B. D. L. F. [1652], LA RVINE ET DISETTE D’ARGENT, Commune auiourd’huy par toute la France, par les desordres & les iniustices de la Guerre, Auec le remede certain qui n’a point esté connu au plut rafinez & inuentifs iusques à present. Fait par B. C. L. F. , françaisRéférence RIM : M0_3568. Cote locale : B_20_42.
Section précédent(e)

LA
RVINE
ET DISETTE
D’ARGENT,
Commune auiourd’huy par toute la France, par
les desordres & les iniustices de la Guerre,

Auec le remede certain qui n’a point esté connu au plut
rafinez & inuentifs iusques à present.

Fait par B. C. L. F.

A PARIS,
Ruë d’Escosse aux trois Cramilleres, au Mont S. Hilaire.

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

LA RVINE ET DISETTE D’ARGENT,
commune auiourd’huy par toute la France, par les desordres &
les iniustices de la Guerre : Auec le remede qui n’a point esté connu
aux plus rafinez & inuentifs iusques à present.

CE Royaume estant composé de vingt-huict mil Parroisses,
& en plusieurs d’icelles se peut planter trois à
quatre mil Meuriers, & beaucoup dauantage, & seulement
mil pieds pour paroisse, qui en vn an peuuent
commencer à faire des soyes, si petits qu’ils soyent, & à
la façon d’Espagne, les gouuerner, & aprés couper tous les
ans. Et estant creuz iusqu’à dix, ou douze ans, lesdits arbres feront
pour le moins chacun vne once de soye, & mil feront soixante
deux liures & demiés d’icelles, & la liure seulement à
trois escus, bien qu’elle vaille dauantage, chacune parroisse en
fera pour cent quatre vingts sept escus trente sols.

Par consequent mil parroisses en feront pour cent quatre
vingts sept mil cinq cens escus : Et toutes les vingt huict mil
paroisses, à la mesme eualuation, en feront pour la somme de
cinq millions deux cens cinquante mil escus.

Lesdits Meuriers croissans d’aage, & de nombre, feront profit
tous les ans de plus de dix millions d’escus, outre que les
soyes feront faire au menu peuple, vne premiere moisson, qui
leur seruira d’aumosne generale, & à la saison qu’ils ont le moins
d’affaire, & sans que les Laboureurs s’y occupent.

Il se peut iuger le besoin de faire lesdites soyes sur les Estrangers,
qui en vne foire à Lyon, emportẽt plus de Thresors, qu’il
n’en faudroit à conduire, & soudoyer vne grande armée, &
pour leurs receptes, ils ont d’ordinaire leurs espions aux boutiques
des debiteurs, faisant courir les changes, & rechanges
frauduleux, & vsuraire sur lesdits debiteurs marchands, à la
perte euidente du commerce general, & du public.

Les feuz Roys ayant apperçeu telle faute, firent plusieurs Edits,
& Ordonnances, pour la defence des habits de soye : & si
neantmoins le mal a continué, & continué pire que iamais,
d’où vient la ruine, & disette d’argent auec la perte des manufactures

-- 4 --

durant les troubles, que les ouuriers François ont appris
aux Estrangers.

 

De sorte que le commerce, trafic, & negoce estant diuerty
de ce Royaume, & ayant pris vn nouueau changement, il n’y
a remede au monde qui puisse tant remettre, & enrichir le peuple,
que le plantage desdits Meuriers, qui se deuoit commencer
suiuant les memoires de l’Autheur, presenté à sa Majesté, lors,
& durant l’Assemblée à Rouën, en quatre vings seize, qui doit
faire iuger à present la faute, pour raison du retardement qui se
fait encore auiourd’huy audit plantage.

L’on peut aussi iuger la faute d’auoir rompu les defences de
l’entrée des draps de soyes estrangeres : Car si le mal estoit bien
consideré, il ne s’en vendroit iamais en ce Royaume, ayant ruiné
les thresors de France, quatre fois plus, que toutes les guerres
ciuiles : Et aussi qu’il s’en peut faire pour la prouision de
Princes, Seigneurs, & autres, mesmes en fournir les Estrangers,
ainsi que l’on faisoit autrefois de la drapperie de laine,
qu’on attiré les Anglois.

