H. C. [1649], LA PLAINTE DV PALAIS ROYAL, SVR L’ABSENCE DV ROY, Auec vn Dialogue du grand Hercule de Bronze, & des douze Statuës d’Albastre, qui sont à l’entour de l’Estang du Iardin. Faite par vn Poiëte de la Cour. H. C. , françaisRéférence RIM : M0_2783. Cote locale : C_8_27.
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LA PLAINTE DV PALAIS
Royal, sur l’absence du Roy,
Auec vn Dialogue du grand Hercule de Bronze, &
des douze Statües d’Albastre, qui sont à l’entour
de l’Estang du Iardin.

 


ON m’a rauy mon Roy, mais à vne heure induë,
Ha ! chere Majesté, quoy ie vous ay perduë,
Petit moignon des Cieux où estes vous allé,
Vous m’auez laissé seul, bien triste & desollé :
Helas ! ie ne suis plus, qu’vn desert & Champestre,
Enfin i’ay tout perdu, en perdent mon bon Maistre,
C’estoit tout mon bon-heur i’estois vn Paradis,
Possedois-je pas tout en possedant Louis,
Où est donc ce Soleil, dont la belle influance
Rendoit mon lieu si beau, par sa douce presence
Paranimphe des Rois, quoy on vous à rauy,
Helas ! si i’eusse pû, ie vous eusse suiuy,
Infortuné Palais, ô demeure Royalle,
Ne fusse pas pour toy vne nuict bien fatalle
Quand on t’osta celuy qui estoit tout ton bien,
Qui fut par le conseil, d’vn traistre Italien :
O ! Rapt par trop osé, malheureux rauisseur,
Ne croy pas bien long-temps, en estre possesseur,

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Il reuiendra chez moy, en grand magnificence,
Au bon-heur de Paris, & au bien de la France,
Il reuiendra pouruoir à nos nessitez :
Et me fera ioüir de mes felicitez,
Pendant qu’il n’y est pas, ie suis inconsolable,
Il n’y a que luy seul, qui me soit agreable,
Que mes lieux estoient beau alors qui luy estoit,
On me faisoit la Cour, chacun me visitoit,
Les Grands me courtisoient, comme vne belle Dame
Mais à present ie suis ainsi qu’vn corps sans Ame,
Où estes-vous ma vie, mon bien & mes espoires,
Pour qui tout vn chacun me rendoit ses deuoires,
Où le iours & les nuicts, on me faisoit caresses,
Et mes lieux estoient pleins, de Princes, & de Princesses
Il n’estoit mension que du Palais Royal,
On accouroit chez moy, en Chaise, & à cheual,
En Carrosse & à pied, bref en toutes manieres
On se faisoit porter, en Brancards & Lictiers,
Non pas les François seuls, mais plusieurs Nasions,
Venoient me rendre aussi, leur venerations,
Et des Ambassadeurs des Prouinces loingtaines,
Iamais on n’admira, tant la Cité d’Athenes.
Il ne se pouuoit voir vn lieu plus frequanté,
Mais à present ie suis inhabité,
Mes Vergers, mes Iardins, & mes belles Allées,
Où mon Roy se ioüoit, les voilà desolées,
Elles ont senty l’Hiuer, en deux rudes façons :
Tant de Pluyes & de Vents, de Neiges & de Glaçons,

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Car l’Hiuer à esté, plus long-qu’à l’ordinaire,
Mais si nous retenions nostre Roy débonnaire,
Nos maux seroient passez nous aurions le beautemps,
Et chacun gouteroit, vn delicieux printemps,
On se rejouiroit honorant sa venuë,
Les cris de ioye seroient retentis iusqu’aux Nuë,
Comme vn iour sans Soleil ce n’est qu’abscurité,
Aussi Paris sans Roy, n’a aucune beauté,
Luy & moy esperons, d’auoir bien-tost la ioye,
De posseder celuy, pour qui chacun larmoye,
Faut-il pas aduoüer que fut iniustement
De l’auoir enleué encore nuictemment,
Cieux auez-vous pû voir, cét acte si blâmable,
Sans auoir escrazé la teste du coupable,
I’ose vous accuser d’vne grand’lacheté,
De n’auoir pas puny cette temerité
Toute-fois vous sçauez, auec ordre & prudences
Reseruer pour vn temps vos Foudres & vos vangeances
Pour les faire esclatter quand il sera saison,
Ne punissant iamais qu’auec iuste raison,
La plume fait parler, l’inssensibilité,
Elle sçait animer mon inmobilité,
Elle veut reprocher ma grand’poltonnerie,
De ce que i’ay souffert, vn acte si impie :
Disant que ie deuois faire esclatter les gonds,
Des portes du Palais, par des furieux bonds
Pour affin d’eueiller, toute la Bourgeoisie,
Qui dans vn doux repos, se voyoit endormie :

