Morgues, Mathieu de [?] [[s. d.]], BONS ADVIS SVR PLVSIEVRS MAVVAIS ADVIS. , françaisRéférence RIM : M0_594. Cote locale : A_9_13.
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BONS ADVIS
SVR PLVSIEVRS
MAVVAIS ADVIS.

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BONS ADVIS
SVR PLVSIEVRS
MAVVAIS ADVIS.

IL est expedient de faire cognoistre à ceux qui écriuent
contre les intentions du Roy ; que s’ils eschappent
à la iustice de sa Majesté, ils n’éuiteront pas
la censure de ses fideles seruiteurs. Les mieux instruits
disent ; que la vanité a persuadé à ces feux
folets, qu’ils passeront pour des estoiles, en faisant
briller les estincelles de leur esprit ; encore
qu’elles soient des allumettes de sedition. Les sages
aduoüent que ces gens-là rangent mieux leurs paroles,
qu’ils ne reglent leurs pensées ; lors qu’ils s’imaginent,
que tout ce qui agréera aux curieux, sera
bien receu par les serieux. Ce qui est plus fascheux
est, que les autheurs de ces ouurages cherchent plûtost
la reputation de polis escriuains, que de bons
citoyens : ils blasment auec hardiesse le gouuernement
de l’Estat, qui a des secrets semblables aux mysteres
diuins, ausquels nous deuons la creance & la
submission, sans entreprendre de les penetrer auec
presomption, pour les controoler auec arrogance.
Nous pouuons dire aussi à ces Messieurs ; que leurs
plumes paroissent legeres, lors qu’elles volent en fort
peu de temps d’vne extremité à l’autre, & ne s’arrestent
point dans le milieu, où est la vertu. Il y a quinze

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mois, qu’elles employoient leur ancre pour noircir
les actions, & les desseins de Monsieur le Prince :
elles s’exercent maintenant, non seulement à les blanchir,
mais à les farder. Ainsi celuy, que ces beaux discoureurs
ont appellé souuent le mauuais genie de la
France, lors qu’il estoit à S. Germain, est deuenu dans le
bois de Vincennes l’ange tutelaire de ce grand Royaume.
Puissante prison, qui as pû faire ce changement ! infortunée
liberté, qui arrestois vn grand honneur pour
ce Prince, & vn notable aduantage pour nous ! Charitable
Regence, qui par vn fauorable conseil auez produit
cette agreable metamorphose ! Si on adiouste
creance aux differents propos de ces souffleurs du
chaud, & du froid ; la resolution de s’asseurer de la
personne de Monsieur le Prince ne sera blasmée, que
pour auoir esté prise trop tard ; puis qu’elle luy deuoit
apporter tant de gloire, & nous produire vn si notable
profit. Deuant cét accident ces declamateurs
nous disoient : que les batailles gaignees par Monsieur le
Prince estoient les succés d’vne heureuse temerité, plustost
que les exploicts d’vne conduite reglée. Que deuant Fribourg,
& Northlingen, sa precipitation auoit fait perir
plus de cinq cens braues Gentilshommes, pour tuer autant
de Lansquenets, & des Reystres ; & qu’on nous auoit fait
passer des funerailles pour des triomphes. Ces oyseaux
de passage nous chantoient ; que celuy qu’ils nomment
à present heros incomparable, ayant coniuré la ruine du
Parlement, & de la ville de Paris, auoit employé tous ses
efforts ; pour mettre en execution les resolutions, qu’il auoit
fait prendre. Que luy seul estoit autheur du depart inopiné

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du Roy, & du refus d’écouter les Deputez du Parlement ;
& qu’il auoit esté l’inuenteur de la calomnie, qui accusoit
quelques Officiers de cette Auguste Compagnie, d’auoir
traité secrettement auec les Espagnols. Qu’il s’estoit offert,
pour bloquer la capitale du Royaume. Qu’il auoit tasché
de faire perir par le plus cruel de tous les supplices, qui
est la faim, vn million d’innocens. Que pour en venir
à bout, il auoit fermé tous les passages des viures.
Qu’il auoit ordonné qu’on massacrast tous ceux, qui enuoyoient
quelque soulagement à leurs peres, meres, femmes,
& enfans. Que dans la plus rigoureuse saison de l’annee,
il auoit fait mourir de froid, & de necessité les prisonniers
de guerre. Qu’il ne parloit, que de faire nager
son cheual dans le sang des Parisiens, deliurer aux bourreaux,
cent Officiers des Compagnies souueraines, & d’abandonner
le reste à la licence des soldats, par lesquels il
faisoit piller autour de Paris les Temples sacrez, & les
maisons de plaisir des Bourgeois ; sans espargner les vies
des paysans, ny la pudicité des filles, & des femmes, &
sans respecter ce qui est de plus venerable parmy les Chrestiens.
Ces reproches que la vehemence des Orateurs
du temps exageroit durant les mouuemens de Paris,
ne furent pas arrestez par l’accommodement : nous
pouuons assurer, qu’ils furent plustost augmentez
par les manquemens que ces accusateurs, changez
maintenant en Panegyristes remarquerent en la conduite
de Monsieur le Prince. Ceux qui veulent à present
adoucir le peuple de Paris, irritoient son indignation,
en disant ; qu’ils ne pouuoient souffrir auec
patience que le Parlement eust deputé pour salüer Monsieur

