Dubosc-Montandré, Claude [?] [1652], DISCOVRS IMPORTANT SVR L’AVTHORITÉ DES Ministres, & l’obeyssance des Subjects. FAISANT VOIR I. Que les Ecclesiastiques qui flattent les consciences des Grands, sont les sources de tous les maux des Estats. II. Que tous Ordres sont obligez en conscience de resister à la tyrannie des Ministres. III. Qu’aucunes Impositions ne peuuent estre faites que du consentement des Peuples. IV. Que l’obeyssance n’est deuë qu’aux Iustes, c’est pour cela qu’elle doit estre raisonnable & non pas aueugle. , françaisRéférence RIM : M0_1125. Cote locale : B_10_26.
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DISCOVRS IMPORTANT
sur l’authorité des Ministres, & l’obeyssance
des Subjects.

FAISANT VOIR

I. Que les Ecclesiastiques qui flattent les consciences des
Grands, sont les sources de tous les maux des Estats.

II. Que tous les ordres sont obligez en conscience de resister à
la tyrannie des Ministres.

III. Qu’aucunes Impositions ne peuuent estre faites que dis
consentement des Peuples.

IV. Que l’obeyssance n’est deuë qu’aux Iustes, & c’est pour
cela qu’elle doit estre raisonnable & non pas aueugle.

L’Obeissance des subiets enuers leurs
Souuerains, est vn deuoir si legitime
& si necessaire qu’on ne la peut refuser
qu’auec vn mespris de la parole
Diuine, & vn danger évident de ses
maledictions. Dieu les a esleués au
dessus des autres hommes auec cette
prerogatiue, & pouuoir de leur commander
toutes choses iustes, & mis les Loix en main pour
iuger de leurs pretention, & de leurs differends, selon le
discernement de la raison, punir le vice & recompenser la
vertu. Il faut perir ou se sauuer en cette creance qui est
orthodoxe, & neantmoins fait vn schisme dans le
Royaume qui le ruïne & le deschire de toutes parts, ce

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qui prouient de la diuersité des interpretations qu’on luy
donne, de la malice & corruption de ceux qui sont appellez
& sont participans au gouvernement de l’Estat, lesquels
ne pouuans autrement pallier & couurir toutes
leurs impietez que de l’authorité Royalle, luy donnent
vne estenduë & vne immensité semblable à celle du
Tout-puissant, & ne luy prescriuent point de bornes non
plus qu’à leur auarice & leur ambition, constituans les
Souuerains maistres absolus des vies & des biens de leurs
subiets, des mains desquels ainsi que des esclaues ils les
peuuent retirer quand bon leur semblera. En telle sorte
que ces Ministres detestables suiuis des maltostiers &
autres genre d’hommes qui n’ont autre regle de la verité
que celle de leurs interests, trauaillans sur ce principe
d’horreur & d’abomination, ont fouillé dans tous les
abysmes de la malice, ont recherché & n’ont obmis aucune
inuention diabolique auec laquelle ils pussent faire
des impositions & des leuées sur les peuples. Dont la
seule pensée fait fremir, & la forme de l’exaction donne
des tremblemens, d’auoir veu des Intendans & des fuseliers,
des Sergens & d’autres hommes qui n’en auoient
que l’apparence exercer des barbaries incroyables, arracher
les enfans de la mamelle, & le pain des peres & des
meres, pour les forcer au payement d’vne taxe d’emprunt
& d’aisez, de Tailles & de subsistances, remplir au defaut
de ce les prisons de ces pauures gens, mesme pour
des soliditez contre toutes les formes de droict & de Iustice,
& menacer de gibets & de tortures tous ceux qui en
feroient le moindre murmure, duquel estant paruenu
quelque petit bruit aux oreilles de la Reyne dans les
commencemens de sa Regence, & en ayant tesmoigné
quelque legere douleur & desir de Iustice à d’Hemery ce
grand corsaire & coryphée de la Maletoste ; il luy respondit
que si elle se laissoit toucher à la tendresse & à la pieté,
& vouloit practiquer la Iustice qu’il falloit abandonner
ses affaires.

