seigneur
leur a donné sur les peuples. Si cela le choque si
fort qu’il nous le tesmoigne, ie luy conseil de former
vn appel comme d’abus, contre celuy qui les
a establis, dans vne puissance si absoluë : mais c’est
trop long-temps s’amuser sur le frontispice d’vn
libelle si ridicule : passons outre & iugeons du reste.
Monsieur, dit-il, ie vous auois bien aduerty
que le mets par moy proposé, estoit de dure digestion,
à des esprits Cacochismes comme le vostre,
voilà vne diction bien pompeuse & bien magnifique
pour vn homme de sa sorte. Voila debuter
d’vne estrange façon pour vn esprit si sçauãt que le
sien, & qui se veut mesler de discourir sur des matieres
qui luy sont inconnuës. Voicy desia vn beau
suiet à faire l’office du Grammairien de Samotrace,
ou pour le dire sans biaiser, à faire dignement l’Aristarque.
Ie ne croy pas qu’vn crocheteur n’ait de
façons de parler bien plus nobles, & bien plus raisonnables
que les siennes. S’il disoit, ie vous auois
bien aduerty, que le mets que ie vous auois proposé,
au lieu de dire par moy proposé, l’elocution en

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seroit bien plus nette & plus intelligible ? mais le
sens n’en seroit pas pour cela ny plus excellent, ny
plus sublime. Ie n’ay iamais oüy dire, qu’vn mets
seulement propose fust de dure digestion, veu
qu’on n’en a pas encore mangé ; si ce n’est qu’il
veuille que l’opinion exerce l’office de la chaleur
naturelle, sur la priuation, ou sur le non-estre des
choses, ny que ce soit le propre effet de l’esprit de
cuire les alimans, qu’on donne au corps pour sa
subsistance, veu qu’il n’en mange iamais, ou s’il se
figure pour se parer des mets spirituels, il faut qu’il
face aussi pareillemẽt des estomacs, des digestions,
des tripes, & des boudins de mesme nature ; fixion
assez plaisante, & digne de ce grand homme.

 

Ie luy demanderois volontiers s’il a iamais estudié,
& s’il est deuenu Theologien tout d’vn coup,
sans auoir rien sçeu aux principes d’vne science
toute mysterieuse & toute Diuine. Il n’est pas possible
qu’vn homme qui ignore la Logique, & la
Grammaire, comme nous auons desia remarqué,
puisse estre fort adroit à traiter des matieres de si
haute importance. S’il eust bien entendu la definition
des choses, il auroit sçeu que la Cacochimie,
n’est qu’vne corruption des humeurs de nostre
corps, qui vient ou du mauuais regime du viure
que l’on reçoit, ou de la mauuaise disposition de
quelque viscere contracté depuis longues années :
& il scauroit aussi par consequent que les esprits se
trouuent exemps de ces infirmitez corporelles ; l’vsage
en cela, ne peut passer que pour vn sot, s’il ne
donne pas lieu à la raison, d’estre de sa partie. Certes

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si l’on trouuoit autant de lignes que de fautes
dans son discours, encore seroit-il en quelque façon
excusable.

 

Mais qui eust pensé dit-il, qu’vn si illustre Grammairien,
eust emoussé la pointe de son art contre
vn suiet si traitable ? & qui ne se pasmeroit de rire,
entendant censurer vne chose, que l’on accorde
en partie, & que l’on confesse ignorer en l’autre :
sans doute la cause en est tres grande, voire mesme
inaudite ; Comment ce libelle est il fameux, s’il
n’est entendu ? Comment le destruire s’il n’est sapé ?
par quel endroit le saper, que par ses fondemens ?
où les prendre, si ne sçauez où ils sont ? ce
qui me fait croire que ce qu’en dites, n’est que pour
dautãt plus faire redouter la pretẽduë force de vostre
bras, lequel le Dieu aydant & sa sainte mere, se
trouuera bien tost eneruée, parce que vous nous
promettez encore de mieux faire, si l’on iase ; vostre
bonne humeur se trouuant toute regayée de la
rosée de ce Printemps : de l’effect de laquelle vous
nous ferez part, s’il vous plaist.

N’est ce pas là vn style bien florissent & plein
d’artifice ? N’est-ce pas la vn style graue, maiestueux,
& sensible à l’oreille ? N’est ce pas la vn style
bien coulant & bien lié, diuersifié de quantité
de pointes d’esprit, sans obscurité & sans bassesse ?
N’est ce pas la vne façon de parler tout à fait embellie,
& tout à fait animée par de tres excellentes
raisons, & par des sentences dignement releuées ?
N’est-ce pas la vn style, où le brillant des figures
& la iustece des periodes, font de rauissantes impressions

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sur l’esprit des hommes ? N’est-ce pas la
vn discours, capable d’exciter dans l’esprit du Lecteur
des moyens conformes à la creance qu’il pretend
luy auoir donnée ? Notez de grace ces mots,
émoussé la pointe de son art, comme si les arts
estoient des choses pointuës, voire mesme inaudite ;
voila vne façon de parler bien genereuse, saper
vn libelle, est encore vn terme bien raisonnable,
où les prendre, si ne sçauez où ils sont, & où est le
verbe, Monsieur le Docteur, qui doit regir le nominatif.
Ce qui me fait croire que ce qu’en dites,
est encore la mesme chose, laquelle Dieu aydant
& sa sainte mere, est aussi vne maniere de discourir
assez sainte, & de laquelle ma nourrisse se sert ordinairement,
lors qu’elle veut dire les choses de
meilleure grace. Se trouuera bien tost eneruée, ce
mot d’eneruée, est vn mot fort significatif, & qui
ne sonne pas mal à l’oreille. Si l’on iase, n’est il pas
rauissant : & ce mot de regayée, ne vous fait-il pas
regayer, aussi gaillardement qu’il le regaye.

