Gramont, Antoine III de [?] [1649 [?]], LA DEFAITE D’VNE PARTIE DV CONVOY DES PARISIENS, dans le village de Vitry. Où ils ont eu cent ou six vingts hommes tüez, & plus de quarante faits prisonniers. Par le Mareschal de Grammont, commandant l’armée du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_963. Cote locale : A_1_13.
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LA DEFAITE
D’VNE PARTIE DV
CONVOY DES PARISIENS,
dans le village de Vitry.

Où ils ont eu cent ou six vingts hommes tüez, & plus de
quarante faits prisonniers.

Par le Mareschal de Grammont, commandant
l’armée du Roy.

LA nuit du 8 au 9 de ce mois, le Comte de
Palüau, l’vn des Lieutenans généraux de
l’armée du Roy, manda au Mareschal
de Grammõt que les Parisiens se preparoyent
à faire vn convoy d’Estampes à
Paris. Aussi-tost ce Mareschal, pour empescher
que le retardemẽt ne lui fist manquer
de le reconnoistre, partit avec ce
qui lui restoit de troupes dans ses quartiers
de S. Cloud, Meudon, Séve & Villedavré, faisans lors toutes
douze à treize cent Chevaux, ayant seulement pris pour la seurté
des passages quelque infanterie des régimens Italiens & Polonnois
qui sont à Meudon. Et ne voulant pas manquer leur
rencontre, il prit sa marche droit à Cachan, veu mesme que le
Duc de Beaufort avoit fait rompre la nuit le pont d’Antoni.
Il arriva audit Cachan sur les dix heures du matin, où il
aprit par vne de ses parties qu’il avoit destachée du Bourg la Reine,
que les troupes Parisiennes estoyent sur la plaine de Iuvisi :
Aussi-tost il fit passer les siennes en dilligence, commanda au
Comte de Palüau de pousser ce qui paroissoit sur la hauteur,
& de s’en rendre maistre, pour se conserver la plaine, afin d’y
méttre ses troupes en bataille : ce qui s’exécuta. Apres quoi, il

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marcha sur cettte plaine, & s’y mit en bataille : d’où il vid trois
escadrons aupres du village : ce qui lui fit juger qu’il estoit gardé
par de l’infanterie, jusques là ne sçachant si c’estoit la teste ou la
queuë du convoy, il commanda au sieur de Castelnau Mauvissiere
Mareschal de camp de sonder ce village, pour voir ce qui y
estoit : Il fut pour cet effet seulement destaché 200 mousquetaires
& trois escadrons, avec lesquels ledit sieur de Castelnau donna
aux barricades, & ayant reconnu que le village estant rempli
d’infanterie, outre que de soy il estoit clos de murailles, il y eust eu
peine à le forcer sans canon, ou sans perte de beaucoup d’hommes
& de temps, il manda au Mareschal de Grammont que
s’il vouloit s’opiniastrer à l’ataque du village, il le prioit de lui
envoyer le regiment des Polonois : ce qu’il avoit destaché n’estant
pas capable de le forcer. Ce Mareschal eut en ce mesme
temps la connoissance par la poussiére, & tost apres par la veuë
des escadrons, que les troupes du convoy marchoyent venans de
devers Chilli, sur le chemin du Long-boyau. Ce qu’ayant apperceu,
il envoya commander audit sieur de Castelnau de se joindre
à lui, sans s’amuser à l’ataque de Villejuifve, & en mesme
temps au sieur de Montmége, Mareschal de camp qui commandoit
la seconde ligne, d’observer ce qui sortiroit de Villejuifve,
& de s’y oposer, afin de n’estre pas pris par le flãc. En cet ordre
il marcha droit aux troupes de Paris, lesquelles l’ayans aperceu
quittérent leur route, & se jettérent en confusion dans des vignes
& des précipices pour gangner le bord de la riviére : ce qui
fit juger audit Mareschal qu’il n’y avoit moyen de les joindre,
qu’en destachant des escadrons à toute bride qui les
pussent engager. Pour cet effet, il se mit à la teste du régiment
de Condé, d’où il destacha l’escadron de la Tour-Serville,
soustenu par trois autres escadrons du mesme régiment,
commandez par le sieur de Briole, Catelier &
Gauville : à la teste desquels estoit le Comte de Pallüau.
Le sieur de Castelnau ayant la gauche de la prémiere ligne,
eut pareillement ordre de débander trois escadrons : sçavoir
les Gardes de ce Mareschal, vn du régiment de S. F. &
le troisiesme des Compagnies de Dragons Polonois : les Gardes
commandez par le Chevalier d’Arzac Lieutenant de ladite
Compagnie : celuy de son Eminence, par le sieur de Vallavoire :
& les Polonois, par leur Lieutenant Colonel, qui y fut tué.