Il se iustifie par contracts, mandemens, & autres pieces, comme
la feuë Reine Mere, desirant le bien des feuz Rois, ses enfans,
vouloit empescher les traps de soyes Estrangers. Car des
deniers de son propre Domaine, elle en faisoit establir à Orleans,
ainsi que de son temps ils ont esté establis à Lyon, & à
Tours, & sans les troubles, qui firent perdre, & ruiner le principal
Entrepreneur, le tout estoit reüssi audit Orleans, par l’aide,
& secours de ladite Dame.

Pour le regard de la fabrique qui se fait à present en France,
elle est en toute perfection, & ne sçauroit on bailler piece, ny
eschantillon, de quelque pays que ce soit, qui ne s’en face à
present & en toute bonté & beauté, & de plus belles, & nouuelles
façons qui s’en puisse trouuer en tout le reste du monde,
quoy que veulent alleguer au contraire, les marchands & autres,
qui font courir des faux bruits, pour empescher vne aussi
belle, & no table entreprise.

Et pour les façons des soyes, ne faut plus douter qu’elles ne
se facent en toutes les Prouinces de ce Royaume, bonnes, &
parfaitement belles, auec le lustre si esclatant que celles du

-- 5 --

Royaume de la Chïne, Espagne & Italie, ne le sçauroient estre
dauantage, iusques à les surpasser : Les entrepreneurs, & ouuriers
du Roy, & autres, qui les mettent en estoffes, en tesmoignent
tous de verité.

 

Sur ce qui est parlé du nouueau changement du commerce,
sera remarqué le grand mal, & perte des manufactures de France,
qui se faisoient en telle abondãce, aux villes, & aux champs,
que la pluspart de la Chrestienté s’en fournissoyent : Et à present,
on se plaint que le peuple, au lieu de trauailler au labourage,
s’occupent aux manufactures. Mais que l’on regarde toutes
les terres qui sont aux enuirons des lieux, où se trauaillent
les manefactures, elles sont aussi bien, ou mieux labourées &
cultiuées que les autres.

Il semble que les Meuriers, par vne des merueilles du monde,
doiuent seruir au bien & vtilité des François, comme plus
au long il est representé par plusieurs autres Traictez : Mesmes
que d’vne liure de graine d’iceux, estans bonne, & bien semée,
il en pourra venir plus de trente ou quarante mil pieds, qui est
le vray moyen d’en planter le nombre que l’on voudra, & mesmes
aux lieux où l’on ne peut recouurer d’autres arbres.

Lesdites soyes seront bien non seulement au menu peuple,
mais à toutes familles qui n’ont assez de commoditez, & chargez
d’enfans, mesmes à la pauure Noblesse, & autres honteux,
qui par vn reiglement qui se prepare, seront employez aux principales
villes des Eueschez, pour empescher la ieunesse de perdition,
qui meurent dans les fumiers, où se rendent coupeurs
de bources, voleurs, ou autres vices, qui les faict tomber és
mains des bourreaux, au lieu de trauailler & bien faire, veu que
ce Royaume est si abondant en viures & commoditez, & si
neantmoins on ne void que mandicité & gueuserie.

Au village des Planches, pres de Prouins, vn nommé Messire
Iean l’Espargneux. Vicaire de S. Pierre de Barbuize, Dioceze
de Troyes, & Guillaume Iubelin, ont fait des Soyes depuis
six ans, que chacun arbre, gros Meurier, lors ont rendus du
profit, & rendent d’ordinaire, chacune année, plus de sept liu.
dix s. tous frais faits, & disent qu’ils nourrissent leurs vers, estãs
esclos, enuiron trois sepmaines, de fueilles de Figuyer, qui iettent
du laict, attendant que le Meurier ayt poussé, & disent que

-- 6 --

les vers qui en mangent, ne sont point subjets à mourir, comme
mesmes du Meurier, & autres fueilles, desquels plusieurs veulent
vser, pour les faire auancer, qui est le principal de la nourriture,
auant qu’attaindre les grandes chaleurs, qui est pire
ausdits vers, que les froids.

