Charpentier (?) [?] [1652], LA HARANGVE FAITE AV ROY, PAR MONSIEVR CHARPENTIER CONSEILLER EN PARLEMENT & vn des Deputez vers sa Majesté, pour l’esloignement du Cardinal Mazarin, & pour la conclusion de la Paix generale. Prononcée à sainct Denis le huictiesme Iuillet mil six cens cinquante-deux. , françaisRéférence RIM : M0_1595. Cote locale : B_12_9.
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LA
HARANGVE
FAITE
AV ROY,
PAR MONSIEVR CHARPENTIER
CONSEILLER EN PARLEMENT
& vn des Deputez vers sa Majesté, pour l’esloignement
du Cardinal Mazarin, & pour la
conclusion de la Paix generale.

Prononcée à sainct Denis le huictiesme Iuillet mil six
cens cinquante-deux.

A PARIS,
Chez ALEXANDRE LESSELIN, ruë
de la Barillerie, à la Fontaine des Pastoureaux
deuant le Palais 1652.

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HARANGVE FAITE AV ROY,
par Monsieur Charpentier, Conseiller en Parlement,
& vn des Deputez vers sa Majesté, pour l’éloignement
du Cardinal Mazarin, & pour la conclusion
de la Paix generale, prononcée à Sainct Denis le
huitiesme Iuillet 1652.

SIRE,

Le S. Esprit soit auec vous, de la part de qui ie me
viens jetter aux pieds de VOSTRE MAIESTÉ
pour demãder la paix pour son pauure peuple,
qui ne vit plus, mais languit depuis dix mois en ça,
que l’on a alumé vne guerre intestine au milieu d’vn
Corps, qui n’auoit pas desia trop de toute sa force
pour combattre au dehors, lors que le Cardinal
Mazarin y est arriué auec vne armée considerable,
qu’il dit auoir leuée sous le nom de V. M. &
sous le pretexte specieux d’esteindre ce feu qu’il

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dit y auoir long-temps qu’il estoit demeuré couuert,
voulant faire croire par là à V. M. que ce
feu n’estoir autre chose que l’ambition qu’auoient
Messieurs les Princes de vostre Sang Royal, de vouloir
enuahir vostre Authorité ; mauuais pretexte à
cét homme, puis que c’estoit plustost pour son restablissement
aupres de V. M. que pour esteindre ce
feu, qui au lieu de l’auoir esteint dans son abord ; l’a
allumé auparauant qu’il soit aupres de V. M. par
vne action inoüye & la plus extraordinaire qui ayt
iamais esté faite, puis qu’il a non seulement violé
les Loix les plus sacrees du Royaume, contreuenu
aux parolles Royales de V. M. portée par sa Declaration
du 6. Septembre dernier, mais encor empesché
ceux qui estoient preposez pour l’execution d’icelle,
comme il se peut voir par le procez verbal de
Messieurs Bitaut & de Geniers Conseillers en vostre
Cour de Parlement de vostre bonne Ville de
Paris, dont l’vn a esté mené prisonnier honteusement
iusques à Poictiers, & l’autre contraint de se
retirer en desordre dans vne bonne ville & parmy
les Sujets de V. M. où il n’a peû trouuer sa seureté, à
cause des menaces qu’il a fait faire aux Habitans de
cette Ville, que s’ils ne le remettoient entre ses
mains, il feroit mettre le siege deuant ladite ville &
l’auroit de force, V. M. SIRE, n’approuuera pas ces
desordres, puis qu’il n’y a aucun exemple qui fasse
voir que l’on puisse prendre vn Officier d’vne
Cour Souueraine dans la fonction de sa charge, &

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encores plus de les auoir fait attaquer comme ennemis,
eux qui ont l’honneur d’estre Officiers de V. M.
je ne m’arresteray pas, SIRE, sur toutes ces remarques,
comme n’estant pas de mon fait, les Deputez
de vostre Cour de Parlement n’ayant rien obmis
de ce à quoy leur deuoir les oblige pour representer
ces raisons à V. M. mais seulement i’ay à supplier
V. M. au nom de son pauure peuple languissant
& affligé de tant & tant de miseres, qui les accablent,
de leur donner la paix, mais vne paix qui
vienne de V. M. de qui il ne peut rien sortir que de
bon, & de faire en sorte que celuy qui est l’autheur
de toutes ces miseres publiques, se retire d’aupres de
V. M. s’il a rendu quelques signalé seruices à V. M.
qui merite recompense. V. M. SIRE, le peut aussi
bien recompenser hors le Royaume, qu’estant aupres
d’Elle, puis qu’il voit que la voix publique est
contre luy, & par consequent la voye de Dieu ; s’il
faisoit reflexion sur la pourpre de laquelle il est reuestu,
sans doute il ne voudroit pas conseruer sa
condition pour estre cause de la perte d’vn Royaume
entier. Il ne seroit pas iuste (& ne me puis persuader
que V. M. eust la moindre pensée) de perdre
vn Royaume entier pour conseruer vn Ministre,
puis qu’il est tout constant que perdant les Sujets, il
n’y a plus que faire de Ministre, & Dieu qui est l’autheur
de cette Monarchie s’y opposeroit. Ce n’est
donc pas, SIRE, moy qui parle, puis que ie n’ay
d’autre interest que celuy du public, & par consequent

