Nervèze, Suzanne de [1649], DISCOVRS HEROIQVE PRESENTE A LA REYNE REGENTE Pour la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_1124. Cote locale : A_2_36.
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DISCOVRS HEROIQVE
PRESENTE
A LA REYNE
REGENTE
Pour la Paix.

A PARIS,
Chez GVILLAVME ET IEAN BAPTISTELOYSON
au Palais.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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DISCOVRS HEROIQVE
PRESENTÉ
A LA REINE
REGENTE
Pour la Paix.

MADAME,

Ceux qui nous font du bien ont vn empire si
absolu sur nos volontez, que les peuples qui ont
idolatré vn Iupiter vn Mars vn Mercure vne Diane vne
Iunon se sont persuadez que c’estoit leurs Dieux & Déesses
tutelaires, lors qu’ils ont encensé leurs Auteis, & offert les victimes
sanglantes à l’immolation erronée d’vne fausse &
phantastique diuinité : Il est vray que toutes les Natiõs les plus
barbares se soumettent aux biens-faicteurs, & il n’est point de
cœur qui resiste aux attraits de la bonté quelque indomtable
qu’il puisse estre, s’il n’est absolument priué de raison & de
toute ratiocination iudicieuse, mais comme nous sommes
attachez par les faueurs, nous sommes aussi blessez dans la
rencontre de la peine, ce qui nous incommode, altere nos
affections ; & quelque grace qu’vne main ennemie possede
de nous est odieuse, si elle s’arme pour nous nuire tant nous
sommes naturellement portez contre ce qui nous choque, &
à l’aigreur de nos ennemis, la nature mesme est continuellement
en contraste dans ces oppositions, & pert dans le combat
& la resistance toutes les forces de son composé, vsant
esgalement les deux parties qui se piquent dans ces efforts.
Mais comme la Loy de Dieu ne nous engage qu’à la souffrance,

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les couronnes qu’il nous promet sont seulement pour
les debonnaires, qui passent par obeïssance chrestienne au
dessus de l’iniure sans resentiment, prient pour ceux qui
les persecutent, & ne veulent point d’autre vangeance que
l’honneur d’estre tousiours exposez au tourment continuel
qui produit vn merite infini : La vertu ne consiste pas a vn
acte simplement, il faut vne habitude glorieuse pour pretendre
à l’aduantage d’vn tiltre superlatif, Madame, c’est
par ce digne assemblage des parfaits escarboucles d’vne vie
remplie de candeur & de probité, que les tissu des diuines
vertus dont vostre Maiesté est toute brillante ont fait voir à
vos peuples, que la douceur de cette Paix si necessaire à l’Estat
& à nostre salut, est vn effet de vostre pieté & vne preuue
tres concluante de vos bontez & des soins que vous auez
d’vne Regence qui nous est si chere, plaise à celuy qui a soin
de vostre diadesme & de nostre repos d’accepter toutes les
larmes des veufues & des orphelins, le sang respandu des suiets
du Roy, dans vn pitoyable malheur en expiation des
fautes d’vne imprudence tres punie, & que iamais plus il
ne paroisse, ny colere ny esmotion royale, ny publique en
France, Madame, vos Maiestez oublieront ie m’asseure le
pouuoir comptable que vous auez d’exterminer & de destruire,
& n’agires qu’au restablissement des oppressez,
comme des progeniteurs qui ont pardonné leurs enfans, &
i’ose bien asseurer qu’il s’en trouue peu des coupables d’vne
disgrace si sensible, mais il n’apartient qu’a celuy qui fait luire
son soleil sur les bons, & les mauuais de faire vn dicernement
de cette condition, auec le temps, sa Iustice separera le
bon grain de liuoyre, & ostera de la confusion & des tenebres
les pensees fermes & heroïques dans cette infaillible attente,
vos Maiestez peuuent dire aux Parisiens ce que nostre
Seigneur dit à la Magdelaine beaucoup de pechez luy sont
pardonnez, par ce qu’elle a beaucoup aimé. Il faut aduoüer
cette verité, & que le François est tres loüable dans cette
extreme passion qu’il à pour son Prince, toutes les deuises
de leurs enseignes de guerre estoient les tesmoins de leur zele,
il ne respiroit que le repos & ne combattoit que pour le