 

Et pour preuue, ledict Iubelin est venu expres à Paris, nourrir
ses vers, en la façon que dessus, lequel est logé au Mouton,
à la place du Cimetiere S. Iean, qui apprendra la nourriture à
ceux qui l’en requerront, comme fait la Iulle, au Iardin du
Roy : Car il ne se trouuerra homme qui en sçache plus que luy,
& y trauaille d’affection pour raison du profit qu’il y a cogneu,
& descouuert le climat de France propre.

Cy deuant est parlé de couper les Meuriers à la mode d’Espagne,
qui sont les petites branches toutes les années, en cueillant
les fueilles, & vn moys, ou six sepmaines apres, les reiettons-sortent
tous verts, comme auparauant, ausquels on ne
touche iusqu’à l’autre saison, ce qui fait demeurer bas les branches,
faciles à effueiller, grossir & eslargir l’arbre, plus en quinze
qu’en trente, outre que les fueilles viennent belles & grandes,
Et quand ils ne sont point coupez, ils les tiennent comme
bastards, & les vers n’en peuuent profiter, ainsi que les raizins
de la vigne, quand elle n’est point coupée, & lesdits arbres à
l’aage de six à sept ans, & estant de la hauteur qu’ils doiuent
demeurer, on commence à les tailler en tous les bouts desdites
branches, si bien que quand on les a coupez, il n’y demeure
pas vne fueille, qui est la vraye science d’esleuer lesdits Meuriers,
& faire grand nombre de Soyes, attendu que les vers n’en
sont point malades, ou bren peu.

Le plus qui empesche ceste heureuse entreprise, ce sont
plusieurs & diuerses personnes, estans occupez d’affaires : qui
leur fait dire que ces choses sont nouueautez, & font preiudice
au public, sans considerer qu’il y a plus des effects de Dieu, de
cachez, qu’il n’y en a de descouuerts : Ainsi a-il esté pour le fait
des Soyes en ce Royaume, qui par faute de n’auoir de se ouuert
l’affaire, a ruiné les Thresors, & pour deux millions d’or qu’on
en leuoit de France lors des defences des feuz Roys, à present
ils emportent plus de six millions, qui sont fautes si remarquables,
qu’il s’en [1 mot ill.] iamais veuës, en pays, ny Royaumes, ainsi

-- 7 --

que plus au long il a esté dit cy-deuant.

 

Le pied de la supputation de châque arbre de Meurier, est
d’vne once de Soye, Et ledit Iubelin affermoit de verité, qu’il
auoit de quitte, tous fraiz faicts, sept liures dix sols, & dauantage,
huict onces pour chacun desdits Meuriers, de sorte que
multipliant huict fois cinq millions deux cens cinquante mil
escus, ce sont nombre de richesses si grandes, qu’il ne se peut
dauantage, & qui n’ont encores seruy à beaucoup, que de mespris
& moquerie, à ceux qui les ont proposez.

Vn ancien Entrepreneur du Roy ayant affermé de verité
que vn Gentilhomme qui a vne terre, de laquelle il n’auoit que
cinq cens liures de ferme, & à present qu’il y a planté des Meuriers,
il en retire tous les ans douze cens escus, au lieu desdites
cinq cens liures.

FIN.

-- 8 --

Section précédent(e)


B. D. L. F. [1652], LA RVINE ET DISETTE D’ARGENT, Commune auiourd’huy par toute la France, par les desordres & les iniustices de la Guerre, Auec le remede certain qui n’a point esté connu au plut rafinez & inuentifs iusques à present. Fait par B. C. L. F. , françaisRéférence RIM : M0_3568. Cote locale : B_20_42.