CM. P. P. P. P. [1652 [?]], LA CLEF DV TEMPLE DE IANVS. PRESENTÉ AV ROY. Par CM. P. P. P. P. , français, latinRéférence RIM : M0_703. Cote locale : B_2_31.
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LA
CLEF
DV
TEMPLE
DE
IANVS.

PRESENTÉ AV ROY. Par CM. P. P. P. P.

A PARIS,
Chez la vefue C. MARET, en sa boutique au Palais.

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LA CLEF DV TEMPLE DE IANVS.

SIRE,

Considerant le pitoyable estat ou la guerre intestine
(fruict legitime de l’ambition des Grands & la tyrannie
des Souuerains ou de leurs Fauoris) a jetté mal-heureusement
vostre Royaume ; & desirant de donner
à Vostre Majesté des marques de mon deuoir, & de la
fidelle & immuable affection que ie luy ay voüée ; ie
n’ay rien trouué digne de luy estre offert, que la Clef
pour ouurir le Temple de Ianus, laquelle le Cardinal
de Richelieu auoit caché, & que le Cardinal Mazarin
a tellement égarée qu’il en veut se semble empescher
l’entrée à tous vos Sujets, & laquelle mon zele brulant
d’vn feu esclairé de generosité, & priué des tenebreux
broüillars des sales interests, m’a fait rencontrer dans
les reflexions que i’ay fait sur la cause de cette malheureuse
guerre, & sur les moyens qu’il faut tenir pour la
finir heureusement & bien-tost. Si V. M. daignant
les lire, ou se les faire lire, met en pratique les aduis
qu’elle y trouuera : C’est dequoy ie la supplie tres-humblement
par la gloire de Dieu qui y est interessée,

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par la reunion de tous vos Sujets tant desirée, &
mesme tant necessaire, par le bien de vostre Estat tant
esbranlé, & par le brillant desir d’vne gloire immortelle
qu’en remportera V. M.

 

V. M. ne doute nullement, SIRE, que si le C. M.
n’est veritablement la cause de tous les desordres publics,
qu’il en est infailliblement le pretexte, & que
les premieres marques de ces derniers mouuemens,
n’ont paru que par l’apprehension (que la suitte a fait
trouuer iuste) du retour du C. M. dont le Prince de
Condé estoit probablement bien informé : quoy
qu’il en soit, SIRE, il est constant sans toucher à l’interest
public que le C. M. dispute & tire au baton,
contre vn Prince qui a rendu de grands seruices à l’Estat,
ne vostre Sujet, & par dessus tout cela qui a l’honneur
d’estre de vostre Sang.

Si doncques V. M. SIRE, suppose que leurs pretentions
soient esgalement iustes (ce qui marque incompatibilité
puis qu’ils sont opposez, & qu’vn chacun
d’eux tâche à destruire son ennemy ;) il est sans
doute qu’vn Prince de vostre Sang, vostre Sujet, &
qui vous a rendu plus de seruices & de plus considerables
dans les armées, que pas vn autre, doit estre preferé
à vn Estranger, sujet du Roy d’Espagne, ennemy
mortel & irreconciliable de cette Couronne qui n’est
considerable que par les biens qu’il a reçeu de V. M. de
la Reyne vostre Mere, & du feu Roy vostre Pere
d’heureuse memoire, & qui d’ailleurs est chargé de
tous les crimes, & coupable de tous les maux qui sont

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arriuez dans vostre Royaume depuis cinq ou six ans
par sa malce & par son ignorance.

 

Si dis ie, le C. M. est mal fondé, comme il paroist
& comme il paroistra mieux plus bas, & que le Prince
de Condé aye mieux estably ses pretentions : il n’y a
aucune difficulté que ce Prince ne le doiue emporter
sur le C. M. & que si par vne opiniastreté, qui marque
la secrette intelligence qu’il à auec les ennemis de
V. M. par la ruine visible & infaillible de tout vostre
Royaume ; il ne veut ayder à celuy qui a son droit
fondé sur sa haute naissance, son païs, ses grands seruices,
vos Declarations, les Arrests de vos Parlemens,
& le consentement des peuples : il est plus digne du
dernier supplice, que de l’honneur de vostre protection.

Quand mesme la chose se trouueroit si contraire,
qu’il pût par ces ruses ordinaires iustiffier ces dessains,
& détruire ceux du Prince de Condé, ce qui ne se peut :
V. M. voudroit elle pour la querelle de deux hommes,
l’vn françois, l’autre estranger ; l’vn Prince de vostre
Sang, l’autre vne production monstrueuse de la fortune,
que sa Personne sacrée fut exposée à mille dangers
ses pauures sujets & son Estat reduits à la derniere
desolation.

Et toutesfois, SIRE, les affaires sont en vne telle
disposition, qu’il semble que V. M. se trouue obligée
de proteger l’vn, & abandonner l’autre : & personne
ne se peut persuader qu’elle voulut abandonner vn
Prince, que sa naissance, ses seruices, & les bienfaits

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du feu Roy, & ceux de V. M. ont esleuez aux premiers
rangs de vostre Royaume ; pour maintenir vn homme
qui bien loing de vous estre vtile, est la seule cause
& l’objet de toute l’auersion de vos peuples, & qui
n’auroit pas subsisté si long-temps, si V. M. ne l’auoit
appuyé ; & si vos Sujets n’estoient tous pleins de crainte,
de respect, & d’amour pour V. M. & dans la pieté
duquel, Vostre Majesté trouueroit la reünion de sa
maison, & de tous les François, & le moyen prompt
& infaillible, pour donner le calme à son Royaume.

