Anonyme [1652], LA TYRONOMANIE, OV ENTREPRISE TYRANNIQVE du Conseil Mazarin, contre Messieurs les Princes & le Parlement de Paris. I. La découuerte de leur mauuaise intention contre l’Estat. II. Faisant voir comme ils sont ennemis de la Paix Generale. III. Et qu’ils ne tendent qu’à déchirer la Monarchie de France. , françaisRéférence RIM : M0_3904. Cote locale : B_16_63.
Section précédent(e)

LA
TYRONOMANIE,
OV
ENTREPRISE TYRANNIQVE
du Conseil Mazarin, contre Messieurs les
Princes & le Parlement de Paris.

I. La découuerte de leur mauuaise intention contre
l’Estat.

II. Faisant voir comme ils sont ennemis de la Paix
Generale.

III. Et qu’ils ne tendent qu’à déchirer la Monarchie
de France.

A. PARIS,

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

LA TYRONOMANIE,
ou entreprise tyrannique du Conseil
Mazarin, contre les Princes & le Parlement
de Paris. La découuerte de leur
mauuaise intention contre l’Estat, faisant
voir comme ils sont ennemis de la
Paix Generale, & qu’ils ne tendent qu’à
déchirer la Monarchie de France.

SI nous n’auions de l’amour pour la Iustice
& les Loix fondamentales de l’Estat : il ne
seroit besoin d’exposer au public cette importante
piece. Mais quand nous considerons que
son Altesse Royale & Messieurs les Princes,
n’ont les armes à la main que pour destruire
l’ambition déreglée des Ministres & du Conseil
Mazarin, & punir tous les attentats qu’ils ont
faits à la seureté publique ; il ne faut pas douter
qu’elle ne reçoiue par tout vn accueil fauorable.

Enfin, nous auons assez recognu combien le
nom de Ministre, nouuellement inuenté, cette
authorité bastarde, a esté fatale à l’Estat, nous
sçauons que cette sorte de gens (qui gouuernent

-- 4 --

auiourd’huy leurs Majestez) n’ont eu d’autres
Loix que leurs caprices, qu’ils n’ont fait
seruir l’authorité du Roy, qu’à des entreprises
criminelles.

 

La Religion a esté souuent le joüet de leur
fortune : & pour dire tout, ils n’ont iamais inspiré
au Roy, que le feu, le sang & le carnage
des peuples.

L’on sçait que ces Ministres ont tousiours esté
les ennemis jurez des Princes du Sang. Combien
de fois ont-ils persecuté son Altesse Royale
dans le temps qu’il estoit heritier presomptif du
Royaume : ils ont tousiours defiguré ses actions
& sa conduite, pour le rendre odieux au peuple
& à son propre Sang : ils ont esté assez insolens
pour vouloir luy faire perdre les auantages
de sa naissance, & les droicts de la Couronne,
parce qu’il estoit la seule personne qui leur faisoit
ombrage, & qu’il murmuroit contre leur
gouuernement.

Par là se void l’auantage & la necessité qu’il y
a de remettre auiourd’huy l’authorité dans le
poinct legitime : Le Roy, sans doute, y trouuera
la Souueraineté absoluë : il regnera par
tout sans soldats & sans armes : tous les cœurs de
ses sujets seront autant de Citadel les pour luy.
Ce sera pour lors, qu’il ne trouuerra plus de resistance,
tout le monde obeïra à la justice & à la
raison.

-- 5 --

Les Princes du Sang ne seront plus aussi les
esclaues de la fortune : on ne les verra plus sujets
à la violence des Ministres, qui s’éleuent toûjours
sur le debris des testes plus illustres, & sur
le mépris & les ruines des plus sainctes Loix.

C’est le changement heureux que la France
conçoit auiourd’huy de la sage & genereuse
resolution de son Altesse Royale & de Messieurs
les Princes ; elle espere qu’ils abbattront l’Idole
& l’idolatrie : car la corruption est si generale,
que tout à besoin de remede : Enfin tous les peuples
attendent de son Altesse, la reformation :
Que si cette occasion leur manque, ils n’attendent
plus rien de personne : il faut considerer
qu’il n’est pas moins glorieux de conseruer des
Couronnes, que de les conquerir, tout se reünira
dans vn si genereux dessein.