 

Si ie voulois faire vn volume de trente ou trente-cinq
feüilles, ie n’aurois qu’à luy respondre auec la
mesme sincerité que ie luy ay respondu aux trois
premieres lignes. Mais comme c’est vn disciple ingrat,
qui ne paye son Precepteur que d’iniures, il
peut bien prendre la peine d’orenauant de s’instruire
tout seul, ou de chercher vn autre maistre.
Voicy de grace, Cher Lecteur, l’endroit où i’ay
emoussé la pointe de mon art, à son compte ; Voyõs
si vous serez de mon aduis, ou si vous le iugerez

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aussi intelligible, qu’il le croit estre. Prenez la peine
d’en estre le iuge, ie vous en supplie.

 

C’est pourquoy on se contentera seulement de
vous laisser ces deux passages à digerer : car les affaires
du temps, qui exercent les beaux esprits, ne
sont de la nature de celle que traitez n’ayans point
de Roy agissant : & tous les pretendus Ministres,
ne s’en pouuans vendiquer la puissance, non plus
que la sagesse : Mais simplement suiure les loix de
l’Estat. Ce dernier Atribut entre tous les autres,
luy deuant, selon Salomon, estre infus, Prouerb.
Chap. 16. Vers. 10. Et partant à sa seule Majesté reseruée,
pour luy donner vn si grand, & terrifiant
éclat, que d’vn simple trait d’œil, suiuant le mesme
Autheur, Verset 8. du 20. Chap. desdits Prouerbes ;
elle soit capable d’écarter & dissiper toute sorte
d’iniquité.

Faites moy la faueur de me dire où est l’art qui
n’emousseroit pas là sa pointe, pour me seruir du
terme de ce falot, s’il en fut vn au monde. Depuis
ce dernier Attribut, n’est ce pas là vn veritable
Cocq à l’Asne ? quoy que le surplus ne soit pas fort
intelligible. N’ay-ie pas raison de dire apres cela,
que sa replique est bien innocente ? & que s’il se
fut expliqué plus nettement, que i’aurois continué
à luy respondre, ie vous fais iuge, mon cher
lecteur, d’vn different dont ny luy, ny moy, ne
sçaurions estre que les parties.

Cependant parlons d’affaires le plus succintement
qu’il sera possible, dit-il, encore : car aussi

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bien ay-ie reconnu, que c’est vostre methode, en
alongeant le parchemin, comme l’on dit, ad fortiter
broüillandum & captandum sotreos : sçauoir pour bien
battre les buissons sans rien prendre que les dupes,
adresse singulier des foibles & poltrons. Ou est le
pronont, de qu’il sera possible, Monsieur le Docteur :
Il me semble que, qu’il nous sera possible
seroit mieux dit, & de meilleure grace, ce n’est pas
encore sçauoir la langue Françoise, de dire c’est vostre
methode en alongeant le parchemin, il faut
dire, c’est vostre methode d’a longer le parchemin ;
sçauoir en cet endroit là ne vaut rien du tout, non
plus que son Latin ; & bien battre les buissons sans
rien prendre que les duppes, est encore dire la plus
grande sotise du monde, il monstre bien qu’il n’est
pas moins igorant en chasse, qu’en Grammaire :
car les duppes comme luy ne se prennent pas dans
les buissons : ce sont des animaux qui marquent
auoir plus d’esprit qu’il n’en a pas ; puis qu’ils ne se
produisent point de leur propre mouuement, pour
leur defaite. Aussi s’est-il pris luy mesme en cette
rencontre, comme vn lasche par son addresse singuliere,
ainsi qu’il le dit fort bien luy-mesme : quoy
qu’adresse singuliere soit vne aussi sotte façon de
parler que la precedente.

 

Voicy comme il continuë. De quelle Prophetie,
ie vous supplie estes vous anime : d’auoir preueu
de si loin les deux derniers libelles, pour les
censurer dés le mesme iour de la lettre d’Auis, auãt
qu’ils fussent conçeus ? ie suis certain qu’elle n’est

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ny d’en-haut ny d’enbas ; n’agissant en faueur du
premier : & tous les Diables ne presumans sur les
pensées des mortels, par consequent vaine & fastueuse.

 

C’est icy où ie trouue que nostre ignorant croit
auoir dit des merueilles. De quelle Prophetie ie
vous supplie estes vous animé, il semble qu’il veuille
faire des Vers Burlesques, auec sa Prophetie &
son supplie : & si c’estoit le propre de la Prophetie
d’animer l’homme à la preuoyance, ie luy pardonnerois
le reste ; la Prophetie n’estant que l’effet des
choses preueuës, ne sçauroit estre par consequent
le motif, ou le principe de preuoir, quoy qu’il en
puisse dire, ce qui me fait croire, que c’est vn homme
moins preocupé de son sçauoir, que de sa suffisance.
Voyez encore son incongruité, de quelle
Prophetie estes vous animé d’auoir preueu ; pour
dire de quelle Prophetie estiez vous animé d’auoir
preueu : Il confond le present & le passé dans vn
mesme instant, tant il est adroit en toute sorte de
sciences. Apres pour censurer les deux derniers libelles,
dés le mesme iour de la lettre d’Auis, n’estãs
pas encore conceus, est vne supposition tres fausse,
si l’on prend la peine de lire la preface, qui est
au commencement de la veritable censure que
i’en ay faite, on trouuera que ie dis que la response
à la lettre d’Auis auroit paru le mesme iour, & cela
n’est pas moins possible, que la respõse qui fut faite
à vn liure inquarto du pere Petau, laquelle fut
mise en vente presque aussi tost que son ouurage.

