Vaudémont, Charles de / Charles IV, duc de Lorraine [?] [1649], LA DECLARATION DV DVC CHARLES, FAITE A NOSSEIGNEVRS DE PARLEMENT ET AVX BOVRGEOIS DE PARIS, EN FAVEVR DE LA FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_897. Cote locale : A_5_2.
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LA
DECLARATION
DV DVC
CHARLES,

FAITE A NOSSEIGNEVRS
DE
PARLEMENT
ET AVX BOVRGEOIS
DE PARIS, EN FAVEVR DE
LA FRANCE.

A PARIS,
Chez la vefue IEAN REMY, ruë S. Iacques, à
l’image S. Remy, prés le College du Plessis.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LA DECLARATION DV DVC CHARLES,
faite à Nosseigneurs de Parlement, & aux Bourgeois
de Paris, en faueur de la France.

IL n’y a rien qui soit plus charmant
pour attirer vne ame ambitieuse, que
de luy promettre des dons immenses,
immunitez & prerogatiues : il n’y a acte
d’injustice qu’elle ne commette, ny laschetez
où elle ne s’abandonne, l’honneur ne la touche
point : ses plus fortes passions ne visent qu’à s’éleuer
au debris & à la perte de son prochain, sa conuoitise,
aussi infame que mercenaire, captiue ses sens,
& l’a fait tomber dans toute sorte de crimes : elle exile
la Vertu, fait triompher les vices : son insolence s’étend
par tout, & sa cruauté n’a point de bornes, les
pleurs ny les larmes ne la peuuent fléchir, aussi on
peut dire qu’elle est l’image d’Enfer : veu que cette
maudite passion y tire son origine, elle a de puissans
attraits, veu que c’est vne magie, de laquelle plusieurs
cœurs sont ensorcelez. Iamais ie ne me suis
laissé dupper par ses blandices, ny flatter par ses carresses,
ny emporter par ses promesses.

Et en cela i’en atteste la Cour d’Espagne, qui sçait
que Mazarin m’a fait offre de deux millions & me remettre
dans la possession de ma Duché de Lorraine,

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pourueu que ie voulusse seconder ses desseins, qui
sont de perdre la France, & saccager le plus vertueux,
le plus sage pour sa conduite, & le plus équitable Senat
de l’Vniuers, qui maintient la Monarchie, & que
par ses deliberations, par ses soins & bons aduis, joint
auec les armes fait des prodiges auec des succés dignes
d’admiration ; la Iustice est vne Vertu qui est
d’autant plus noble que la force, que c’est elle qui l’a
fait surgir à bon port : car à quoy seruiroit d’auoir vne
force imaginable si elle n’est dirigée par la Iustice, qui
luy donne le mouuement & l’addresse d’entreprendre
par ses bons conseils, sinon la force sans Iustice
est vn desordre, qui ne peut subsister, & qu’ainsi ne
soit elle passeroit pour tyrannie.

 

Donc, la Iustice & Magistrature est plus noble que
la force, aussi elle est diuinement instituée pour gouuerner
les peuples qui sont obligez en conscience,
d’acquiescer à ses Loix, & subir à toutes ses Ordonnances.

Depuis le temps des baricades iusqu’à maintenant,
i’ay esté sollicité par cét odieux Ministre, pour m’engager
dans ces malheureux desseins, auec les promesses
susdites, témoins l’Archiduc Leopold, auquel il a
fait aussi de grandes promesses, & semblablement au
Roy d’Espagne, luy voulant remettre toutes les places
qui sont assuietties à la France par la force des armes,
luy liurer des passages, moyennant que pour affermir
sa fatale entreprise, luy seroit enuoyé vne armée :
Mais ce grand & Illustre Monarque, & ce Magnanime
& vertueux Prince, l’ont rebuté, ne voulant

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pas fauoriser vn ennemy si terrible & vn Estranger si
criminel, pour perdre le plus glorieux & aymable Senat
du Monde, & le Royaume le plus beny, les promesses
& importunitez tant de fois reiterées par ce
mauuais Polityques, n’ont pas moins esté infructueuses
en mon endroict, qu’a ces deux genereux Princes,
ausquels il a si souuent trompe & proditoirement fait
des laschetez, & rendu complice de la ruy ne de cette
Monarchie Espagnole.