 

Cette verité est si bien establie, SIRE, que si V. M.
veut cõnoistre à quel point le C. M. luy est nuisible, &
à son Estat ; & comme l’auersion des peuples est fort
raisonnablement fondée, elle n’à qu’à se faire lire les
Remonstrances qui luy ont esté faites de toutes parts,
faire vne reueuë de toute la conduite, & de l’aueuglement
des Conseils du C. M. depuis six ans, entendre les
depositions de tous les Courtizans, pourueu qu’elle
leur donne liberté de parler ; & qu’elle leur oste le soupçon
des Espions du C. M. & qu’elle en exempte ceux
que l’interest à asseruy à ce Fauory, que V. M. connoist
assez ; sans doute, elle verra qu’il ne s’en trouuera
pas vn qui ne deplore l’estat present de vostre Estat, &
la temerité auec laquelle cét homme cause & entretient
ces desordres, à l’ombre du pouuoir de V. M. à
laquelle il fait que vos Sujets sont entierement soûmis.
Demandez, SIRE, a tous les Grands ? demandez
aux Officiers de vostre Couronne, de vos armées,
& de vostre maison ? demandez à tous les trois ordres

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de vostre Royaume, à l’exception des interessez à la
fortune, de ce Card. V. M. n’entendra que des plaintes,
des murmures & des execrations contre luy ; apres cela
SIRE, doit-il demeurer vn moment ny dans vostre
cœur, ny dans vos Estats.

 

Que diroit maintenant le Mareschal de Gassion,
SIRE, si Lenx ne nous l’auoit rauy, de la perte de
Courtray : qu’en a dit & qu’en peut dire le Prince de
Condé & de la perte d’Ypres : que dira le Duc de Guise
de l’affaire de Naples : que dira encor le Prince de
Condé & le Comte d’Harcourt de la Catalogne :
qu’en dira le Mareschal de la Motte : que dira toute
l’Europe des chicannes diaboliques, & des detestables
empeschements que ce C. a porté à la Paix generalle,
du funeste & criminel triomphe de la victoire de
Lens, des enleuements de V. M. du siege de la Capitale
de vostre Royaume, & de celuy de Bordeaux aussi
imprudemment commencez qu’honteusement acheuez :
que diront tous les Grands qu’il a emprisonnez &
fourbez : que dira le Clergé, de la honteuse & auare
distribution des benefices : que dira la Noblesse qui a
souuent employé son sang d’vn costé pour sous le pretexte
de vostre authorité, vanger la passion de ce Ministre,
pendant que d’vn autre on ruinoit ses terres &
ses maisons : que dira le Soldat qui sans solde a prodigué
sa vie, & lequel la necessité & l’impunité, a porté
aux abominatiõs que l’on a commis ! & quoy que l’on
ne les aye iamais leu chez les nations les plus barbares,
qu’elle plainte ne fera-t’il pas de l’argent qu’on donne

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aux Estrangers que le C. M. a amenez ou fait venir en
France, bien que l’on sçache assez que les François
soient les meilleurs soldats de la terre, & que l’on n’y
en manque non plus que d’Officiers de tout calibre,
& que cét argent estant pour la plus part emporté
hors du Royaume par vne maxime traistresse, & par
vn mouuement tyrannique, en diminuë dautant les
forces que les richesses : que diront les Alliez du manquement
de foy de ce Ministre, & particulierement les
Suisses auquels on doit des sommes immenses qui ont
estez destournez & employez au luxe, aux passe-temps
& pour enrichir ses Niepces, afin que la grandeur de
leurs richesses, releuat d’autant plus la bassesse de leur
naissance, & que la lascheté de quelques Grands les
ayant fait tomber dans le piege d’vne surdide avarice,
les peut engager à entrer dans son infame alliance
sous pretexte, & dans l’attente d’y trouuer tous les
Tresors de la France ; que diront vos pauures Officiers
auquels on a osté les gages, & lesquels on a fait
tant de fois financer, qu’ils se sont ruynez & leurs
amis ; quoy les bons Bourgeois, auquels on a osté tout
moyen de subsister, en diuertissant le fonds de leurs
rentes : que diront les faux & miserables Aisez desquels
on a cruellement remply toutes vos prisons ; en
vn mot, que dira le peuple, que dira la France ; ie
crains que s’ils ne disent tous d’vne voix Crucisige
qu’au moins diront-ils Tolle : les éconduirez-vous
SIRE, ne les exaucerez-vous pas, sera-t’il preferé à
toute la terre ! Non, non, SIRE, nous esperons de

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vostre Iustice, que vous acquiesçerez à leur tres-humbles
& tres iustes prieres, & qu’éludant toutes les ruses
de ses emissaires, qui ne trauaillent que pour circonuenir
le bas aage de V. M. vous les escarterez, pour prester
l’oreille aux veritez qui vous seront dites par vos
bons seruiteurs, (lors qu’ils ne craindront pas ces Espions)
& comme vostre Authorité est en veneration
à tous les bons & fidels françois qui ne se sont pas engagez,
dans les interests de cét homme né à la ruine de
vostre Estat, que l’on ne l’attaque en aucune façon,
qu’on n’en veut qu’à sa personne, qui pour se maintenir
tasche à violanter les affections & inclinations de
tous vos Sujets, pour en forme de crimes de rebellion,
tascher de se faire iour par tout par la force, traitant
vos Sujets nez les plus libres & les plus francs de tous
les hommes, de serfs & d’esclaues de son impitoyable
tyrannie ; en quoy au rapport de Plutarque, il ressemble
à vn Laboureur qui aymeroit mieux recueillir des
sauterelles que de bon froment, & qu’vn homme qui
aymeroit mieux commander à des bœufs & des moutons,
qu’à des hommes : Esloignez-le, SIRE, le sort
que vous cause sa presence, tombant par son esloignement,
V. M. verra tous les cœurs de ses Sujets souspirer
pour Elle, & entre leurs langues entonner ce beau
Cantique, Viue le Roy, point de Mazarin.