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Tous ces escadrons poussérent si vivement, que joignans l’arriére
garde des Parisiens en flanc & en queuë, ils les rompirent avec
vn si grand desordre, qu’ils les obligérent à quitter le convoy
pour se sauver par la fuite.

 

Cependant que le sieur de Montmége venoit en bon ordre
/> avec la seconde ligne de cavalerie, & ce qu’il y avoit d’infanterie,
ledit Mareschal voyant la confusion des escadrons de l’arriére-garde
Parisienne, & que la chaleur des siens les portoit
à se jetter en foule dans le village de Vitri à vne petite lieuë
de Villejuifve, à la teste duquel les premiers avoyent vingt quatre
escadrons en bataille entre Paris & ce village, envoya le sieur
de Vallence Capitaine de la Compagnie de ses Gardes qui estoit
proche de sa personne, au sieur de Castelnau qui s’engageoit encore
à descẽdre dans ce village : & voyãt que la chaleur ne laissoit
pas de les emporter, & qu’ils n’apercevoyẽt pas les troupes qui
estoyent derriére le village, il y alla luy-mesme pour les arrester.
En ce temps-là le Comte de Pallüau manda audit Mareschal
du bas dudit village de Vitri, qu’il estoit à la teste du
convoy qui consistoit en bœufs & moutons, & qu’il avoit laissé
vn escadron maistre dudit convoy & qu’il conduisoit. Ce Maresreschal
ayant fait ce qu’il desiroit, voyant les troupes Parisiennes
de beaucoup plus nombreuses que les siennes, & le chemin
pour aller à eux impossible, tant à cause du défilé du village, que
des costes de vignobles qui estoyent entr’eux : il rassembla ses
troupes, & se mit en bataille sur la plaine, pour donner temps au
butin de remonter derriére lesdites troupes. En suite de quoy
les Parisiens jugeans qu’on se vouloit retirer, ou que peut-estre
on pourroit attaquer Villejuifve, ils firent monter en diligence
leur cavalerie par le derriére du village, d’où voyans par la marche
de nostre infanterie que l’on commançoit la retraite, ils passérent
quelques escadrons entre les troupes du Roy & Villejuifve,
sans toutefois s’éloigner de ce village, rempli, comme il a
esté dit, de leur infanterie, ny faire mine d’attaquer l’arriére-garde
qui se retiroit, commandée par le sieur de Montmége au
petit pas, conduisant son butin, & le sieur Dubois d’Avaugour
Mareschal de bataille. Le sieur de Loustelnau Sergent Major des
Gardes, ayant tousjours esté prés la personne de ce Mareschal,
servit extrémement tant à faire avancer les troupes, qu’à les
remettre dans leur ordre.

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Cependant le Prince de Condé, qui ne trouve rien d’impossible
quand il est question de dõner des marques du zele & de la passion
qu’il a pour le service du Roy, quoy qu’il ne fust arrivé que
la mesme nuict qu’il venoit de Charanton, ne laissa pas de marcher
à Meudon : où apprenant que ce Mareschal estoit aux mains,
il s’avança iusqu’au Bourg la Reyne, où il eut nouvelles la nuict
du succés de l’affaire, & que ce Mareschal estoit retiré dans ses
postes.

En cette occasion il y a eu cent à six vingts morts sur la place
de la part des Parisiens, tant Officiers que Caualiers. Il en a esté
fait prisonniers plus de quarante, parmy lesquels il y a le
Capitaine Edouville, & quelques Lieutenans & Cornettes dont
on ne sçait pas encor les noms : Les troupes du Roy ont emmené
deux cens bœufs & cinq cens moutons, cent cinquante chevaux
de caualiers, & plusieurs autres de voiture & de charrettes
chargées de viures : Elles y ont perdu le sieur de Nerlieu
Mestre de cãp de cavalerie, avec le Lieutenãt Colonel des Dragons
Polonois dont ie vous ay parlé : & le sieur de Briolle avec
trois de ses caualiers y a esté blessé : de quoy ledit sieur de
Lostelnau est venu incontinent rendre compte à Sa Majesté de
la part de ce Mareschal : Et voila mot à mot la relation qu’on
m’en à donnée, que le bruit de Paris a tasché d’éluder : sur ce qu’avant
l’arrivée du Mareschal de Grammont sur la plaine du Long-Boyau,
il estoit passé quelque petite partie de ce convoy, auquel
les Parisiens à leur ordinaire firent faire plusieurs entrées.

A Saint Germain en Laye, le seiziesme Fevrier 1649.

Avec Privilége du Roy.

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Gramont, Antoine III de [?] [1649 [?]], LA DEFAITE D’VNE PARTIE DV CONVOY DES PARISIENS, dans le village de Vitry. Où ils ont eu cent ou six vingts hommes tüez, & plus de quarante faits prisonniers. Par le Mareschal de Grammont, commandant l’armée du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_963. Cote locale : A_1_13.