Il faut donc venir à l’examen de l’Edict du
Roy, & de la pretenduë Amnistie, qui est presentée
aux Princes & aux Peuples : c’est vn artifice
des Ministres, du Conseil qui gouuerne le
Roy, & des Officiers de ce beau parlement de
Ponthoise : lesquels par cette causteleuse inuention,
veulent sacrifier le Parlement de Paris, à la
fureur du peuple, & en faire vne victime, pour
descharger sur luy toute leur haine.

Il y a desia long temps, que les Ministres
veulent disposer des plus grandes affaires, & ne

-- 6 --

permettre au Roy de prendre & suiure d’autres
Conseils, que ceux qu’ils luy donnent, quand
ils viendroient des Princes du Sang ; & ont esté
si insolens, que de faire declarer criminels de
leze-Majesté, tous ceux qui parleroient d’affaires
auec le Roy, ou qu’ils luy feroient entendre
des misteres secrets, sans leur auoir esté communiquez :
Et en ces cas, ils ont imité les Parlementaires
d’Angleterre, qui faisoient declarer &
condamner, comme criminels de leze-Maiesté,
les fidelles seruiteurs de leur Roy, qu’ils sçauoient
armer en sa faueur, & découurir les mauuais
desseins de ses ennemis.

 

Les pretendus Ministres & le Conseil d’Estat,
ont fait glisser en cét Edict, que le Cardinal Mazarin
son Cousin, a fait des leuées de gens de
guerre aux frontieres du Royaume, selon les ordres
qu’il en auoit du Roy, que sa Maiesté l’auoit
fait reuenir cette année, pour luy amener cette
armée, contre les Princes : pretexte insupportable ;
le Cardinal a leué vne armée à ses despens,
pour luy seruir descorte, & faire la guerre aux
Princes : & ceux qui deffendent sa cause, auec
ce pretendu Parlement de Ponthoise, disent
pour iustifier son innocence, qu’il a employé &
consommé son propre bien pour sauuer l’Estat,
& le garantir d’vne ruine totale : vn coyon Italien,
vn valet de son premier mestier, vn banqueroutier

-- 7 --

est venu au secours d’vn Roy de France,
& a fait vne armée à ses despens : Voila vn
eau Conseil d’Estat, pour donner la Loy aux
Princes & au Parlement : voila des testes bien
faites, pour manier les affaires d’vn grand
Royaume, & vouloir faire dépendre le Roy du
plus abject de tons les hommes.

 

Ce grand Conseil, repete en cét Edict du
Roy, ce qu’il auoit insinué en son Arrest donné
à Poictiers le 12. Ianuier 1652. en cassation des
Arrests du Parlement de Paris des 19. & 29. du
mois de Decembre dernier, que le Cardinal
Mazarin n’estoit entré dans le Royaume, qu’en consequence
des ordres de sa Maieste, pour amener vn
grand corps de trouppes leuees à ses despens, pour la
seruir dans l’occasion des presens mouuement, & deplus
que ledit Arrest du Parlement du 29. Decembre,
est non seulement contre l’intention de sa Maiesté, mais
aussi contre l’vsage du Royaume & de tres-pernicieuse
consequence : mesme qu’il blesse le College des Cardinaux
& le Chef de l’Eglise, dont ils sont les principaux
membres, & le Siege Apostolique, pour lequel sa Maiesté
veut, à l’exemple des Rois ses predecesseurs, garder
en toutes choses vne deuotion & reuerence filiale.

Par ces termes, ils attaquent le Parlement de
Paris, sçachant bien qu’il ne prononceroit iamais
Arrest iustifiant l’innocence du Cardinal
Mazarin, qui est la veritable cause de l’establissement

-- 8 --

du Parlement de Ponthoise aux fins de le
iustifier & l’interdiction du Parlement de Paris,
& semble par là, qu’ils veillent dire que les Cardinaux
François, ou Naturalisez, & qui ont
mesme des emplois, publics ne sont iusticiables
du Parlement.

 

Cette proposition a-t’elle peu sortir du Conseil
du Roy ? y a t’il vn François ? y a-t’il vn
Estranger residant en France, qui se puisse dire
exempt de la Iurisdiction du Parlement.

Est-ce a cause que les Cardinaux font vn serment
au Pape, & qu’ils se disent les Princes de
l’Eglise ?

C’est vn serment que nous ne cognoissons
point en France, qui n’oblige point nos Rois,
& qui ne peut donner atteinte à leur Iurisdiction
& à leur authorité sur tous leurs sujets, &
sur tous ceux qui demeurent dans le Royaume.

