Douet, J. [[s. d.]], LA CONSOLATION DES BONS, ET LA DEFFENSE de leurs Escrits sinceres. CONTRE LES CALOMNIATEVRS. , françaisRéférence RIM : M0_772. Cote locale : B_6_4.
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LA
CONSOLATION
DES BONS, ET LA DEFFENSE
de leurs Escrits sinceres.

CONTRE LES CALOMNIATEVRS.

Avx Critiques arrogans. Aux Sophistes ergotistes.
Et aux Zoiles enuieux, mesdisans & mordans ;
Sans oublier ces basses & rempantes ceruelles
bouffies d’ignorance, qui n’estiment & ne mesestiment
les choses que suiuant leur imbecile passion, leur caprice,
ou l’opinion d’autruy. Et sur tout à ceux qui n’ont
l’esprit d’imiter, & moins d’inuenter, ce qu’orgueilleusement
ils osent contredire : encore qu’ils n’ignorent
pas que le moins sçauant du monde qui se plaira de
contester, peut nier plus de choses vraïes en vn quart-d’heure,
que cent bons Philosophes ne sçauroient prouuer
en toute leur vie, durast elle cent ans.

 


La Vertu leur sert de risée,
Et l’Invention mesprisée,
S’escoule, & leur vient à mespris ;
Rien ne leur plaist que l’Arrogance,
Ny rien plus que l’Outrecuidance ;
Pour attaquer les bons Esprits.

 

 


Et encore,

 

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A ce sujet de Calomnie & de Medisance, voicy vn
Arrest solemnel prononcé en diuines Anagrammes,
sur l’Auguste Nom de sa Majesté Tres-Chrestienne

 


Loüis Quatorsiéme du Nom
Roy de France et de Nauarre.

 

ANAGRAMMES.

1. s pour c

Qui mesdira sera marry ! tenu & auoüé fol desordonné

2 h pour n

Qu’on chassera de deuant moy Roy ! ferme Roy de la vertu.

3 i trop.

Vrai Roy Deuot ; le Franc Monarque tres aimé de son Dieu.

Aux Sçauans & amateurs de la verité, Hommes d’honneur
& qui viuent moralement bien.

En parlant serieusement & en peu de mots, l’on dira que
les Gens de lettres & d’esprit, doiuent plustost aider les
Scrutateurs des secrets de Nature, & les Inventeurs des
Arts & des Sciences, que de les contredire & blasmer,
par malice, envie, ou par ignorance, par lascheté, paresse
ou negligence ; pour ne se vouloir donner la peine &
le loisir de bien examiner ce dont ils ne reconnoistront
pas encore la beauté, la vertu, & le merite : Notamment
quand ils sçauront, ou qu’ils ressentiront que
la verité, ou leur conscience repugnera à leurs paroles.
Et les Ecclesiastiques, les Theologiens, les Hommes
d’honneur, & autres Gens de bien, au lieu de reprendre
aigrement les fautes d’autruy, qui ne sont préjudiciables
estant celées, ils les doiuent excuser & cacher autant
qu’il leur est possible. La Parabole de la paille, & de la poutre
à l’œil, selon l’Euangile, est dite pour toute sortes de personnes.
Et cecy encore de l’Escriture sainte : Dieu est grand scrutateur

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du cœur & des reins de l’Homme ; c’est à dire, de ces bonnes
& mauuaises pensées, paroles & actions.

 

Il semble que ce ne soit qu’à cause des bonnes mœurs
qui doiuent reluire principalement aux Ecclesiastiques
& Theologiens, Gens de Iustice, Philosophes & Lettrez,
sur tous autres. Que ces Messieurs là portent ordinairement
sur leurs testes, en leurs Actions & Assemblées
d’importance, & conversations de grauité, des Bonnets
carrez qui ont quatre cornes, ou quatre representations
de lumignons de lampe, pour dénoter qu’ils sont, ou du
moins qu’ils doiuent estre, l’exemple & la lumiere du
reste du monde ; à raison que la lampe chez les anciens
Egyptiens, à laquelle ressemble ces bonnets cornus, estoit
le vray hieroglyfe de la clairté & de la vie exẽplaire.
Ie n’allegueray ce passage de la Sainte Escriture : I’esleueray
sa corne, &c. pource que la corne en cét endroit là ne
s’entend que de la force & de la puissance, de l’honneur
& de la gloire. Ny encore sur ces opinions cy : Que les
quatre cornes des bonnets quarrez representẽt les quatre
points cardinanx de l’Vniuers, Orient, Occident,
Midy & Septentrion ; ou les quatre parties du monde,
l’Asie, l’Afrique, l’Europe, & l’Amerique, juques où se
doit estẽdre la science & la doctrine des bonnes mœurs,
& les notables exemples de ceux qui ont la qualité & le
merite de porter de tels bonnets ; dautant qu’il me semble
que cette raison hieroglyfe sus alleguée, suffit assez
pour signifier tout cela, & voire dauantage, que l’on
pourroit encore dire & rapporter icy.