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pain, & à l’vn & à l’autre, ils ont merité l’honneur de vos
graces & le charme de leurs douleurs, Madame vos ardentes
deuotions & les ieusnes austeres que vous faites en cette
saincte saison ont eu pitié de ceux que nos indigences nous
ont ordonnez, & lors que le temps de nostre redemption
nous est representé par l’Eglise, vostre bonté touchée de nos
clameurs nous remet au premier point de nos tranquillitez,
toutes choses reprenent leur esclat au iour de la iustice que
vous aués rendu a nos soupirs & a nos l’armes, les obiets ont
leur premiere beauté, & si vos Maiestez se venoiẽt asseoir dãs
leurs Palais, & leurs Louures de c’ette belle ville iamais elle
n’a esté plus pompeuse & magnifique, mais de cette felicité
qen sera ce que Dieu en voudra ordonner, pourueu que nous
soyons certains de vos santés & de nos protections, nous viurons
despoir & de desir pour le bien de nostre Monarque,
& celuy de vostre Maiesté, tout le monde se promet que cette
paix vniuerselle resussitera tous nos contentemens, mais
personne nignore que la plus importante ne soit celle que
vous nous aués donnée, les anciens auoient vn Templededié
au Dieu de la paix, la France donne ses vœux & ses aclamations
a vostre Maiesté comme à la puissance fauorable qui
a exaucé ces tristes gemissemens, que toute la terre vous comble
d’honneur & de benediction, & que dans les cœurs de
vos fidelles subiets, vous trouuiés autant d’autels ou le seruice
de vostre Maiesté soit le vray agent de tous leurs mouuemens,
qu’est ce que nous ne deuons pas a vne grande Reyne
de qui les humilitez & les modesties donnent des leçons à
toutes les Dames de son Royaume & de l’vniuers, exempte
de passion & absolument sobmise aux sages Directeurs, de sa
conscience, qui n’a que des Roys, des empereurs & des Sainct
& des Sainctes pour les chers parens du sang & les modeles
de ces actions pieuses Madame, ce grand Dieu qui nous à
choisi pour le bien de la France s’offenceroit de nos mecognoissances,
si nous ne donions a ce bon-heur tout ce que
nous sommes capables de cõceuoir de gratitude & destimé a
l’excellence de uos œuures, le Seigneur soit loüe a tous le s
siecles qui à disposé vos mouuemens, par les ordres sacrez

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de sa supreme sagesse, la campagne reuestue desmail & de
parure ne sera plus rougie de sang de cruauté & de carnage
elle sera embellie des fleurs & prendra vn nouuel ornement
pour deslasser l’Esprit de vostre Maiesté des fatigues d’vn soin
importun, & au lieu des soupirs funestes des pauures malheureux,
les ramages charmants des oyseaux & les doux
coulant murmure de riuiers & des fontaines, diront à vostre
abort de la part de leur souuerain, que toutes les creatures
se pressent pour donner plaisir a cette grande Reyne qui a
chassé les douleurs & les l’armes de son Royaume, il n’est si
petit bergerot qui en benissant, son pain bis, ne benisse vostre
Maiesté de l’auoir deliuré de la tyranie & de l’insolence du
soldat. Madame, pensez ie vous suplie de quel prix est le repos
de tout vn peuple & permettez nous d’en porter la gloire
que vous auez aquise par les accéns de nostre zele autant
que nous respirerons l’aise d’vne vie paisible & douce, que
le brutal & le mecognoissant, sacrifie aux pieds de cete
pieuse Reyne les deireglemens, de son Esprit, infame &
mercenaire, & que le suiet de quelque inuention pernicieuse
ne le fasse plus choqquer contre les loix du deuoir
& de l’honneur, la iustice tient le poids & la balance,
pour rendre au méchant ce qu’il a peu aquerir de iustice
& de punition, il est vray que la misericorde regne
hautement, elle tient son siege & son empire parmy nous
à l’aduantage de nos defauts, mais sans encourir le blasme
de malicieux, nous ne pouuons pas abuzer de son indulgence,
il faut, aiuster toutes nos pensées, & les vnissant
en celuy qui est tout amour, par reflection soubmise à
vne subordination necessaire, nous rendrons à nos superieurs
& Maistres les deferences, que leur rang exigent de
nos raisonnemens, & lors que nous subirons la loy
nous resterons si satisfaits, que nous brauerons le destin
& le bisarre cours de ces muances, il fut fondé autrefois
à Rome vn Temple, à la vertu & a l’honneur & l’on
ne pouuoit aller a celuy si que par le premier comme
sa porte & son passage, ceste relation se trouue dans nos
deuoirs diuins & humains, mais le principal but que nous

