Anonyme [1649], CENSVRE DE L’INSVFISANTE ET PRETENDVE RESPONSE FAITE A LA REFVTATION DE LA LETTRE D’ADVIS. , françaisRéférence RIM : M0_669. Cote locale : C_3_33.
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CENSVRE DE L’INSVFISANTE
& pretenduë response faite à la Refutation
de la Lettre d’Aduis.

TOVT contraire à vous, MONSIEVR, en
cette Censure de vostre pretenduë Response,
ie cognois l’Autheur de la Refutation de la
Lettre d’Aduis, à la quelle vous vous imaginez d’auoir
respondu en faueur de celuy qu’elle combat, & que
vous rendez inconnu. Si vous l’auiez connu defait,
& que vous eussiez esté de ces amis vous n’eussiez pas
voulu luy rendre vn si mauuais office, ny prendre son
party pour le ruiner auec tant de foiblesse que vous
l’auez pris. Ie ne doute point que ne luy soyez incogneu
tout de mesme : Vous luy paroissez sans doute
comme vn homme de quelque autre monde, ou du
moins sorty des Antipodes pour le décrier, & ie ne
pense pas, que s’il vous tenoit en son pouuoir, il ne
vengeast auec aigreur le mauuais dessein que vous auez
eu en feignant de le vouloir obliger.

Dans cette pensée ie vous abandonnerois à sa vengeance,
si l’affection que i’ay pour l’Autheur que vous
auez ose, mais enuisagé, le voyant attaqué en son absence,
ne me forçoit, de la preuenir. En ce rencontre,
MONSIEVR, quoy que vous vous soyez mal à propos
declaré contre vn amy pour lequel i’ay beaucoup

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de passion & de zele, ie ne puis m’enpescher de vous
seruir en le seruant, & de traitter vne personne que ie
veux combattre, auec, peu s’en faut, la mesme douceur
que i’ay pour celuy que ie veux vanger. Admirez
vn peu le caprise de ma cholere, MONSIEVR, il faut
que ie vous desabuse, quand ie veux vous confondre,
& que ie purge vos pensées de l’imagination de quelque
science, quand ie veux renuerser vos erreurs, c’est
vous rendre vn seruice, duquel s’il vous reste quelque
reconnoissance, vous me deuez demeurer obligé, &
veritablement au plus consident de mes amis, ie n’aurois
pû faire vne faueur, selon mon iugement, plus
grande ny plus souhaitable.

 

Si quelqu’vn auparauant vostre écrit vous eust seruy
d’aussi bonne sorte, vous n’auriez pas pensé à faire
gloire de l’auoir acheué en vingt quatre heures, comme
vous vous en osez vanter. Cette petitte vanité n’auoit
eu garde de vous chatoüiller, si vous ne vous
estiez imaginé que c’est vne piece de grande science, &
cette erreur où l’on vous a laissé, vous doit exposer à la
risée de beaucoup de móde, puis qu’il n’est point d’hõme
d’esprit qui ne iuge que les plus ignorans auroient
honte de ce vanter d’auoir fait en vne heure, ce que
vous dittes, comme d’vn miracle, que vous l’auez fait
en vn iour : Certes, MONSIEVR, s’il vous eust falu
faire vne exacte response à l’ouurage de mon amy,
comme vous deuiez, & ne vous pas contenter par
trois erreurs de combattre vn si grand nombre de
preuues, vous n’auiez pas assez de vie pour l’acheuer.
Ie diray s’il faut que ie iuge de vous par vostre ouurage

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que vous n’auez pas plus de science pour y reüssir.
a Vous m’excuserez, si ie vous qualifie de la sorte : C’est sans
doute ce qui vous fait dire de la refutation de mon
amy, qu’il n’est b que miel l’abord, mais tout siel en arrieregoust,
les personnes malades ne trouuent rien qui soit à
leur appetit ; & les gousts dereglez conuertissent en
amerture les plus delicieuses saueurs & fõt fiel du miel
plus doux. Cet arriere-goust, MONSIEVR, vous empesche
de sauourer les bonnes choses que mon amy a
produites, & qui ont esté trouuees telles par si grand
nombre de personnes, qu’il n’y a qui que es[2 lettres ill.]soit qui
ne l’aye loüé, si ce n’est quelques-vns qui ne cognoissans
pas bien tous ses sentimens ont trouué quelque
pointe d’aigreur dans ses douceurs.