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le Prince, & publiant par des imprimez ; que cét honneur
n’estoit point deu à sa qualité, & beaucoup moins à son
merite. Ils assurerent qu’il menaçoit du poignard ceux qui
pouuoient estre ses iuges ; comme il auoit fait du baston les
Conseillers du Parlement de Prouence. Pour ietter les Parisiens
dans quelque ressentiment extraordinaire, on
crioit par les ruës qu’il estoit honteux, & pouuoit estre funeste,
de souffrir la presence de celuy, qui auoit fait achepter
bien cherement le pain d’orge, d’auoine, & de blednoir.
On debitoit ; que ce Prince cachoit ses mauuais desseins,
recherchant en apparence l’amitié de ceux, qui
auoient credit dans la ville, & ausquels le vulgaire auoit
imposé le nom de Frondeurs. On les aduertissoit : qu’ils
se deuoient défier des submissions basses, & des caresses
extraordinaires, que le Prince leur faisoit, aprés les auoir
voulu perdre par la violence. Que l’excés de ses courtoisies,
& les longs entretiens, qu’il auoit auec eux en lieux
retirez, & à heures induës, faisoient soupçonner, ou que
ses affectations estoient pratiquees, pour les decrediter ; ou
que ses promesses tendoient à les corrompre. Monsieur le
Prince ayant témoigné quelque mescontentement,
quasi tous les Courtisans, & les principaux de Paris
s’estans offerts à luy & mesmes tous ceux, qui dans
les affaires passées auoient fait paroistre plus de vigueur
pour le Parlement, & pour la ville ; les escriuains,
qui s’erigerent pour lors en procureurs du public,
& qui sont à present aduocats de Monsieur le
Prince, taschoient de persuader à plusieurs, que la
querelle estoit feinte, & pretendirent de le prouuer, par la
facilité de la reconciliation, faite auec l’abandonnement

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de tous ceux qui s’estoient declarez de son party.

 

Ces Messieurs furent rauis, lors qu’ils virent bien-tost
aprés, qu’il ne trauailla plus qu’à la ruine de
ceux, ausquels il auoit promis amitié ou protection,
les persecutant à outrance ; ou pour faire cognoistre
qu’il n’auoit plus d’intelligence auec eux, ou qu’il
n’estoit pas en son pouuoir, de retenir plus longtemps
les mouuemens de sa ialousie.

Ainsi ceux qui entreprennent à present sa defense,
l’accusoient d’auoir recherché toute sorte de moyens ;
pour perdre ceux qui s’estoient presentez pour le sauuer,
& qui se vouloient precipiter, pour le tirer d’vn mauuais
passage. Ils adioustoient, qu’en estant sorty, la honte qu’il
eut d’auoir offencé ceux qui luy auoient tendu la main, le
rendit capable d’vn pernicieux conseil, qui fut de les faire
charger ; Premierement, d’auoir voulu reuolter la ville
de Paris, & aprés d’auoir entrepris sur sa personne, que
sa naissance doit rendre sacrée à tous les François. Nous ne
dirons rien des pieces qu’on fit ioüer pour rendre probable
cét attentat pretendu, ny de la corruption des
témoins qui furent practiquez, ny de leur infamie,
ny des impertinences, & contradictions de leurs depositions,
ny de l’obstination pour les faire valoir :
mesmes aprés que le Parlement les eut trouuées friuoles
& ridicules. Nous voulons croire que ces inuentions
basses ne sont iamais sorties du haut genie
de Monsieur le Prince ; mais nous ne sçaurions ny
dissimuler ny déguiser, que ceux qui écriuent pour
luy n’ayent declamé contre ses sollicitations, & contre
sa seance dans le Parlement, où ils disoient, que ce Prince

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ne se deuoit point trouuer ; pour retenir par sa presence ceux
qui le fauorisoient, & pour intimider les plus foibles auec
vn visage enflammé, & quelquefois auec la main leuée &
paroles de menaces. L’affaire ayant esté reduite à vn tel
poinct, ou que Monsieur le Prince deuoit receuoir le
déplaisir de voir sa procedure condamnée, & ses témoins
chastiez, & par consequent estre obligé, ou à
produire vn estrange effect de ressentiment, pour ce
cruel affront ; ou estre contraint de souffrir tout ce
que le desespoir qui est vn conseiller enragé, peut
suggerer à des personnes de condition & genereuses,
qui ne peuuent ny viure auec satisfaction, ny mourir
que par violence.

 

Sur la fin de ce démeslé, arriua le mariage du Duc
de Richelieu mineur, authorisé par la presence du
Prince auec quelque mépris de l’authorité Royale, &
dessein de s’emparer de la place tres-importante du
Havre. De peur que les choses n’allassent à d’autres
extremitez, qui pouuoient causer de grands desordres,
la Reyne pour les considerations qui sont, & ne
sont pas contenuës dans la Lettre du Roy enuoyée
au Parlement, prit resolution de faire arrester les personnes
de Monsieur le Prince, de Monsieur le Prince
de Conty, & de Monsieur le Duc de Longueuille.
Le grand respect que nous deuons aux secrets de l’Estat,
& l’ignorance dans laquelle nous sommes des
mouuemens cachez, qu’on ne doit pas tousiours
communiquer au public, porteront les hommes sages
& bons François, à preferer le iugement de la Mere
& de l’Oncle de nostre Roy, à celuy des Partisans

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de Monsieur le Prince, & au discours impertinens
& malicieux de quelques broüillons, & presomptueux,
qui prennent occasion de toutes les choses
extraordinaires, pour décrier la conduite du Royaume,
& pour adjouster à la guerre estrangere que nous
auons en plusieurs endroits, autant de guerres ciuiles
qu’il y a de prouinces & de villes en France. Mon
dessein n’est pas d’accuser Monsieur le Prince ; mais
de faire cognoistre la folie des Escriuains, qui aprés
auoir blasmé ses actions, & peut estre mal interpreté
quelques-vnes de ses intentions, lors qu’il estoit en
liberté, ont depuis sa detention tasché de les iustifier
toutes : comme si les impressions que les imprimez
ont faites dans les esprits, estoient effacées auec vn
traict de plume : comme si les playes ouuertes auec
vn stile conuerty en stilete, estoient fermées en
la rompant : comme si ces Messieurs pretendoient
d’attribuer au donjon du Bois de Vincennes, la puissance
que Dieu mesme ne s’est pas reseruée, de reuoquer
ce qui est arriué.