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Ie sçay bien mieux que luy, & mieux qu’il ne le
sçaura iamais, comment est ce que cela se peut faire ?
Vous trouuerez que ie dis en suitte que du depuis
en ayant esté detourné, par des sentimens qui
paroissoient assez raisonnable ; Mais voyant qu’on
s’estoit mis en peine de luy respondre & de la refuter
d’assez mauuaise grace ; & qu’outre cela on a
fait encore vne replique à celuy qui venoit de la
censurer ; ie croirois estre indigne de viure, si ie
laissois perdre vne si belle occasion, que celle de
les desabuser tous trois ensemble. S’il eust consideré
ce mot du depuis, & voyant qu’on s’estoit mis
en peine, & qu’outre cela on a fait encore vne replique,
il n’auroit pas esté si sot qu’il est, d’imposer
des faussetez à son Precepteur, & de reconnoistre
ses bien faits, par des outrages, où la confussion
du disciple se trouue si manifeste. Ainsi il auroit
veu qu’il ne m’estoit pas necessaire d’auoir esté animé
ny d’en haut, ny d’en bas, & moins encore du
milieu, pour ne Prophetiser que de la sorte, c’est
sans doute qu’vn homme qui ne sçait pas bien parler
François, comme nous auons fort bien remarqué,
à beaucoup de peine à l’entendre. Suffit qu’il
confesse que l’homme animé de l’esprit de Dieu,
peut deuiner ce qui est de plus mysterieux, & mesmes
ce qui n’est pas, en la mesme façon qu’il peut
estre, par le moyen d’vne intelligeance enticipée.
Saint Paul nous asseure que l’art de Prophetiser est
vn don du Saint Esprit, confere à qui bon luy semble :
& S. Pierre dit, que cette sorte d’agir n’est pas

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suiette aux declarations particulieres, n’estant
qu’vne volonté Diuine. Il est vray qu’il y a de certains
Prophetes comme vous, qui par leur fausse
doctrine presument de sçauoir beaucoup, & d’anoncer
au nom de leur vaine suffisance, milles paroles
d’iniquité, pour satisfaire à leur presomption
& à leur vaine gloire : mais ce n’est pas de l’authorité
de ceux-là, que le peuple se doit seruir pour fairo
son repos & son salut, leur reprobation est trop
manifeste, & leur confusion trop euidente Quand
le Prophete, dit la Sagesse infinie, vous faira entendre
quelque chose au nom du Seigneur, & que sa
prediction n’arriuera pas de la sorte qu’il l’aura faite ;
asseurez vous que c’est vne pure inuention de
celuy qui ne vise qu’à tirer les sujets de l’obeïssance
qu’ils doiuent à leur souuerain, & qu’à plonger les
ames dans vne perte tres abominable. Vous voyez
bien par là, si tous les Diables peuuent presumer
sur les pensées des mortels, & si leur Prophetie est
vaine & fastueuse, comme vous venez de dire, ces
termes sont si beaux que ie les repete encore vne
foix, pour obliger le Lecteur à considerer leur signification,
& leur excellence.

 

Vostre priere est tres bonne, dit-il encore, mais
ie l’apperçois hypocrite, (voila vne contradiction
tres manifeste, bonne & hypocrite, si ce n’est qu’il
veüille que l’hypocrisie soit vne bonne chose) tout
ainsi que celle de Beze, lors qu’il commença à semer
son heresie, ce commença à semer, fait vne
tres-rude Cacophonie ; outre que s’il prend l’hypocrisie

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pour estre vne bonne chose, l’hypocrisie
de Beze estoit donc bonne. Les œuures de l’vn &
de l’autre, le faisant ainsi iuger. Ie luy demanderois
volontiers où est la reference & la suite de toute
cette ligne, & quel sens il tire de ce l’vn & l’autre
le faisant ainsi iuger : Mais passons par dessus toutes
badinneries, & venons au criminel ; il dit que ie
maintiens le plus abominable gouuernement qui
fut de long temps, qui puisse aprocher de plus prés
celuy de l’Ante-Christ. Iugez de là s’il est bon
Chrestien, & s’il fait bien ce que Dieu luy commande.
Sa Diuine Majesté ne veut pas qu’on parle
mal de nos Magistrats, ny de nos Superieurs en façon
quelconque. Elle veut qu’on les ayme, qu’on
les honnore, & prie pour eux. Voyez s’il vous plaist ;
ce n’est pas là faire ce qu’il ordonne de fort bonne
grace ? n’est ce pas là filler sa corde en parlant, &
chercher vne fin bien glorieuse.