 

a Termes
de l’Aut.

b Termes
de l’Aut.

c Mais parlons, ie vous prie, & taillons court, les fatras
& discours hors sujet, ne seruans que d’embaras, encores
qu’il vaille bien mieux, & soit bien plus digne d’vn
bon esprit de traitter nettement dans vn grand discours,
que de s’embroüiller, & ne faire rien qui vaille
dans vn petit ; puis que vous l’auez ainsi desiré, MONSIEVR,
taillons cours.

c Termes
de l’Aut.

d Pourquoy vous meslez-vous de feuilleter l’Escriture
saincte, pour en tirer la satisfaction de vostre sens corrompu ; &
pourquoy accusez-vous de corruption le sens de
mon amy sans montrer en quoy elle consiste,
si ce n’est que vous vouliez temoigner l’impureté
du vostre par cette accusation sans preuue, comme elle
est aussi sans raison. Ie ne pense pas que vous ignoriez
le Prouerbe, qui dit qu’vn asne n’ieroit plus de choses
qu’vn Philosophe n’en sçauroit prouuer, & ie ne
croy pas que vous me deuiez blasmer d’estre trop aspre

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ennemy, ny trop chaut amy quand ie vous diray
que vous estes tombé, & que vous demeurez dans l’infame
& dans la premiere partie de ce rude Prouerbe,
puis que vous niez la puteté des allegations de mon
amy sans en montrer les pretenduës puretez. Entre
gens qui ce meslent descrire, on n’a pas accoustumé de
taxer vn homme ou de fausseté ou déguisement sans
luy verifier les crimes desquels on l’ose accuser, & faire
autrement, est vne ignorance ou vne audace que les
esccriuains ne pardonnent pas, pource, que la raison
ne la peut souffrir. Vous deuiez donc, Monsieur,
montrer en quoy mon amy auoit corrompu les textes
sacrez, & puis auec iustice vous l’eussiez peu accuser de
corruption, sans cela vous mesmes vous declarez la
noirceur de vos sentimens, en voulant iniustement
obscurcir la blancheur de son procedé ; tous les tenebres
que nous voyons en vostre escrit, ne sont sortis
que de vostre fantaisie, au trauers des vapeurs sombres
de vostre debile cerueau, il n’est riẽ qui ne vous paroisse
obscur. Ainsi ie ne craindray pas de vous mettre au
nombre de ceux desquels e Sainct Paul que citez, dit que
toutes choses sont nettes aux ners, & toutes choses
souillées aux impurs.

 

d Termes
de l’Aut.

e Termes
de l’Aut.

La suitte de vostre discours dans son quatriesme
article est vn calimatias innocent, dans lequel ie
ne scaurois l’entreprendre, autre chose, si ce n’est qu’il
ne fait ny bien ny mal à mon amy, & que vous auez
voulu, peut-estre, pour vous diuertir former vn labyrinte,
bien plustost qu’vn raisonnement.

Vous en sortez, Monsieur, en disant à mon amy
de l’Authear de la Lettre d’Aduis, en ces superbes & si