 

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Et en effet renouuelans de tout point les temps des
Sejans & des protacles & surpassans leurs cruautez,
on a rendu nos larmes criminelles apres en auoir tiré du
tribut, nos plaintes ont esté prises pour des rebellions,
& les remonstrances des Princes, des Parlemens & des
peuples pour des desobeïssances formelles & des attentats
à l’authorité Royale. N’auons-nous pas veu sous
le Marquis d’Ancre tous les Princes & grands Seigneurs
escartez de la Cour, & le Parlement intimidé & contraint
de garder le silence ? N’auons-nous pas veu sous le
Cardinal de Richelieu Monsieur le Duc d’Orleans &
Monsieur le Comte de Soissons obligez de sauuer leurs
libertez, & de chercher vn azile contre sa tyrannie parmy
les estrangers, parce qu’ils n’en voulurent pas souffrir
tous les desbordemens, desquels feu Monsieur le Prince,
ny Monsieur son fils n’ont pas esté exempts ? Ne l’auons-nous
pas veu bannir, proscrire & emprisonner par vne
pure violence tous les gens de bien des Cours Souueraines,
& de la Noblesse qui ont osé declarer leurs sentimens ?
Et ne voyons-nous pas le Cardinal Mazarin continuër
& encherir sur son predecesseur, ayant dés l’entrée
de son administration fait sans cause aucune resserrer
le Duc de Beaufort au bois de Vinciennes, qui seroit
encore dans les liens, si apres cinq années de persecution
Dieu par miracle ne luy auoit baillé le moyen de les
rompre ? Les Presidens Gaian & de Barillon ont suiuy de
prés la rigueur de cette violence, celuy-cy relegué hors
le Royaume y est mort par le poison. Et celuy-là
y a consommé les infortunés restes de sa vie, dans les
amertumes & les desplaisirs. Les années consecutiues
n’ont pas esté plus moderées, au commencement de l’année
1648. plusieurs Bourgeois furent assaillis, grand
nombre de Conseillers au grand Conseil & de la Cour
des Aydes deux mois apres proscrits & bannis, & finalement
en vn seul iour la moitié du Parlement sans autre
crime que d’auoir exprimé leur aduis contre la petulance

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de son gouuernement & son insuffisance. Et ce qui est
paradoxe, il a fait sortir le Roy de Paris en 1649. où il
estoit sincerement respecté de tous les habitans, pour y
faire vn siege, & auoir lieu d’en faire vne horrible boucherie :
Et en 1650. pour recompense de la protection
que luy auoit departy Monsieur le Prince au milieu des
tempestes dont il estoit menassé, il le fit emprisonner
en vn mesme iour auec Monsieur le Prince de Conty son
frere & le Duc de Longueuille, parce qu’ils portoient
quelque ombrage à sa tyrannie, & qu’il ne pouuoit plus
supporter la gloire, le progrez & le bon heur des armes
de Monsieur le Prince, au preiudice du Roy d’Espagne
son Maistre & son Seigneur, estant né son sujet, dont il
luy a rendu de fideles tesmoignages en l’abandonnement
de Monsieur de Guise à Naples, en l’abandonnement de
nos frontieres pour aller venger les folies & les emportemens
du Duc d’Espernon, en la vente de Courtray, Graueline,
& de tant d’autres places, & enfin dans l’embrasement
vniuersel du Royaume qu’il expose à la risée des
nations & en proye à nos ennemis.

 

Ces vices & ces crimes connus & auerez, ausquels on
pourroit adiouster le vol & le transport de toutes nos Finances,
qui a deserté nos armées, chassé la discipline d’icelles,
& ouuert la porte à toutes sortes de forfaits & de
cruautez dont nous ressentons si viuement les effets, s’imagineroit-on
qu’il y eust des François qui voulussent
approuuer ce gouuernement ? Le diray-ie, & la posterité
le pourra elle croire, qu’il s’en est trouué non seulement
qui l’ont approuué, mais qui l’ont loué ? Diray-ie que
c’est le premier ordre, & des Prelats entr’autres à la teste
desquels estoit l’Archeuesque de Roüen, qui sont allez
en foule à Blois au mois d’Auril de cette année 1652. paranympher
le Cardinal Mazarin comme vne lumiere de
l’Eglise, quoy qu’ils sçachent (peché contre le S. Esprit)
qu’il n’a pas la moindre teinture des Lettres ny de pieté,
& qu’il l’a souillée d’vne infinité de Simonies, par vn sale

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& abominable trafic des Benefices, dans lequel sont entrez
ceux qui les possedent depuis son administration,
de l’infamie & mauuaise vie desquels on ne peut pas douter,
par consequent & moins encore de leur bassesse & de
leur lascheté dans les complaisances seruiles & honteuses
qu’ils ont rendu & rendent iournellement au dernier
de tous les hommes, qui n’a point de pas à faire pour
monter au faiste de l’iniquité, sous l’espoir de butiner
encore, & de trafiquer de quelque nouueau Benefice.