Si l’on dit que les Iesuites n’ont que trois cornes à
leurs bonnets quarrez, l’on respondra, Que ces Reuerends
Peres le font pour plusieurs bonnes raisons. Premierement,

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pource qu’au temps de leur institution, qui
a commencé dans ce Royaume, l’on ne portoit en France
les bonnets carrez qu’ainsi que ces bons Religieux
les portent à present. Ce qui a duré parmy nous jusqu’à
la fin du dernier Siecle, que l’on a commencé à faire les
bonnets carrez à quatre cornes, ou quatre representations
de lumignons, pource qu’ainsi ils ressemblent
mieux son hieroglyfe & ce qu’il signie que s’il n’en auoit
que trois ; que ces deuots Religieux n’ont pourtant voulu
faire, de crainte d’innover & changer quelque chose
de leur premiere institution. Secondement, trois cornes
seulement visibles aux bonnets de ces bons Peres,
leur est fort commode, à cause qu’imitant & suiuant la
vie des Apostres de Iesus-Christ, qui est d’enseigner &
de prescher le sainct Euangile par toute la terre comme
ils font ; il ne leur est besoin que de peu d’esquipage d’vn
facile transport, & qui n’occupe que fort peu de lieu,
comme leurs bonnets, principalement qui se peuuent
ployer & mettre dans la pochette, ou dans vn coffret
auec d’autres hardes sans se gaster, quelques pressez
puissent ils estre mis ; ce qui ne se peut faire des bonnets
quarrez à quatre cornes, sans leur faire faire de faux
plis : lesquels par consequent, afin de les transporter
seuremẽt sans les corrompre, il les faut mettre dans vne
boëtte ou petit coffre sans autres hardes, comme l’on
fait ordinairement. Tiercement, c’est que cette quatriéme
corne, ou representation de lumignon, est ou doit
estre au dedans du bonnet qui n’en a que trois en dehors,
pour desnoter à ceux qui portent de tels bonnets
qu’eux, aussi bien que les autres, ausquels ils doiuent
seruir d’exemple, ne doiuent rien faire que de bien, & de

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bien prémedité auant que de l’entreprendre. Si l’on
s’est vn peu estendu sur la raison des trois cornes de ces
bonnets cy, c’est pour retirer d’erreur aucunes bonnes
gens, & renuerser la malice de ceux qui par calomnie
disent que ces deuots Messieurs, sont obligez de les
porter ainsi pour estre notez. Et sur tout pour advertir
ceux qui portent ordinairement de tels bonnets sur
leurs testes, de ne rien faire qui puisse tourner à mauuais
exemple.

 

Mais ce qui peut consoler les debonnaires à ce sujet-cy,
d’estre repris & blasmez mal à propos & sans raison.
C’est qu’il ne se remarquera aux siecles passez, qu’il n’y
aye exemple que de plus Sçauans, Speculatifs & autres
Gens de bonnes mœurs, n’ayent eu des contradicteurs
& oposans à leur doctrine & à leur vaillance, à leur vertu
& à leur merite. Colomb a eu le Conseil des principaux
Roys & Republiques de la Chrestienté. Virgilius
Euesque de Salzbourg, le Roy de Hongrie, le Pape, & le
Consistoire de Rome. La Pucelle d’Orleans, quelques
François à Compiegne, & depuis tous les Anglois à
Roüen. Il n’y a qu’environ trente ans que le grand &
fameux Philosophe Remond Lule, estoit tenu dans ce
Royaume, par la plus grande partie des Religieux, Vniuersitez
& Cours Souueraines de France, pour vn hõme
mal-sentant de la Foy, & abuseur des trop curieux
par ses Traittez de Philosophie, que l’on condemnoit
pour lors ; & qu’vne infinité des plus sçauans & doctes
estiment & approuuent maintenant. Et toutefois de ce
temp-là, comme l’on fait encore en celuy-cy, on le reuere
fort, & on le prie comme vn Saint dans l’Espagne :
Et dans l’Isle de Majorque où repose son corps, il y a