 

Nos donneurs d’auis ne croyent pas qu’on les puisse
conuaincre d’imposture : ou quand ils ont dit autrefois ;
Que Monsieur le Prince auoit entrepris de ruiner
le Parlement & la ville de Paris. Que pour perdre ceux
qu’il appelloit Frondeurs, il les a fait accuser de sedition &
d’assassinat : ou quand ils disent maintenant, que tout
cela n’est point veritable. Ie ne vois pas comment ces
Aduocats quoy que prompts à la repartie, se déméleront
de ces contradictions ; s’ils ne répondent ; qu’ils
aduoüent toutes ces choses. Mais que la prison de

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Monsieur le Prince a fait vn si grand changement ;
qu’aussi-tost qu’il y est entré, il y a trouué, non seulement
l’inimitié de ceux qu’il aymoit & protegeoit ;
mais l’amitié de ceux qu’il haissoit & vouloit destruire :
Qu’il ne crie plus de ce lieu éleué d’où il découure
Paris : que prens garde à toy pauure ville, on te va
desoler, & faire ce que i’ay manqué il y a quinze mois ;
lors qu’en cette campagne qui est deuant moy, ie
voulus attirer au combat tes gouuerneurs & tes citoyens ;
pour aprés leur déroute, ietter dans tes entrailles
le fer & le feu, portez par des barbares : Cours
maintenant aux armes, que ie t’ay contraint de prendre
contre moy ; rends toy criminelles de leze-Maiesté
diuine & humaine ; afin qu’à ton exemple tout
le Royaume se sousleue pour me tirer d’icy. Occupe
les forces du Roy dans le cœur de la France, & laisse
ses frontieres ouuertes aux Estrangers. Que tout le
sang de ta genereuse Noblesse & de tes vaillans soldats
qui a esté répandu en Flandre, en Allemagne, en
Italie & en Espagne, & que ie n’ay iamais épargné, soit
perdu. Que toutes les Finances qui ont esté employées
en ces pays là, & qui ont incommodé le nostre
demeurent inutiles. Qu’on soit obligé de rendre
auec honte toutes nos conquestes, & mesmes les
miennes. Qu’on s’humilie deuant l’arrogance Espagnole,
& qu’on luy demande pardon, pour forcer la
Reyne à me donner la liberté, de laquelle dépend le
souuerain bien de l’Estat, le salut de Paris, & sur tout la
conseruatiõ de ceux que vous appellez les Frondeurs.
C’est à ceux là particulieremẽt, ausquels mes écriuains

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addressent leurs bons aduis : Ie leur fais dire, qu’ils
prennent garde à eux : que la Cour ne reuient que
pour les perdre ; pour détruire le Parlement ; pour retirer
le fonds des rentes, & saccager les maisons des
Bourgeois. Pourquoy ? par ce qu’ils se sont opposez
aux desseins, conseils & efforts de celuy qui implore
à present leur assistance, & veut accomplir par eux,
ce qu’il n’a pû faire quand il estoit contre eux. L’Apologie
des Frondeurs, l’Aduis aux Frondeurs, l’Aduis au
Duc de Beaufort & à Monsieur le Coadiuteur, l’Aduis à la
ville de Paris, le Factum pour Monsieur le Prince, les diuerses
réponses à la Lettre du Roy, & autres pieces de
semblable étoffe, ne chantent autre chose. O courtoisie
Françoise ! ô charité Chrestienne ! ô changement
de la dextre du Tres-haut ! ô conuersion miraculeuse !
Tout ce qui a esté dit & fait contre le Senat,
contre les Parisiens, & contre leurs defenseurs, est detesté ;
pourueu qu’on recommence en faueur de celuy
qui en a esté l’autheur, le promoteur & l’executeur.
S’il est deliuré par nos efforts contre la volonté du
Roy & de la Reyne sa mere, il nous rendra tous heureux :
il ne se souuiendra iamais des feux de ioye, que
Paris a allumez, ny des cris d’allegresse, qui ont éclairé
& éclaté iusques dans le Bois de Vincennes lors
qu’il y fut conduit : il n’aura aucun ressentiment, contre
les grands, ny contre les petits ; sur tout contre
ceux qu’il nommoit par derision Frondeurs, qui aprés
son emprisonnement ont asseuré la Reyne de leurs
obeïssances & seruices. Ce qui est plus difficile à faire
& à croire : il aura oublié les maux qu’ils nous a fait

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souffrir ; à sçauoir le blocus de Paris, la desolation
de son terroir, les menaces faites au Parlement, & les
poursuites à mort contre les Princes, Prelats & Officiers
aymez par le public.