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deuons auoir c’est d’aimer & honnorer nos Princes plus
pour leur legitime domination, que pour l’espoir d’vne
fortune, aueugle & incertaine, car Dieu qui a ordonné
les puissances superieures benit l’amour que les subiets
portent a leurs Roys, qui sont ses images en terre, de
cet amour procede la crainte, le respect des Loix du
Prince l’obeissance de ses commandemens & la ialousie
de sa gloire, & ces biens doiuent estre d’autant plus
estroits, que le prince est bon & glorieux, la ieunesse
du nostre est soutenue de vostre Maiesté, auec tant de
fermeté, que nous pouuons bien dire & a meilleur tiltre
que ce diserte Cheualier Romain parlant du l’oüable
siecle de Traian, que nous sommes tres heureux de respirer
soubs la lumiere de vostre regence, puis que vous
n’aués trouué du repos que vous n’ayés terminé nos miseres,
nous auons passé la mere rouge des tumultes & d’alarmes,
mais par vos bontés, nous sommes dans la terre
de promission, vostre Maiesté deuant estre vn astre brillant
de mille clartés esbloüissantes, se doibt autant signaler
par sa pieté que par sa puissance, & le Ciel qui a mis
dans vostre a me tant des grandeurs en benira l’esclat & rendra
vostre splendeur tres-heureuse, vostre prosperité
temporelle & eternelle seruira dexemple à toute la terre, &
vos volontés donnerons agreablement la Loy à tous vos
subiets sans diuision n’y repugnance. Madame, ma plume
qui a tousiours voué ces trauaux a l’honneur de vostre nom
n’a pas attendu les auctorités d’vne regence pour témoigner
mon zele tres humble, tous les temps sont esgaux à mes
fidelités, quoy que ie porte vn visage de douleur, mon cœur
est inflexible dans les fermes mouuemens de ces deuotions,
si vostre Maiesté se forme a l’exemple d’vn Dieu, elle ne me
iugera pas par les defauts de mes biens, puis qu’elle me peut
perfectionner quand il luy plaira, mais par le long estude
que ie fais à l’honeur de son seruice, les saisons qui ont veu
tant des changemens n’en ont point trouués chez moy, non
plus pour mes treshumbles deuoirs à vostre Maiesté que pour
les manquemens de ma chestiue vie, & quoy que ie souffre

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sans murmurer les amertumes de mes iours, il semble que
mes tristes l’angeurs en des accusations esloquentes contre
les grandeurs qui me cõsiderent, ie m’imagine que lors que ie
ne seray plus ma souffrance sera censurée & mon mal regreté
j’auoue pourtant que ie souhaiterois quelque allegemẽt, aduant
cela mais ie ne puis pretendre à cette douceur que par
les mouuemens d’vne generosité & pieté Royale, & cette supreme
& auguste vertu que mes humilités osent encor implorer
en qualité.

 

MADAME,

De vostre Maiesté,

La tres-humble & tres-obeyssante
seruante & suiette,
S. D. N.

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