Et defait, nous auons vne infinité d’exemples
de Cardinaux & d’Euesques, à qui l’on a fait le
procés en France & dans le Parlement.

La Saulsaye en la vie de Philippes Auguste,
dit qu’en l’an 1217. le mesme Roy rendit vn Arrest
contre Manasses Euesques d’Orleans.

Lucius lib. 2. tit. 2. lib. des Libertez pag. 37.
rapporte vn Arrest du Parlement de Paris l’an
1373. contre vn Archeuesque de Roüen.

-- 9 --

Philippes de Comines Liu 2. chap. 15. & Iacques
Cardinal de Pauie, au Liure 7. de ses Commentaires,
escriuent que le Cardinal Baluë Euesque
d’Angers & l’Euesque de Verdun, furent
emprisonnez du temps de Louys XI. & leur emprisonnement
iugé legitime à Rome, & par le
Pape mesme à qui le Roy en donna aduis apres
auoir esté instruit, que par les Loix du Royaume.
personne n’estoit exempts de la Iurisdiction
du Roy & de ses Officiers.

La Chronique de Louys XI. adioustée à la fin
de Monstrelet, preuue des Libertez de l’Eglise
Gallicane pag 159 remarque que sous le mesme
Roy Louys XI. Messire Iean Hebert Euesque de
Coustance, fut assigné pour respondre deuant le
Parlement de Paris, des crimes dont il estoit accusé.
Il y comparut, & apres auoir esté interrogé,
il fut arresté & mené prisonnier dans les prisons
de la Conciergerie, & tous ses biens, & le
temporel mesme de ses Benefices confisquez.

Et la vie de Messire Louys Cardinal de Bourdeilles
Archeues que de Tours, qui est en vn
manuscript trouué dans la Bibliotheque de
Monsieur de Thou, qui viuoit sous Louys XI.
se void comme il fut aussi plusieurs fois assigné
au Parlement, & son temporel confisqué pour
auoir esté Refraictaire aux Arrests tendus contre
luy.

-- 10 --

Lucius lib. 2. tit. dit qu’en l’an 1549 il y eust des
Arrests rendus contre les Euesques d’Agen & de
Beziers, au mesme Parlement.

Celuy contre le Cardinal de Chastillon est
assez cogneu, & vn autre rendu contre Messire
Guillaume. Roze Euesque de Senlis : les deux
sont rapportez dans la Compilation des Libertez
de l’Eglise Gallicane.

Ces exemples ne se trouuent pas seulement
dans l’Histoire : mais encores ils se voyent ramassez
dans vn manuscript de deffunct Monsieur
Guy Loisel Conseiller-Clerc de la Grand
Chambre.

Tout le monde sçait aussi les Arrests rendus
au Parlement de Bordeaux contre le Cardinal
de Sourdis, les 15. & 16. Nouembre 1615. Et la
raison qu’ont les Parlement, de iuger ainsi les
Cardinaux & les Euesques, principalement dans
les accusations celebres & de crimes d’Estat,
sans qu’ils puissent se preualloir de leurs priuileges :
& d’autant que le priuilege des Ecclesiastiques
est de droict positif, ce sont les Rois & les
Empereurs qui les leur ont accordé, comme il
paroist dans les Codes de Theodose & de Iustinian,
aux tiltres de Episcopis & Clericis, & de Episcopali
audientia. Tellement que dans les regles,
le Roy n’estans iamais presumé auoir donné
des priuileges contre luy-mesme, celuy

-- 11 --

des Ecclesiastiques cedde à son égard.

 

Et cette regle est tellement inuiolable, que
les Ecclesiastiques de quelques qualité qu’ils
soient, n’ont point d’autres Iuges que les Officiers
du Roy dans les grands crimes : que si le
Pape auoit cité le dernier des sujets du Roy, la
citation seroit abusiue : il ne peut vendiquer personne
en France, cela est de droict public.

Mais quand ie me ressouuiens que depuis
quelques années, le Pape ayant fait vne Bulle,
par laquelle il ordonnoit à tous les Cardinaux
de se rendre à Rome dans vn certain temps. Le
Parlement mesme s’opposa à l’execution, & que
la seule raison dont-il se seruit, fut que les Cardinaux
qui estoient en France & sous la protection
mesme du Roy, n’estoient point iusticiables
de sa Saincteté.

Monsieur le Chancelier en fit alors vn grand
discours au Nonce du Pape, & auec vne hauteur
qui ne sentoit point du tout cette reuerence filiale,
de laquelle les Ministres & le Conseil Mazarin
veulent faire auiourd’huy vanité pour s’accommoder
tousiours aux interests du Cardinal
Mazarin.