 

Si celuy qui a dressé le Factum allegue pour vne marque
de l’innocence de Monsieur le Prince ; non seulement
le peu de soin qu’il a eu de rechercher l’affection
des peuples ; mais encore le peu d’apprehension
qu’il a eu de les irriter, disant, Que c’estoit vne marque
asseurée que Monsieur le Prince ne tendoit point à la Souueraineté :
La pratique ordinaire de ceux qui ont cette visée
ayant tousiours esté de caioler, caresser & assister les
subiects, pour acquerir creance parmy eux, & les sousleuer
contre le Souuerain : Nous aduoüons que Monsieur le
Prince n’en fut iamais suspect ; aussi n’en est-il point
accusé, ny d’auoir eu intention d’enleuer son royaume
au Roy, par semblables menées : De sorte qu’il
est superflu, & mesmes aucunement criminel de s’estendre
sur ce discours, qui a agreé à l’Aduocat pour
remplir ses écritures. Il n’a pas pris garde, que toutes
les vertus sont au milieu de deux vices contraires.
Que pratiquer les peuples, & chercher de corrompre
leurs Chefs, pour les mutiner contre leur Roy, est
vne extremité : mais que mal traitter les peuples, leur
oster le pain, gaster leurs maisons, les abandonner à
des soldats sans discipline, vouloir faire passer les Officiers
des Compagnies Souueraines, les Bourgeois
de Paris, & generallement tous les François, pour des
méchans, des traistres, des factieux, & les traitter
comme ennemis du Roy & de l’Estat ; sont des

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moyens opposites, qui tendent à desesperer les hommes,
& à les porter au renuersement de la Monarchie.
Ce qui est d’autant plus dangereux ; que les ressentimens
des iniures, sont plus furieux & plus opiniastres
que ne sont les affections legeres, & zeles indiscrets
pour vn Prince, duquel on découure bien tost
les artifices, & qui se sert de ministres auaricieux, de
valets insolens, & de soldats qui viuent en ennemis
parmy ceux, qui les ont appellez comme amis. Mon
dessein n’est pas d’éplucher les écrits embarassez, ny
de refuter les foibles raisonnemens de ces Messieurs
les donneurs d’aduis, ny d’échauffer leur bile. Nous
declarons aussi que nostre intention n’est point, d’obscurcir
la gloire militaire d’vn Prince, que nous tenons
pour grand Capitaine, & qui en a rendu des
preuues à l’aduantage de la France, ce qui augmente
nostre déplaisir de la voir priuée de son secours.
Nous dirons de luy ce que l’Orateur Romain a écrit
en faueur de Pompée, qu’il a commencé en ieunesse,
la où plusieurs grands Chefs de guerre ont finy en
vieillesse ; Mais celuy qui louë Pompée, blasme aussi
l’ambition de Iules Cesar, qui opprima la republique
de Rome, aprés l’auoir tres-dignement seruie, & enseuelit
dans les ruines de son pays, la reputation qu’il
auoit acquise dans les Gaules & ailleurs. Nous n’accusons
pas Monsieur le Prince d’vn semblable dessein :
mais nous ne pretendons pas aussi le defendre contre
les Lettres & Declarations du Roy : tout ce qui porte
le nom de sa Majesté, & qui procede d’vne authorité
legitime ; comme est celle de la regence durant

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vne minorité, est de trop grande veneration parmy
nous, qui voulons conseruer la paix au dedans, &
obliger les Estrangers à nous demander celle, que nos
diuisions reculent.

 

Ie ne peux donc, que ie ne deteste l’audace de ces
écriuains temeraires, sur tout de l’autheur du Factum,
qui auec son stile fort court, va mesurant la grande
estenduë de la regence, & dit : qu’il n’y trouue point l’authorité
d’arrester vn Prince du sang, qui est nay Conseiller
necessaire. Ie laisse à part les histoires qui sont ramassées
dans cet écrit, & qui ne concluent à rien : deux
exemples ayant tousiours des circonstances si differentes,
des temps, des occasions & des personnes ;
qu’vn ne peut seruir de miroir à l’autre. Ceux qui
sont alleguez en foule, font voir la malice secrette du
compilateur ; lors qu’il a recherché Fredegonde &
Brunehauld, pour regler les resolutions d’vne Reyne
vertueuse ; & a allegué ce qui a esté fait dans vn royaume
mal estably, foible & remply de confusions, pour
la conduite de la France, dans la police, puissance,
ordre & perfection où elle est, depuis la derniere race
de nos Roys. Arrestons nous à la Loy, qui doit estre
incomparablement plus forte que l’exemple, & demandons
à ce Iurisconsulte, dans quel liure des Ordonnances,
ou registres d’Arrests, il a trouué : que si
vn Prince du sang Royal estoit conuaincu ou violemment
soupçonné, d’auoir des mauuais desseins, & de
faire des pratiques dangereuses contre la personne &
estat d’vn Roy mineur ; & qu’il y eust vn peril euident
de souffrir quelque perilleuse extremité, si on ne la

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preuenoit par vne iuste & genereuse prudence : qu’en
ce cas la vne Mere tutrice de son enfant, & regente de
son royaume, assistée des conseils de son plus proche,
qui est l’Oncle vnique de sa Maiesté ; n’eut point
la puissance de preuenir par la detention de ce Prince,
les desordres publics & la desolation de l’Estat ; quand
mesmes ce Prince n’en seroit pas la veritable cause ;
mais seulement vne occasion pressante & manifeste.
Laissant donc à part le faict particulier, ie me contenteray
de dire ; que nous ne sommes pas obligez d’auoir
meilleure opinion des intentions de Monsieur le
Prince, que des resolutions de la Reyne, & que nous
auons grand suiet de conclure ; que la these ou proposition
generale, qui borne l’authorité des regences
par l’impuissance d’arrester vn Prince du sang,
qui abuseroit au preiudice de l’Estat, des respects
qu’on doit à sa naissance & de ses priuileges, est vne
maxime fausse & dangereuse. Il suffit que les regentes,
qui nont point le pouuoir pour destruire & défaire,
comme elles l’ont pour construire & pour conseruer,
ne renuersent point les loix du Royaume, entre lesquelles
on ne trouuera pas celle, qui est faussement
alleguée, & qui seroit preiudiciable.