 

C’est vous, Monsieur nostre Correcteur, qui par
vostre grand & sourcilleux frontispice, semblez
étonner, mesme foudroyer ce qui vous resiste :
mais vostre dessein ne tendant qu’à la ruine de Iupiter,
ie veux dire le grand Dieu tonnant & foudroyant ;
ne manquerez de son foudre pour vous
reduire en poudre : ne le prestant qu’à ses veritables
seruiteurs, pour le vanger de ses ennemis, &
de ceux de son peuple ; non plus que le glaiue à
double tranchant de sa parolle, la langue desquels
en estant accrée, ne manque de fil pour contredire
& confondre l’iniquité.

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Repassons cette section vn peu mieux que la precedente ;
quoy que l’occupation m’en soit tres ennuyeuse,
ne trouuant qu’vn nombre infiny de sottises
en tout ce libelle. Que veut dire Monsieur l’ignorant,
sourcilleux frontispice ; auez vous iamais
veu des frontispices sourcilleux, en quelque part
du monde que ce puisse estre, où prenez vous des
epithetes si mal appropriées à leur sujet : mais vostre
dessein ne tendant qu’à la ruine de Iupiter, ie
veux dire le grand Dieu tonnant & foudroyant, ne
manquerez de son foudre pour vous reduire en
poudre. Voila vne reprise bien excellente, & digne
d’estre considerée : comme si l’on pouuoit tendre
à la ruine de Dieu, & que cét Estre Eternel fut d’vne
nature perissable. Ne manquerez de son foudre
pour vous reduire en poudre ; pour dire ne manquera
pas de se seruir de sa foudre pour vous reduire
en poudre, qui sont deux rimes bien riches &
bien faites. Ne la prestant qu’à ses veritables seruiteurs,
pour le vanger de ses ennemis, comme si la
foudre estoit maniable aux hommes : & comme s’il
n’estoit pas du nombre des ennemis de Dieu, de
parler mal des Roys & de susciter ses sujets à se retirer
de leur obeissance. Non plus que le glaiue à
double tranchent de sa parole, cette façon de discourir
estoit bonne iadis, pour parler à sa mode :
mais à present elle est vn peu ridicule, la lãgue desquels
en estant acerée : Notez ie vous prie vne langue
acerée sur vn glaiue à double tranchant de la
parole. N’est-ce pas la vn galimatias bien fait, &

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vne sotise bien inuentée. Ne manque de fil pour
contredire & cõfondre l’iniquité ; il faudroit donc
dire selon son sens, ne manquera pas, pour euiter
de faire vne incongruité. Vne langue ne manquera
pas de fil pour contredire : comme si l’on contredisoit
auec du fil, & que les raisons dont nous
auons accoustumé de nous seruir pour cela, y fussent
inutiles.

 

Puis que ie me mesle d’arguer l’vn & l’autre Censeur ;
il m’est, se semble, loisible de m’instruire par
leurs responses, pour leur donner sujet de soustenir
leurs propositions : & non me preualoir ; mais leur
faire voir leur erreur ; ainsi que vous mesme reconnoissez
au sujet d’Helie : & confesserez Dieu aydãt,
& celuy de Samuel : qui ne fut le premier homme
de Dieu depuis Moïse, pour conduire Israël, Ierobaal,
Badam & Iephté l’ayant precedé : & ne s’estant
trouué seul Prophete dans son temps : autrement
ce Prouerbe, etiam Saülinier Prophetas, seroit
faux, prophetisant auec eux, au retour de son Onction
Royale, dans la recherche des Asnes, Monsieur,
& par consequent bon, & non mauuais comme
vous dites.

Arguer, est des ja vn vilain mot, au sentiment
de tous ceux qui se connoissent en la delicatesse de
la langue Françoise. On ne dit pas aussi ce semble,
il faut dire s’il me sẽble, & non me preualoir, pour
dire & non men preualoir, ainsi que vous mesme
reconnoissez, ce mesme, est la vne diction superfluë,
& confesserez, pour dire, & vous confesserez,

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s’il estoit en classe, on luy demanderoit où est
le pronom, comme il luy faut demander quelque
fois où est le verbe, & confesserez Dieu aydant
que Samuel ne fut le premier homme de Dieu depuis
Moyse, pour conduire Israël, voila encore le
mesme pronom oublié.

 

Outre la fausseté qu’il inuente, de vouloir que
i’aye dit, que Samuel fut le premier homme de
Dieu apres Moyse, pour conduire les Israëlites ; s’il
eut pris le soin de bien considerer le sens de ce passage,
il n’auroit pas fait vne si sotte repartie, i’ay dit,
& le dis encore, afin qu’il n’en pretende cause d’ignorance,
que Samuel fut le premier Prophete
apres Moyse, attendu que l’Ecriture Sainte, qui
doit estre le veritable iuge de nostre differend, ny
mesme pas vn de tous les historiens ny curieux ny
prophanes, ne nous instruisent pas du contraire ;
Et voicy à peu pres les noms de tous ceux qui l’ont
precedé dans le gouuernement du peuple Hebraїque.

Moyse Diuin Legistateur, admirable Prophete,
tres excellent Historiographe, & autheur de la
Loy Iudaïque. Iosué veritable figure de Iesus-Christ.
Iuda fils de Iacob & de Lia. Debora Prophetesse
& Lapidots son mary. Gedeon autrement
Ieroboas ou Ierobaal, de la Tribu de Manasses.
Abimelech Roy de Sichem. Thola Prince & iuge
tout ensemble. Iair de la lignée de Manasse. Iephte,
fils bastard d’vn Galaadite. Othoniel frere de
Caleb. Ahod esleu de Dieu. Samgar homme vaillant.