Quand ie me souuiens enfin, que le Parlement
excita encore la voix de Messieurs les gens
du Roy, qui interjetterent appel comme d’abus
de cette Bulle, sur cette consideration, que le

-- 12 --

Cardinal Mazarin & les Barberins mesme, qui
estoient pour lors en France, ne pouuoient par
les Loix du Royaume estre iusticiables de sa
Saincteté.

 

Apres cela, qui ne s’estonnera comme ces
nouueaux Ministres sont tombez dans cette absurdité :
il faut qu’ils soient ignorans ou meschans,
qu’ils ayent conspiré contre le Royaume
auec le Cardinal Mazarin, ou qu’au lieu de ces
belles connoissances, que leurs Partisans leur
ont tant de fois attribuées, ils n’ayent iamais
payé que de grimaces & d’hypocrisie.

Le Parlement de Paris donna Arrest sous
Henry IV. contre l’Audiance du Legat, enuoyé
par le pape pour mettre le Royaume en interdit.

Il prononça aussi de la mesme sorte contre
l’Admiral de Chastillon sous Charles IX.

Tout le monde sçait aussi ce que Plutarque à
rapporte de Gracchus, de Sertorius & de Marcus,
sur lesquels il fut ordonné de courrir sus, &
d’apporter leurs testes, par vn Arrest du Senat &
par Ordonnance des Magistrats.

Iule Capitolin, obserue que le Senat ayant
osté l’Empire aux Maximins, pour les cruautez
qu’ils auoient exercées à Rome, & confirmé l’election
de Gordian & de son fils. L’on demanda
de qu’elle façon on arresteroit la violence & les

-- 13 --

entreprises de si puissans ennemis que les Maximins,
le Senat ne trouua point d’autre voye que
de proscrire leurs testes & celles mesme de tous
leurs fauteurs & adherans : & ces Ministres se
scandalisent de ce que le Parlement à mis la teste
du Cardinal Mazarin à cinquante mille escus,
pour crime de perturbateur du repos public : &
voulant abolir ce Parlement, ils en ont estably
vn autre à Ponthoise, pour le sujet d’y faire iustifier
l’innocence du Cardinal Mazarin, sçachant
bien que le Parlement de Paris ne le feroit pas,
& qu’il maintiendroit l’Arrest donné contre
luy le 29. Decembre dernier.

 

Procedure du Conseil Mazarin inoüye, d’interdire
pour vn sujet si maigre, le premier & le
plus auguste Parlement de France, & vouloir
preferer à cette Cour des Paris vn Parlement le
plus chetif du Royaume.

Parlement de Paris de tout temps venerable,
puis que luy seul peut iuger les Princes du Sang,
que le Conseil ne pretende point de superiorité
sur ce Parlement, qui ne recognoist entre les testes
des Ministres du Conseil, que le Chancelier,
comme Chef de la Iustice.

Et pour mieux faire cognoistre l’authorité de
ce Parlement, qui est celle du Roy, je rapporteray
icy ce qui se passa au procés fait à la memoire
de feu Monsieur le Comte de Soissons Prince

-- 14 --

du Sang, des Ducs de Guise & de Boüillon, sa
Majesté sçauoit bien que son seul Parlement de
Paris auoit le pouuoir de faire le procés aux Princes
du Sang, lors qu’ils se trouuent coupables
de crimes de leze-Maiesté, & non point le Conseil
ny aucun autre Parlement de France, en la
Commission qu’elle lui enuoya le 7. Iuillet 1641.
par laquelle elle luy commandoit de procedder
extraordinairement contre les Ducs de Guise &
de Boüillon, pour les causes contenuës en icelle
Commission, & contre la memoite du deffunct
Comte de Soissons, mandant & ordonnant par
ses Lettres Patentes signées de sa main, que sur
les charges & informations, sur lesquelles le Parlement
auoit decreté contre lesdits Ducs de
Guise & de Boüillon, ensemble sur les autres
qui pourroient estre faits à la requeste de nostre
Procurer General ; vous ayez à faire le procés oxtraordinairement
à la memoire du Comte de
Soissons, & procedder au iugement d’icelui
toutes autres affaires cessantes. Mandons à nostre
Procureur General, de faire toutes les poursuites
& diligences qu’il verra à faire. Car tel est
nostre plaisir. Donné à Rheims le 20. iour de
Iuillet 1641. & de nostre regne le trentre-deuxiéme.

