Louis (XIV), De Guénégaud, Du Tillet [signé] [1652], DECLARATION DV ROY; CONTRE LES PRINCES DE CONDÉ, DE CONTY, LA DVCHESSE DE LONGVEVILLE, Le Duc de la Rochefoucault, le Prince de Talmont, & leurs adherans. Verifiée en Parlement le Roy y seant en son lict de Justice le 13. Nouembre 1652. , françaisRéférence RIM : M0_907. Cote locale : B_6_21.
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DECLARATION
DV ROY;
CONTRE
LES PRINCES
DE CONDÉ, DE CONTY,
LA DVCHESSE DE LONGVEVILLE,
Le Duc de la Rochefoucault, le Prince
de Talmont, & leurs adherans.

Verifiée en Parlement le Roy y seant en son lict
de Justice le 13. Nouembre 1652.

A PARIS,
Par les Imprimeurs & Libraires ordin. du Roy.

M. DC. LII.

Auec Priuilege de sa Maiesté.

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LOVIS PAR LA GRACE DE
DIEV, ROY DE FRANCE ET
DE NAVARRE : A tous ceux
qui ces presentes lettres verront,
Salut Il ne s’est point presenté d’occasions depuis
nostre auenement à la Couronne ou nous
n’ayons pris soin de faire ressentir à nos Subjets
des effets de nostre bonté : Ceux mesmes
d’entr’eux qui se sont le plus éloignés de leur
deuoir, & qui agissans contre leur propre
bien se sont laissez emporter à entreprendre
contre celuy de nostre seruice, n’ont pas laissé
de receuoir nos graces aussi bien que les
autres, ayans tousiours mieux aimé les traitter
en Pere qu’en Souuerain ; Et faire
plustost éclater enuers eux nostre Clemence
que nostre Iustice : Nous auons de bon
cœur oublié les fautes de ceux qui ont excité
des troubles dans nostre Estat, lors que
nous auons creu que c’estoit vn moyen propre
pour y restablir le calme. Mais ayant
espreuué, à nostre grand regret, que la
facilité que nous auons euë à pardonner, n’a

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seruy qu’à augmenter celle de mal faire ; &
que la pluspart de ceux qui se sont portez
iusques icy à la Rebellion, y ont esté attirez
par l’esperance presque certaine qu’ils ont
euë, que soubs vn pardon general de leurs
crimes, ils mettroient à couuert tout ce
dont ils auoient profité pendant les troubles ;
Et qu’au lieu du chastiment qu’ils auoient
merité, ils trouueroient de l’aduantage à
s’estre rendus criminels ; Nous auons reconneu
absolument necessaire, voyant si souuent
renaistre de mesmes maux, d’y pourueoir
par d’autres remedes : Et voyant clairement
que les Autheurs de la Rebellion, au
lieu d’abandonner les desseins qu’ils ont formez
auec nos Ennemis declarez pour le démembrement
de nostre Royaume, se rendent
obstinez à les poursuiure ; & rejettent
les effets de nostre Clemence, à mesure qu’ils
nous treuuent faciles à leur tendre les bras
pour les receuoir en grace & leur pardonner :
Nous ne pourrions sans deffaillir à ce que
nous deuons à nostre Estat, & à nous-mesmes,
vser d’vne plus longue patience, qui enfin
deuiendroit non seulement inutile, mais
dangereuse & prejudiciable à tous nos Subjets,
aussi bien qu’à Nous : Chacun a peû

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voir les auances que nous auons faites au prejudice
mesme de nostre dignité, pour ramener
le Prince de Condé & les autres complices
de sa des-obeïssance dans leur deuoir. Nous
n’eussions iamais pû croire que tous les témoignages
de bonté que nous luy auons
voulu donner, n’eussent deub seruir qu’à augmenter
son audace à entreprendre contre
Nous, & son obstination à se lier plus estroittement
auec les Ennemis declarez de cette
Monarchie. L’on a bien veu autresfois des
Vassaux de cette Couronne, comme luy,
tomber dans de semblables crimes soubs des
pretextes plus plausibles, quoy qu’il n’y en
ait point qui puissent iamais excuser la Rebellion
d’vn Subjet : On les a veu passer quelquesfois,
comme luy, iusques à rechercher
l’appuy des puissances estrangeres pour soustenir
leurs injustes desseins. Mais outre que
ces puissances n’estoient point en guerre ouuerte
auec la France, quand ils se sont vnis
auec elles ; Ce n’a iamais esté en estouffant,
comme fait le dit Prince, tous les deuoirs de
la naissance, & tous les sentimens d’vn cœur
François : Ils ont gardé cette moderation dans
l’injustice de leur cause, qu’ils se sont toûjours
opposez aux aduantages que les Estrangers
vouloient tirer des maux qu’ils faisoient souffrir

