Du Pelletier, Pierre [?] [1649], LA IOYE PVBLIQVE, SVR LE RETOVR de la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_1739. Cote locale : C_5_68.
SubSect précédent(e)

LA IOYE
PVBLIQVE,
SVR LE RETOVR
de la Paix.

CE fut auec vn sensible deplaisir que ie
me vis forcé de sortir de Paris à la haste,
sans qu’il me fut permis de
prendre congé de mes amis. Ie pense
que vous n’aurez conçeu aucune haine contre
moy pour ce suiet, puis que ie ne pù mesme voir
auant mon depart celle que ie cheris plus que ma
vie, & qui doit estre en peu de iours la seconde

-- 4 --

& la plus chere moitié de moy mesme. Il faut
que ie vous auoüe que ce ne fut pas sans pester
mille fois contre l’auteur de ce depart, & que
i’ay souuent souhaitté qu’il fut au lieu d’où il
nous est venu. Cependant, Monsieur il se faut
consoler malgré soy en ces rencontres, & comme
il n’est pas en nostre puissance d’empescher
que des cometes paroissent dedans les airs, nous
sommes impuissans pour deffendre les entrées
des Estats à ceux qui en doiuent estre la ruine.
Toutefois ce ne doit plus estre là le suiet de nostre
entretien, puis qu’il faut esloigner auiourd’huy
toutes les matieres funestes, & puis qu’au
lieu des mauuais fruicts de la guerre nous ne
gouterons plus que ceux de la paix. Faites moy
donc, s’il vous plaist, la grace d’en aduertir ma
chere Axiane, & dites luy que l’ordre que ie
donne à mon equipage pour partir de Saint Germain,
ne m’a permis de luy escrire en particulier.
Ie veux croire qu’elle aura assez de bonté pour
souffrir que ie rende en mesme temps par la presente
mes deuoirs à vn amy & à ma maistresse.
Elle est trop sage pour en conceuoir aucune ialousie,
elle sçait trop bien que l’amitié & l’amour
peuuent compatir de cette sorte. Quant à moy

-- 5 --

Monsieur, ie suis rauy que la guerre soit terminée
si heureusement, & dans vn temps où l’on
peut messer des branches d’Oliuier auec l’etendart
de la croix. I’auois tousiours crû qu’on en
viendroit au poinct où nous en sommes, & que
les prieres d’vn nombre infiny de saints Anacorettes,
& d’amez Religieuses nous obtiendroient
la paix par leurs prieres. Cette guerre de peu de
iours donnera peut-estre de l’auantage à ce Royaume,
& quelque lustre à la couronne, comme
les taches noires ou les mouches en donnent à
la blancheur du teint. Les fautes que l’on commet
en l’administratiõ des Estats ne sont pas inutiles,
puis que ce sont des leçons visibles, pour instruire
les Ministres, & vn achopement qui nous
oblige de prendre garde par apres de n’y faire
plus vn faux pas. Il n’y a rien en la nature qui ne
s’interesse en ce bon heur, puis que le Soleil a paru
plus brillant que de coutume le lendemain
de cette paix, comme si le Ciel eut voulu allumer
vn nouueau feu apres ceux que Paris auoit
allumez le soir precedent, C’est ce qui a fait dire
à vn bel esprit, que le nom de la paix est fort
doux, que ses effets sont salutaires, & qu’elle n’est
autre chose qu’vne tranquille liberté. Ce sera par
son moyen que vous reprendrez vostre exercice

-- 6 --

puisque c’est elle qui fait refleurir les plus
beaux arts, & ie veux croire que nous verrons
bien tost des fruicts de vos belles Muses à
qui le bruit des tambours auoit imposé silence.
C’est par cette raison qu’entre toutes
les plantes l’Oliuier estoit consacré à Apollon,
pour nous apprendre que c’est durant la Paix
que la Poësie fait éclater tout ce qu’elle a de
pompeux, & de magnifique, & c’est auec raison
qu’on a feint que ce Dieu estoit né auprés
d’vn Oliuier & d’vne Palme. I’attens donc auecque
impatience des Hymnes en son honneur,
& i’espere qu’en suitte l’amitié que vous
m’auez tousiours témoignée vous obligera de
trauailler à mon Epithalame. Voyez, Monsieur,
comme ma passion me transporte, il semble
qu’elle me veuille faire prendre le change, &
qu’au lieu de gouter les douceurs que la Paix
nous presente, ie me repaisse par auance de
celles que l’Amour me promet. Certes on a
eu raison de bastir des Temples à la Paix, puis
que c’est vne Mere feconde en beaux enfans, &
qu’elle apporte l’abondance aux peuples, &
que cette abondance mesme est suiuie des delices,
& pour moy ie la compare à l’Oranger,
que pare ses branches & de fruicts & de fleurs.

-- 7 --

Les airs de la Paix sont bien plus agreables que
le bruit des canons, & le commerce qu’elle r’etablit
est bien d’vn autre vsage que la cessation
du trauail. Pour moy, Monsieur, ie m’imagine
que nous dirons quelque iour de nostre Monarque
ce que l’on a dit de Numa Pompilius que
durant son regne il n’y aura eu aucune guerre ny
sedition ; & vous sçauez que sous ce bon Prince,
la victoire ferma le Temple de Ianus durant l’espace
de quarante trois ans entiers. Auoüez que
celuy là auoit grande raison, qui pour faire vn
Eloge en abregé de la Paix, enuoya vne Lettre
aux Eliens, qui ne contenoit que ce peu de mots ;
C’est vne belle chose que le repos. Iamais Panegirique
ne fut conçeu en moins de mots, & iamais
Panegirique ne fut plus eloquent que celuy-cy.
C’est ainsi que les Geographes renferment
dans vne petite Carte la vaste enceinte de
l’Vniuers. Mais apres tout, Monsieur, vous auez
beaucoup d’obligation à ces Genereux courages
qui ont embrassé vostre party, & ie sçay que vous
ne manquerez pas de loüer publiquement
Monseigneur le Duc de Beaufort, à qui vous auez
rendu par des Lettres imprimees, les marques
de l’affection que vous auez iustemẽt conceuë
pour ce braue Heros. Certes vous ne pouuiez

-- 8 --

vous adresser à vn Prince plus Genereux, ny
plus digne de vos beaux Vers, & de vostre Prose.
Ie sçay que vous l’aymés par inclination, & que
cette inclination n’est point de celles qui se portent
à l’aueugle, vous ne pouuiez faire vn plus
digne choix, & vous auez eu raison de dire de
luy,

 

Les iours de ses combats sont les iours de sa gloire.

Ie ne veux point entreprendre sur vostre
metier, la loüange d’vn si grand Prince doit estre
reseruée à vostre Muse, qui employera en vne si
belle matiere tout ce qu’elle a de plus exquis.
Trauaillez y donc, & asseurez l’incomparable
Axiane de ma perseuerance à son seruice, & pour
vous croyez que ie seray tousiours,

MONSIEVR.

Vostre & & & D. P.

De S. Germain en Laye le
2. d’Auril 1649.

SubSect précédent(e)


Du Pelletier, Pierre [?] [1649], LA IOYE PVBLIQVE, SVR LE RETOVR de la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_1739. Cote locale : C_5_68.