 

C’est faire voir que le Parlement de Paris
ne recognoist en cette qualité que le Roy & non

-- 15 --

le Conseil : que la Cour fait valloir l’authorité
Royale comme Souueraine : qu’elle ne veut souffrir
qu’il soit rien changé à l’honneur qu’il lui
appartient, & à ce qu’elle a accoustumé à la reception
des Princes du Sang, & de la personne
de Monsieur le Chancelier. I’ay trouué à propos
de rapporter icy ce qui se passa au procés fait
à la memoire de feu Monsieur le Comte de Soissons,
& de l’honneur que Monsieur Seguier
Chancelier de France, vouloit luy estre rendu à
son arriuée au Parlement, ce que la Cour ne fit
que pour le contenter seulement, sans de ce, tirer
consequence à l’aduenir, ny rien déroger
aux ceremonies dont elle vse enuers les Chanceliers.

 

Il faut donc sçauoir que l’an 1641. le deuxiéme
Iuin, Monsieur le Chancelier enuoya querir
Monsieur le President de Bellieure, pour luy faire
entendre la volonté du Roy, qui estoit, qu’il
allast à son Parlement porter vne Commission,
pour faire le Parlement porter vne Commission,
pour faire le procés à Messieurs les Ducs de Guise
& de Boüillon, & à la memoire de feu Monsieur
le Comte de Soissons : mais qu’il entendoit
que la Cour le traitast comme elle auoit fait ses
predecesseurs en cette mesme charge de dignité
de Chancelier de Francé : qu’il n’entendoit pas
qu’on l’obligeast de se leuer lors que Messieurs
les Presidens au Mortier entreroient en la Chambre,

-- 16 --

qu’il ne vouloit point oster son bonnet
quand il leur demanderoit leur aduis : enfin qu’il
desiroit que Messieurs les Conseillers qui seroient
deputez pour aller au deuant de luy, luy
allassent au rencontre iusques au milieu de la
Grand’Salle.

 

Monsieur le President de Bellieure luy dit,
qu’il paroissoit par les Registres du Parlement,
que lors que Messieurs les Chanceliers ses predecesseurs
estoient venus au Parlement ; ils auoient
trouué la Grand’Chambre toute assemblée, laquelle
estoit composée de la Tournelle & de la
Chambre de l’Edict ; Sçauoir, d’vn President &
neuf Conseillers de la Grand’Chambre, à la
Tournelle, d’vn President & deux Conseilers de
la Grand’Chambre, & de la Chambre de l’Edict ;
qu’il auoit aussi trouué lors que Monsieur le
Chancelier de Chiuerny vint salüer le Parlement
en l’an 1584. où il est dit notamment, qu’il arriua
à la Grand’Chambre & Tournelle, estans
assemblées, ny ayant encore point alors de
Chambre de l’Edit, ayant esté reuoquée l’an
1580. par l’Edict d’vnion, que le mesme estoit
porté par les Registres, lors que Monsieur le
Chancelier de Bellelieure son pere vint au Parlement
l’an 1602. où il est dit, que la Grand’Chambre,
celle de l’Edict & la Tournelle estoiẽt
assemblées : que cela auoit esté encores du depuis

-- 17 --

obserué, lors que Monsieur le Chancelier
de Sillery vint au Parlement l’an 1608. & Monsieur
le Chancelier d’Haligre en l’an 1626. & que
pour ce, ils enuoyeroient les Registres qu’ils
auoient tiré du Greffe, où il auoit marqué les
fueillets, auec les procés verbaux.

 

Que pour le regard des Conseillers qui vont
au rencontre de Messieurs les Chanceliers, qu’il
voyoit par les mesmes Registres qu’ils auoient
accoustumé, que de se transporter iusques à la
porte du Parquet des Huissiers, lors que l’on leur
vient rapporter que Messieurs les Chancliers
sont à la Saincte Chapelle pour oüyr la Messe,
pour de là venir au Parlement.

Que pour ce qui est de salüer Messieurs les
Presidents entrans en la Grand’Chambre par
Messieurs les Chanceliers, que les Registres n’en
portoient rien, & que cela dépendoit de la courtoisie
de Monsieur le Chancelier.

