Gondi, Jean-François Paul / cardinal de Retz [1652], LA VERITABLE HARANGVE FAITE AV ROY, PAR MONSEIGNEVR LE CARDINAL DE RETZ, POVR LVY DEMANDER la Paix, & son retour à Paris, au nom du Clergé, & accompagné de tous ses Deputez. Prononcé à Compiegne le 12. Septembre 1652. , françaisRéférence RIM : M0_3937. Cote locale : B_16_66.
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LA VERITABLE
HARANGVE
FAITE
AV ROY,
PAR MONSEIGNEVR
LE CARDINAL
DE RETZ, POVR LVY DEMANDER
la Paix, & son retour à Paris, au
nom du Clergé, & accompagné
de tous ses Deputez.

Prononcé à Compiegne le 12. Septembre 1652.

A. PARIS,
De L’IMPRIMERIE de la Veufue I. GVILLEMOT, Imprimeuse
ordinaire de son Altesse Royale, ruë des Marmouzets,
proche l’Eglise de Saincte Marie Magdeleine.

M. DC. LII.

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LA VERITABLE HARANGVE
faite au Roy, par Monseigneur le Cardinal de
Retz, pour luy demander la Paix ; & son retour
à Paris, au nom du Clergé, & accompagné
de tous ses Deputez.

SIRE,

Tous les Sujets de Vostre Majesté, luy peuuent representer
leurs besoins : mais il n’y a que l’Eglise qui ait droit de vous parler
de vos deuoirs, nous le deuons, SIRE, par toutes les obligations
que nostre caractere nous impose, mais nous le deuons
particulierement, quand il s’agit de la conseruation des peuples,
parce que la mesme puissance qui nous a estably mediateurs entre
Dieu & les hommes, fait que nous sommes naturellement
leurs intercesseurs enuers les Rois qui sont les images viuantes
de la diuinité sur la terre.

Nous nous presentons donc à Vostre Maiesté en qualité de
Ministres de la parole, & comme les dispensateurs legitimes des
oracles Eternels, Nous vous annonçons l’Euangile de la paix,
en vous remerciant des dispositions que vous y auez desia données,
& en vous suppliant tres-humblement d’accomplir cét
ouurage si glorieux à V. M. & si necessaire au repos de vos peuples,
& nous vous le demandons auec authorité, parce que nous
vous parlons au nom de celuy de qui les ordres vous doiuent
estre aussi sacrez qu’ils le sont au moindre de vos sujets : mais,
SIRE, cette dignité que nous sommes obligez de conseruer, &

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dans nos actions & dans nos paroles, ne diminuë en rien le respect
que nous deuons à Vostre personne sacrée, elle l’augmente
au contraire & nous confirme de plus en plus dans vostre seruice,
parce que nous ne sçaurions esleuer nostre esprit en pensant
que nous auons l’honneur d’estre les premiers sujets de V. M.
que nous ne confessions en mesme temps que cette qualité
nous oblige encor plus particulierement que le reste des hommes
à vous donner toutes les marques imaginables de nostre
obeïssance & de nostre fidelité.

 

Nous le faisons, SIRE, par des paroles que nous pouuons
dire effectiues, puis qu’elles ont esté precedées par des effects.
L’Eglise de Paris n’a iamais fait de vœux que pour les auantages
de vostre Couronne, & ses oracles n’ont parlé que pour vostre
seruice : elle ne croit pas, SIRE, qu’elle puisse donner vne suite
plus conuenable à toutes ses autres actions, que la supplication
tres humble qu’elle fait presentement à V. M. de donner la paix
à la ville capitale de vostre Royaume, parce qu’elle est persuadée
que cette paix n’est pas plus necessaire pour le soulagement
des miserables, que pour l’affermissement solide & veritable de
vostre authorité.

Nous voyons nos campagnes rauagées, nos villes desertes,
nos maisons abandonnées nos Temples violez, nos Autels prophanez,
nous nous contenterions de leuer les yeux au Ciel, & de
luy demander iustice de ces impietez & de ces sacrileges, qui ne
peuuent estre assez punis par la main des hommes, & pour ce
qui touche nos propres miseres, le respect que nous auons pour
tout ce qui porte le caractere de V. M. nous obligeroit sans
doute mesme dans le plus grand effort de nos souffrances à
étouffer les gemissemens & les plaintes que nous causent vos
Armes : Si vostre interest, SIRE, encor plus pressamment
que le nostre n’animoit nos paroles, & si nous n’estions fortement
persuadez que comme nostre veritable repos consiste
dans nostre obeïssance, vostre veritable grandeur consiste dans
vostre Iustice & dans vostre bonté ; & qu’il est mesme de la dignité
d’vn Grand Monarque, d’estre au dessus de beaucoup de
formalitez qui sont aussi inutiles & mesme aussi preiudiciables
en quelques rencontres quelles peuuent estre necessaires en
d’autres occasions & V. M. SIRE, me permettera de luy dire