 

Il est aisé de prendre garde, à quoy tendent tant de
discours, qui eschapent aux langues, & coulent des
plumes : à quoy aboutissent tant d’assemblées, & de
cabales contre le gouuernement, sur la rencontre
d’vne affaire à la verité extraordinaire, & deplorable,
mais non sans exemples. Pour ne rien dire des plus
anciens, nous auons veu arrester le pere de Monsieur

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le Prince, par les ordres de la feuë Reyne, lors qu’elle
auoit encore la conduite de l’Estat, deux ans apres la
maiorité du Roy, qui auoit prié sa mere de luy continuer
ses soins, en l’administration de ses affaires. On
ne remarqua point alors d’escriuain si hardy, comme
sont ceux de ce temps, qui entreprennent de borner
l’authorité Royale. Nous vismes à la verité des
Princes, & des Grands, qui par apprehention d’vn
pareil traictement ; se ietterent dans quelques places,
pour leur propre deffense, & encore qu’ils se trouuassent
pressez, & reduits à des grandes extremitez, ils
n’eurent iamais recours aux ennemis de l’Estat, pour
se venger, ou pour se deliurer : là où nous pouuons
dire, que sans vne pareille necessité, nous auons veu
la plus desesperée procedure, qu’on puisse remarquer
dans nostre Histoire. Qu’vne Princesse du sang
Royal, des Officiers de la Couronne, & des Caualiers,
qui se disent seruiteurs du Roy, ont tellement
oublié leur deuoir, que d’auoir appellé à la desolation
de la France les Espagnols, auec lesquels nous
sommes en guerre ouuerte, & d’auoir traicté auec des
conditions si horribles, que la posterité aura autant
de peine à les croire, comme nous en demeurons surpris,
& estonnez.

 

Elles aboutissent à deux poincts. Le premier est,
que des François promettent à l’Espagne qu’ils ne
poseront iamais les armes qu’elle [1 mot ill.] satisfaicte,
par vn traicté de paix entre les Couronnes. C’est à dire,
que ces Messieurs s’obligent à rauir à leur Roy,
tous les fruicts d’vne guerre de quinze années, & à

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rendre les vies de plus de dix mille Gentilshommes,
& de cent mille soldats, auec l’employ de plus de
cinq cens millions inutiles ; pour nous contraindre à
restituer auec honte ce que nous auons emporté auec
gloire, pour la quelle ils ont eux-mesmes exposé leurs
vies.

 

Ils pretendent aussi de se rendre seuls arbitres d’vn
differend qui n’a pû estre terminé, par les Ambassadeuts
de plusieurs Princes, & republiques ; & ils s’imaginent
qu’auec leur espée ils couperont ce lacet
Gordien, que beaucoup d’hommes sages n’ont sceu
dénoüer. Ils ont par aduance vendu & liuré Stenay à
l’Espagne, à laquelle ils promettent tout le reste de
nos conquestes, pourueu qu’elle les assiste d’argent,
& d’hommes, & marche auec ses armées à la destruction
des pays de nostre Roy, qu’ils desirent d’obliger
à vn accommodement preiudiciable, & infame.
Nous laissons à penser si la generosité de nostre nation
peut approuuer cette lascheté ; & si la seconde
condition doit estre soufferte. A sçauoir, que Monsieur
le Prince tienne sa liberté d’vn ennemy, qu’il a
défait deux fois en bataille rangée, & a dépoüillé de
quelques places ; les Espagnols ayant promis, & iuré ;
qu’ils n’escouteront iamais aucune proposition d’accommodement,
que ce Prince n’en soit l’entremeteur.
Ainsi les Espagnols auroient l’obligation à des
François pour les villes, qui leur seroient renduës, &
les François auroient l’obligation aux Espagnols de
la deliurance de leurs Princes Ainsi ceux-là seroient
à iamais suspects de fauoriser ceux, qui les auroient

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deliurez de prison : & ceux cy auroient la honte d’auoüer,
que si des mauuais François ne les eussent assistez,
il leur estoit impossible de paruenir à vne paix
honorable. Ainsi les deux partis prostituent également
leur reputation, & se liguent auec des conditions,
qu’ils ne sçauroient accomplir, si nous ne
perdons la ceruelle, & le cœur, pour consentir que
le Mareschal de Turenne se rende maistre d’vne paix,
qui seroit honteuse à la France : que Monsieur le
Prince doiue son eslargissement aux Espagnols : &
que nostre Roy soit contraint de receuoir la loy, que
ses plus grands ennemis estrangers, & les plus obstinez
rebelles de son Royaume luy voudront imposer.
Tout homme, qui aura du sens & du sang, iugera, &
dira ; qu’il faut plustost perir, que de subir ce joug, &
les Conseillers de sa Majesté qui ne seroient point
d’auis d’employer le dernier escu, le dernier pain, &
le dernier homme de la Erance, pour rompre cette
conspiration, éuiter ce dommage, & fuïr cette infamie,
meriteroient, outre le des honneur eternel, vn
chastiment tres-seuere, ou par la Iustice du Roy
quand il sera majeur, ou par la violence des peuples.
On void bien aussi, que ces conditions insupportables,
portent en croupe la tromperie, la legereté, le
parjure, & le manquement de parole, qui n’est donnée
d’vne-part, que pour attraper de l’argent ; & de
l’autre costé pour acquerir Stenay. Que si aprés la
vente de cette place, quelque autre retourne aux ennemis,
la perte sera imputée à la perfidie, & folie des
François ; plustost qu’à la puissance, & prudence, des
Espagnols.