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Abezan, pere de soixante enfans. Ahialon de
Zabulon. Abdon fils de Hillel, & Samson le fort.
Si bien que le passage. Post hæc veniens in collem Dei,
vbi est statio Philistinorum : & cum ingressus fueris ibi vrbem
obuium habebis gregem Prophetarum descendentium de
excelso, & ante eos Psalterium & tympanum, & le reste.
Ne fait rien contre ce que ie dis, attendu que ce ne
fut que long-temps apres, que Samuel eust commencé
de Prophetiser, & qu’il eust dressé vne échole
de Prophetes, qui fust comme successiue entre
les Iuifs, si Genebrard Archeuesque d’Aix, & homme
tres sçauant és lettres Saintes & Hebraïques ;
n’est aussi imposteur, que nostre nouueau Philosophe.

 

Il est vray dit-il encore que dés les premieres demarches
criez victoire : mais la fin couronne l’œuure,
vostre auant-garde fait merueilles, ie le confesse :
mais c’est en faueur de vos ennemis : & vous
cause tel & si grande desroute, que le cœur vous en
manquant auec Spasme ; le reste demeure à l’abandon ;
les ventricules de vostre cerueau, ne s’estans
trouuez de disposition requise, pour bien digerer
ce morceau, l’auarice & l’iniustice flateresse les
ayans peruertis.

C’est icy où il croist nous donner du plat le drolle :
mais c’est vn fin Ase, à ce que i’en puis connoistre.
Voyez comme il nous exalte pour nous humilier
en suitte à sa mode. Apres nous auoir persuadés
de crier victoire dés les premieres desmarches, il
dit que nostre auant garde nous cause vne telle

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& si grande desroute, que le cœur nous en manquant
auec Spasme, le reste demeure à l’abandon.
Voila vn homme qui entend bien les termes de la
medecine de dire que le Spasme vient du manquement
de cœur, & c’est au contraire : car l’espasme
est vn retirement de nerfs, qui cause vne conuulsion
de membres, & des deffauts de cœur : ou si ie
ne me trompe, il dit, que le cœur nous en manque
auec Spasme, comme si le cœur auoit des nerfs,
des membres & vn autre cœur dedans luy, pour
estre sujet à toutes ses maladies. Le reste demeure
à l’abandon, comme si apres le tout, il y auoit encore
quelque chose de reste, veu que l’espasme est
vne maladie vniuerselle de la personne toute entiere.
Les ventricules de vostre cerueau, ne s’estans
trouuez de disposition requise, pour bien digerer
ce morceau : de sorte que l’espasme estant vne maladie
vniuerselle, ie trouue qu’il n’y à point de morceau
à digerer, ou s’il y en a qu’elqu’vn, ce n’est
pas le propre du cerueau de digerer des morceaux,
& puis il y a cerueau & morceau qui riment assez
bien ensemble, il dit encore que l’auarice & l’iniustice
flateresse, ont peruertis les ventricules de
mon cerueau apres qu’il a dit auparauant que le
manquement de cœur auec le Spasme, en estoient
la cause. Beati pauperes spiritu, dit Saint Mathieu,
en son Chap. 5. ie ne sçay s’il entend parler de ceux
qui sont aussi sots que luy, lors qu’il leur promet la
beatitude eternelle.

 

Car reconnoissans que l’histoire de Roboam,

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par moy premierement que vous citée & cotée ;
auec les passages des 16. 17 & 20. Chapitres & versets
10. 26. & 8. des Prouerbes, sappoit vos remparts,
& ruinoit de fond en comble vostre dessein,
la receuez frauduleusement, pour luy couper la
gorge : & voyant les autres trop forts, sçauoir lesdits
passages, les esquiuez sans dire mot, sinon que
ne les connoissez pas : aymant mieux (crainte de
donner de la gloire à Dieu, en confondant ses ennemis,
par la reuelation de la verité) passer pour
ignorant, que veritable : dont si ny prenez garde,
la recompense vous est aussi certaine la bas, que
celle des Demons.

 

N’est-ce pas là encore vne grande impudence,
de dire qu’il a cité l’histoire de Roboam, & pour
vous faire iuges si cela se doit appeller citer vne histoire,
voicy de quelle façon il l’a cite. Vous auriez
apris le mespris que firent les Israëlites de Roboam,
& comme ils choisirent Ieroboam pour
leur Roy, pour ne les auoir pas voulu soulager des
miseres où feu son pere les auoit mis, si c’est citer
vne histoire il a raison, & moy i’ay tous les torts du
monde. Les histoires seroient bien aisées à citer &
à faire, si elles n’auoient pas plus d’estenduë. Il dit
encore qu’il a citez & cotez les passages des 16. 17.
& 20. Chapitres des Prouerbes de Salomon. Et
quand il auroit fait les choses comme il se vante de
les auoir faites, quel auantage voudroit il tirer de
cela ; i’ay veu dans plusieures conferences, de
Couteliers & de Tailleurs, les citer auec plus de

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grace qu’il ne sçauoit faire. Vn nombre infiny de
sots, les ont citez auant luy, & vn nombre infiny
d’ignorans comme luy, les citerons mieux qu’il n’a
pas fait, deuant que la fin des siecles arriue. Ie suis
bien assuré qu’il n’a iamais parlé du 17. dans son libelle,
& voicy l’eloquence auec laquelle il raporte
les deux autres.