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auec la mesme liberté, que me donne mon Caractere qu’il n’y
en a iamais eu de plus superfluës que celles dont il s’agist auiourd’huy,
puisque vous auez tons les aduantages essentiels &
puisque vous auez effectiuement les cœurs de tous vos peuples,
& c’est en cét endroit, SIRE, ou ie me sens force par le secret
instinct de ma conscience, de déchirer ce voile qui ne couure
que trop souuent dans les Cours des Grands Princes les veritez
les plus importantes & les plus necessaires, ie ne doute point,
SIRE, que l’on ne vous parle tres differemment des dispositions
de Paris, nous les connoissons, SIRE, plus particulierement que
le reste des hõmes parce que nous sommes les veritables depositaires
de l’interieur des cõsciences, & par consequent du plus secret
des cœurs, & nous vous protestons par la mesme verité qui
nous les a confiée, que nous n’en voyõs point dans vos Peuples,
qui ne soiẽt tres cõformes à Vostre seruice, que vous serez, quãd
il vous plaira aussi absolu dans Paris, que dans Compiegne, que
rien ne vous y doit faire ombrage, & qu’il n’y a personne qui y
puisse partager ny les affections des Peuples, ny l’authorité de
Vostre Majesté, & nous ne scaurions, SIRE, vous justifier
cette verité, par des preuues plus claires, & plus conuainquantes,
qu’vn Vous suppliant tres-humblement de considerer qu’il
faut bien que vous ayez les cœurs de ceux qui n’attendent
qu’vn seul de vos regards pour se laisser vaincre. Ie me trompe,
SIRE, le parle improprement, ie sens que ie blesse par cette
parole les oreilles de Vostre Majesté, elle ne veut vaincre que
ses ennemis, & ses armes sans doute n’ont point d’autres objets
que ceux qu’Henry le Grand Ayeul de Vostre Majesté, choisit
dans les pleines d’Ivry. Ie dis qu’il choisit, SIRE, parce qu’il
distingua les François & les Estrangers par cette belle parole,
qu’il prononça à la teste de son Armee, (sauuez les François)
Il fit cette distinction l’espée à la main, & l’obserua encor plus
religieusement apres toutes ses Victoires. Ce Parlement qui
dans les grandes agitations de l’Estat, estoit demeuré dans Paris
contre ses intentions, & contre ses Ordres, fut continuë dans
sa seance, & dans ses fonctions par ce grand & sage Prince, dés
Ie lendemain qu’il y fut entré en Victorieux & en triomphant,
il fit publier l’Amnistie generalle le mesme jour dans le Palais, &
il semble que ce Prince tout admirable eut crû qu’il eut manqué

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quelque chose à sa Clemence, s’il ne l’eût fait éclatter dans
le mesme lieu, ou l’on auoit en quelque rencontre rendu si peu
de iustice, & de deference à ses volontez. & il faut auoüer que
la prouidence de Dieu prit vn soin tout particulier, de couronner
sa moderation & sa iustice, par ce que son authorité qui
auoit esté si violamment attaquée & presque abatuë se trouua
releuée par sa prudence & par sa douceur, en vn poinct & plus
haut & plus fixe que n’auoient jamais esté celle de ses Predecesseurs.

 

Si ie n’apprehendois de donner la moindre apparence d’vne
comparaison aussi iniuste que seroit celle d’vn siecle furieux, &
qui attaqua pour ainsi parler la Royauté dans son trône, & de
ces derniers temps ou il faut auoüer que les intentions des Subiets
de V. M. n’ont rien eû de semblable ny d’approchant. Ie dirois,
SIRE, en cette occasion ce que l’on vous doit dire à mon
sens à V. M. dans toutes les rencontres de vostre vie que vous suiurez
sans doute les vestiges de ce grand Monarque, & que vous
n’aurez pas moins de bonté pour vne grande ville qui vous offre
auec ardeur le sang de tous ses Citoyens, pour le respandre pour
vostre seruice que le grand Henry n’en eut pour des sujets rebelles
qui luy disputoient sa couronne & qui attentoient à sa vie.