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riches termes, f Celuy que vous arguez ny contredit, mais
seulement soustient l’ordre naturel ; sçauoir que les Roys ce priuent
du respect qui leur est deu, en mesprisant leur deuoir, chose
autant veritable que la mesme saincte Escriture. Ie m’arreste
là, Monsieur, pour vous faire grace, & ie ne
poursuit pas dauantage, ce rayonnement duquel par
la suite du discours vous estes sorty sans y estre rentré :
ceux qui voudront le lire dans vostre original verront
combien ie suis bon, & combien vous vous estes egaté.
Cependant ie vous fais cette faueur, que pour vous
en continuer vne plus grande, & vous aduertir qu’autre
fois il faut que vous cognoissiez mieux la cause que
vous prendrez en main, & que vous comprenez d’vne
autre façon les Autheurs que vous voudrez deffendre.
Celuy de la Lettre d’Aduis, au lieu que mon amy
a voulu refuter ne dit pas simplement que g les Roys ce
priuent du respect qui leur est deu en manquans à leurs deuoirs,
mais ie passe outre & conclut, qu’ils cessent d’estre Roys,
& leurs suiets, suiets : Si vous estimez qu’vn Roy qui ce
priue du respect qui luy est deu cesse d’estre Roy effectiuement ;
vostre erreur est grande, Monsieur, &
vous estes condamné par vn prodigieux nombre
d’exemples, & si vous dites simplement qu’il cesse de
l’estre, parce que ne le meritant pas cet honneur, il en
peust estre iustement priué. Vous deuez respondre à
mon amy d’vne autre sorte, & non pas luy alleguer ce
que desia il a assez combatu. En vne chose toutefois
vous estes excusable de vous seruir pour response de
ces sentimens combatuë, parce qu’ils sont d’vn Autheur
si digne, mesme en l’esprit de mon amy, que
selon le mien la seule pensée que vous en auez, vous

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peut extremement honorer. Quelque defferãce pourtant
que vous luy rendiez, & que mesmes vous luy deuiez
rendre, il ne falloit pas qu’elle passast à ce poinct
d’extremité, qui vous a fait dire que sa conclusion
estoit h chose autant veritable que la sainte Escriture. Si vous
deuez beaucoup de respect a l’vn, vous en deuez encores
plus à l’autre, & iamais esprit raisonnable, & que
le moindre sentiment de pieté anime, ne sera si malheureux
d’egaller les pensées d’vn homme aux inspirations
du sainct Esprit, & de mettre au mesme rang,
en matiere de dire vray, ceux-là dont la nature est mẽsongere
auec celuy dont la verité est infaillible, & n’a
iamais manqué.

 

f Termes
de l’Aut.

Page 18.
& 19 de la
Lettre
d’Aduis.

h Termes
de l’Aut.

Cette impieté que vous auez commise n’est point
vne offence que vous ayez particulierement faite
à mon amy, elle regarde tout droit la puissance
& la saincteré de Dieu. Et ie ne m’est en dray point
d’auantage à en depeindre les horreurs, puis qu’il
n’est point d’ame fidelle, où qui les veille voir, où qui
ne les puisse trop comprendre. L’autheur mesme que
vous soustenez, s’estimeroit bien malheureux d’auoir
en quelque sorte esté la cause d’vn si grand blaspheme,
& sans doute, que quoy que vous ayez entrepris pour
lui, & quoy que mon amy ait fait, au contraire, qu’il l’estimera
plus iuste que vous : & de fait il l’est, & ne voudroit
pas auoir souffert de mon amitié vne loüange
qu’il estimeroit vn si grand crime.

Cependant quelque coupable que vous soyez, &
quelque innocent qu’il puisse estre, vous l’accusez
d’auoir i auec addition du sien, employé les passages de la
mesme saincte Escriture, que vous venez vous mesmes

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de traitter si indignement. Ces fausses accusations,
Monsieur, sont d’illustres suites de vostre recent crime, vous
continuez & vous poussez genereusement vostre pointe, &
certes, s’il vous plaist, que ie vous dise la verité, vous n’auez
pas le genie à vous en arrester à de si dignes commencemens.
Toutesfois (& ie vous l’ay desia dit) il me semble que vous deuiez
vn peu prendre la peine de faire voir ces aditions pretenduës.
Vous vous imaginez que l’on vous croye sur vostre parole ?
auiourd’huy la pluspart des esprits sont si deffians qu’ils
ne se persuadent pas mesmes de se qu’ils voyent.

 

i Termes
de l’Aut.