 

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Nos mutins ne le contentent pas de leur promettre
toutes les conquestes, que nous auons faites sur eux :
mais pour leur donner moyen d’en faire sur nous : ils
trauaillent par secrettes menées, & par impostures
publiques pour jetter la diuision dans la France, pour
émouuoir les prouinces, & les villes, pour débaucher
la Noblesse, & pour corrompre les gens de
guerre. Leurs écrits seditieux s’adressent sur tout au
Parlement, & aux habitans de Paris, n’ignorans pas,
de quelle importance est d’attaquer la teste, & le cœur
pour faire tomber en syncope tout le corps du Royaume.
Cõme nous detestons auec raison ces boutefeux,
nous auons sujet de mettre au nombre des esprits foibles,
ceux qui estans pourueus d’offices & dignitez, qui
tirent tout leur lustre & beaucoup de profit de la Monarchie,
se voudroient esleuer comme sales vapeurs ;
pour obscurcir la lumiere du Soleil, qui les a faits les
plus beaux de ses meteores. Ie ne m’adresse point à
ces grands corps que ie reuere, & ne fais estat que de
parler à quelques particuliers qui ne considerent pas
assez : que les Officiers ne sont pas sages s’ils donnent
la moindre atteinte à la Royauté qui les a instituez,
les soustient, les rend veritables & riches : qui leur
faisant part non seulement de son authorité mais de
ses finances, les a constituez arbitres des vies & des
biens : les a esleuez sur nos testes ; pour leur donner
droict d’exiger de nous des respects, & des droits attachez
à leurs charges. Cependant on a remarqué en
quelques Magistrats des fausses generositez & des
prudences bastardes, qui sous pretexte de corriger

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quelques manquemens, voudroient entreprendre de
mettre en compromis l’authorité royale, qui les a
creez & qui les conserue.

 

Comme il est à desirer ; que la Cour ne rejette iamais
& mesmes ayme les remonstrances ; on doit aussi souhaiter
que ceux, qui les peuuent faire, ne les conuertissent
pas tousiours en plaintes, & iamais en faction :
mais en propositions d’expediens ; ou pour sortir d’vn
mal, ou pour aduancer vn bien, ou pour assister le
Prince, ou pour soulager son peuple. Si on a d’autres
desseins, & si les passions emportent la raison : Nous
dirons à ces Messieurs ce que Ciceron écriuoit à son
amy. Vous voulez que la republique perisse, non seulement
par ses playes que vous découurez : mais par les emplastres
que vous y appliquez ; & ne voyez pas que le
malade mourra certainement, si les Medecins empoisonnent
les remedes. Le venin qu’on y mesle
vient de la vengeance, du faux zele, de l’interest particulier,
de la corruption, des sottes complaisances &
foles amitiez, qui forment les conspirations, & sont
les ennemies mortelles des fideles & sages conseils.

Ie ne toucheray pas icy les resolutions prises l’année
passée, par la ville de Paris. Ie ne veux point parler
des armes qui chercherent du pain ; il faut prier
Dieu, qu’il pardonne à ceux qui furent les causes d’vn
desordre qui apporta des notables preiudices à la
France : Mais ie ne sçaurois souffrir ce donneur d’auis
à la ville de Paris, qui tasche d’ébranler ce Colosse
d’or, d’argent & de cuiure sur des pieds de plastre, &
qui soustient auec peine sa pesanteur. Qui doute,

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que si la diuision desoloit cette grande cité ; les ruines
du Louvre, du Palais Royal & des Hostels des
Grands, n’accablassent les basses maisons des Bourgeois ?
Il est vray que Paris est le plus beau & le plus
riche ornement de la Monarchie Françoise : qu’il est
le throsne de la Majesté & de la Iustice de nos Roys,
l’Academie des sciences, l’Arsenal des armes, le Bureau
des Finances, la pepiniere des gens de guerre, &
la plus grande assemblée de peuple qui soit dans l’Europe.
Mais tous ces aduantages ne se pouuant maintenir
sans l’integrité & richesses d’vn puissant & paisible
Royaume, sans la presence du Roy, & sans le
libre exercice des charges, qui ont leur fonction dans
son enceinte ; les moindres symptomes doiuent estre
apprehendez dans vn corps si immense, & remply de
tant de differentes humeurs. Il est certain aussi, que
ses maladies seroient tousiours contagieuses, & se
communiqueroient aisément à toutes les Prouinces,
& qu’vn coup frappé sur cette teste estonneroit tous
les membres. Si ce mal arriuoit à Paris par sa faute,
il seroit le premier puny, en ce qu’il n’y auroit point
du trouble ailleurs qu’il n’en ressentist aussi-tost des
incommoditez, par le manquement des assistances
qu’il tire de tous costez, par l’interruption du commerce,
par la cessation de l’employ des Officiers, par
le defaut du payement des rentes, sur le Roy, sur les
particuliers & sur les Communautez ; estant chose
veritable qu’vne ville qu’on a laissé croistre sans mesure,
ne se peut nourrir que par l’abondance d’vn
grand Royaume, & que cette abondance est le fruit

