R. [signé] [1649], LA MINE EVENTEE DE IVLES MAZARIN Par vn Ingenieur. AVEC VN SONNET à Monseigneur le Duc de BEAVFORT. , françaisRéférence RIM : M0_2469. Cote locale : A_6_22.
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LA MINE
EVENTEE
DE
IVLES MAZARIN
Par vn Ingenieur.

AVEC VN SONNET
à Monseigneur le Duc de
BEAVFORT.

A PARIS,
Chez MICHEL METTAYER, Imprimeur ordinaire
du Roy, demeurant en l’Isle Nostre Dame sur le
Pont Marie, au Cigne,
M. DC. XLIX.

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LA MINE EVENTEE
DE
IVLES MAZARIN.

BIEN que ce tiltre specieux soit doublement equiuoqué,
Il n’a toutesfois aucune signification, qui
n’explique, & ne s’applique parfaitement au suiet de
ce discours ; soit que l’on prenne cette Mine pour le visage,
ou pour cette façon de bouleuerser, & faire breche aux
Foiteresses que l’on attaque.

Nous passerons neantmoins legerement sur le premier
sens, & nous contenterons de dire que la Mine de Iules Mazarin
est veritablement euentée, & que ce n’est pas sans
raison que les Philosophes nomment les yeux les fenestres
de l’ame, nous representans le visage comme vn Liure oû
l’on peut lire les passions qui nous agitent interieurement.

Il s’est trouué beaucoup de personnes qui ne connoissans
Mazarin que par les Pourtraits qu’ils auoient veu de
luy, ont iugé qu’il auoit authorisé le prouerbe de Bonne
Mine & mauuais Ieu. Mais tous ceux qui l’ont consideré
de plus prés ont reconneu sur ce visage toutes les marques
d’vn égarrement & inegalite d’esprit, & que sa pnisionomie
ne differoit en rien de la conduite de ses actions : En
effet si nous voulons fueilleter les plus memorables de son

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ministere, nous n’y verrons que des pas de Clerc, & des
fautes indignes de cette charge, qu’il s’est effrontement
appropriée, ses maximes sont autant d’extrauagances, ses
desseins des chimeres qui ne peuuent estre enfantez que
dans son esprit capricieux, Il execute auant que de deliberer,
ce fait les choses sans en considerer la fin ny le
succez bref sa teste euentee monstre la foiblesse & l’instabilité
de son genie.

 

Mais passons au principal de nostre suiet, pour l’intelligence
duquel il est necessaire de traiter quelque chose
de la maniere d’attaquer, & de miner les piaces de guerre
selon les maximes que l’on obserue à present.

L’on n’attaque ordinairement que les places ennemies,
& l’Attaquant est le plus souuent estranger dans le pays auquel
il fait la guerre : S’il veut assuiettir quelque Prouince
il s’attaque à la Ville principale la plusforte, estant tres-asseuré
que s’en estant rendu maistre, les autres ne sont pas
capables de luy resister. Si par la force ou l’intrigue de
quelque stratagesme, il peut auoir en sa puissance le Prince
ou le Seigneur de cette Region, il la tient deslors à demy
gaignée : mais en cas que ees Villes soient munies de fortes
Citadelles, & commandées par de genereux & fidelles
Gouuerneurs, il se resout enfin d’en venir à la force, exerce
toutes les hostilitez possibles, rauage & desole entierement
le plat pays, & pour venir à bout de son dessein, choisit
quelque eminence ou hauteur auantageuse qui puisse
commander à la place qu’il assiege, où il dresse vne batterie
pour fauoriser les approches, Il ouure ensuite la tranchée
qu’il conduit par des lignes obliques, & quantité de
detours iusques à la contrescarpe, afin de n’estre pas enfilé

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par le Canon de la place assiegée : Par apres il faict vne
gallerie pour passer le fossé, sappe le pié du Bastion, fouille
la terre, & sa voute estant faite la remplit de tonneaux de
poudre : s’asseurant que cette Mine venant à jouër fera la
breche suffisante pour faire monter ses gens à l’assaut, saccager
la Ville, esgorger ses habitans, s’emparer de leurs
biens les mettre au pillage, & triompher superbement de
la deffaite de ces miserables. Mais si l’Attaquant employe
tous ses moyens pour venir à bout de son entreprise, le
Gouuerneur assiegé fait son possible pour luy resister : Il
mesprise ses menaces, demonte ses pieces, ruyne sa Tranchée,
faict des sorties victorieuses, rompt sa gallerie, euente
sa Mine, & tourne son effect au desauantage des assiegeans,
qui les contraint à la fin de leuer honteusement le
Siege, & s’en retourner chez eux en vn ridicule equipage.