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Eglises & Autels sous son nom, où l’on celebre tous les
jours le Diuin Sacrifice de la Messe ; Et aucuns Mathematiciens
François, l’ont mis & colloqué dans leurs
Ephemerides ou Almanacs au rang des Saints Canonisez.
Tous les Religieux Mendians, la pluspart des autres,
& beaucoup de Religieuses mesestiment Monsieur l’Euesque
de Bellay, bien qu’il viue Apostoliquement, &
qu’il soit l’vn des hommes de bien d’aujourd’huy. Presque
tous les Religieux, & vne grande partie des Deuots
de ce temps, tiennent les Iansenistes & Arnaudistes
pour leurs ennemis, & directement contraires à la sainte
Doctrine & Tradition anciẽne & approuuée de l’Eglise,
quoy qu’vne grande partie du Clergé, des Docteurs de
Sorbonne & de nos Euesques suiuent & enseignent la
mesme doctrine. Les Iesuites ont toutes les Vniuersitez
Humanistes de France ; celle de Paris principalement
qui leur sont contraires en ce poinct-cy, entr’autres
d’improuuer leurs Escoles & Colleges, pour ce seulement
qu’ils y attirent la plus grande partie des Escoliers
de ce Royaume. Quelques vns d’entr’eux, & de
nos Docteurs en Theologie à Paris, ont contredit nostre
ancienne croyance, bien qu’approuuée & receuë
de longue main, qui nous fait croire que c’est saint Denys
Areopagite, qui le premier nous a presché l’Euangile
de Iesus-Christ, à esté prisonnier & martyrisé dans
Paris, decapité à Mont-martre, & enseuely à Sainct Denys
en France, où son Corps repose ; ainsi que deux
bons Religieux de l’Ordre Sainct Benoist, le prouuent
par les Liures qu’ils en ont fait imprimer en cetre Ville
depuis quelques Années. Sainct Augustin a quelques
fois pointillé sainct Hierosme ; & s’est mocqué ouuertement

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de ceux qui croyoient, & des autres qui auoient
creu qu’il y auoit des Antipodes.

 

Sainct Pierre, n’a-t’il pas eu sainct Paul qui luy a contredit ?
Et saint Paul a eu la plus grande partie des hommes
contre luy, encore qu’il s’efforçast de contenter vn
chacun selon Dieu & qu’il se conformast en tout à tous.
Les Martyrs, Apostres & Disciples de Iesus-Christ, &
Iesus-Christ mesme, ont eu de cruels Contradicteurs,
puis qu’apres plusieurs contradictions & negations de
leur doctrine, qu’ils prouuoient par de viues raisons &
d’insignes Miracles, ils les ont neantmoins fait mourir
cruellement, apres leur auoir fait souffrir & endurer
milles peines & trauaux ; bien qu’ils trauaillassent merueilleusement
pour leur edification, pour leur Salut, &
qu’ils leurs faisoient arriuer de grands biens par leurs
Prieres L’Ange du Seigneur a eu le Prince du Royaume
de Perse qui luy a resisté vingt & vn jour, jusques là
mesme qu’il a fallu que sainct Michel soit venu à son aide ?
Daniel 10. Et le Createur du Ciel & de la Terre, &c.
a eu Satan qui a disputé contre luy, la contesté, argué,
ou defié ; comme il se voit en Iob. L’Eglise de Dieu n’a-t’elle
pas les Heretiques, Scismatiques, & Mahometans,
tellement contraires, qu’ils renuerseroient (s’ils pouuoient)
les dits, & les escrits de ses anciens Docteurs,
Apostres, Euangelistes, & mesme les Paroles Sacramen
tales de nostre Sauueur Iesus-Christ ? La Iustice, à les
malicieux Plaideurs, qui la fasche & ennuye. Les Orphelins,
les Veufves, & autres pauures Gens qui ont des
proces ; Ont les Procureurs, &c. qui par leurs Chicanneries,
mauuaises procedures, & leurs escritures superfluës,
leur font perdre patience, consommer leurs, biens,

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leur esprit, & leur vie petit à petit, & en pitoyable langueur.
Vne grande partie des Hommes ont leurs Femmes
qui s’opposent quelquefois à leurs bons desseins,
& leur causent souuent mille desplaisirs, encore qu’ils
les ayent d’ordinaire à leurs costez, à leur table, à leur
lict, & soient mesme à leur misericorde.

 

La plus grande part aussi des Animaux paisibles, ont
les Hommes pour ennemis. Et les Hommes d’vn autre
costé, ont contr’eux les Bestes feroces, & les plus foibles,
comme sont les Insectes, & la vermine. Il ne faut
donc pas s’émerveiller si les Dociles & Debonnaires,
ont quelquefois les Orgueilleux & Meschans, qui les
entreprennent & les attaquent injustement, mal à propos
& sans raison ; dautant qu’il n’y a rien sous le Ciel,
qui n’aye son contraire, & qui ne soit en danger d’estre
condemné ; bien que la Verité & la Iustice, les A[4 lettres ill.]
& Dieu mesme, soient de leur costé. Toutefois, encore
que nous soyons sujets à vne infinité de médisances, si
est-ce pourtant qu’il vaut mieux faire quelque chose,
digne d’eterniser sa memoire apres sa mort, pourueu
que l’on n’offense point Dieu, son prochain, ny sa
reputation, que d’estre oisif dans le monde sans rien faire,
de cette nature là qui immortalise. Autrement il
vaudroit autant n’auoir jamais esté, qu’auoir vescu aage
d’homme raisonnable sur la terre.

I. DOVET E. S. D. R.

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