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de la Paix. Nous auons veu par experience, que le
trouble n’a jamais esté en quelque Prouince, sans causer
du dommage à plusieurs familles de Paris : ce qui
doit obliger cette Ville malade de sa grandeur, comme
fut jadis Rome ; à ne rien faire ny mesme souffrir,
qui puisse alterer sa santé, ou appesantir sa charge.
Si les mouuemens, qui n’ont duré que trois mois, y
ont rendu vacantes plus de six mille maisons ; que
seroit-ce si le Roy se trouuoit en necessité par la guerre
ciuile, de quitter pour long-temps son sejour ordinaire,
& de l’abandonner aux tempestes que les
vents des ambitieux & des furieux veulent émouuoir
sur cét ocean ? Que deuiendroient pour lors
tous ceux qui ne viuent que des Commissions ou
du luxe de la Cour ? qui payeroit ce que les Courtisans
doiuent aux Marchands ? à qui debiteroient-ils
leurs marchandises ? qui mettroit en besongne l’industrie
& les mains de plus de cent mille ouuriers,
qui ne songeroient plus qu’à se sousleuer contre les
riches & à les piller, afin que la pauureté se rendist
commune à tous ? Cette apprehension ne doit point
passer pour vne chimere : Ce qui est arriué nous peut
faire craindre vn retour de plus longue durée. Il faut
éuiter tout ce qui peut donner au Roy la moindre
défiance de reuolte, & c’est prudence de dissiper de
bonne heure toutes les nuës qui sont capables de
nous oster l’aspect de nostre Soleil de nous rauir nostre
ame, & destourner la source de tous les esprits qui
nous donnent la vie & le mouuement. Seneque ayant
tres-bien dit, Que ce soleil, cette ame & cét esprit est

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le Roy, sans lequel nous resterions vne lourde masse,
vne charongne puante, & la proye de nos ennemis.
Ie diray donc librement à Paris, qui a pour armoirie
vn Vaisseau, ce qu’Horace disoit à Rome : prens garde,
que de nouueaux orages ne te poussent en haute
mer, & ne te rendent le ioüet des vagues & des vents.
Arreste-toy dans ton port asseuré, qui est la bienueillance,
& la protection de ton Roy

 

Souuenons nous qu’estans François & Chrestiens,
la premiere qualité nous oblige à estre fideles, pour
maintenir l’honneur que nostre nation a acquis par
dessus toutes les autres, d’aymer ses Souuerains, qu’elle
ne reçoit que de Dieu. La seconde qualité ne peut
estre conseruée, qu’en obeïssant aux Ordonnances,
& suiuant l’exemple de nostre Legislateur, qui nous a
commandé d’estre subiets aux puissances temporelles,
qui est mort en acquiesçant à leurs arrests, & veut
que la religiõ nous lie plus estroitement auec nos Superieurs.
Leurs conseils sont appellez dans son liure,
des sacremens, & des mysteres ; pour monstrer, qu’il
n’appartient qu’à ceux qui ont droict d’entrer dans le
sanctuaire de les penetrer : nous qui sommes dehors
les deuons reuerer, & les estimer iustes ; parce qu’ils
viennent d’vne authorité legitime. Les esprits broüillons,
qui taschent de nous persuader le contraire, ne
manqueront iamais de pretexte : pour engager les
foibles dans vn mauuais party. Ils chercheront des
raisons apparentes, & les debiteront dans des écrits
agencez & polis ; mais ces tissus d’araignées venimeuses
ne prendront que des mouches. Ces hommes

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inquiets, & desireux de choses nouuelles, nous
proposent les passées, & les presentes, pour nous dérober
la preuoyance des futures : en disant qu’ils nous
veulent soulager, ils ont dessein d’appliquer à leur
luxe, ce qu’ils taschent de rauir à la magnificence de
nostre Roy, & aux commoditez de ceux, qui viuent
à leur aise. Ils nous proposent la liberté ; mais ce
nom specieux n’est employé, que pour déguiser vne
seruitude cruelle, personne n’ayant iamais assuietty
les simples, qu’en leur promettant la franchise.
Quand il faudroit estre mal traicté, il seroit plus
iuste, & plus tolerable de souffrir quelque petit coup
de la main qui est sur nos testes ; que d’estre foulez
par les pieds des vsurpateurs de son authorité. Ie diray
dauantage, qu’au cas qu’vn pernicieux conseil engageast
le Prince dans des affaires fascheuses, qui le
porteroient à imposer des sommes extraordinaires,
& le contraindroient à les exiger auec quelque rigueur :
il faudroit souffrir ces surcharges pour vn
temps : comme on endure la sterilité d’vne année,
ou des neiges ou des chaleurs excessiues, & les autres
maux que la nature produit quelquesfois : sur tout
lors qu’vn murmure éclattant, ou vne opposition
par la force peuuent non seulement donner de la
ioye : mais acquerir quelque aduantage aux ennemis
de l’Estat. Il est aussi necessaire de considerer : que la
mauuaise intelligence parmy nous, pourroit apporter
vn tel dégoust aux amis & confederez, qu’ils seroient
capables de se détacher de l’alliance d’vn pays,
qu’ils verroient tomber dans l’impuissance de leur