 

Apres tous ces tesmoignages que ie viens de deduire
à V. M. SIRE, il m’en reste encor deux, auquels
i’espere qu’elle donnera vne entiere creance, si desia
elle ne l’a donnée : Celuy du Roy d’Angleterre est le

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premier, qui peut asseurer V. M. que le dessein que le
C. M. auoit, d’establir vne Souueraineté à S. E en
Italie, ou de pretexte, pour y faire transporter toutes
vos finances ; dans les sieges d’Orbitelle, Prombin, &
Portolongon, a plus couté à V. M. que toutes vos
conquestes des pays bas ; & qu’il en a cousté la vie de
trois Couronnes au feu Roy son pere, au lieu que si
ce Ministre, eut esté veritablement ialoux, de l’honneur
& de la gloire de Vostre Majesté, & qu’il n’eut
pas eu ces ambitieux interests, plus en recommandation
que vostre seruice, & son deuoir ; voire mesme si
dans ce rencontre, employant sa malheureuse & detestable
Politique, qui ayant ietté la semence empestée,
d’vne guerre ciuile, dans vn Estat, donne des
forces au plus foible, pour en perpetuer l’espece, & par
cette occasion, trouue les moyens de faire quelque
progrez, ou au moins se garantir des attaques de cette
peste, il eut enuoyé des secours, de cinq à six mille
hommes à ce Prince malheureux, il luy auroit conserué
la vie, & les diademes, & auroit osté aux yeux de
toute l’Europe, vn si pernicieux exemple, & auroit
acquis vne grande gloire à V. M.

 

Le second tesmoin, SIRE, est le mesme C. M. s’il
est vn peu plus veritable, que le pere de mensonge, &
moins auare & moins menteur, que ces Iuifs qui gardoient
le Sepulchre du Sauueur, auquels saint Augustin
reproche leur faux tesmoignage par ces parolles :
Si vellent vera nunciare, & plus bas, sed illa aueritia quæ
captiuauit discipulum comitem Christs ; captiuauit &

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militem custodem sepulchri, ou s’il ne craignoit cette
parolle de l’Euangile, de ore tuo te iudico serue nequam :
quoy qu’il en soit, SIRE, si V. M. luy commande
de dire la verité, ie crois qu’il ny pourra resister
& que par l’effort de la synderese, ou par le pouuoir
de vostre sacrée parolle, vous ferez en sa personne,
ce que l’esprit de Dieu fit en celle de Balaam,
qu’il força de benir le peuple d’Israël, quoy qu’il eut
dessein de le maudire, & comme dans les enorcismes
on extorque la verité des pauures possedez.

 

Ce menteur fieffé ne pourra s’empescher d’auoüer
à V. M. que toutes les depositions que ie luy ay rapporté
cy-dessus, sont toutes veritables, qu’il a encor
fait plus de mal qu’on en dit, qu’on ne peut sçauoir
tout ce qu’il a fait, ny mesme tout ce qu’il a enuie de
faire, & qu’il sçait fort bien, que toute la France, le
haït d’vne haine tres amere, ce qu’il a sçeu par luy-mesme,
ayant demandé à Mery sur Seine, & par tout
ou il a passé, à toutes les femmes qu’il a rencontre :
Estes vous Mazarines, puis qu’elles luy ont toutes
respondu, auec vne profonde reuerence, non Monseigneur,
ce qui luy fit repliquer, auec vn sourire de
rage & de dépit, vous n’estes donc pas des miennes :
& de cette [1 mot ill.], estant accuse & hay de toutes les
creatures, mesme des insensibles, comme il est à
presumer, V. M. ne peut auec iustice, seureté ny
biensceance, le retenir plus long-temps dans vos
Conseils, ny dans vos Estats, & si ie ne la porte pas,
à luy faire le mesme : voire de plus rigoureux traitement,

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qu’en reçeut autrefois Conchini, par les ordres
du feu Roy vostre Pere, quoy qu’il soit coupables
de tous les crimes, & par consequent de tous les
supplices, & que bien que ce soit vn acte de iustice,
que V. M. doit à ses sujets, sçauoir la punition des
crimes, comme la recompense des seruices, & que
ces fameux exemples, corrigent ceux, qui auroient
vne semblable inclination, & qu’il est plus seant, &
plus glorieux, à vn grand Monarque, SIRE, de faire
éclater sa clemence, que la Iustice, à l’imitation de
celuy, qui porte escrit sur sa cuise, Rex Regum &
Dominus dominantium, qui est souuent appellé, Dieu
& pere des misericordes, & duquel il est dit, miserationes
eius super omnia opera eius.