 

Voyons si Iules Mazarin s’est bien seruy de ces maximes,
examinons sa conduite, puis que nous auons si clairement
reconnu son dessein : mais admirons aussi la prudence,
& la valeur de ceux qui luy ont si puissamment resisté
que l’on les peut nommer les Anges tutelaires d’vn
Estat, que cét Estranger affamé vouloit sacrifier à son insatiable
ambition : Cét Estat florissant qui s’est conserué
tousiours inesbranlable parmy les reuolutions & decadances
de toutes les autres Couronnes de la Terre, vn Estranger
dis ie d’vne naissance extremement abiecte en auoit
coniuré la ruyne, & pour s’en emparer abusant de la foiblesse
de l’aage de son Auguste Monarque & de l’affection
de ceux qui le gouuernoient, s’en est rendu le maistre
absolu par ses fourbes naturelles à ceux de son pays.
Tellement que sous le pernicieux titre de Ministre d’Estat,

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il a tranché iusques icy de la puissance Royale, & commandé
comme à baguette les Princes & les Parlemens :
mais quoy qu’il ait possedé le Roy, voyant des Gouuerneurs
si vigilans, il s’est bien trouué loin de son compte,
reconnoissant à la fin que la conqueste de cét Estat n’estoit
pas si facile qu’il s’estoit immaginée, C’est pour cette
raison qu’il s’est voulu seruir de la force & pratiquer toutes
les damnables maximes d’vne guerre iniuste & sans suiet
apres auoir fouragé le pays, ruyné les habitans des
Villes & Villages & tiré le sang du pauure peuple par des
taxes & concussions immoderees. Il s’est temererement
attaqué a cét Auguste Senat iugeant auec raison cette citadelle
la plus forte, & la mieux munie pour la deffence
de l’Estat, & que l’ayant subiuguée le reste luy seroit extremement
facile à vaincre. Cette place eminente dont il
a fait sa premiere batterie, est la dignité releuee de Ministre
qu’il exerce auec tant d’indignite, ses actions sont le
nom & l’authorité du Roy dont il dispose iniustement à
lencontre de ses bons & fidelles suiects, Ceste tranchée
oblique font voir appertemẽt ses fourbes & ses destours,
qu’il a tousiours gauchy dans ses actions, & qu’il n’a iamais
esté droict ny rondement dans les maximes de son procedé,
cette Gallerie sont les forces de quelques Princes attirez
à son party par des prestiges secrets & inconnus, desquelles
forces il se couure & munit son imbecille foiblesse,
cette sappe sont les secousses violẽtes qu’il a données à ces
constans Senateurs, en ayans emprisonné quelques-vns &
fait mourir les autres, Cette terre foüillée sont les tresor
qu’il a tirez de cét Estat, & fait transporter aux pays esloignez :
mais sur le point de faire iouër sa mine & faire bresche

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à cette forteresse inesbranlable. Ce Parlement Illustre
qui ioint la prudence à la force a descouuert ses pernicieux
desseins & ses mauuaises intentions qui ne tendoiẽt
qu’à la ruine generale de cette Monarchie. Il a bien iugé
que les genereuses sorties qu’il auoit fait tant de fois de
Paris à sainct Germain, ou combattant par la force de la
raison. Il auoit mis cét ennemy dans l’estat de ne se plus
seruir que d’vne violence brutale, n’estoient d’oresnauant
plus de saison, puisque ce fourbe industrieux sous des pretextes
dissimulez d’accommodement & de paix, auoit atteint
la plus saine partie de nostre Citadelle, que cette mine
traistresse alloit renuerser ses plus solides fondemens, si
elle n’estoit iudicieusement euentée par de iustes contremines,
opposant la force à cette iniuste violence, qui la faict
creuer & produire des effects bien contraires à ses intentions,
& qui le vont accabler sous les ruines dans lesquelles
il nous vouloit en seuelir, il voit bien qu’il ne les peut éuiter,
que tant de bras armez cotre cét vsurpateur rendent sa
perte tres-asseurée, & que la seule grace qu’il peut esperer
est de s’en retourner en son pays dans le mesme estat auquel
il en est sorty, nous abandonnant les mines d’or & d’argent
qu’il a foüillées, & qu’il recelle auec tant d’iniustice dans
la France & les autres Prouinces de l’Europe.

 

FIN.

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POVR MONSEIGNEVR
le Duc de Beaufort.

SONNET.

A MAZARIN.

 


IN solent Estranger dont la brutale enuie,
Comme vn fleau de Dieu pour perdre les humains
Arme cruellement tant d’homicides mains,
A leur rauir les biens & leur oster la vie.

 

 


Monstre de qui la faim n’est iamais assouuie,
Excrement de l’Espagne, & rebut des Romains,
Qui pense par l’effort de tes faits inhumains
Rendre sous ton pouuoir nostre France asseruie.

 

 


Que tes proiets sont vains, & que tu t’es mépris,
Lors que dans le dessein de saccager Paris,
Sa prise ta semblé commme vne bagatelle.

 

 


Mais apres t’estre veu braué de toutes parts,
Depuis que ce BEAVFORT en est la Citadelle
Pretens tu bien encor de forcer ses remparts.

 

R. INGENIEVR

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R. [signé] [1649], LA MINE EVENTEE DE IVLES MAZARIN Par vn Ingenieur. AVEC VN SONNET à Monseigneur le Duc de BEAVFORT. , françaisRéférence RIM : M0_2469. Cote locale : A_6_22.