 

Nous aurions bien rauagé les frontieres de la France,
& ampieter iusque dans son sein, nous seruans de
cét occasion, ayans tiré les garnisons & le canon des
Villes, au moyen dequoy nous pouuions passer librement
sans aucune resistance, à la faueur d’vn gros
corps d’armée que nous auons : mais ce reproche ne
nous sera iamais fait, que d’auoir trempé dans vn si
mal-heureux attentat, & seruy d’vne si pernicieuse
occasion que de ruiner la France, & perdre vne si noble
Compagnie, composée de si illustres Senateurs,
qui portent la gloire de leur nom par toutes l’Europes :
c’est à vous grands & heroïques Magistrats, qui
estes l’ornement de la Iustice, la gloire de Paris & les
Peres de la France ; c’est à vous dis ie incomparable
societé, à laquelle ie n’ay que des vœux de bien-veillance,
vous protestant que mes armes ne se porteront
iamais contre vous, ny contre la France, au contraire,
ie vous les offres, ainsi qu’a fait les siennes le Roy tres-Catholique,
ce sera d’vn franc cœur que ie me porteray
contre vostre ennemy, & afin que ne me teniez
point pour suspect, ie donneray ostages vallables &

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suffisant & fortifieray vostre party de quinze mil hommes
& plus s’il est besoin.

 

Ce Critique & malicieux Mazarin, a fait courir le
bruit (pour intimider les simples) que mon accord
de pacification, & remise dans mon bien, estoit moyennant
que mon armée se ioigneroit à ses armes
pour satisfaire plus facilement à sa rage & passion
contre ce fameux Parlement.

Non, non, ie veux que tout le monde sçache que
i’aimerois mieux auoir perdu cent Duchez, que d’en
posseder autant par vne lasche action comme celle-là,
ie serois bien priuè du sens commun, si i’embrassois le
mauuais party de celuy qui est cause de la perte de
mon bien, & qui par ses mauuais conseils enuers le
Cardinal deffunt, a esté cause que ie ne m’ay pû reconcilier
auec le Roy deffunt, ce sont esté par les ruses
& intrigues de ce cauteleux estranger, qui ont diuerty
mon accord auec la France : il a des-vny l’amitié
que ie deuois auoir pour elle, & que ie deuois garder
inuiolablement, estant annexée par proximité auec
mon Duché, neantmoins ie n’ay aucun fiel pour elle,
& si elle a conceu quelque haïne contre moy, c’est vn
effet, qui ne peut proceder que de l’industrie de cét
ennemy, qui par de faux libels a fait courir le bruit
que i’auois violé mes promesses faites au Roy defunt,
tant s’en faut ce fut luy qui donna aduis au Cardinal
de Richelieu de n’effectuer sa parole : & ainsi Mazarin
a continué ses inuentions ordinaires pour nourrir, les
troubles & les guerres, en vn mot pour depoüiller
(ainsi qu’il a) la France de tout son bien & d’auoir le
reuenu du mien.

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C’est de vous, Messieurs, de qui i’attends Iustice,
vous estes deputez comme tres-sages & iudicieux,
pour estre mes arbitres, ie me sousmet à vostre Iugement,
vos consciences sont trop pures, pou m’estre
defauorables, vous agirez auec les dénommez, auec
esprit d’équité, ma cause vous est connuë & plus visible
que le Soleil.

Cependant ie ne puis trop loüer vostre genereuse
action : iamais le Ciel n’en pouuoit faire naistre vne
plus glorieuse : ceux qui semblent estre ennemis des
François en enuient la gloire, & voudroient participer
à vn tel bon-heur ; Vous immortalisez vostre illustre
reputation par vn faict digne des loüanges de la
posterité, cette heureuse conjonction de la Iustice
auec les armes, ne peut assez trouuer de Panegiriques
pour en exprimer l’excellence, veu que c’est pour la
gloire de Dieu & pour le repos de son Peuple que vous
agissez, c’est pour chasser cét oppresseur venu d’vne
terre qui n’est feconde qu’à produire des Tyrans.