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à leur patrie. Ledit Prince au contraire
non content de violer toutes les loix diuines
& humaines, en espousant, comme il fait aueuglément,
les interests de l’Espagne contre
ceux de l’Estat qui luy adonné l’estre, & ceux
de son Souuerain qui auoit esleué sa condition
par vne infinité de biens [1 mot ill.] au dessus
de celle de tous les Princes de son nom qui
l’ont deuancé ; il ne fait point scrupule de tout
abandonner, & de se sacrifier luy mesme,
pourueu qu’il fauorise les desseins d’vne Couronne
ennemie. Il ne regrette point la perte
de tous les aduantages que la liberalité du feu
Roy nostre tres-honoré Seigneur & Pere, &
la nostre, auoient si abondamment versé
dans sa Maison, En Biens, en Charges, en
Places fortes, & en Gouuernemens, pourueu
qu’en se declarant publiquement irreconciliable
Ennemy de son païs, il se rende
le Conducteur des Forces Espagnoles ; Qu’il
leur facilite les moyens de rauager la France,
& qu’il suiue le funeste exemple d’vn de ses
predecesseurs, dont la memoire est encore
odieuse à tous les François. Il n’a pas honte
de desbaucher les Chefs & les forces destinées
pour la deffense d’vn peuple qui a signalé
son affection & sa fidelité enuers Nous,
comme celuy de Catalogne ; pourueu que par

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la desertion infame qu’il fait commettre à
M[2 lettres ill.]chin, & à ceux qui l’ont suiuy, il le liure
à la discretion de ses antiens Vsurpateurs.
Il n’a pas honte de mettre entre les mains
de nos Ennemis declarez, les Places que
nous luy auons confiées, pourueu qu’il entretienne
le trouble & la reuolte dans les
Prouinces, dont il estoit obligé par son serment
de conseruer les habitans en repos sous
nostre obeissance. Il n’a par honte d’irriter &
animer contre Nous tous les Estats voisins,
pourueu que dans les entreprises qu’il les excite
de faire contre nostre Royaume. Il contente
la passion qu’il a d’en auancer la ruïne. Enfin
il n’a pas honte de renoncer ouuertement
au nom & à tous les deuoirs d’vn François,
& de se declarer Espagnol, d’affection & d’interest,
pourueu qu’en cette qualité il rauage
la France, Qu’il la donne en proye aux Nations
Estrangeres, Qu’il opprime sa ville Capitale,
Qu’il y exerce des cruautez inoüyes,
Qu’il remplisse tous les Esprits d’espouuante,
ou de fausses impressions pour les seduire &
les engager dans sa faction ; Qu’il attaque nos
Places, Qu’il forme des desseins sur celles ou
nous sommes en Personne, & qu’il occupe
nos principales forces dans le cœur de nostre
Estat, pour donner moyen aux Espagnols

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(qu’il s’est obligé de seruir aux despens
de son pais, & de son Souuerain, aussi bien
que de son honneur) de faire sans obstacle
leurs affaires au dehors, & de conquerir Graveline,
Donkerque, Barcelonne & cazal
dans vne seule Campagne, sans qu’il puisse
auoir l’esperance d’aucun autre auantage
pour luy, que celuy de satisfaire à l’injuste
hayne qu’il a conceuë contre tout ce qui luy
deuroit estre plus venerable & plus sainct.
Et afin qu’il ne reste rien dans toute sa famille
qui n’agisse auec la mesme ardeur que
luy pour le seruice de l’Espagne, en mesme
temps qu’il s’abandonne à tous ces crimes,
son frere & sa sœur tiennent dans la sujetion
par diuers artifices, vne des principales
villes de nostre Royaume, en chassent les
Magistrats, y persecutent & espouuantent
les gens de bien, auctorisent vne faction
de la populace, pour y conseruer par son
assistance vne domination tyrannique, & ne
laissent rien en arriere pour rendre les Espagnols
maistres des Riuieres & des principaux
Postes de la Guyenne. Tous ces horribles attentats
contre nostre Personne, nostre Couronne,
& nostre auctorité, Nous faisant cognoistre
qu’vne plus longue dissimulation que