Le iour suiuant, Monsieur le Presidet de Bellelieure
fit rapport à la Grand Chambre de la
Conference qu’il auoit euë auec Monsieur le
Chancelier, & fit voir à la Compagnie, les Registres
énoncez cy-dessus, portans qu’on assembloit
toutes les trois Chambres, & le lieu où deuoient
aller Messieurs les Conseillers, lors qu’ils
alloient au rencontre de Messieurs les Chanceliets.
Et pour le regard du salut, que deuoit faire

-- 18 --

Monsieur le Chancelier à Messieurs les Presidens
lors qu’il demanderoit leur aduis, la Compagnie
le remettoit à sa bonté & courtoisie.

 

De fait, Monsieur le President de Bellelieure
fit assembler la Tournelle & la Chambre de l’Edict,
où arriuerent Monsieur Portier President
en la Chambre de l’Edict : Monsieur le President
de Nesmond en la Tournelle & les Conseillers
en la Grand’Chambre, seruant en l’vne
& l’autre Chambre.

Sur les neuf heures vn Hussier de la Cour vint
rapporter que Monsieur le Chancelier estoir à la
Saincte Chappelle qui entendoit la Messe, pour
apres venir au Parlement : surquoy on deputa
Monsieur Sauarre Doyen des Conseillers Laïcs,
& Monsieur Pidou Doyen des Conseillers
Clercs, pour l’aller attendre à la porte du Parquet
des Huissiers, lesquels le voyant venir, allerent
au rencontre à trois pas de luy seulement
& non au milieu de la grand Salle, pour le salüer
de la part de la compagnie.

Estant arriué auec ses Masses Huissiers au Conseil,
qui marchent deuant luy, il les fit arrester
dans le Parquet des Huissiers, selon la coustume ;
& estant entré en la Grand’Chambre accompagné
de Messieurs Amelot, Chaillou, Vertamont,
Laffemas & Vaubray Maistres des Requestes en
Robbes de Soye, & ayant pris sa place au deuant,

-- 19 --

Monsieur le President de Bellieure en bas,
où estoient Messieurs les Presidens & Conseillers
de la Grand’Chambre, Tournelle & Chambre
de l’Edict : il commanda au Greffier d’aller
querir Messieurs des Enquestes, lesquels estans
venus & tout le Parlement assemblé, il dit.

 

Qu’il faisoit excuse à la Compagnie d’estre venu
si tard les salüer & leur rendre ses deuoirs,
qu’il recognoissoit ingenuëment, que tout l’hõneur
que luy & ses predecesseurs auoient iamais
eu, estoit auoir receu & auoir possedé les premiers
honneurs au contentement du Parlement
& de la Cour, qu’il auoit esté promeu à cette
haute dignité, non par ses merites, mais pour
auoir esté instruit & nourry dans les remonstrances
salutaires qu’il auoit prises des anciens
de la Compagnie & dans les exemples honnorables
qu’il auoit eu d’eux : & qu’aussi il protestoit
D’appuyer ses interests & porter son honneur
& son interest par toute sorte de seruices
imaginables, & les soings particuliers qu’il prendroit
pour la grandeur de son accroissement,
qu’il protestoit ces veritez en cette grande assemblée,
& luy bailloit des asseurances de son
seruice & de son affection.

Monsieur le President de Bellieure le complimenta,
& luy dit que le Parlement tenoit à
grand honneur, la faueur & la bonté de laquelle

-- 20 --

il auoit vsé par sa visite, qu’il auoit esté éleué
& promeu à cette dignité de la Compagnie par
ses merites & ses vertus, que la Compagnie
estoit obligée à sa Maiesté, du choix qu’elle
auoit fait de sa personne & de son costé, grauissimi
& acutissime Principis meruerat iudicium : qu’il
le prioit de conseruer & maintenir l’honneur &
la dignité du Parlement, où Messieurs ses Ancestres
auoient eu les premiers rangs & les premieres
places, qu’il ne permist point qu’il fust
déchiré & dissipé par la multitude des Offices &
d’impositions nouuelles sur la Iustice : que tous
ensemble & chacun d’eux protestoient de n’auoir
iamais d’autre affection que pour son seruice.

 

De cecy on remarque deux choses qui vont à
la gloire du Parlement ; La premiere, l’approbation
du Roy deffunct, lequel recognoissant
qu’à ce Parlement de Paris priuatiuement à
tous autres, appartient la cognoissance des crimes
des Princes du Sang, & le pouuoir de faire
leur procés par la commission qu’il y enuoya
pour faire le procés à la memoire de feu Monsieur
le Comte de Soissons Prince du Sang, &
Grand Maistre de France.