 

Quand au bon droit du Prince de Condé, V. M.
sçait assez, SIRE, qu’il est fondé sur la seureté, & sur
la religion de vostre sacrée Parole, donnée à toute
la France, dans les personnes des Princes de vostre
Sang, des Grands de vostre Royaume, & dans vos
Parlemens, tant de viue voix, que par vos Declarations,
signées, scellées, & veriffiées, auec toutes les
solemnitez, & circonstances requises & necessaires,
selon les Loix fondamentalles, Coustumes, & Ordonnances
du Royaume, que le C. M. a enfreint,
auec vne temerité sans exemple : Ce Prince, SIRE,
a trop de part aux choses qui regardent vostre Personne
sacrée, & vostre Grandeur, pour n’estre pas
ialoux, & vengeur, de ceux qui ont l’impudence, de
ne leur pas porter tous les respects & toute la defference

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qui leur est deüe.

 

Il est vray que dans cette conjoncture, son interest
se rencontre auec celuy de V. M. & il n’a peu
porter patiemment le retour du C. qui aneantit
vos Declarations, & qui pourroit ietter vos peuples
dans vne défiance, de tout ce qui luy seroit enuoyé
de la part de vostre Majesté, s’ils n’en estoient retenus
par l’amour qu’ils luy portent, sans auoir tout
sujet de pouruoir à la seureté de sa Personne, contre
laquelle le C. M. a commis tant d’attentats : La
fourberie du Pont-Neuf en 1649. pour enuelopper
ce Prince dans la haine de la Fronde, & de plusieurs
qu’il auoit rendu ses ennemis par la charge du siege
de Paris qu’il luy auoit commise, & qui la vouloit
augmenter par la violente poursuite, que ce Prince
creut estre obligé de faire contre ceux qu’ils croyoit
ses assassins, est vne des premieres preuues de ses
mauuais desseins : sa detention, & celles du Prince
de Conty & du Duc de Longueuille, leur liberté,
forcée, & le commerce de Cologne, connuë par les
lettres interpretées, en ont donné vne trop veritable
& trop puissante confirmation, pour l’obliger à
employer tous les moyens possibles, pour empescher
le restablissement de ce Ministre : Apres cela,
SIRE, se peut-il que V. M. veüille abandonner ce
Prince ; pour proteger cet Estranger, dont les veritez
vous doiuent estre maintenant si connuës,
abaisser cet Illustre, pour esleuer le plus indigne de
tous les hommes ! Non, non, SIRE, faites tomber

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les escailles trompeuses que le C. M. a mis sur les
yeux de V. M. & sur ceux de la Reyne vostre Mere,
ayant surpris le sexe en sa personne, & la ieunesse en
la Vostre pour vous ébloüir tous deux, & vous empecher
de connoistre toutes ces malicieuses intrigues,
& toutes les fourberies, auec lesquelles il a iusques à
present trompe vos Majestez.

 

Quand les considerations de sa mauuaise conduite,
& le bon droit du Prince de Condé ne seroiẽt
pas suffisants, pour porter V. M. à la genereuse &
necessaire resolution de vous en defaire, celle dé
l’aduersion de M. le Duc d’Orleans Oncle de V. M.
fondée sur l’affection qu’il porte à vostre Personne,
& à vostre Estat, & sur les grandes connoissances
qu’il a des maux publics, causez par le C. M. deuroit
vous en faire haster l’execution, Toute la France
croit que la tres-haute naissance de son Altesse Royalle,
sa conduite, & les importans seruices qu’il a
rendu à V. M. & à l’Estat, la mettent hors de tout
soubçon : & si par malheur le C. M. ou ses Partizans
auoient mis V. M. en quelque deffence de S. A. R.
que V. M. considere d’vne part, les discours de ces
lasches flateurs, & de ces infames valets de Cour,
pestes d’Estat, les plus grands, & les plus dangereux
ennemis des Souuerains ; & de l’autre, les Conseils,
& les seruices de ce grand Prince ; sans doute V. M.
connoistra bien-tost, la fausseté de ces langues serpentines,
desquelles on doit dire venenum aspidum
sub labiis cerum, & la droiture, & le merite de toutes

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les actions de son Altesse Royalle.

 

Et si quelque Demon ennemy de la France, empeschoit
que V. M. ne se rendit à toutes ces reflexions ;
ie la supplie de toute l’estenduë de mon cœur
de se rendre à la compassion des extremes souffrances,
auquelles tous vos sujets sont reduits par cette
horrible guerre, & s’espargner le sang de vos plus
grands Capitaines, & de vos meilleurs soldats, qui
sont tous à la veille de s’égorger, pour la conseruation
d’vn Estranger : V. M. sçait bien, & voit assez,
que cette guerre ne peut finir, que par la sortie du
C. M. hors de vostre Royaume, sans espoir de retour,
puis qu’il en est la seule cause, sublatæ causa
tollitur effectus : & qu’hazardant le sort d’vne bataille,
dont l’euenement est tousiours douteux, & la victoire
n’en peut estre que la guerre, de quel costé
qu’elle tourne, elle expose sa personne sacrée & sa
Couronne, en vn peril, duquel on ne peut preuoir,
qu’vne tres funeste issuë, dautant que si les ennemis
du C. M. remportent la victoire ; il est sans
doute qu’ils le poursuiuront à tout reste, & que ne
desemparant pas vostre sacrée Personne, il l’exposera
par son opiniastreté, & sa poltronnerie, à des
dangers continuels : que si d’ailleurs les trouppes
Mazarines, qui ont l’honneur de porter vostre
nom, demeurent victorieuses, V. M. ny trouuera
que de funestes Cyprés, au lieu de verdoyans Lauriers,
ce ne sera qu’vne victoire calmée : nous lisons
que Coriolan se voulant vanger, de l’injure qu’il