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nous en pourrions faire, deuiendroit enfin
tres-pernicieuse à nostre Estat ; Ayant esprouué
que la durée des maux extrémes qu’il souffre
depuis quelque temps, procede principalement
de ce que dans vne si grande &
si obstinée licence de tout entreprendre, & de
commettre des crimes, on n’a encore fait aucun
chastiment : Nous sommes obligez pour
le maintien de nostre auctorité, en mesme
temps que nous opposons aux desseins des
Rebelles la force de nos armes, ausquelles
nous esperons que Dieu par sa Bonté donnera
sa protection, d’employer aussi la sincerité
des Loix comme le plus solide appuy de
toutes les puissances legitimement establies,
& le plus vtile moyen de garantir nostre
Estat de la confusion & du desordre que l’impunité
y a introduit, n’y ayant personne qui
ne demeure d’accord que c’est la Iustice qui
fait regner les Roys heureusement, & qui est
seule capable de restablir ou conseruer l’vnion
& le repos parmy leurs sujets. A CES
CAVSES, & pour autres grandes & justes
considerations à ce Nous mouuans, & attendu
que ceux qui ont rejetté auec tant de mépris
& d’obstination les graces que nous leur
auons accordées par nos deux Declarations
d’Amnistie publiées les 26. Aoust, & 22.

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Octobre derniers se sont rendus indignes
de tout pardon. DE L’ADVIS DE NOSTRE
CONSEIL, où estoient la Reyne nostre
tres-honorée Dame & Mere, plusieurs Princes,
Ducs, Pairs, & Officiers de nostre
Couronne, & autres grands & notables Personnages
de nostre Conseil ; NOVS AVONS
ORDONNE’ ET ORDONNONS par ces presentes,
signées de nostre main ; VOVLONS
& nous plaist, que nostre Declaration du 8.
Octobre de l’année derniere que nous auons
cy-deuant fait publier en nos Cours de Parlemens,
soit executée selon sa forme & teneur :
Et conformement à icelle, Nous
auons declaré & declarons lesdits Princes
de Condé, de Conty, & Duchesse de Longueuille,
le Duc de la Rochefoucault, le
Prince de Talmont, & tous autres Adherans
aux pernicieux desseins desdits Princes,
Rebelles, Criminels de leze-Majesté,
perturbateurs du repos public, & Traistres
à leur Patrie, & comme tels priuez &
descheus de tous Honneurs, Dignitez, Estats,
Offices, Gouuernemens, Pouuoirs, Charges,
Priuileges, Prerogatiues, Pensions, & de
tous autres Droicts generalement quelsconques
qu’ils pourroient pretendre dans nostre
Royaume, sous quelque concession que ce

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soit ; Tous leurs biens releuans immediatement
de Nous, à Nous acquis & confisquez ;
Voulant qu’il soit procedé sans delay à la diligence
de nostre Procureur General & ses
Substituds contre leurs Personnes, posterité
& memoire, selon la rigueur de nos Ordonnances,
& que cependant tous leurs
biens, meubles, & immeubles, soient saisis
& annotez, & commissaires establis
pour le regime d’iceux : Voulant que
tous les deniers prouenans de la vente
desdits meubles, & du reuenu des immeubles
soient appliquez au payement de nos
gens de Guerre sans pouuoir estre diuertis
ailleurs sous quelque tiltre que ce soit.
Et à ces fins que les Fermiers & Receueurs
desdits biens soient contraints au payement
de leurs Fermes & Receptes par toutes voyes
accoustumées pour nos propres affaires, non-obstant
tous payemens qu’ils pourroient alleguer
ou iustifier auoir faits par auance, lesquels
comme faits en fraude, & en faueur de
la Rebellion, Nous auons declarez nuls & de
nul effet, sauf le recours desdits Fermiers &
Receueurs, contre qui & ainsi qu’ils verront
à faire ; & nonobstant tous contracts de donnation,
transport, cession ou vente faits par
les complices de ladite Rebellion depuis la