 

Que nous sommes esloignez de la pureté de ces premiers
Chrestiens qui se faisoient chercher dans les deserts,
& arracher de leurs solitudes pour estre promeus
aux dignitez de l’Eglise ; Que leur modestie & leur humilité
est peu en vsage parmy les Prelats de ce siecle, qui
n’estudient au dedans & au dehors que le luxe, & les
grandeurs du monde, & ne mettent leur estime que dans
l’esclat de l’or & de la pourpre : le soin de leurs troupeaux
ne les touche iamais, leur residence & leur occupation
ordinaire est dans la Cour des Roys, non pour y
employer le talent que Dieu leur a donné à la façon des
Prophetes, desquels ils remplissent les charges, qui entroient
dans leurs cabinets pour les reprendre, & les
admonester de leur deuoir, mais pour dilater leur puissance,
& flater les vices des Courtisans qui les approchẽt
de plus prez, & profiter de cette conniuẽce criminelle. Ils
se vantent, & auec raison d’estre esleus & proposez pour
annoncer l’Euangile, & d’estre les interpretes des Oracles
diuins : Mais trahissans leur vocation qui ne void
comme ils les defigurent, & iusques à quel poinct ils se
sont oubliez, & ont abusé de leurs characteres durant ces
malheureuses conjonctures, les vns ayans osé prescher
dans la chaire de verité, que les Ministres qui commandoient,
ou toleroient la ruine & le massacre d’vn nombre
presque infiny de personnes innocentes, le viol & le
sacrilege, & tant d’autres impietez horribles ne commettoient
pas vn peché veniel ; les autres iustifier la conduite

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& preconiser tous les deportemens d’vn Ministre
estranger qui est l’opprobre de l’Eglise & de nostre nation,
qui n’enferme pas en soy vn homme capable de la
gouuerner, prenans pour axiome que tout est permis sous
le nom des Roys, que nos vies & nos biens sont en leur
puissance, qui ne peut estre circumscrite par leurs subjets,
ausquels il n’est pas permis de contredire leurs volontez,
ny se departir en quelque façon que ce soit de l’obeyssance.

 

Est-ce ainsi que vous traitez, Messieurs, les veritez les
plus importantes desquelles dépend le repos & la tranquilité
des Estats ? Est-ce ainsi que vous vsez des preéminences
& des prerogatiues attachées à vostre profession ?
Est-ce ainsi que vous employez le talent & l’authorité
que Dieu vous a mis entre les mains ? Est-ce là l’exemple
que le premier corps de l’Estat doit porter aux deux autres,
de flechir au lieu de resister à l’insolence, & aux
pernicieuses entreprises des Ministres & des Fauorits,
pour des vanitez & des interests du monde que vous
cherissez, & plusieurs de la Noblesse qui vous imitent
plus que vos consciences, de corrompre la parole Diuine,
& de vous faire preuaricateurs au lieu de mediateurs
des peuples enuers leur Souuerain, de preparer plustost
& d’allumer la matiere de leur auarice & de leur ambition
que de l’esteindre & la destourner. Dites nous s’il
vous plaist où est la source de ces axiomes qui esgalent
les Puissances terrestres aux celestes, les exemptent des
loix & des regles de la Religion, & mettent la condition
des hommes dans le dernier esclauage, & dans la dependance
toute entiere d’vne puissance absoluë qui n’appartient
qu’à Dieu. Tacite ce grand Politique l’a veritablement
aduancé, mais il faut considerer que c’est qu’il
fait parler des gens semblables à vous, des flatteurs & des
esclaues de la fortune, qui soubsmettent les interests d’vn
Estat à leur vtilité particuliere, qui font de la Royauté
vn instrument de tyrannie, & ne luy donnent pour apanage

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qu’vne licence effrenée, ny autres bornes que celles
de leur bon plaisir.

