Nervèze, Suzanne de [signé] [1649], LA RECEPTION DV ROY D’ANGLETERRE A SAINCT GERMAIN EN LAYE, Et les souhaits des François pour son établissement dans son Royaume. , françaisRéférence RIM : M0_2979. Cote locale : A_8_11.
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LA
RECEPTION
DV ROY
D’ANGLETERRE
A SAINCT GERMAIN
EN LAYE,

Et les souhaits des François pour son établissement
dans son Royaume.

A PARIS,
Chez Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, ruë des Cordiers, proche
la Sorbone, aux deux Tourterelles.

M. DC. XXXXIX.

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LA RECEPTION
du Roy d’Angleterre à S.
Germain en Laye,

Et les souhaits des François pour son établissement
dans son Royaume.

SIRE,

COMME la grandeur des Rois
c’est la submission des Peuples,
j’estime que les hommages doiuent estre reçeus
agreablement, lors que ceux qui les rendent
sont émeus à ce deuoir, par vn cœur qui a
plus d’ardeur dans la fidelité de ses productions,
que de faste pour en étaler l’aparence,
I’auouë qu’vne naissance Illustre, non plus
qu’vne fortune éceruelée, ne m’ont pas renduë
considerable dans le siecle ; mais pour tromper
mon mauuais sort, ie prendray mesme son
inimitié pour vne preuue de ma valeur, & en

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qualité de persecutée des horreurs de la vie,
I’offriray à Vostre MAJESTÉ, de la part de
la France, ses passions & son zele à vostre seruice ;
Le Roy & la Reine Regente vous témoignent
sans intermission, ce que leurs Majestés
veulent rendre d’honneur & d’affection à la
vostre, qui leur est tres-chere & tres-considerable :
Et nos Princes ont esté rauis de vostre
retour en France, comme ils l’ont témoigné
tant à la Cour qu’à Sainct Germain en Laye,
acourant de toutes parts, pour auoir l’honneur
de salüer vostre Majesté ; Et le reste du
Royaume, ne diferant point à vn si doux mouuement,
ont fait voir à vostre Majesté ce que
la memoire de Henry le Grand & de Louïs le
Iuste exige sur tous les esprits de cette Monarchie :
SIRE. vostre Royal visage ayant beaucoup
des lineamens de nos Princes, nous y
trouuons les charmes de nos vœux, & les asseurances
de nos joyes : Cette douceur & ce
brillant de Bourbon, est vn tiltre pour l’acquisition
de mille Lauriers ; il n’est point de
resistance aux armes & aux attraits de ce petit
Fils d’vn Monarque qui a fait trembler toute
la terre ; & quelques pernicieux desseins qu’on
veuille former contre vostre Couronne, Vostre
Majesté sera toûjours victorieuse & triomphante ;

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Ce grand Dieu qui dispose des ascendans
comme il plaist à sa Sagesse eternelle,
veut donner à vostre regne les benedictions
que vostre Vertu & celle de la Reine vostre
tres-honorée Mere méritent ; sa pieté, l’éclat
& le flambeau de nos jours sera vn des
apuis de vostre autorité. Oüy, SIRE, le
Ciel vous remettra sur le Trosne pour y prononcer
souuerainement les Decrets de vos
ordres ; les choses du monde sont dans cette
vicissitude, que les prosperitez & les disgraces
ont leur tour, leur progrez & decadence,
& lors qu’vne constance judicieuse accepte
les amertumes de la douleur, elle reçoit abondamment
les consolations qui la suiuent ; Nos
ames sont sorties du sein de la Diuinité, &
participent à ses Attributs adorables ; & quoy
qu’elles soient toutes égalles, elles agissent
par la difference des organes, qui font admirer
les vns, & deplorer l’impertinence des
autres, le vice rehausse la Vertu, & les tristesses
sont d’ordinaire les ouurieres de nos felicitez.
Il est vray, SIRE, que nous serions
des ignorans, si nos jours n’auoient esté trauersez
de se meslange necessaire, qui est le
Precepteur de nostre conduite ; la Comedie,
le Bal, le festin, & la Musique, n’apprennent