Mais, Monsieur, ie voy bien la iustification de toute vostre
procedure ; ce que vous alleguez d’Helie estant veritable,
vous auez creu qu’on deuoit sans autre asseurance faire là dessus
fondement de toute la verité de vos accusations. L’artifice
n’est pas des plus mauuais Certes, & c’est tousiours témoigner
qu’on a de l’esprit. Mais, Monsieur, vous me pardonnerez si
en faueur de mon amy, ie prends les choses tout d’vne autre
sorte ; ie ne sçaurois souffrir que la mesprise d’vn nom luy soit
imputée, comme vne faute, & qu’au lieu de Samuel, ayant dit
Helie, on doiue l’accuser d’vne supposition. Si vous n’ignoriez
pas vous mesme de quelle sorte combattent les gladiateurs de
plume, vous n’auriez pas frapé dans cet endroit, ou sans imprudence,
ny sans manque d’adresse, il c’est decouuert. Vous auriez
consideré que dans les choses qu’il allegue de cet Helie, il entendoit
parler de Samuël, & les lieux qu’il a cottez à la marge
où il met, Voyez samuel, vous auroient apris qu’il n’entendoit
pas nommer le nom d’Helie. Si doncques il n’a pas plus manqué
aux autres lieux que là, & que se soit par cette preuue
que vous vouliez verifier ces pretendues fautes, en vain vous
trauaillez-vous ? En vain dittes-vous, comme pour vne espece
de triomphe, Qu’il fait faire à Helie des choses qui sont arriuées
plus de cent ans auant luy. Il faut certes, que vous ayez vne
grande foiblesse, puis que des choses si petites vous arrestent,
& que vous combattez contre du vent & de l’air. Il est vray,
que quand vous entrez dans quelque entreprise plus difficile,
vous en sortez auec bien de la peine, & encor par la deroute,
& tout couuert de honte & d’opprobre. C’est ce que ie remarque

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dans la suite de vos rares pensées, où vous dittes que
tout ce que mon amy a allegué de Samuel qu’il a nommé Helie
par mesprise, est inutilement, n’estant question de la vie des Monarques,
mais seulement de l’obeyssance qui leur est deuë. Si vous
auiez bien leu son ouurage, vous auriez trouué que dans l’histoire
qu’il allegue de Dauid & de Saul, outre qu’on y rencontre
la vie de l’vn, on y trouue aussi l’obeyssance de l’autre, ou
plustost on y trouue l’exemple sacré d’vn suiet Roy, qui tout
oint qu’il est, respecte inuiolablement vn tyran que Dieu auoit
reieté. d’vn suiet qui ne peut, quoy que Dieu l’abandonne à sa
vengeance, executer vn ressentiment qu’il ne pouuoit souffrir,
qui voyant ces seruices ingrattement recogneus, & luy sousmis
à la tyrannie d’vn barbare Monarque qui ne demande que
sa perte, fuit par tout deuant son persecuteur, & quelque droit
que Dieu luy ait donné de s’en deffendre, ne tourne iamais
visage du costé de son ennemy, que pour luy témoigner son
respect, & pour luy faire des iustes plaintes. Ayant à monstrer
iusqu’à quel point doit aller l’obeïssance des suiets, pouuoit-il
en trouuer vn plus authentique exemple ; & deuiez-vous
nommer innutile vne preuue si grande & si forte ? Certes vous
me contraindrez de dire que vous n’auez pas consideré cette
histoire dans son dessein ; vous n’en auez apperceu que le
corps : Toutesfois, il y a bien de la matiere dans vos yeux, si
vous n’auez peu penetrer l’intention de mon amy, ny la vertu
de son raisonnement. Ie ne l’explique point, il est trop bien
expliqué par luy-mesme, & i’aurois tort de vouloir instruire
le monde de ses pensées, puis que luy mesme a pris la peine
de l’en informer. Vne autrefois, Monsieur, relisez le mieux,
& ne vous pressez pas tant que vous oubliez ce que vous deuez
en apprendre.

 

Termes
dé l’Aut.