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auoit reçeu du peuple Romain, auquel il auoit rendu
de grands seruices, & lequel l’auoit exilé, amassa
tous ses amis, fit vne grosse armée, & vouloit mettre
tout à feu & à sang, mais que les larmes, & les
prieres de sa Mere, & de sa femme, furent si puissantes,
qu’elles l’appaiserent & le desarmerent, &
de cette façon sauuerent cette fameuse republique,
qui estoit à la veille de son entiere ruine. Veturia mater,
cum volumnia vxore, Martinum Coriolanum, cum
bello infenfissimo, iniuriam exilii sui, in populum humunum
ingratissimum vlcisceretur, tuidem flexit, atque exarmauit :
Vous estes Fils de France, & le Pere de tous
les François, cette Mere & ces enfans, vous supplient
de faire cesser la guerre, les ruines que V. M.
a veuë, dans tous les lieux ou Elle a passé, sont les
plans de cette Mere affligée, & les pauuretez & calamitez
que vous auez veu souffrir, & dans ces pauures
enfans, qui ont esté contraints de receuoir les
armées, doiuent estre d’assez puissantes prieres,
pour exciter vostre compassion ; Coriolanus auoit
seruy la Republique Romaine, & le C. Mazarin
vostre Royaume, & si son artifice preualoit si fortement
sur le bon naturel, & les douces inclinations
de V. M. & que ces veritez n’excitassent aucun
trouble, ny aucune douleur dans vos entrailles,
& que la nature ne peut produire en V. M. cet
amoureux effect : que la Politique au moins, SIRE,
l’emporte sur la force des charmes, dont le C. a enchanté
V. M. Souuenez-vous, SIRE, que dénuant

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vostre Royaume de ses plus grands Capitaines, & de
ses meilleurs Soldats, vous en abandonnez les conquestes
& les frontieres, & le mettez en proye, à
tous vos ennemis, qui muguettent tousiours l’occasion,
de faire quelque bresche, Grauelines & Turin
vous doiuent seruir d’exemples.

 

Ie dis bien plus, SIRE, ie dis que quand V. M.
seroit asseurée, de remporter la victoire sur vos Sujets,
(quelle façon de parler & quelle victoire) & de
pouuoir resister à ses ennemis du dehors, elle ne
doit, & ne peut auec iustice, maintenir son plus
grand ennemy, l’objet de la haine des Princes de
vostre Sang, & des Grands du Royaume, & l’auersion
generalle de tous vos Sujets, mais mesme de
tous les peuples, par la ruine de vostre Estat, que V.
M. sçait estre inéuitable, par la funeste experience,
qu’elle en a fait par tous les lieux, ou la malice l’insolence,
& la peur du C. M. a mené comme en
triomphe V. M. dans la plus rigoureuse de toutes
les saisons, au prejudice de vostre santé, & au hazard
de vostre precieuse vie, au lieu de diuertir, &
de lasser l’esprit de V. M. par des diuertissemens, &
des recreations conformes à vostre Grandeur, à vostre
aage & à la saison.

Non, non, SIRE, ne faites pas vn si mauuais
choix, ne suiuez pas le Conseil de tous ces Mazarins,
faites vn miracle digne de la grandeur de vostre
puissance, il n’est pas necessaire, que vous employez
la force de vostre bras, pour abatre ce monstre, qui

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ruine vostre Estat, vne seule parolle suffit, parlez,
commandez, & vous verrez, que cette authorité
dont on paroist si ialoux, à tout le pouuoir que l’on
peut souhaiter, & qu’il ny a que cet homme là, qui
en suspende l’action : Vous n’aurez pas si tost dit,
exeat, pereat, extinguatur, ou telle autre parolle, que
toutes les hostilitez qui se commettent dans la
France cesseront, vous ferez reuenir le calme, & ramenerez
le siecle d’or : Considerez, SIRE, que vous
n’auez que cette seule voye, souuenez vous qu’expedit
vt vnus homo exeat vel moriatur, ne tota gens pereat ;
& que porter vos peuples, qui sont tous pleins
d’amour, & de veneration, pour V. M. au dernier
desespoir ; c’est les ietter dans vne passion, qui se
rendant maistresse de leurs affections, les portera à
la derniere extremité ; patientia læsa sit furor. L’exemple
de leurs criminels voisins, qui leur donna encore
de l’horeur, enflammera peut estre en ce temps-là
leur ressentiment, (ce que ie prie Dieu de tout
mon cœur vouloir destourner de vostre sacrée Personne,
& de vostre Royaume.) Mais quoy, SIRE,
nul ne sçait l’auenir, les petits commancemens dans
la nature, dans la morale, & dans la politique, produiront
de grands mouuements, vne petite estincelle,
peut causer vn embrasement general.

