Lorraine, Charles de [signé] [1652], DERNIERE LETTRE DE MONSIEVR LE DVC DE LORRAINE, A MONSIEVR LE PRINCE : APPORTÉE PAR VN COLONNEL DE SON ARMÉE : Le 25. May 1652. En laquelle il declare plainement toutes ses intentions, les suiets de son Retardement, & sa marche à grandes iournées vers Paris. , françaisRéférence RIM : M0_1022. Cote locale : B_8_58.
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DERNIERE
LETTRE
DE MONSIEVR
LE
DVC DE LORRAINE,
A MONSIEVR
LE PRINCE :
APPORTÉE PAR VN COLONNEL
DE SON ARMÉE : Le 25. May 1652.

En laquelle il declare plainement toutes ses intentions,
les suiets de son Retardement, & sa marche
à grandes iournées vers Paris.

A PARIS,
Chez ANTOINE PERIER, ruë des Noyers.

M. DC. LII.

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DERNIÉRE LETTRE DE MONSIEVR
le Duc de Lorraine à Monsieur le Prince,
apportée par vn Colonnel de son Armée ;
En laquelle il declare plainement toutes ses
intention ; Les sujets de son Retardement ;
Et sa marche à grandes iournées vers Paris.

MONSIEVR,

Son Altesse Royale m’ayant fait sçauoir
par le sieur de Fiesque le dessein qu’il auoit
de voir au plustost toutes mes forces iointes
à celles que vous auez à Estampes, ie n’ay point balancé
à me resoudre sur les Propositions équitables qui m’ont
esté faites : Et comme ie ne demande autre chose que ce
qui m’a esté accordé, rien ne m’a arresté à me declarer en
faueur du Party de la Iustice que vous tenez. I’ay fait marcher
mes Troupes auec lesquelles i’ay trauersé toute l’Alsace,
& vne partie de Luxembourg, sans y trouuer d’opposition ;
enfin ie suis entré en Champagne, où i’ay rencontré
le Mareschal de Seneterre auec quelque Noblesse,
& les Communes, saisi de tous les passages ; Il m’a fallu remonter
au Barrois, d’où ie suis encor rentré en Champagne

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bien resolu de combattre tout ce qui s’opposeroit à ma
marche : Les ordres que ce Maréchal auoit donnez de se
soûleuer par tout, & faire ferme sa venuë auec quelque
milice pour les fortifier, & le refus que la Ville de Chaalõs
a fait de me donner passage m’ont retenu quelque temps
auant que de hazarder vn combat qui n’auroit peut-estre
pas fort auancé les affaires, ne voyant pas aussi beaucoup
de seureté à tenter plusieurs chemins, où il y auoit danger
de perdre du monde. Mon Retardement n’a pas esté
inutile, puis qu’il a obligé le dit sieur de Senneterre à s’éloigner
vn peu de moy, tant pour obseruer la marche de mes
Troupes, leur laissant Chaalons en teste, que pour ne perdre
point la communication de Nancy, qu’il garde plus
exactement que toute la Champagne.

 

Sa retraitte m’a donné lieu de marcher du costé de
Rheims, & de là à la Ferté Milon, pouuant continuer à
present de marcher en asseurance aprés l’auoir laissé bien
loin derriere moy, en estat, comme ie croy, de ne pouuoir
pas me suiure à tant de iournées : I’espere d’estre bien-tost
en Brie, où nous auiserons des moyens pour faciliter la ionction
de nos Troupes. Ie sçay bien que le sieur de Turenne
se fait fort de l’empescher ; qu’il l’a promis à la Cour ; qu’il
prend toutes ses mesures pour y reüssir : Vous ferez de vostre
part tout ce que vous iugerez necessaire en cette conioncture ;
cependant i’auanceray au plustost au rendez-vous,
où i’examineray sa contenance, & les lieux qui se
treuueront les plus commodes, dont ie donneray auis à
S. A. R. & à vous, Monsieur, qui ferez la mesme, s’il vous
plaist, de vostre costé.