Ie vous fais cette exhortation, pource que ie sçay bien que
vous en profiterez, & que naturellement vous n’estes pas si
bouillant ny si precipité que vous ne puissiez considerer auec
attention des choses qui vous peuuent instruire. I’ay ce témoignage
de vostre Lenteur dans la suite de vostre discours, où
vous dittes à mon amy. Si vous n’eussiez pas parcouru si viste
vostre bible, vous eussiez fait arrest sur le dousiesme chapitre du

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troisiesme liure des Roys, &c. Vous auez parcouru la vostre si
doucement que vous y auez trouué, ce qui ny fust iamais, c’est
ce troisiesme liure des Roys ; Mais ie ne veux pas me seruir serieusement
contre vous de ces friuolles rencontres : ce liure,
s’il vous plaist, payera pour Helie c’est vne faute de mesme nature,
& ie ne veux pas triompher d’vne erreur de si peu de nom.
Il vaut mieux vous prendre dans les pieges où vous vous estes
jetté sans conduite dans la suite de vostre discous, & vous attaquer
sur cette mer où vous vous estes mis au gré des vents, sans
timon, sans voiles ny sans pilotte. Ce troisiesme Chapitre du
troisiesme liure des Roys, Monsieur, est donc le mesme Chapitre
du premier liure : & comme vous vous estes mespris au
lieu, vous vous estes aussi trompé dans le sens des choses que
vous y auez trouuées. Roboam, de fait par vn iuste iugement
de Dieu sur la maison de Salomon, n’ayant point voulu oster
au peuple des charges dont ils auoient demandé l’allegement,
vit rebeller contre luy vne grande partie de ses subjets. Ce fut
par le iugement de Dieu, ie l’aduoüe, & neantmoins ie n’aduouë
pas que ses sujets fissent rien de iuste en se rebellant, & ie
ne craindray pas de preuuer ma preposion par les propres termes
des leur souleuement : Quelle part auons nous en Dauid, nous
s’auons point d’heritage au fils d’Isaï, Israël, retire toy en
tes tantes, & toy maintenant Dauid pouruoy à ta maison, dirent-ils
orgueilleusement à leur Roy, comme s’il luy eussent reproché
qu’il ne meritoit pas regner sur eux, puis qu’il ne leur auoit
point donné les biens qu’ils auoient, & que Dauid mesmes n’estoit
point celuy qui les auoit mis dans les possessions dont ils
ioüissoient. Certes, leur fureur estoit bien visible & bien eclãtate
de ne mespriser pas seulemẽt leur Roy, mais de pousser leurs
outrages iusques à Dauid, duquel la memoire leur deuoit estre
venerable iusques au trepas Il n’y a pas d’aparence d’attribuer
quelque raison à des discours violens, & l’on ne sçauroit que
difficilement excuser des mouuemens si peu moderez. Aussi
voyons nous dans Samuel que l’Escriture nomme Meschant
garnement, vn certain Scebah qui pour faire souleuer le peuple
cõtre Dauid vsa des mesmes termes, & sonnant de la trompette
fit assembler les Israëlites, & leur dit ces mesmes paroles,