Ie louë aussi les Bourgeois de la plus celebre ville du
monde, du bon soin qu’ils apportent à seconder vos
glorieux desseins par le moyen de leurs armes, ce sont
vos bons promets qui les font agir, c’est sous vostre
bonne conduite qu’ils portent l’estendart, & ce sera
par le mouuement de vostre sage conduite, qu’ils auront
vn tres-heureux succez. Ce cruel ennemy, enfante
des pensées tristes comme la mort, de voir vne
telle ville & vn si grand nombre de peuple bandée
contre luy. Et ce qui luy iette d’auantage de confusion
sur son visage, c’est qu’il voit que tous ses malefices

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& mauuaises procedures sont manifestées.

 

Toute la France se reioüit à la veuë qu’elle a d’vn
triomphe qui luy est inéuitable, elle vous en aura,
Messieurs, des obligations d’autant plus grandes, que
sa misere vous a donné de compassion, & fait quitter
vostre repos, pour vaquer à vne si heroïque entreprise.

Madame de Chevreuse m’a mandé qu’elle vouloit
appuyer vostre party ; ie ne puis m’empescher de dire
qu’il y a de secrettes inspirations & mouuemens qui
semblent exciter mesme vn sexe le plus fragile, &
faire renaistre le siecle des Amazones. Dieu est iuste
& ne veut pas qu’vn si insigne pillard demeure à impunir,
& que si les hommes luy sont indulgens, que
les femmes se rendent plus seueres & ne le laissent
dans l’impunité.

Ie ne puis m’empescher de dire l’excés de la bonté
de la France, d’auoir laissé si long-temps ce Tyran qui
luy a osté tout son bien, pour subuenir au luxe de ses
Nieces, a enrichir ses parens qui sont sortis de la lie de
l’Italie, & à faire bastir à Rome des superbes Palais, &
des sommes immenses, pour des emmeublemens, &
pour faire venir en France vn grand nombre de Statuës,
representans les Tyrans qui l’ont precedé ; bref
les millions qu’il a dissipez, l’excés de sa table & de
son train, c’est le sang du peuple qu’il a tiré comme
vne Sangsuë, & qui crie à present vengeance.

Ce cruel Mazarin est cause de la mort de plus de dix
millions d’hommes depuis qu’il est en ce triste Climat,
ma Duché a veu les effets de son carnage : il est

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cause de la mort du Roy d’Angleterre, luy ayant rauy
la liberté des passages, & au lieu d’auoir porté les armes
du Roy pour empescher cette inhumanité Angloise,
il les a portées contre les propres sujets du
Roy & contre sa Monarchie : & partant cette illustre
Compagnie a eu droit de le declarer son Ennemy &
perturbateur du repos public ; Si ces deprauez Anglois
ont trempé leurs mains parricides dans le sang
d’vn Roy innocent, pourquoy les François ne se deffendront-ils
pas d’vn infame Tyran ?

 

Non, non Paris a trop de cœur, son interest & son
salut l’y obligent, le Ciel & la terre veulent que ce
Tiran perisse, afin que par sa perte l’on trouue son salut,
tous les Royaumes y sont interessez, aussi s’il est
besoin ils contribuëront de leurs forces : pour moy ie
n’attend que l’ordre de ce glorieux Senat, que i’executeray
auec toute sorte de fidelité & d’affection ;
tous les Princes poussez d’vn sainct zele, ont les mesmes
sentimens, aussi ils sont interessez.

I’ay enuoyé cette Declaration pour estre imprimée
à Paris, afin que par la publication d’icelle le peuple
sçache le desir que i’ay de le seruir en vne si bonne
occasion.

R. N. F.

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Vaudémont, Charles de / Charles IV, duc de Lorraine [?] [1649], LA DECLARATION DV DVC CHARLES, FAITE A NOSSEIGNEVRS DE PARLEMENT ET AVX BOVRGEOIS DE PARIS, EN FAVEVR DE LA FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_897. Cote locale : A_5_2.