 

Que cette doctrine est cruelle qui enseigne aux Ministres
de la moderation, desquels nous n’auons point
d’exemples, toutes sortes d’excez, exactions & leuées, le
meurtre & la vengeance comme vn droict legitime annexé
à leur employ, qu’ils consultent ce grand Archeuesque
de Rheims de la Maison des Vrsins, qui parlant
au Roy Charles VI. que l’on auoit imbu de ces maximes,
luy dit qu’elles estoient impies, que le Domaine des
Souuerains estoit separé de celuy de leurs subjets, ausquels
ils n’auoient rien ny aucune disposition sur iceux.
C’est la raison pour la quelle Philippes de Commines ce
grand Historien & sage Courtisan, dit que le Roy Charles
VII. qui le premier a imposé la taille à son plaisir
sans le consentement des Estats, a fait vne grande playe à
sa conscience & à son Royaume, n’estant pas en la puissance
d’aucun Prince de faire des leuées extraordinaires
de deniers sans ce consentement, si ce n’est par tyrannie
& par violence : Et vne verité de l’Escriture qui deffend
aux Roys de thesauriser & de faire des amas d’or & d’argent,
ny de s’esleuer & glorifier au dessus de ses subjets
qui sont qualifiez leurs freres, du nombre desquels ils
sont & doiuent estre choisis, & leur enjoint de garder les
loix dont ils sont les depositaires : & les luges & Magistrats
sous eux, qui sont ses Ministres & dispensateurs de
la Iustice afin de les faire obseruer, & par ce moyen punir
les meschans & en reprimer l’audace, proteger les pauures
& les innocens, & les deliurer de l’oppression des
riches.

C’est de là Messieurs, que vous deuez puiser vos conseils
& vos resolutions, & penser que vous rendrez
compte à Dieu de vos preuarications, de vos flateries &
de vos complaisances criminelles, l’vnique & veritable
origine de tous les malheurs, & de tous les desordres de
cét Estat que vous auez mis ainsi sur le panchant de sa

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ruïne, ayans seruy & fauorisé tous les desseins des Ministres
& des maletostiers qui se sont fondez sur l’impieté
de cette maxime par vous aduancée, que tout est permis
aux Roys, si fausse qu’il faudroit dire que Dieu eust
commis vne injustice quand il menaça Salomon de demembrer
son Royaume & de le transferer à son seruiteur,
au sujet de la transgression des Loix, des leuees immenses,
impositions & charges qu’il mit sur son peuple, dont
son Fils par vn conseil semblable au vostre n’ayant rien
voulu relascher ny diminuër pour quelques remonstrances
qu’on luy peust faire, le mespris d’icelles fit l’accomplissement
de la Prophetie & de la menace annoncée à
son pere, dix tributs s’estans separées de son obeïssance
& esleu vn autre Roy, sous l’espoir d’estre gouuernez
auec douceur & selon les Loix du Royaume, au dessus
desquelles les Roys ne peuuent estre, ne les changer &
reuoquer, par ce que les loix ont esté faites auparauãt par
les peuples, lesquels viuans auparauant en vne confusion
estrange, en telle sorte que le plus foible estoit exposé
à la malice & à l’arrogance du plus fort, ils se sont assemblez,
basty des Villes, dressé des Communautez, &
choisi celuy qu’ils ont crû le meilleur, le plus iuste, & le
plus habile au commandement auquel ils ont confié
leurs vies & leurs fortunes, & s’y sont soûmis pour estre
protegez & garentis de l’injure, & non pour leur en faire,
& les traicter comme des bestes qu’on force de suiure
les volontez de celuy qui les gouuerne par les moyẽs
que les hommes ont inuentez, lesquels ne se peuuent ny
doiuent regler que par la raison, & par la police des loix
qui sont l’ame des Republiques, sans lesquelles elles ne
peuuent subsister.

 

Les Ministres, les Intendans de Iustice, les maletostiers,
& les autres de cette trempe, que l’auarice & l’ambition
seule domine ne peuuent supporter ces veritez
infaillibles ; Et neantmoins comme les plus impies & les
plus abandonnez taschent dans leur conduite, & veulent

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faire paroistre quelque ombre de Iustice, ils ont recours
à vn passage du 8. ch. du liure des Roys, duquel voicy
les termes : le droict du Roy sera tel, qu’il prendra vos
enfans pour s’en seruir, & vos heritages pour les donner
à ses Courtisans, & leuera des tributs sur iceux, pensent
& se persuadent en faire vne couuerture à toutes leurs
exactions & leurs violences, imputer au reste des hommes
& les couurir de tenebres.