I’ay, SIRE, vn droit tout particulier & domestique de
vous proposer cét exemple, dans cette fameuse conferance, qui
fut tenuë dans l’Abbaye de S. Antoine au Fauxbourg de Paris,
le Roy Henry le Grand dit au Cardinal de Gondy, qu’il
estoit resolu de ne s’arrester à aucune formalité dans vne affaire
ou la paix seule estoit essentielle, ie ne connoistrois nullement
le merite & la valeur de ce discours, si ie pretendois le
pouuoir orner par des paroles, ie me contente, SIRE, de le rapporter
fidelement à V. M. & de le rapporter auec le mesme esprit
que le Cardinal de Gondy la receu.

Ainsi, SIRE, en imitant & la moderation & la prudence de
ce grand Monarque, vous regnerez d’vn regne semblable à celuy
de Dieu, parce que vostre authorité n’aura de bornes, que
celles qu’elle se donnera a elle mesme par les regles de la
raison & de la iustjce. Ainsi vous restablirez solidement l’authorité
Royale, dans laquelle consiste veritablement le repos, la
seureté & le bon heur de tous vos sujets. Ainsi vous reünirez les

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cœurs de tous vos peuples partagez par tant de factions differentes,
& dont la diuision ne sera ramais que fatale à vostre seruice.
Ainsi vous reünirez toutes vos Compagnies Souueraines
dans ce mesme lieu, où elles ont soustenu auec tant de vigueur,
& auec tant de gloire les droicts de vos Ancestres. Ainsi vous
reünirés la maison Royale. Ainsi vous aurez dans vos Conseils &
à la teste de vos armées, Monsieur le Duc d’Orleans dont l’experience,
la moderation & les intentions absolument desinteressées,
peuuent estre si vtiles & sont si necessaires pour la conduite
de vostre Estat. Ainsi vous y aurez Monsieur le Prince si
capable de vous seconder dans vos conquestes.

 

Et quand nous pensons, SIRE, qu’vn seul moment peut
produire tous ces aduantages, & quand nous pensons en mesme
temps que ce moment n’est pas encore arriué, nous sentons dans
nos ames des mouuemens meslez de douleur & de ioye, d’esperance,
& de crainte. Quelle apparence que la fin de nos
maux ne soit pas proche, puis qu’ils ne tiennent plus qu’à quelques
formalitez legeres, & qu’vn instant peut assoupir, quelle
apparence qu’elles ne fussent pas desia terminées, si la Iustice de
Dieu ne vouloit peut estre chastier nos pechez & nos crimes
par des maux que nous endurons contre toutes les regles de la
Politique, mesme la plus humaine. Il est, SIRE, de vostre deuoir
de preuenir par des actions de pieté & de Iustice les chastimens
du Ciel qui menacent vn Royaume dont vous estes le
pere. Il est, SIRE, de vostre deuoir d’arrester par vne bonne
& prompte paix le cours de ces prophanations abominables
qui deshonnorent la terre, & qui attirent les foudres du Ciel,
vous le deuez comme Chrestien, vous le deuez, & vous le pouuez
comme Roy.

Vn grand Archeuesque de Milan porta autrefois cette parole
au plus grand des Empereurs Chrestien dans vne occasion
moins importante, que celle dont il s’agit presentement, & qui
regardoit moins les interests de Dieu, l’Eglise de Paris vous
la porte auiourd’huy, SIRE, auec plus de sujet, & Dieu veuille
que ce soit auec autant de succez. Dieu veuille inspirer à Vostre
Maiesté la resolution & l’applicatiõ de ce remede si prompt
& si salutaire qui consiste dans son retour à Paris que nous vous
demandons, SIRE, auec tous les respects que vous doiuent des

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Suiets tres sousmis : mais auec tous les mouuemẽs que peuuent
former des cœurs passionnez pour le veritable seruice de Vostre
Maiesté, & pour le repos de son Royaume. Ainsi, SIRE, dés
le commencement de vostre vie, vous accomplirez vn des plus
considerables poincts du Testament du plus grand & du plus
sainct de vos Predecesseurs. Sainct Louys estant à l’article de
la mort, recommanda tres particulierement au Roy son fils la
conseruation des grandes villes de son Royaume, comme le
moyen le plus propre pour conseruer son authorité. Ce grand
Prince deuoit ces sentimens si raisonnables & si bien fondez à
l’éducation de la Reyne Blanche de Castille sa mere, & Vostre
Maiesté, SIRE, deura sans doute ces mesmes maximes aux
Conseils de cette grande Reyne qui vous a donné à vos peuples,
& qui anime par des vertus qui sont sans comparaison, &
sans exemple le mesme sang qui a coulé dans les veines de Blanche,
& les mesmes auantages qu’elle a autrefois possedé dans
la France.

 

FIN.

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