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vn veritable zele pour la conseruation de
l’authorité de V. M. Si dans des saisons plus fascheuse,
les Roys vos predecesseurs ont esloigné
leurs Fauoris à la priere des Grands ou des peuples,
sans doute V. M. SIRE, qui n’a d’autre intention
que de conseruer inuiolablement les Loix fondamentalles
de cette Monarchie, ne refusera pas vne
chose à ses Sujets qui est si iuste & si necessaire, puis
que c’est pour leur repos & la tranquillité du
Royaume de vostre Majesté. SIRE, le saint Esprit
qui anime mes pensées, pour faire entendre ces raisons
à V. M. les peut porter iusques dans son cœur ;
il n’y a rien que ie ne puisse attendre de la bonté de
V. M. Mais si i’estois aussi si malheureux que d’apporter
vne verge pour endurcir le cœur à ce Ministre,
comme fit Moyse à Pharaon, lors qu’il alla de
la part du grand Dieu viuant, luy faire commandement
de mettre en liberté les enfans d’Israël, & de
les laisser aller, ie me tiendrois, SIRE, le plus criminel
de tous les hommes enuers V. M. & enuers son
pauure peuple, puis que mes prieres & supplications
seruiroient plustost à leur persecution qu’à les
retirer de l’opression de ce Tyran, qui se seruant du
nom auguste de V. M. les retiendra dans la misere,
comme fit ce barbare Pharaon aux enfans de Iacob,
mais qu’il prenne bien garde à la suitte de l’histoire,
le chastiment de laquelle il ne peut éuiter s’il n’implore
la grace de celuy qui fit ce miracle, & s’il n’entre
en parfaite reconnoissance des sommes immenses

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qu’il a vollées à V. M. par la restitution desquelles
& par son esloignement hors du Royaume ;
il pourra neantmoins obtenir quelque relasche à
son malheur & obtenir quelque grace du tout puissant
pour reconnoistre son crime & son peché. V. M.
SIRE, ne diminuëra en rien de son authorité par
l’esloignement de ce Ministre, puis que Lucilius dit
que les Roys sont plus obligez à la conseruation de
leurs peuples, qu’à la conseruation d’vn Ministre, &
qu’il est plus necessaire de perdre vn Ministre pour
la conseruation des Sujets, que de conseruer le Ministre
pour perdre les Sujets, Ie croy, SIRE, que cét
exẽple est assez suffisant pour ouurir le cœur à V. M.
& estendre la pitié sur des Malheureux, quoy Sire,
est-il iuste que nous perissions tous aux yeux de
vostre Majesté pour la satisfaction de cet abhominable ?
Est-il juste que Monseigneur le Duc
d’Orleans Oncle de V. M. perisse, luy & toute sa
Maison pour son plaisir : Est-il juste que Monseigneur
le Prince de Condé perisse aussi pour le
restablissement de celle de ce Ministre ? & que ce
genereux Duc de Beaufort perisse auec vostre
bonne Ville de Paris pour augmenter la joye
de ces Bourreaux, qui ne respirent que le carnage
& le sang : non, non, ce grand Roy des Roys,
ce Prince des Princes, le Createur de cette belle
Cité empeschera bien ces mauuais desseins, & retirera
Vostre Majesté d’entre les mains de cet Infame,
couronnera de Lauriers les Princes du Sang

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Royal de Vostre Majesté, pour auoir entretenu
vne guerre si juste & si necessaire, puis que c’est
pour le restablissement de l’authorité de Vostre
Majesté, & rendra florissante cette grande Ville ;
pour les auoir protegez & donné secours contre les
attaques de l’Ennemy commun de Vostre Majesté,
& de ses Peuples. Ha ! SIRE, ie manque de
force, mon cœur s’affoiblit, & mes yeux confondus
en larmes ne peuuent plus regarder les mains
sacrées de Vostre Majesté, que pour en attendre
l’absolution, auec la continuation de mes prieres
au Sainct Esprit pour la prosperité & santé de
Vostre Majesté, & pour obtenir la Paix pour son
pauure Peuple, ausquels je la souhaite de tout
mon cœur, comme en estant du nombre.

 

FIN.

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Charpentier (?) [?] [1652], LA HARANGVE FAITE AV ROY, PAR MONSIEVR CHARPENTIER CONSEILLER EN PARLEMENT & vn des Deputez vers sa Majesté, pour l’esloignement du Cardinal Mazarin, & pour la conclusion de la Paix generale. Prononcée à sainct Denis le huictiesme Iuillet mil six cens cinquante-deux. , françaisRéférence RIM : M0_1595. Cote locale : B_12_9.