 

Qui veut regner par la force, SIRE, s’expose à de
grandes peines, il a de perilleux dangers, la seureté
& le bon-heur des Roys & des Estats, vient de la douceur
des Souuerains enuers leurs Sujets, & de l’amour

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filiale, & non seruile, des peuples enuers leurs
sacrées personnes. Le Philosophe Vittacus dit fort
bien à ce suiet chez Plutarque, que le moyen de rendre
vn Roy heureux, & glorieux, est que s’il peut
faire, que ses suiets ayent crainte pour luy, & non
de luy, & le Legislateur Solon, en faisant de sa monarchie,
vne Democratie, c’est à dire, en se communiquant,
& partie de son pouuoir à ses Suiets ;
Dans la Loy ancienne, le Dieu de Sabaoth des armées,
parloit à son peuple. que parmy les foudres,
& les tonnerres : mais quand il s’est incarné, ç’a esté
pour se rendre plus traitable, & pour s’accommoder
à nostre soiblesse, aussi prit-il la qualité, de Rex pacificus
princeps pacis : L’on attire plus de mousche, auec
vne once d’huile, ou de miel, qu’auec vn quintal de
vinaigre : les affections, de seruices libres, & non
contraints, ont des charmes tres puissans, spontanée
non coacté, la douceur vnit, & la fureur separe & qui
presse l’anguille trop fort la perdera : Les reuolutions
des Estats, SIRE, n’ont iamais eu d’autres causes :
les Suisses, la Hollande, la Catalogne & l’Angleterre,
n’ont point eu d’autres commencemens.
Toutes les Souuerainetez, & toutes les Republiques
d’Italie & d’Allemagne, ne sont que des fragmens
du debris de l’Empire Romain, causé par la
tyrannie des Empereurs ou de leurs Fauoris : & si V.
M. veut remonter plus haut, elle n’a qu’à considerer,
que la victoire de Tarquin le superbe, creusa
les fondemens de cette puissante & superbe Republique

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Romaine : Dans l’histoire Sainte, on trouue
que la cruauté de Roboam, qui prefera des Conseils
violens des ieunes euentez, aux deux prudens & debonnaires
aduis que luy auoient donnez ces sages
vieillards, qui auoient esté du Conseil des plus
sages des hommes, luy fit perdre dix Tribus, de
douze qui composoient son Royaume d’Israël ; &
que n’ayant voulu condescendre aux supplications
de ses sujets ; ils luy dirent, quæ nobis pars in Dauid ?
vel quæ hereditas in filio Isaiæ ? qu’ils lapiderent Aduram,
Sur-Intendant de ses Finances, qu’ils contraignirent
ce Roy de fuïr en Ierusalem, & qu’ils esleurent
Ieroboam pour leur Roy en sa place : ie tais les
exemples de l’Histoire de France & beaucoup d’autres
pour n’estre trop prolixe : la principale vtilité
qu’on doit tirer de la lecture de l’Histoire, est la remarque
des bons & mauuais succez, pour éuiter les
vnes & embrasser les autres : c’est pourquoy ie suplie
V. M. SIRE, d’en vouloir faire vn tel vsage : si vn
Payen a bien sçeu dire que Dieu se sert des Tyrans,
comme de bourreaux, pour chastier les peuples, &
quoy qu’il les punit apres : les Chrestiens plus esclairez,
sçauent bien que Dieu s’en sert, comme de
verges pour punir leurs crimes ; & que puis apres il
les iette au feu : Il y a dix sept ans, que le Tyran C.
de Richelieu, fit seruir nos miseres d’eschelon à son
auarice & à son ambition, par la declaration de la
guerre, qu’il fit en ce temps-là, contre la maison
d’Austriche : & le C. M. luy succedant dans ce méme

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dessein, par la coutume de cette guerre, & par l’opposition
malicieuse qu’il a porté à la Paix generalle,
pour assouuir son insatiable auarice & dans les déreiglemens
de la guerre, couurir son ignorance, nous a
imprudemment & malicieusement ietté dans ces
troubles, qui acheueront vostre ruine, & peut-estre le
cours de vostre Monarchie : les emprisonnemens &
bannissemens des personnes illustres, sont tousiours
les causes des guerres ciuilles, s’il en faut croire Plutarque,
& nostre propre & malheureuse experience
& puis que la cause de nos maux est connuë, que la
douleur nous en fait sentir l’effect, que le long temps
nous marque son insupportable durée, V. M. SIRE,
ne veut-elle pas auoir la bonté de les faire cesser ? s’il ny
auoit pas tant de sang respandu, nous prendrions tous
les deportemens du C. M. pour vne farce ; mais la ruine
de vos peuples, le sang de vos sujets, & toutes les abominations
qui se commettent iournellement, emportent
tout le commerce, & ses pernicieuses intrigues
font crier vengeance au Trône de V. M. ne bouchez
pas les oreilles, SIRE, n’acheuez pas par les cruels conseils
de ce Ministre [1 mot ill.] la ruine de vos sujets, de
crainte que n’ayant rien à perdre qu’vne vie malheureuse
qu’ils traineront, ils ne se portent à tout ce qui
flatera leur vengeance ; destournez tous ces orages &
toutes ces rages, SIRE, de vostre sacrée Personne &
de vostre Royaume ; dites efficacement, exeat, pereat,
extinguatur : sinon attendez, SIRE, vne punition diuine
excitée par le sang & les larmes de vostre peuple,

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qui sçauront bien esueiller, celuy qui escoula le
sang d’Abel, les larmes des Israëlites, en Ægipte & le
meurtre des innocens, quoy que le Prophete Roy le
dépeigne dormans, Tanquam dormiens Dominus, tanquam
potens crapulatus ab vno.