La deuxiéme, l’estime qu’vn Chancelier de
France fait du mesme Parlement, duquel il confesse
que luy & ses predecesseurs ont eu l’honneur

-- 21 --

& la gloire d’auoit esté promeus aux premiers rangs,
& que pour auoir esté instruits en leur Compagnie, ils
auoient esté cleuez aux grandes dignitez de la Couronne.

 

Aussi n’y a t’il eu iamais de grandes affaires qui n’ayent
esté terminées par le Parlement de Paris Ce fut en cette
Cour, où vn Roy de France le 10. Iuin de l’an 390. y tenant
son lict de Iustice, declara le Dauphin son fils Souuerain
du Marquisat de Salusse, fief que les Ducs de Sauoye
ont tousiours pretendu estre de la Souueraineté de l’Empire ;
au contraire, nos Rois ont soustenu que le Duc de Sauoye
s’estoit saisi contre droict & raison de ce Marquisat,
qui est fief des Rois de France à cause du Dauphine.

Iamais les Rois ny les Princes Estrangers apres de longues
guerres n’ont fait aucuns traictez de paix, qu’ils n’ayent
demandé pour estre valides & asseurez estre veriffiez au
Parlement de Paris & les autres Parlements du Royaume
ne les eussent iamais veriffiez si celuy de Parlement les eust
refusez : ce qui fait voir le grand pouuoir & la supréme authorité
Royale, qui a tousiours esté en cette premiere
Cour des Paris. Le veritable tribunal de nos Rois.

Aussi aux pompes funebres des Rois de France, le Parlement
de Paris est seul au tout de l’effigie, au dessus des
Princes du Sang, des Officiers de la Couronne & du Conseil,
en Robbes Rouge & non en dueil, comme representant
la Maiesté Royale, qui iamais, non plus que les Rois
ne meurt en France.

Et auiourd’huy la France sera si lasche que de souffrir
& endurer qu’vn auorton Italien, vn ennemy de l’Estat,
vn Mazarin, dechire cét ancien & auguste Senar, qui est
la plus illustre marque de l’authorité du Roy, & par ses
foiberies & corruptions ordinaires, gasgner quelque petit
nombre des Officiers de ce Parlement qui se sont
rendus esclaues de ses passions & establissent vne Cour
Souueraine dans vne Cohuë à Ponthoise : voulant ainsi,

-- 22 --

pour la haine qu’il porte à Ville de Paris, quitter le vetitable
Temple de la Iustice, le Tribunal de cette celeste
Astrée, & de la venerable Themis, le Palais de nos
Rois, le Palladium du Royaume, l’Azyle & le Refuge
des veufues, des pupilles & oppressez, l’Areopage ou
Siege des Iuges incorruptibles, pour faire passer en ce
Parlement bastard & auorton, ses volontez, & y faire
absoudre ses crimes, qui est la plus grande bresche qui
se puisse faire à l’Estat, de vouloir ainsi ruiner & renuerser
son plus asseuré Bouleuard. Mais que ce Parlement,
de nouuelle impression, fasse ce qu’il voudra dans
cette Cohuë de Ponthoise, la plus saine, la meilleure &
la plus fidelle partie du veritablement Parlement de Paris,
se rira tousiours des Arrests à la douzaine de ce chetif
Abbregé : lequel par ses Conseils, pretend rendre le
Roy absolu par les actes tyranniques des Mazarins, & par
cette industrieuse ou captieuse Amnistie, pretendent intimider
Messieurs les Princes, le Parlement de Paris &
les meilleurs & fidelles seruiteurs du Roy, & les contraindre
d’obeir à cét Edict, de quitter les armes pour
les reduire tousiours dans les chaisnes de ce dur esclauage
Italien : il faudroit estre desnué de raison & de iugement,
de quitter si legerement les forces que nous auons,
abandonner son Aliesse Royale, Messieurs les Princes &
les Cours Souueraines, qui embrassent nostre cause,
maintiennent le repos, non seulement de Paris, mais
de toute la France : exposans leur courage, leurs armes,
leurs moyens & leur propre vie, pour deffendre l’authorité
du Roy & les Peuples, contre la tyrannie Mazarine,
qui au lieu de se porter à vne paix generale, par cette
Amnistie, veulent que les Princes ioignent les armes
qu’ils ont en main, pour paruenir à cette paix generale,
aux leurs, pour continuer la guerre, faire reuenir le regne
des Partisans, entretenir la misere du peuple dans la priuation