 

Or ie leur demanderois volontiers si ce droict qu’ils
establissent de la sorte est general, & contre tous, ou
contre vne partie du peuple seulement : Il est sans
doute vniuersel & indefiny comme la seule lecture le
monstre : car c’est tout le peuple conuoqué qui demande
vn Roy, & fait que les biens des grands & des petits
sont égallement assujettis à ce droict & à cette puissance.
Ce qu’estant, n’est-il pas plus iuste & plus raisonnable
s’il suruient des necessitez publiques ausquelles le Roy
ne puisse pouruoir qu’auec le secours de ses sujets, que
cette contribution vienne des riches & puissans que des
pauures & des mediocres. Et tant s’en faut, que ce sont
ceux là qui accablent le pauure peuple de foules, prennent
toute sa substance & la conuertissent à leur profit
auec les Partisans, que nous auons veu declamer le plus
hautement contre cette maxime que vous authorisez,
parce qu’ils n’estoient pas assez tost remboursez de leurs
prests & de leurs vsures composez du sang des miserables.

Examinons le sens & la verité de ce passage, comment
est-il possible qu’on en fasse vne application si outrageuse,
si difforme, & si contraire à l’intention du peuple qui a
nettement expliqué le pouuoir qu’il vouloit donner à son
Roy & de Dieu mesme, qui a tracé le deuoir & l’authorité
des Souuerains au 17. du Deuteronome bien different
de celuy que vous soustenez, & contre lequel vous faites
vn blaspheme en le rendant par vos interpretations erronées
contraire à luy-mesme, & blasme à mesme temps
celle de S. Thomas, qui parlant de l’institut des Roys dit

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qu’ils sont establis pour procurer l’aduantage, & l’vtilité
des peuples, & non la leur particuliere. Et en effect apres
auoir demandé vn Roy à Samuël, & que Dieu par sa
bouche leur eust fait entendre les excez & les violences
qu’il exerceroit en sa conduite comme vn droict acquis
pour les détourner de leur desir & de leur pensée qui
choquoit sa bonté, & leur attente, & qu’il ne tiendroit
compte des plaintes & des remonstrances qu’ils luy feroient
sur le sujet de ses entreprises & de ses vsurpations,
ils respondirent qu’ils n’en vouloient point a cette condition :
mais bien viuroit en Roy, c’est à dire, comme il
est expliqué dans le mesme texte qu’il regneroit sur eux
équitablement selon les Loix, qu’il conduiroit leurs Armées,
combattroit pour eux, & les preserueroit de toutes
sortes d’injures, ce que Dieu leur accorda, & induit
necessairement & formellement que ce n’est pas vn
droict legitime, & qu’il les aduertissoit pour leur en oster
l’enuie qu’il abuseroit de sa puissance, ce qui est si
vray qu’en ce Chapitre des Roys il dit qu’il traictera
ses Sujets comme des serfs, fera faire des chariots, &
prendra le bien de chacun : Et au Deuteronome Dieu
commande aux Roys de considerer leurs Sujets cõme ses
Freres, de ne point faire amas de cheuaux, d’or ny argent,
& de ne les point ramener en Egypte, c’est à dire
les mettre en seruitude : En celuy là se void l’image d’Achab
qui prit de force la vigne de Naboth dont il fur
chastié, marque de son injustice. Et en celuy-cy Dauid
est representé qui ne voulut pas boire l’eau que ses gens
luy auoient esté chercher & apporté auec grand peril. En
celuy là Samuël dit que celuy qu’ils demandent pour la
conseruation & distribution de la Iustice enfraindra les
loix, & s’en pretendra exempt pour son interest seulement.
Et en celuy-cy Dieu commande aux Roys d’auoir
tousiours deuant leurs yeux les Loix qu’il leur a fait bailler
par ses Pontifes. Aussi le mot Hebreux qui est Déremaleò
que l’on a sinistrement tourné pour signifier le

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droict du Roy, ne signifie pas cela : mais la coustume du
Roy, par ce qu’il tourne facilement dans l’abus lors qu’il
ne trouue point d’obstacle, & s’efforce tousiours d’estendre
sa puissance, ou pour mieux dire ses Ministres au
de là de la iustice & de la raison, par le moyen dequoy ils
la font degenerer en tyrannie & en violence quand elle
sert des l’imitez de la Iustice que Dieu luy a prescriptes,
qui est le signe & le fondement de leur durée, suiuant les
decrets de la Prouidence eternelle.