 

C’est pourquoy on se contentera seulement de
vous laisser ces deux passages à digerer : car les affaires
du temps qui exercent les beaux esprits, ne
sont de la nature de celles que traittez, n’ayant
point de Roy agissant ; & tous les pretendus Ministres,
ne s’en pouuant vendiquer la puissance, non
plus que la sagesse : mais simplement suiure les loix
de l’Estat. Ce dernier Atribut entre infus. Prou. ch.
16. Vers. 10. & partant à sa seule Majesté reserué,
pour luy donner vn si grand & terrifiant éclat, que
d’vn simple traict d’œil, suiuant le mesme Autheur
vers. 8. du 20. ch. desdits Prouerbes, elle soit capable
d’escarter & dissiper toute sorte d’iniquité.

N’est-ce pas là citer des passages de bonne grace,
les Oracles du temps passe n’estoit pas si ambigus,
& les Propheties de Nostradamus, ont quelque
chose de plus intelligible. Si ie voulois coniurer
les Demons, ou guerir facilement des fievres,
ie ne voudrois faire que trois ou quatre signes de
Croix, & me seruir des mesmes paroles. Mais repassons
encore vne partie de ce que nous venons
de dire, pour le corriger d’vne autre sorte. Voyla

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receuoir son histoire, comme il dit, frauduleusement
pour me couper la gorge. Si vne histoire tranchoit
comme vn rasoir, il auroit quelque raison de
se seruir de ces termes : mais le pauure homme, il
ne sçait là où il en est ny ce qu’il en doit dire. Voyãt
les autres trop forts, sçauoir lesdits passages ; n’est-ce
pas là vne reprise digne de ce grand genie. Les
esquiués sans dire mot, sinon que ne les connoissez
pas. Pour dire & vous les esquiuez sans dire mot,
montrant que vous ne les connoissez pas. Voila
deux pronoms oubliez, qui font toute la grace de
nostre elocution Françoise. Il faut qu’il sçache que
l’elocution est vn chois des paroles ou des vocables
bien choisis, pour exprimer naïfuement & auec
grace, les choses que l’on veut dire, laquelle on
peut embelir de sentences, de figures, de tropes,
de comparaisons, de similitudes, d’epithetes, &
d’autres diuers ornemens de l’eloquence. Aymant
mieux crainte de donner gloire à Dieu, en confondant
ses ennemis, par la reuelation de la verité, passer
pour ignorant, que veritable. S’il disoit crainte
de donner de la gloire à Dieu, seroit beaucoup
mieux s’il me semble, veu que ce de, particule, &
ce la article, y sont tres necessaires, en confondant
ses ennemis par la reuelation de la verité. Il semble
en parlant pour moy contre luy, qu’il se face son
procez luy mesme : car la verité de soy est vne Deésse
si pressente, qu’elle fait parler insensiblement
ses ennemis pour les confondre, ne pouuant agir
contre elle, comme dit fort bien Saint Paul, escriuant

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aux Corinthiens en sa 2. Epist. Passer pour
ignorant, que veritable, au lieu de dire passer pour
ignorant que pour veritable, dont si ny prenez garde :
voilà encore vn vous oublié contre les regles
de la Grammaire. La recompense vous est aussi
certaine là bas que celle des Demons. Il me semble
que quand il auroit dit la recompence vous en
est aussi certaine, ne seroit pas si mal ; outre que ce
n’est pas parler en bon Chrestien ; puis que Iesus-Christ
luy defend de iuger son prochain, & qu’il
sera mesuré de telle mesure qu’il mesurera les autres.

 

N’est-ce pas là luy couper la gorge : que de la denier
faire pour mon sujet ? Mais n’est ce pas manquer
de iugement, qu’en ce faisant, vous confessez
pourtant, qu’il fut chastié de Dieu pour auoir
suiuy le mauuais conseil, & mal traité son peuple
de parole seulement ? n’aperceuant pas, où le dissimulant,
que par consequẽt il n’estoit le maistre, en
faisãt mal : mais le peuple, qui le luy témoigna bien,
en le mesprisant, & assommant son Sur-Intendant,
Adure, quelque denonciation qu’il eut faite du
temps de Saül, au droit des gens : iceluy ne se pouuant
iamais ny prescrire ny ceder : dont Dieu fut
tres contant, aussi bien que de la reuolte de Ieroboam
contre Salomon, quoy que pour chose legere,
ne leur ayant premierement insigné la rigueur
& la tyrannie, par vous raportée ; que pour le diuertir
de leur dessein d’auoir vn Roy : à cause des
excez que telles personnes ont accoustumé d’exercer

-- 25 --

sur les peuples : desquels pour l’affection qu’il
leur portoit, il les desiroit exempter : & dont il n’eurent
sujet de se plaindre, pendant le regne dudit
Saül ne leur ayant fait aucun tort, ains au seul Dauid.