 

Si ceux que la confidence, & l’interest a appellé
dans vostre Conseil, par l’intrigue du C. M. SIRE, ne
trahissoient pas la verité, si cet Amphibie, vostre
Garde des Seaux, & premier President de vostre Parlement
de Paris, n’auoit sacrifié sa conscience, & la
reputatiõ que son hypocrisie luy auoit acquise & l’interest
de sa famille ; il y a long-temps qu’il vous auroit
porté, à cette genereuse, & tousiours necessaire resolution ;
ce n’est pas l’ignorance, qui luy ferme la bouche
en ce rencontre, ce n’est qu’vne insupportable
ambition ; c’est pourquoy, SIRE, V. M. ne doit pas
croire, que personne que le C. M. en veüille à vostre
authorité, il ny a que luy, & ses laches Partizans, qui
l’ont sapée de tous costez ; Les Princes qui en tirent
tout leur éclat, ny ont donné aucune atteinte : la vertu
vniversellement reconnuë de son A. R. ne vous doit
estre nullement suspecte, & vous faire redouter les
desseins du Prince de Condé, outre que c’est des-honorer
V. M. que de luy imprimer de la crainte, du
pouuoir d’vn de ses sujets, qui n’en a qu’autant qu’il
plaist à V. M. luy en départir, c’est vne pensée si ridicule,
qu’elle ne peut sortir que de la ceruelle euaporée
du C. M. le plus mesprisable & le plus mesprisé de tous
les hommes : Car en effet, il est tres constant, que

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quand ce Prince, seroit assez malheureux, & assez
aueuglé, pour auoir des pensées contre son deuoir, [ce
que ie ne peux croire] il n’en pourroit attendre qu’vn
honteux repentir ; estant veritable, qu’il ne se seroit
pas plustost declaré ennemy de V. M. que tous les
François se declareroient les siens, cette verité est
constante, & ne reçoit point de replique.

 

Or de croire que d’esloigner de vos Conseils, vn
Ministre descrié dans toutes les nations de l’Europe, &
mesme quand il seroit reuestu de toutes les qualitez &
conditions necessaires, pour remplir cette place dignement
& suffisamment, soit vne diminution de
vostre authorité : c’est vn erreur, qui ne peut proceder,
que d’vne ignorance crasse, ou d’vne passion entierement
aueuglée : c’est bien plustost, SIRE, vne
marque d’vne grande prudence, & d’vne Royale clemence,
de preferer le bien & la seureté des peuples, à
l’ambition tyrannique d’vn Fauory.

Si l’exemple peut donner de plus puissans mouuemens
à nos ames, pour embrasser les veritez, qui par
le discours, ne nous sont pas tousiours clairement, &
intelligiblement enoncées ; ie supplie V. M. SIRE, de
ietter les yeux sur le grand Assacrus, qui regna depuis
l’Inde, iusques en Æthiopie, sur cent & vingt sept
Prouinces ; lequel estant enyuré, des discours pleins
de flaterie & de mensonge, des Partizans d’Anian son
Fauory, luy auroit donné vn si grand pouuoir, que cet
insolent en abuzant, estoit sur le point de couler le
sang de toute vne nation fidelle, par toute l’estenduë

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de ce grand Royaume, si le bon Mardochée n’en eut
empesché l’execution, par l’aduertissement qu’il en fit
donner à ce grand Monarque par la Reyne Esther ;
vous sçauez, SIRE, ce qu’en suitte de cet aduis, ce
Grand Prince prononça ; Appendite eum, & ce mesme
Prince, qui auoit dit auparauant & à son Mardochée,
qui auoit empesché l’assassinat, que Bagathan
& Thares vouloient conuertir en la personne
de ce Souuerain, sic honorabitur quemcumque voluerit
Rex honorare,, qui est vn passage souuent cité, par lesquels
les Mazarins veulent nous rendre criminels,
comme si nous n’estions conscientieusement obligez
de supplier V. M. de n’honorer point leur maistre de
vostre affection, dont il est le moins digne de tous les
viuans ; & comme si nous ne sçauions pas, que vostre
protection, est vn effet de ses surprises, & de vostre
bon naturel, qui à les complaisances les plus loüables,
quoy que funeste & les moins imaginables qui ayent
iamais estez ; pour vne Mere, que ce fourbe a surpris
la premiere, si mesme il ne l’a ensorcelée : Faites mon
Prince, que ie sois vostre Mardochée, ie ne demande
ny la honteuse mort de ce Fauory, ny l’honneur, ny la
recompense de ce Iuif ; ie seray trop satisfait, si iettant
les yeux sur ces reflexions qui vous ont marqué les
cruautez & les pernicieux desseins du C. M. vous l’esloignez
pour iamais de vostre Royaume, & donnez la
paix à vos sujets.

 

Si cet exemple. SIRE, ne vous semble assez pressant,
pour vous porter à sauuer vostre Royaume, qui

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est à la veille de sa totale ruine, si dis ie vous n’estes pas
encor suffisamment conuaincu, pour conseruer le sang
& tarir les larmes de vos sujets ; Ie supplie derechef V.
M. de prendre garde à ce que ie vous vay representer,
croyant qu’elle aura plus d’efficace que toute autre,
pour l’auoir encor choisi entre plusieurs, & auoir
veu qu’vn Roy tres Chrestien & le premier de tous les
Chrestiens, defereroit dauantage a l’Histoire Sainte,
qu’à la prophane : Achis, Philistin, Roy de Geth,
ayant donné retraite à Dauid, nay selon le cœur de
Dieu, pour regner en Israël sur son peuple choisi, &
persecuté par Saül Roy d’Israël ; & voulant donner
bataille à cet ennemy de Dauid, qui estoit aussi le sien,
comme il estoit accompagné de ce Prince fugitif, &
qu’il vit que ces Satrapes & Grands de son Royaume
en murmuroient, disans que Dauid sujet de Saül, dans
le fort de la meslée, se ietteroit dans le party de son
Souuerain pour regagner ses bonnes graces ; il l’appella,
& luy dit, Viue Dieu, tu es homme de bien, & ie
n’ay rien trouué de mauuais en toy, mais Satrapis non
places, tu ne plais pas à mes Satrapes, c’est pourquoy ie
te prie, retourne-t’en en paix, de peur que tu ne leur
blesse les yeux, leue toy de grand matin & tous tes
gens, & quand vous serez éueillez de nuict & que le
iour paroistra, allez-vous en : V. M. SIRE, voit que
tout le crime de Dauid n’est qu’vne meffiance injuste
des Satrapes, de ce Roy des Philistins ; & que ce Souuerain
n’a pas creu rien faire contre son authorité, en
renuoyant vn Prince estranger, pour condescendre