Ie ne vous celeray point que ie me suis treuué vn peu
embarassé de la fourbe du C. Maz. qui pour m’amuser sur
les frontieres le plus de temps qu’il pouuoit, y faisoit courir
le bruit d’vn accommodement, auquel il s’efforçoit de faire
doner creance par ces allées & venuës de Deputez du Parlement,

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ausquels il ne donnoit pourtant aucune resolutiõ.
Le sieur Du Plessis Besançon qui m’estoit venu trouuer de
sa part, pour negocier auec moy selõ son ordinaire, n’osant
pas m’en assurer tout à fait, taschoit adroitement de me le
faire croire, en m’assurant qu’il le croyoit luy mesme, & que
du moins il y voyoit de si grandes apparẽces, qu’il ne doutoit
point que le Traité ne fust bien tost conclud. Il pensoit me
surprendre par cette addresse, & conduisant dextrement
les interests de son Maistre en cette occasion, il m’insinuoit
souuent que si ie voulois, i’auois le pouuoir de me faire comprendre
en ce Traité, que ie deuois esperer de la bonté de la
Cour toute sorte d’auantages, & que ie I’y obligerois pour
peu que ie me voulusse declarer en sa faueur : qu’aussi bien ie
ne deuois rien pretendre d’ailleurs, & que chacun estoit
presentement occupé à procurer son propre interest ; les
auis du contraire qui me venoient assez souuent de vostre
part, les lettres de creance de Madame ma Sœur, & la parole
de S. A. R. m’ont toujours empesché d’ajouster foy à toutes
ces artificieuses pratiques, desquelles m’estant enfin lassé, ie
le renuoyay auec des lettres qui témoignoiẽt assez le peu de
fruit de cette negociation : i’ay appris qu’il estoit tombé entre
vos mains, & qu’on l’auoit trouué chargé de ce pacquet :
ie croy que vous y aurez veu tout le demeslé de cette affaire ;
& reconnu toute mon intention. Le dernier Courrier de S.
A. R. qui me vint auant-hyer, me rendit vne lettre de sa part
qui m’éclaircit merueilleusement sur toutes ces choses, en
pressant la Marche de mes forces auec tant de soin, & m’accordant
l’vnique chose que ie demãde d’estre compris dans
les Traités de Paix qui se pourront faire dans la necessité de
l’Estat, & selon les rencontres ; ce qui seroit desia sans doute,
si les Ennemis du bien public, & du Repos des Peuples, ne
s’obstinoient point à leur Ruine. Mais puis qu’il faut les y
forcer par les armes, il ne faut plus reculer dans vne si glorieuse
entreprise dont toute l’Europe attend le succez auec

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impatience, & le demande par des vœux & des souhaits
inexplicables.

 

Ie vois bien, Monsieur, la part que vous prenez dans vne
si belle expedition, pour laquelle vous exposez si librement
vostre sang & vostre vie, à laquelle vous donnez tous les
trauaux & vos fatigues, & en faueur de laquelle vous sacrifiez
vostre propre interest à celuy du public qui vous doit
estre toujours obligé du bon-heur qui luy en arriuera.
Pour moy ie m’estimeray tres-heureux d’y contribuer ce qui
me reste de forces apres le débris d’vne souueraineté, que le
Roy ne refusera peut-estre point de rendre à mes seruices,
que ie luy continuëray toute ma vie, aussi bien que l’hõmage
que ie luy en veux deuoir, auquel ie ne pense point auoir iamais
manqué. Ie n’ignore pas que ses Ministres luy donnent
d’autres sentimẽts de ma fidelité : mais le temps pouruoyra
à mon innocence contre leurs calomnies, & ie croiray toujours
auoir assez fait si ie m’en iustifie aupres de S. A. R. &
vous en donne des preuues par mon procedé en l’occasion
presente. Le Sr N. Colonel en mon armée, & Porteur de
celle-cy, vous dira plus precisemẽt les sentimẽts dãs lesquels
ie suis, & vous pouuez luy donner toute creance, estant vn
gentil-homme d’honneur, capable de toutes ces choses,
& auquel ie me confie plus qu’à personne du Monde. Ie
luy ay donné ordre & plein pouuoir d’agir en mon nom
en tout ce que vous iugerez qu’il sera necessaire.

Cependant ie feray auancer mes Troupes à grandes
iournées, & n’oublie i’ay rien de tout ce qui se pourra
faire pour leur jonction auec les vostres. Ie suis,

MONSIEVR,

Vostre tres-humble & tres-affectionné
seruiteur,

CHARLES DE LORRAINE.

A la Ferté Milon,
ce 22. May 1652.

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Lorraine, Charles de [signé] [1652], DERNIERE LETTRE DE MONSIEVR LE DVC DE LORRAINE, A MONSIEVR LE PRINCE : APPORTÉE PAR VN COLONNEL DE SON ARMÉE : Le 25. May 1652. En laquelle il declare plainement toutes ses intentions, les suiets de son Retardement, & sa marche à grandes iournées vers Paris. , françaisRéférence RIM : M0_1022. Cote locale : B_8_58.