 

N’est ce pas là luy coupper la gorge, que de la
denier faire pour mon sujet ? que veut dire cela de
grace, où est la reference de ce n’est-ce pas là luy
couper la gorge : s’il la faut aller chercher, le chemin
en est si long, que cela oste l’enuie au lecteur,
de se vouloir instruire du lieu où elle peut estre : outre
que ce n’est pas sçauoir mettre sa phrase dans le
tour qu’il faut donner à la langue Françoise. Mais
n’est ce pas manquer de iugement, qu’en ce faisant
vous confesséz pourtant. Voilà trois mots de
suitte qui terminent par ant, qui est vn grand vice
en la langue Françoise. Qu’il fut chatié de Dieu,
pour auoir suiuy le mauuais conseil des ieunes, &
mal traitté son peuple. Ouy ie l’ay confessé & le
confesse encore : mais ie ny ay pas mis de parole
seulement, comme vous, Monsieur le Commentateur :
Car ces mots pour auoir suiuy le conseil des
ieunes, supposent beaucoup d’autres crimes, que
nous deuons taire, ainsi que Dieu nous le commande
à cause de la reuerence que nous deuons à
la Maiesté Royale, & ce que ie viens de dire, ne
conclut pas pour cela qu’il ne fut le maistre absolu
du peuple ; veu qu’il ne fut demis de sa Royauté,
que parce que Dieu l’auoit ordonné de la sorte, &
puis que c’est luy seul qui à le droit de les élire, c’est

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à luy seul à qui il apartiẽt le droit de les deposseder,
c’est vne grace que les sujets doiuent attendre de
sa Prouidence infinie. Ieremie nous asseure que le
chastiment du Seigneur, declare les pechez des
hommes. Si cela est, comme il n’en faut pas douter,
qui peut dire que les desordres qui nous sont
arriuez, & que les mal heurs qui nous menacent
encore, ne nous soient pas enuoyez de Dieu, qui
change bien souuent le cœur des Souuerains, pour
nous punir des impietez du peuple. Les 21. 22. 23.
& 24. Vers. du 12. Chapitre qui est au 3. Liure des
Rois, font bien voir clairement, que c’estoit vn
decret absolu de celuy qui peut toutes choses, veu
que Roboam auoit cent quatre-vingt dix mille
hommes, pour remettre ceux qui l’auoit chassé, &
qui auoient assommé son Sur-Intendant, & dans la
raison & dans l’obeïssance, s’il n’eust reçeu vn ordre
exprez du Souuerain Seigneur de l’Vniuers, de
ne le pas faire. De sorte que quand il plaira à sa Diuine
Majesté, que ce que vous desirez auec tant de
passion arriue, elle sçaura bien trouuer les moyens
d’en venir à bout, sans que vous, ny plusieurs autres
criminels de vostre espece, se mettent en peine
d’anticiper sur les droits d’vne authorité independente,
comme la sienne. La reuolte de Ieroboam
contre Salomon, fut faite encore par l’ordre
de ce puissant maistre des Roys & des Empires,
non pas pour chose legere, comme vous dites : mais
pour auoir abandonné Dieu, pour s’estre rendu
idolatre à la suscitation des femmes, si c’est peu

-- 27 --

de chose à vostre conte, ie ne sçay pas ce qu’il faut
faire pour offencer vne diuinité si sacrée & si ialouse
de sa gloire que la sienne. Ne leur ayant insinué
la rigueur & la tyrannie, que pour les diuertir de
leur dessein d’auoir vn Roy, à cause des excez que
telles personnes ont accoustumé d’exercer sur les
peuples, pour dire ne leur ayant fait entendre, ou
ne leur ayant representé la tyrannie & le reste : à
cause des excez que telles personnes ; n’est ce pas
la parler auec honneur, auec respect, d’vne Majesté
si sacrée, que celle des Princes. C’est vn crime
Monsieur l’ignorant, qui merite vne punition
exemplaire.

 

Et pour ce qui est desdits passages que confessez
n’entendre, i’en fais iuges messieurs les Caualiers
de Neptune, & le grand Conseil d’Atlas vos
voisins. Enfin sans prendre garde à vostre façon de
parler, tant ie suis rebuté de vous entendre iaser de
s’y mauuaise grace, ie vous diray si ces messieurs
sçauoient vostre demeure & vostre nom, qu’ils ne
manqueroient pas d’aller chez vous, chargez de
leurs marques d’honneur, sans vous donner la peine
de venir chez eux, pour iuger de nos differens,
afin de vous apprendre à parler des Roys, auec vne
veneration plus respectueuse.

Quand à l’Enigme, Monsieur le Pedent, il fait
bien voir que vous n’estes qu’vn Asne, qu’vn seditieux,
& qu’vn homme consacré aux mauuais esprits,
qui vous souflent aux oreilles.

Pour mon nom & ma demeure, vn Gentil-homme

-- 28 --

de mes amis, en fut instruire vostre Imprimeur,
à dessein d’apprendre le vostre.