 

Encores que cét ordre soit immuable estant de la main
de Dieu, & que le changement des siecles & des saisons
n’y puisse apporter aucune mutation ; Si est ce que plusieurs
accommodans la religion à leurs passions & à leurs
interests, ne manquent pas d’artifices ny de pretextes
pour le maintien de leur opinion. Disans qu’il faut estre
soûmis aux Puissances Superieures & leur obeïr, & que
quiconque ne le fait pas, resiste à la Sapience Diuine, inserans
de là vne obeïssance aueugle comme si nous estiõs
des animaux desraisonnables, ou qu’ils fussent des Dieux,
& qu’ils en eussent les mesmes attributs, qui est vn blaspheme
si grand qu’il n’y en a point qui irrite dauantage la
Majesté Diuine, laquelle offensée de cette presomption
que les flatteurs font monter iusques à son Trône & à sa
Grandeur dont elle est extremément ialouse, menasse de
sa cholere tous ceux qui feront ces attentats, mesme les
peuples qui y adhereront, & ne s’y opposeront pas ; ce
qui doit encore seruir de suffisante response à la subtilité
de ceux qui publient que les remedes bien souuent sont
pires que les maux (quand il seroit licite) comme il semble
auiourd’huy, & que les peuples n’ont que la voix des
remonstrances, qui deuenans inutiles obligent de plier
sous la violence, plustost que de defendre les Loix, qui
est en vn instant supprimer toute la gloire des Martyrs, &
sapper les fondemens du Christianisme posez sur la resistence
& le courage des premiers Chrestiens, & esleuer
des Trophées à la poltronerie & à la lascheté, dans laquelle
nous esprouuons il y a long temps que les causes

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de nos miseres sont renfermées, desquelles il ne faut pas
esperer que Dieu nous deliure que nous ne prenions des
resolutions fortes & genereuses & conformes à sa volonté,
Dautant qu’il n’assiste que les fidelles & vertueux &
non pas les pusillanimes qu’il declare par tout indignes
de ses graces & de ses misericordes.

 

Ainsi esclairez des veritez Euangeliques, & ne nous
laissans point surprendre aux dangereuses persuasions, &
maximes vicieuses de ces subornateurs, mesprisans toutes
sortes d’interests, richesses, & vanitez du monde, &
renuersans ces fausses idoles, ces ministres d’iniquité qui
bastissent des Puissances illegitimes pour nous rendre tributaires
de leurs passions, ces demons, ces ennemis de
nostre repos qui abusent aussi insolemment, qu’hardiment
ils s’attribuent l’authorité Souueraine, ne craignons
point ces accusations de reuoltes imaginaires, &
ne differons plus de nous declarer en faueur de nostre
Roy, contre ces traistres & ces perfides qui l’enuironnent
qui sont ses ennemis & les nostres, & qui le veulent
abbreuuer de nostre sang, en faueur de nostre patrie qu’ils
desolent de toutes parts, & qui nous reprochera eternellement
nos laschetez & nos ingratitudes de l’abandonner
de la sorte à la fureur & à la rage de ces tyrans, apres
nous auoir donné la naissance, sans faire aucun effort de
la secourir. Dieu qui void le plus profond de nos ames,
à qui rien n’est caché, qui a veu nostre patience & leur
endurcissement, qui connoist la iustice de nostre zele &
leur deprauation, l’excez de nostre amour, & de leur auersion,
de nostre obeïssance, & de leurs entreprises sur nos
libertez, ne nous refusera pas son assistance non plus qu’au
peuple d’Israël pour briser & abbattre ce serpent d’airain
que le Roy Ezechias auoit fait dresser, & leur vouloit
faire adorer comme vne chose contraire à sa gloire & à
nostre conscience qui se cõseruera tousiours pure & entiere,
& obtiendra la paix tandis qu’elle demeurera dans
vne obeïssance raisonnable.

Siue viuimus, siue morimur, Domini simus.

SubSect précédent(e)


Dubosc-Montandré, Claude [?] [1652], DISCOVRS IMPORTANT SVR L’AVTHORITÉ DES Ministres, & l’obeyssance des Subjects. FAISANT VOIR I. Que les Ecclesiastiques qui flattent les consciences des Grands, sont les sources de tous les maux des Estats. II. Que tous Ordres sont obligez en conscience de resister à la tyrannie des Ministres. III. Qu’aucunes Impositions ne peuuent estre faites que du consentement des Peuples. IV. Que l’obeyssance n’est deuë qu’aux Iustes, c’est pour cela qu’elle doit estre raisonnable & non pas aueugle. , françaisRéférence RIM : M0_1125. Cote locale : B_10_26.