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naissance des presens mouuemens, lesquels
comme frauduleux, Nous auons pareillement
declarez nuls & de nul effet. Et en attendant
qu’il soit plus amplement procedé
contre les personnes desdits Princes, & de
ceux qui les assistent ; AVONS fait & faisons
tres-expresses inhibitions & deffenses à tous
Gouuerneurs, Maires & Escheuins de nos Villes
& places, & à tous nos autres Subjets, de
donner logement, passage, retraitre, viures,
ny assistance quelsconques aux personnes
desdits Princes & Princesse, & de leurs Adherans,
ny à leurs Trouppes, en Corps ou separement ;
Ains leur enjoignons de les arrester,
courre sus à leurs Trouppes, & les tailler
en pieces. DEFFENDONS à tous nos Officiers
& Subjets de quelque qualité & condition
qu’ils soient, de receuoir aucuns ordres,
pacquets, lettres, ny chose quelsconques, venant
de la part desdits Princes, ou de ceux
de leur party, en quelque qualité, & sous quelque
pretexte qu’ils ayent esté donnez, y diferer
ou adherer en quelque maniere que ce
soit ; ny d’auoir aucun commerce ou intelligence,
directement ou indirectement auec
eux : Comme aussi de faire aucunes assemblées,
ou monopoles, enroollemens, ou leuées
de gens de guerre, & de deniers, si ce

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n’est en vertu de nos Commissions signées de
nous, & de l’vn des Secretaires de nos Commandemens,
& seellées de nostre grand Seau : Le
tout à peine d’estre declarez criminels de leze
Majesté, & d’estre procedé contre eux selon la
rigueur de nos Ordonnances.

 

SI DONNONS en mandement à nos amez
& feaux les Gens tenans nostre Cour de Parlement
à Paris, Que ces presentes ils facent lire,
publier & enregistrer, & le contenu en icelles
garder & obseruer selon leur forme & teneur :
Enjoignons à nostre Procureur General & ses
Substituts, d’y tenir soigneusement la main, &
de faire toutes les poursuittes & diligences necessaires
& dependantes de leurs charges pour
l’execution d’icelles : MANDONS à tous Gouuerneurs,
& nos Lieutenãs Generaux en nos Prouinces
& Armées, & Gouuerneurs particuliers
de nos Villes & Places, de courir sus à tous adherans
desdits Princes de Condé, & de Conty,
& Duchesse de Longueuille, & tous autres rebelles
& contreuenans à ces presentes, Et à tous
Baillifs, Seneschaux, Preuosts, Iuges, ou leurs
Lieutenans, de proceder contre-eux selon la rigueur
d’icelles, & de nos Ordonnances. ORDONNONS
ET ENIOIGNONS tres-expressément
à tous Preuosts des Mareschaux, Vis Baillifs,

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Vis-Senechaux, & à tous autres Officiers de
Robbe-Courte, de battre incessamment la
Campagne, & courre sus à toutes Troupes leuées,
& que l’on pourroit leuer ; Et à tous ceux
qui entreprendroient d’en mettre sur pied au
prejudice de ces presentes, & qui contreuiendroient
à icelles : CAR tel est nostre plaisir. En témoin
dequoy nous y auons fait mettre nostre
Seel. DONNÉ à Paris le douziéme iour de Nouembre,
l’an de grace mil six cens cinquante-deux ;
& de nostre regne le dixiéme.

 

Signé, LOVIS.

Et plus bas,

Par le Roy,

DE GVENEGAVD.

Et seellées sur double queuë du grand Seau
de cire iaune. Et encor est écrit :

Leuës, publiées & registrées, Oüy, & ce requerant le
Procureur General du Roy, pour estre executées selõ leur
forme & teneur, & copies collationnées à l’original, ennoyées
aux Bailliages & Seneschaussées de ce ressort,

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pour y estre pareillement leuës, publiées & registrées à la
diligence des Substituts dudit Procureur General, qui seront
tenus certifier la Cour auoir ce fait au mois : A Paris
en Parlement, le Roy y seant, le treiziesme Nouembre
mil six cens cinquante-deux.

 

DV TILLET.

Collationné à l’Original par moy Conseiller
Secretaire du Roy, Maison & couronne
de France & de ses Finances.

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Louis (XIV), De Guénégaud, Du Tillet [signé] [1652], DECLARATION DV ROY; CONTRE LES PRINCES DE CONDÉ, DE CONTY, LA DVCHESSE DE LONGVEVILLE, Le Duc de la Rochefoucault, le Prince de Talmont, & leurs adherans. Verifiée en Parlement le Roy y seant en son lict de Justice le 13. Nouembre 1652. , françaisRéférence RIM : M0_907. Cote locale : B_6_21.