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Nous n’auons point de part en Dauid, ny d’heritage au fils d’Isai, ó
Israel, que chacun se retire en ses tentes. La conformité de ces
expressions tesmoignant celle là des mouuemens, doit accuser
de mesme deffaux ceux qui les ont soufferts & s’en sont seruis.
Ainsi, Monsieur ; il est tres-vray que les souleuées de Roboam
n’estoient pas moins Meschans garnemans, que l’auoient esté
ceux de son ayeul & si (puis qu’il faut que ie me serue tousiours
de vos propres termes) vous n’eussiez pas parcouru si viste vostre
Bible, ayant comparé ces deux histoires, vous eussiez fait
vn mesme iugement de l’vne que de l’autre, & comme vous
ne sçauriez excuser Scebah, vous auriez aussi condamné les
Roboamites. Mais où vous vous estes si fort precipité, quoy
que i’aye desja dit de vostre lenteur, où vous entendez
si peu le sens de ce Chapitre, que vous ny auez pû connoistre la
verité, encores qu’elle y soit assez decouuerte, ny comprendre
que toutes ces choses sont des chastimens, qu’a causé des crimes
de Salomon, Dieu desploye dessus sa maison. S’en sont veritablement,
Monsieur, mais quoy, que Dieu n’y punisse que des
coupables, nous ne desirons pas pour cela estimer innocens les
instrumens de sa vengeance. Il se sert ainsi souuent des meschans
pour en chastier d’autres, & vous n’oseriez dire que ces
cruels tyrans qui traisnoient le peuple de Dieu captif, quoy que
rebelles à la Majesté souueraine, fussent de iustes conquerans,
& ne doiuent pas plustost estre nommez de cruels persecuteurs,
Ie dis cecy pour respondre a ce que vous dites, que Dieu ayant
determiné & mesme s’estant dit la cause de la rebellion des Israëlites
contre Roboam, elle estoit partant iuste, & telle selon
vostre sentiment que sur elle, il faut establir le droit des gens,
elle estoit iuste, ie l’aduoüe à l’égard de Dieu, mais non pas à
celuy des rebelles, & si vous auez assez de force d’esprit pour
comprendre ce mystere, vous verrez que Dieu estant vn equitable
punisseur, les Israëlites n’estoient autre chose que des audatieux
criminels. Mais nous entrerions dans vne difficulté
où vous n’auez pas besoin que ie vous tire, il vaut mieux vous
montrer auec moins de force & plus de clarté vne verité qui se
montrer assez d’elle mesme, & que ie vous ay desia découuerte,
autant qu’il est necessaire pour la faire voir à ceux qui n’ont pas

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mauuaise veuë. Le nom de rebellion que l’Escriture donne au
souleuemẽt des Israëlites est vne accusation de leur forfait ; il ne
designe pas moins que d’vn crime, & par ce terme le sainct Esprit
nous apprend assez qu’elle estoit la nature de leur action. Que si
Dieu en estoit la cause, & s’il dit luy-mesme que cette chose auoit
esté faite de par lui, il y a plus à admirer dans ces paroles, que non
pas à comprendre ; & poser vn fondement dans ces obscuritez,
c’est bastir dans les tenebres, & appuyer son edifice sur vn abisme
où l’on peut mieux se perdre que s’asseurer. Car en fin
voyons de qu’elle sorte cette chose auoit esté faite par luy :
Dieu auroit il soustrait les suiets d’vn Roy tyran, pour les
donner à vn Roy Idolatre ; à ce Ieroboam qui ayant fait faire
deux veaux d’or, dit à son nouueau peuple : Voicytes Dieux ó
Israel, qui t’ont tiré du pays d’Egypte, il y auoit dans ses considerations
assez d’obstacles pour vous empescher d’alleguer vn
exemple qui sert à mon amy, & ne vous profite pas ; & vn autre
qui auroit voulu auoir plus de iugement, ce seroit bien empesché
pour combatre d’empoigner vne espée qui vous tranche
de toutes parts.

 

Termes
de l’Aut.

En cela, Monsieur, vous nous apprenez que dans les profondeurs
du raisonnement de mon amy, vous auez couru risque
de vous perdre, & comme ceux qui s’auancent trop dans
les ondes, & qui manquans d’experience ce noyent, ce prennent
à tout ce qu’ils rencontrent, & n’abandonneroient pas le
feu qui les brusleroit pour ce sauuer de l’eau qui les emporte ;
Vous aussi dans le danger où vous vous estes ietté, vous prenez
& vous attachez à toutes sortes de choses quelques contraires
quelles vous puissent estre, c’est ce qui vous fait encor
sans raison prendre des deux mains le 26. verset du 17. chap. des
Prouerbes, lequel mon amy n’a tiré ny par les pieds ny par la
teste, encores moins par les cheueux ; (comme selon vostre
supposition ordinaire vous l’accusez encores sans preuue d’auoir
fait) & lequel de quelque costé que vous le puissiez tirer
ne signifie rien pour nostre suiet. Ie vous donne doncques
à vous mesmes à en faire l’application formelle ou non
formelle suiuant l’ordre des contraires ou des semblables, n’importe
suiuez les mouuemens où vous a mis vostre imprudence,

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& sans accuser mon amy d’estre faux François, ny pousser
vostre rage & vostre insolence à des termes iniurieux ; faites
voir vostre confusion, & decouurez à tout le monde vostre
ignorance, qui ne peut se cacher à personne.