 

Et pource que vous ne voulez pas approuuer que
les hommes puissent remettre les pechez, sçachez
s’il vous plaist, que le Prestre est le veritable Lieutenant
de Dieu en terre, & qu’il est tellement vn,
auec son createur, par la vertu de sa dignité Sacerdotale,
que son authorité souueraine, veut absolument
qu’il puisse seruir de moyen entre Iesus-Christ
& ses creatures, afin qu’en cette qualité il
ait la puissance de iuger & d’absoudre, & mesmes
de remettre en son nom, toutes sortes de crimes,
de quelque nature qu’ils puissent estre ; qui est à
n’en point mentir, la veritable clef, auec laquelle
ce digne Souuerain, nous fait vne suffisante ouuerture
de la beatitude Eternelle. Receués le S. Esprit,
dit ce veritable Soleil de Iustice à ses Apostres, lors
qu’il les fût trouuer aprés sa Resurrection, à tous
ceux ausquels vous remettrez les pechés, ils leurs
seront remis : & à quiconque vous les retiendrez,
ils seront retenus. Apres cela vous ne voudriez pas
qu’il y ait que Dieu seul qui puisse remettre les pechez
des hommes ; puis que sa Diuine bonté a ce dé
ceste grace à tous les Ecclesiastiques du monde,
successiuement des vns aux autres, & à cause que
personne ne les peut remettre à vostre conte, &
que Dieu veut la guerre, parce que vous la voulez,
à quel prix que ce soit, & qu’il attend la vengeance
de la main de ceux qu’à cette fin il a establis, & à
leur deffaut, de celle des peuples, vous deuriez

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puny cõme vn imposteur de sa Sainte & Sacrée parole,
comme vn criminel de leze Majesté, & comme
vn perturbateur de la tranquilité publique.
Les exemples que vous raportez de Phinées, & des
Israëlites, suffiroit assez pour vous faire brusler
tout vif si l’on vous faisoit iustice, à cause de l’abominable
application que vous en faites, & si le passage
que ie rapporte du 8. chap. de l’Ecclesiaste, ne
s’entend que contre les peruers, ie vous conseille
de prendre garde à vostre personne ; car le Prince
ne porte point de glaiue sans cause, ce que vous
trouuerez iustement au dessous de Nam Principes
non sunt timori boni operis, sed mali. Duquel passage
vous tirez vne consequence aussi pernicieuses, que
l’esprit de celuy qui veut faire parler l’Escriture,
de la mesme façon que les Demons font parler le
plus detestable de tous leurs complices, & pour
comble de sa reprobation eternelle, il veut que
les Roys & les Papes soient deposez, s’il ne font
les choses comme bon luy semble. En fin tout le reste
de cette section est si odieux & à Dieu & aux hõmes,
qu’il vaut mieux le passer sous silence, que de
luy respondre. Tant y a, dit il, en la suiuante, que
vous deuez sçauoir que l’Escriture Sainte, enseigne
que ceux qui communiquent aux mauuais desseins
des autres, sont dignes de la mesme animaduersion
qu’eux : & de maintenir, flatter, extoller
& adorer les plus pernicieux, abominables, & impies
qui soient sur la terre, comme celuy que soustenez
en ce point fait, qui deuroient auec leurs

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Dieux estre en cendres. Ne continuë t’il pas encore
à confirmer de sa propre bouche, le iugement
que ie viens de faire de sa personne ? Que peut on
dire dauantage, pour obliger le Ciel & la terre à
conspirer la perte d’vn homme si indigne de viure.
Les Demons qui doiuent estre éternellement punis,
ont-ils iamais commis tant de crimes ? la iustice
Diuine, souffrira-t’elle long-temps auec impunité,
vn esprit si execrable à toute la nature ? N’est-ce
pas là vn de ceux dont parle Dauid au Pseaume
13. & au Pseaume cinquante-deuxiesme ? N’est-ce
pas là vn de ces fols, qui dit en son cœur qu’il ny a
point de Dieu, & qui fait horreur à tout l’Vniuers,
à cause du nombre infiny des iniquités qu’il a commises.
Son gosier est vn sepulcre ouuert à tous les
blasphemes des enfers : & il fait frauduleusement
couler de sur sa langue vn venin d’aspic, qui corrompt
toutes ses leures. Toute sorte de maledictions
sont en ses voyes, parce qu’il n’a pas connu
celle de la paix, ny la volonté de celuy qui doit iuger
cette engeance infernale. Si Diagoras & Theodorus
n’eussent pas vescu en des sentimens de pareille
nature, le feu qui les brusle sans les purger de
leurs offence, s’employeroit peut estre en faueur
de quelqu’autre victime.

 

Plutarque au traité qu’il a fait de la malice d’Herodote,
remarque les effets que ce vice produit,
par le moyen de celuy qui est taché de ce crime. Ce
que ie remarque pareillement dans les libelles de
nostre nouueau Philosophe. Car qui considerera

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attentiuement les choses qu’il y traite, il trouuera
que ce ne sont que des inuectiues & des blasphemes
contre les Oints du Seigneur, contre les Regeans,
& cõtre les Ministres des affaires de la Monarchie
Point de meschant, point de Roy, dit-il,
car il seroit inutile. Le droit des gens doit preualoir
sur toutes choses : & les Roys monsieur, ne sont
ils pas de ce nombre, & encore de ceux que nous y
deuons tenir pour les plus considerables. Ie vous
laisse à penser de quel esprit peut estre poussé vn
homme qui nous raporte pour toute conclusion,
l’horrible attentat commis en la personne, de tres
Illustre memoire, le feu Roy d’Angleterre.

 

FIN.

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Anonyme [1649], LA RVINE DV MAL NOMMÉ, OV LE FOVDROYEMENT DV DONION, FAVSSEMENT APPELLÉ DV Droit naturel Diuin ; auec l’abomination de sa memoire, par l’enorme peché de son deffenseur, qui pour le maintenir injustement, s’est declaré ennemy mortel de Dieu, des Roys, & des peuples. , françaisRéférence RIM : M0_3567. Cote locale : C_7_58.