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Ne songent en rien moins, qu’à cette Trahison,
Ayant crié les Rois, la veille en leur maison,
Beuuant à la santé du Roy & de son Frere
Souhaitants à tous deux, felicité entiere,
Parisien tu-es bon : que tu eut de constance,
D’auoir pû endurer vne telle imprudence
Deuois tu-pas alors courir à Sainct Germain,
Pour amener le Roy qui te tendoit la main,
C’est que sa Majesté n’estoit pas aduertie,
Qui luy faloit la nuict faire telle sortie ?
Et sans le respecter, on le fut esueiller,
En rompant son sommeil, il se void habiller,
Pour le faire sortir hors de sa bonne Ville,
Où chacun l’honnoroit, dans vn amour tranquille,
Mais Messieurs les Bourgeois, pleins de fidelité,
Qui n’ont rien pour leur Roy, que respect & bonté
Se virent bien surpris de ces tristes nouuelles
Car cét enleuement, troubla bien leur ceruelles,
Pleurant de nostre Roy, la séparation,
D’vn départ si subtil ne iugeoient rien de bon
Mais le jeune Louis encore dans l’Enfance,
D’vn si mauuais dessein, n’auoit pas connoissance,
S’il estoit plus aagé, il ne seroit contant,
Qu’on tourmentasse ceux qui le cherisse tant,
Qui donneroient pour luy, & leur sang & leur vie
Et qui de l’offencer n’ont eu iamais enuie
Car ils ont trop d’amour, pour leur Prince & leur Roy
Et ne desire rien, que viure sous sa Loy :

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Car si Paris vouloit, il a bien la puissance,
D’aller le requerir au lieu de sa Naissance ?
Mais eux par trop benins, & pour luy pleins d’amour
Sans rien violenter attendent son retour,
Mais il leur tarde trop, las hastez-vous donc Sire
De nous venir reuoir tout Paris vous desire,
Reuenez demeurer, dedans vostre Palais,
Car vostre heureux retour aportera la Paix,
Aussi vos bons sujets, tous ensembles souhaite,
A vostre Majesté, vne gloire parfaite.

 

FIN.

DIALOGVE DV GRAND
Hercule de Bronze, & des douze Statuës d’Albastre,
qui sont à l’entour de l’Estang du Iardin du
Palais Royal ; Le grand Hercule commence
le premier à parler.

Hercule.

 


IE suis cét Hercule indomptable,
Fort & puissant comme Athelas :
De tout vincre ie suis capable,
Auecque mon grand couttelas,

 

Les Statuës.

 


Les Statuës entandant ces choses.
Elles voulurent discourir :
Incontinent leur bouches clauses,
Commencerent toutes à s’ouurir.

 

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Iupiter parla le premier.

 


Ie suis d’auis puissant Hercule,
Que pour passer nostre Chagrin :
Que nous parlions vn peu de Iules,
Qui est surnommé Mazarin.

 

Hercule.

 


A vostre vouloir ie m’acorde,
Mais sçachez grand Dieu Iupiter :
Si iamais Mazarin m’aborde,
La mort ne pourra éuiter.

 

Les Statuës en suite parlerent.

 


Sommes nous pas infortunés,
De nous voir seules en ce Iardin :
Car si nous sommes abandonnés,
C’est la faute de Mazarin.

 

Hercule.

 


Il est vray celà nous rend triste,
Ie voudrois qu’il fut assommé :
Car nous n’auons point de visite,
Comme on auoit accoustumé.

 

Les Statuës.

 


Nous sommes à present solitaires,
On ne nous vient plus admirer :
Nous commençons à nous déplaires,
Et prestes à nous desesperer.

 

Hercule.

 


Il nous faut prendre patiance,
Et l’vn l’autre s’entretenir :
Et viuons dedans l’esperance,
Que la Cour pourra reuenir.

 

FIN.

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H. C. [1649], LA PLAINTE DV PALAIS ROYAL, SVR L’ABSENCE DV ROY, Auec vn Dialogue du grand Hercule de Bronze, & des douze Statuës d’Albastre, qui sont à l’entour de l’Estang du Iardin. Faite par vn Poiëte de la Cour. H. C. , françaisRéférence RIM : M0_2783. Cote locale : C_8_27.