-- 23 --

du commerce, & nourrir ainsi l’orage & la tempeste,
pour reculer le calme & la tranquilité publique, de laquelle
ils sont ennemis, comme ennemie de leurs volleries & concussions.
C’est en quoy il faut faire paroistre, & voir s’il
nous reste quelque vigueur & courage en vne occasion si
vrgente sans se laisser dupper par cette frauduleuse Amnistie,
laquelle sous l’apparence de miel de succre, veut continuer
à nous faire gouster l’amertume du fiel & de l’absynthe
de la perfidie Italienne : laquelle vent perdre les Themistocles,
les Phocions & les plus gens de bien, pour faire
regner les tyrans, comme firent iadis les Lacedemoniens,
qui établirent trente tyrans sur les Atheniens : auquels ils
donnerent le pouuoir absolu d’agir, commander, chastier
& punir, sans droict, sans justice & sans raison, &
pour plus fortement fortifier & establir leur tyrannie, gehennerent
les Atheniens par vne forte garnison qu’ils mirent
au Chasteau, qui commandoit sur leur Ville.

 

C’est ce que les tyrans Mazarins ont voulu faire sur Paris
par leur entreprise du Faux Bourg S. Anthoine, se promettant
qu’ayant en leur pouuoir la Bastille & les lieux
forts de cette grande Ville, qu’ils rempliroient de gens de
guerre d’exercer leur tyrannie sur la vie & sur les biens des
Habitans, ce qui ne leur a reussi : & par la mesme Amnistre,
ils monstrent assez la vengeance qu’ils veulent tirer
sur ceux qui ont chaslé, ou pour mieux dire, obligé le
Preuost des Marchands & les Escheuins : le Gouuerneur
le Paris le Lieutenant Ciuil & quelques Officiers du Parlement,
fauteurs le leurs mauuais desseins, à sortir & abandonner
la Ville : & d’oster Monsieur de Broussel & les deux
nouueaux Escheuins, comme trop fidelles & affectionnez
au bien & repos de la Ville de Paris, pour mettre en leurs
places de leurs creatures. C’est vouloir se défaire des Bergers
& des chiens fidelles, pour plus aisément laisser deuoter
les brebis aux Loups rauissans.

-- 24 --

Les Atheniens ne pouuans plus souffrir lees cruautez &
mauuais traittemens des trente tyrans firent reuenir Thrasibule,
que la tyrannie auoit bannie de leur Ville, personnage
de cœur & de courage : lequel ayant rappellé ceux qui
auoient esté proscripts par les tyrans, pour la cause publique :
se mit en armes, se saisit du Chasteau, s’en asseure par
vne forte garnison ; & en ayant chassé celle des tyrans,
marche contr’eux, & par plusieurs combats, les defit &
restablit la Ville & la Republique d’Athenes en son premier
estat, calme & paisible.

Nous auons Monseigneur le Duc d’Orleans & Messieurs
les Princes, qui sont autant de Thrasibules genereux : lesquels
feront reprendre courage aux plus timides, & par
leurs armes, ruineront les tyrans & leurs adherans, remettront
la paix au Royaume, la Ville de Paris en repos, &
restabliront son Auguste Senat en son premier lustre, osteront
le Roy hors de captiuité luy feront rendre le seruice
& l obeïssance qui luy sont deus feront valloir son authorité
Royale dans toute l’estendue de son Royaume, par les
bons & fidelles Conseils de Nosseigneurs les Princes de son
Sang & de sa Cour de Parlement de Paris, qui se verra
triompher sur les ruines de ce fantosme Parlementaire de
Ponthoise, à la confusion & à la honte des Autheurs de
sou establissement : & ainsi la France retournera du siecle
de fer, où elle se void à present, en vn siecle tout d’or dans
l’innocence de son Roy, dans la fidelité de toute la Maison
Royale, la constante vnion des Cours Souueraines auec
tous les bons & fidelles suiets de sa Maiesté.

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1652], LA TYRONOMANIE, OV ENTREPRISE TYRANNIQVE du Conseil Mazarin, contre Messieurs les Princes & le Parlement de Paris. I. La découuerte de leur mauuaise intention contre l’Estat. II. Faisant voir comme ils sont ennemis de la Paix Generale. III. Et qu’ils ne tendent qu’à déchirer la Monarchie de France. , françaisRéférence RIM : M0_3904. Cote locale : B_16_63.