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au desir de ses Satrapes, & quelques contemplatifs disent,
que cette action d’vne haute politique, luy causa
la victoire signalée, qu’il emporta sur Saul : car il n’a
pas encor paru, SIRE, que le C. M. soit en reputation,
d’égale sainteté à ce Prince bien aymé de Dieu,
on n’a pas encor reconnu, que le Tres-haut luy aye
fait l’honneur de composer son Eloge, comme il fit à
ce saint Roy, personne ne le tient pour vn Prophete,
& s’il a quelque connoissance du futur, on croit que
c’est plustost par le ministere des meschans, que des
bons Demons : C’est pourquoy V. M. SIRE, bien loin
d’en faire scrupule, doit s’asseurer qu’elle ne peut faillir
apres ces exemples ; & qu’elle ne peut rien faire de
plus vtile ny de plus necessaire à son Estat ; & que ce sera
vne action, par laquelle V. M. fera cesser les maux
presens, preuiendra les futurs, & donnera à son peuple,
des preuues & des marques d’vn bon doux, suaue
& paternel Gouuernement, en maintenant & executant
sa parolle Royalle, donnée solemnellement pour
détruire la maxime & la pratique que ce Sicilien a puisée
chez cet autre Tyran de Sicile, Denys de Syracus,
qui disoit qu’il falloit amuser les en fans auec des osselets
& les hommes auec des iuremens ; le C. M. disant
que la foy n’est bonne que parmy les Marchands &
qu’il n’est pas esclaue de sa parolle ; en cette action
dis ie, SIRE, V. M. imitera Alexandre le Grand, puis
qu’éloignant cet Estranger de vos Conseils, conformement
aux Ordonnances de vostre Royaume, à vos
Declarations, aux Arrests de vos Parlemens, vous

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tomberez dans le sentiment de ce Conquerant, qui
disoit qu’il falloit quil vint au dessus de toute chose
mais qu’il estoit au dessous des Loix ; & du sage Bia,
qui dit que la grandeur d’vn Prince est lors qu’il
se rend luy mesme le premier sujet aux loix ; & si
Philippes pere d’Alexandre estant pres de camper
son armée dans vn beau lieu, ayant appris qu’il
manquoit de fourage pour les Asnes, changea son
Camp pour s’accommoder à ces infames animaux,
que ne doit faire V. M. Tres Chrestienne pour s’accommoder
à son peuple, lequel bien qu’il soit assez
souuent designé par l’hieroglif de l’Asne à cause
de sa pauureté, de son obeissance & de son trauail,
ne laisse d’estre veritablement composé des meilleurs
hommes du monde.

 

Ie ne donne pas à V. M. les exemples de vos predecesseurs
Roys ; j’obmets mesme à dessein ce que
le plus grand de tous les Roys, le grand Henry
Ayeul de V. M. a fait en des occasions à peu pres
semblables, & que bien que son exemple soit de si
grand poids, qu’il est le plus legitime & le plus parfait
modele pour bien & heureusement regner : ie
le passe sous silence aussi bien que celuy de Louys
onziesme, qui tomba dans la fin de ces iours, dans
vn malheureux estat par l’intrigue de deux hommes
de neant qu’il auoit appellé dans le Conseil,
ne doutant pas que V. M. malgré les pernicieux
desseins, du pretendu Sur-Intendant de son education,
n’aye leu & ne sçache toute la vie & les grandes

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actions de vos predecesseurs & particulierement
celles de cet incomparable Heros vostre
ayeul, & de Louys le Iuste vostre pere d’heureuse
memoire ; c’est pourquoy, SIRE, ie conjure V.
M. par la gloire de Dieu qui est horriblement offencé
dans cette guerre, par la necessaire reünion de
tous vos sujets, par la consideration du bien de vostre
Estat, & par l’interest de vostre reputation ; de
considerer qu’il ne se faut pas engager à plusieurs
difficultez pour ne pas dire impossibilitez pour restablir
le calme dans vôtre Royaume, mais que Perro
vnum est necessarium, pereat vel exeat, chassez le C. M.
& vous verrez V. M. Roy paisible aymé & adoré du
meilleur, du plus grand & du plus puissant peuple
du monde, qui vous chantera mille benedictions,
poussera au Ciel mille vœux pour la prosperité &
santé de V. M. & moy en mon particulier, ie ne
perdray aucun moment, que ie ne me consacre au
seruice de V. M. estant à iamais

 

SIRE,

De Vostre Majesté.

Le tres-humble, tres fidel, tres-affectionné
& tres-obeïssant sujet & seruiteur.
D. M. P. P. P. P.

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CM. P. P. P. P. [1652 [?]], LA CLEF DV TEMPLE DE IANVS. PRESENTÉ AV ROY. Par CM. P. P. P. P. , français, latinRéférence RIM : M0_703. Cote locale : B_2_31.