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continuer ses assistances & secours. Il est vray que nos
diuisions ont vny nos aduersaires & des-vny nos alliez :
Les vns & les autres ont veu, que dans la fureur
qui nous fait battre entre nous, nous prenons le chemin
pour estre tous surmontez, & qu’estans méchans
à nous-mesmes, nous ne pouuons estre bons
à nos amis, ny formidables à nos ennemis. Dirons-nous
aussi, que dépoüiller, chasser & tuer nos freres,
& nos voisins, soit vne reformation ? Que mettre la
desolation par tout, soit vn moyen pour acheminer
la consolation que nous cherchons ? & que violenter
les hommes, soit procurer leur repos ? Obliger le Roy
à retirer ses trouppes des pays estrangers, pour les
faire entrer dans les siens ; est, à mon auis, épargner
le sang des Espagnols, pour faire répandre celuy des
François, & conseruer les terres qui nourrissoient nos
armées, pour les appeller au dégast des nostres ?
N’est-ce pas vne chose horrible, que ces mesmes soldats
que nous tenions assiegez dans leurs garnisons,
soient inuitez & conduits par des François, pour
s’emparer des Villes de France ? Certes, il faut confesser,
que les interests & les passions qui ont fait
prendre ces resolutions, ont empesché qu’on n’aye
écouté le sens commun, qui ne se laissera jamais persuader,
qu’on puisse contraindre par la force vn grand
Roy, à tirer de prison vn Prince du Sang, afin qu’il aye
l’obligation de sa liberté aux Espagnols, & soit tant
qu’il viura le chef d’vne faction, qui demeureroit
tousiours formée pour luy dans le Royaume. Nous
laissons aussi à penser, si se faire craindre à son maistre

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n’a pas esté seur, si le vouloir violenter le sera dauantage ?

 

Concluons donc, Que les Princes, Officiers de la
Couronne, Seigneurs, Gentilshommes & soldats ne
seront ny genereux ny sages, s’ils se jettent dans des
conspirations contre le Roy en faueur des rebelles,
& des anciens ennemis de la France : s’il est question
de combattre, il faut que ce soit auec nostre Prince,
pour vaincre auec honneur & recompence. Quand
nous serions si malheureux d’estre vaincus, nous aurions
meilleure reputation & plus de consolation, que
de vaincre auec les Espagnols ; puisque c’est vne
gloire de mourir pour son Souverain. Le nostre est
dans vn âge, où il est dangereux de luy donner des
mauuaises opinions, qui iront croissant auec ses annees :
il n’est plus enfant, & son bon esprit remarque
les seruices & déseruices qu’on luy rend. Ceux qui le
font monter à cheual, le fatiguent, luy dérobent le
temps de ses exercices ; menagent mal sa santé, son
instruction, ses bonnes graces, & jettent dans sa
memoire des impressions qui ne leur peuuent estre
fauorables : comme au contraire, ceux qui le suiuront,
se doiuent asseurer qu’il ne perdra jamais la
souuenance de leurs belles actions. Quand l’esperance
des bienfaits, qui ne conduit iamais les ames vrayement
courageuses, ne se presenteroit pas ; la Iustice
ne peut preferer les amitiez particulieres au deuoir
general ; ny la sagesse témoigner aux bons offices
receus d’vn Prince, la reconnoissance qu’on doit à la
vraye source des graces ; & c’est vne impieté, pour

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vne obligation singuliere de mespriser l’vniuerselle,
qui vient de la naissance du serment : & pour les Seigneurs
& Officiers, des fiefs, & des charges, qu’ils
tiennent de la Royauté.

 

Ces considerations fermeront nos oreilles, & nos
yeux aux voix & aux écrits des corrompus, des passionnez
& des ignorans, qui interpretent mal les intentions,
& controolent toutes les resolutions des
Conseils du Roy : & qui pour prendre le contre pied
de la Cour, ont blasmé & décrié les Princes, lors qu’ils
estoient en credit, & les excusent & defendent, lors
qu’ils sont en disgrace. Ces petits, legers & malins
esprits, voudroient establir dans le ministere leurs
amis, desquels ils seroient aussi-tost ennemis, s’ils ne
s’accommodoient à leur fole fantaisie. Acheuons en
asseurant que le plus honorable, le plus seur, & le plus
vtile, est d’estre auec nostre Roy : Demeurons-là, si
nous cherchons le vray honneur ; si nous aymons nostre
paix interieure ; si nous voulons conseruer celle
du Royaume, & auoir bien-tost l’estrangere,
qu’on ne fera iamais par force.

ADVIS PARTICVLIER
à l’Auteur de l’Aduis aux Parisiens.

C’est Aduocat est vn preuaricateur en la cause
qu’il plaide : lors que pour monstrer l’innocence
de Monsieur le Prince, il aduance : Que s’il eust
voulu, il estoit en son pouuoir d’enuahir le Royaume, &
doster la regence à la Reyne. Iugez sages Lecteurs &

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bons François, si ce discours rend injuste la detention
de Monsieur le Prince, & s’il auance sa liberté.
Si vn Roy n’a pas droit de l’oster, & s’il seroit bien
conseillé de la rendre à celuy qu’il croiroit auoir la
puissance de luy rauir sa Couronne quand il voudroit.
Si vne Mere seroit prudente, en se mettant en
danger d’estre priuée de l’education de son fils Roy,
par ceux qui ne le sçauroient détrôner sans le faire
perir. Et si Monseigneur le Duc d’Anjou & Monseigneur
le Duc d’Orleans, ne sont pas auertis par ce
beau donneur d’auis, de prendre garde à eux. Ie ne
dis rien de cent transports de folie semblables à celuy
que j’ay remarqué, tous prejudiciables à Monsieur
le Prince, auquel on ne peut rendre vn plus
grand seruice, que de ne rien écrire & de ne rien entreprendre
pour sa déliurance.

 

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Morgues, Mathieu de [?] [[s. d.]], BONS ADVIS SVR PLVSIEVRS MAVVAIS ADVIS. , françaisRéférence RIM : M0_594. Cote locale : A_9_13.