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rien à nostre raison ; mais les afflictions instruisent
& perfectionnent nos esprits, d’vne
façon que nul ne peut comprendre que par
vne étude penible & malaisé : la volupté est
ennemie des hõmes, son vsage peruertit tout ;
si bien qu’il faut auoüer qu’il n’appartient
qu’aux cœurs genereux d’estre attaquez, &
de resister aux atteintes de cette ennemie des
suprémes & excellentes creatures ; Le Dieu
Auteur de la nature s’estant incarné, a toûjours
esté exposé à l’iniquité des hommes ; si
bien que c’est vne marque de Vertu d’auoir à
combattre les monstres de l’enuie & de l’injustice.
SIRE, vos dignes habitudes seront
les armes inuincibles qui s’opposeront à leurs
efforts, Vostre Majesté agira auec honneur,
prudence, & force ; & auec la main du tout-Puissant
surmontera ces dangereux Lutins,
qui troublent la quietude de son regne ; les
Diadesmes sont de la disposition de Dieu, on
les reçoit de ses bontez, sa protection donc
est indubitable : C’est aussi cette premiere
cause qui arme toute la Chrestienté pour vos
interests ; & nous esperons que la Iustice que
vous ferez de ces meurtriers sera si haute & si
sanglante, que tous les rebelles fremiront
dans l’horreur de leurs crimes, tous nos ressentimens

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cederont à celuy de vostre legitime
vengeance ; & les glorieuses émotions de
nos Guerriers seront si puissamment animées,
que les armes Françoises ne respireront que
l’extermination de vos ennemis, & la seureté
de vos Estats. SIRE, il n’y a point de mediocrité
dans nos ardeurs, la mort est tres-precieuse
& honorable, lors qu’vne legitime
occasion la cause ; & la memoire s’en conserue
auec tant d’aplaudissement & d’éloges,
que ceux qui restent ont dequoy enuier ceux
qui passeront eternellement pour les dignes
descendans de ses premiers François qui ont
fait tant de merueilles : Vostre Majesté s’affermira
sur les ruines de ce peuple farouche &
sanguinaire ; & auec vn Conseil Chrestien &
fidele, ostera à ses Iuges inhumains la faculté
de disposer de la vie de leur Maistre ; Dieu
changera le siege de ses peruers, & enuoyera
sur leur teste coulpable les foudres de son indignation,
pour seruir d’exemple à toute la
terre. SIRE, pardonnez-moy, s’il vous
plaist, si ie r’appelle vos soûpirs par le souuenir
de leur sujet, s’il y a de l’imprudence, il
y a aussi beaucoup de zele ; Il est vray que vos
peines passées sont les Astres fauorables de
vos satisfactions à venir, parce que Vostre

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Majesté a receu de l’affliction, elle doit se
promettre du contentement ; apres que la
Mer a esté en tourmente il faut qu’elle s’appaise,
le calme vient apres l’orage : SIRE,
voicy le temps de vos satisfactions qui approche,
ce grand Dieu vous enuoyera des Anges
& des hommes pour regler les desordres
de vos Estats, & vne belle Princesse pour
donner des successeurs à vos Lauriers & à vos
Couronnes rafermies : C’est ce que vostre
Majesté doit croire, & que tout ce qui a esté
son contraire sera trop heureux de flechir
sous sa domination ; la benediction du Ciel
sera sur vous & vos Sujets, ils recognoistront
que le Seigneur vous a choisi pour estre leur
Roy Debonnaire & Iuste. C’est ce que j’ose
vous asseurer de la part des bons François,
auec tres-humble fidelité & zele, en qualité,

 

SIRE,
De VOSTRE MAJESTÉ

La tres humble & tres-obeïssante
seruante,
SVSANNE DE NERVESE.

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