 

Termes
de l’Aut.

Pour reprendre vn peu vos iniures, apprenez qu’en toutes
manieres, mon amy passera pour meilleur François qué vous,
& qu’il peut mal-aisement l’estre mauuais, puis qu’il est extremement
bon sujet. Tellement que la préoccupation dont vous
l’accusez, ne sera que celle de la verité, & la vostre celle du
mẽsonge, qu’il ne peut qui n’imploreles iniures pour sa défance,
puis qu’il manque d’vn plus iuste & d’vn plus equitable secours.

C’est par ces iniures que vous auez voulu finir, Monsieur,
puis qu’aussi tost vous dites Que toutes ces matieres ayant déja
esté tant & tant de fois agitées & mise au jour, n’en souffrent
maintenant dauantage. Certes, vous estes las de bon heure, &
ie voy bien que vous n’estes pas propre à faire grand chemin. Il
est vray, qu’a n’en point mẽtir, si peu que vous en ayez fait vous
auez beaucoup sué : Vous vous estes reposé par tout indifferemment,
& l’haleine vous ayant diuerses fois manqué ; vous n’auez
point regardé où vous en estiez pour la reprendre. Dans cette
grande lassitude & ce manque de vigueur extréme, vous dites à
mon amy de bonne grace, On se contentera de vous laisser seulement
ces deux passages à digerer, car les affaires du temps qui
exercent les beaux esprits ne sont de la nature de celles que traittes,
Veritablement, Monsieur, il est vray qu’ils ont besoin d’vne
digestion meilleure que la vostre, apres que vous les auez
deuorés vous les auez rendus tous cruds, & le peu de chaleur
de vostre esprit n’en a pû tirer la substance. Nous l’auons desia
fait, Monsieur, & vous auoüerez encore vne fois en comparant
ce que nous en pensons à ce que vous en pensez, Que cette
viande est vn peu dure, & que vous l’auez espreuuée telle, cependant
que nous l’auons treuuée tendre & d’vne facile coction.
Ainsi il se trouuera que la bonne disposition des ventricules de vostre
cerueau a esté mauuaise, & qu’estant trop enflamez & trop
chargez de vapeurs ardantes que luy ont enuoyé ces matieres
qui ne sont pas de la saison, il est iuste de l’en souffrir chercher
sa guerison ; & cependant il est encor plus iuste de laisser vostre

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bel esprit & vostre genie à la mode dans celles qui sont de ce
temps. Puis que c’est ce qui exerce les sçauans & les polis, ne
vous détournez plus, Monsieur, d’vn si noble & d’vn si plaisant
exercice, il est facile autant qu’il est charmant, & vous
trouuerriés des chemins trop longs & trop pleins d’épines dans
vn autre dessein pareil à celuy que vous auez mieux entrepris
qu’executé. Outre que ie souhaite vostre repos & vostre contentement.
Ie seray bien aise que mon amy ne vous ait point pour
contraire. Cettes, si vous le connoissiez vous ne l’auriez pas
voulu traitter auec injures, car s’il est miel à l’abord, il n’est
point du tout fiel enarriere goust. C’est où ie dois finir, Monsieur,
de crainte de retomber dans vos pensées, que ie n’ay
plus dessein de combatre, parce que i’aime à tailler court, les fatras
& discours hors sujet, ne seruans rien que d’embaras.

 

FIN.

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Anonyme [1649], CENSVRE DE L’INSVFISANTE ET PRETENDVE RESPONSE FAITE A LA REFVTATION DE LA LETTRE D’ADVIS. , françaisRéférence RIM : M0_669. Cote locale : C_3_33.