Vaudémont, Charles de / Charles IV, duc de Lorraine [?] [[s. d.]], LA DECLARATION DV DVC DE LORRAINE, Enuoyée a Son Altesse Royale, faite à Messieurs de Parlement, contre Mazarin. , françaisRéférence RIM : M2_52. Cote locale : B_8_55.
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LA DECLARATION DV DVC DE
Lorraine, enuoyée à Son Altesse Royale, faite
à Messieurs de Parlement, contre
Mazarin.

IL n’y a rien qui soit plus charmant pour attirer
vne ame ambitieuse, que de luy promettre des
donsimmenses, immunitez & prerogatiues : il n’y a
acte d’injustice qu’elle ne commette, ny laschetez où
elle ne s’abandonne, l’honneur ne la touche point :
ses plus fortes passions ne visent qu’à s’éleuer au debris
& à la perte de son prochain, sa conuoitise, aussi infame
que mercenaire, captiue ses sens, & l’a fait tomber
dans toute fortes de crimes : exile la Vertu, fait
triompher les vices : son insolence s’estend par tout,
& sa cruauté n’a point de bornes, les pleurs ny les
larmes ne la peuuent fléchir, aussi on peur dire qu’elle
est l’image d’Enfer : veu que cette maudite passion y
tire son origine, elle a de puissans attraits, veu que
> c’est vne magie, de laquelle plusieurs cœurs sont ensorcelez.
Iamais ie ne me suis laissé dupper par ses
blandices, ny flatter par ses carresses, ny emporter
par ses promesses.

Et en cela i’en atteste la Cour d’Espagne, qui sçait
que Mazarin m’a fait offre de deux millions & me remettre
dans la possession de ma Duché de Lorraine,

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pourueu que ie voulusse seconder ses desseins, qui
sont de perdre la France, & saccager le plus vertueux,
le plus sage pour sa conduite, & le plus equitable Senat
de l’Vniuers, qui maintient la Monarchie, & que
par ses deliberations, par ses soins & bons aduis, joint
auec les armes sait des prodiges auec des succez dignes
d’admiration ; la Iustice est vne Vertu qui est
dautant plus noble que la force, que c’est elle qui l’a
fait surgir à bon port : car à quoy seruiroit d’auoir vne
force imaginable si elle n’est dirigée par la Iustice, qui
luy donne le mouuement & l’addresse d’entreprendre
par ses bons conseils, sinon la force sans Iustice
est un desprdre, qui ne peut subsister, & qu’ainsi ne
soit elle passoroit pour tyrannie.

 

Donc, la Iustice & Magisttrature est plus noble que
la force, aussi elle est diuinement instituée pour gouuerner
les peuples qui sont obligez en conscience, d’aquiescer
à ses Loix, & subir à toutes ses Ordonnanees.

Depuis le temps des barricades iusqu’à maintenant,
i’ay esté sollicité par cét odieux Ministre, pour m’engager
dans ces malheureux desseins, auec les promesses
súsdites, témoins l’Archiduc Leopold, auquel il a
fait aussi de grandes promesses, & semblablement au
Roy d’Espagne, luy voulant remettre toutes les places
qui sont assujetties à la France par la force des armes,
luy liurer des passages, moyennant que pour affermir
sa fatale entreprise, luy seroit enuoye vne armée :
Mais ce grand & illustre Monarque, & ce Magnanime
& vertueux Prince, l’ont rebuté, ne voulant

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pas fauoriser vn ennemy si terrible & vn Estranger si
criminel, pour perdre le plus glorieux & aymable Senat
du Monde, & le Royaume le plus beny, les promesses
& importunitez tant de fois reïterées par ce
mauuais Politiques, n’ont pas moins esté iufructueuses
en mon endroit, qu’à ces deux genereux Princes,
ausquels il a souuent trompé & proditoirement fait
des laschetez, & rendu complice de la ruïne de cette
Monarchie Espagnole.

 

Nous aurions bien rauagé les frontieres de la France,
& ampieter iusque dans son sein, nous seruans de
cét occasion, ayans tiré les garnisons & le canon des
Villes, au moyen dequoy nous pouuions passer librement
sans aucune resistance, à la faueur d’vn gros
Corps d’armée que nous auons : mais ce redroche ne
uous sera iamais fait, que d’auoir trempé dans vn si
mal-heureux attentat, & seruy d’vne si pernicieuse
occasion que de ruiner la France, & perdre vne si noble
Compagnie, composé de si illustres Senateurs,
pui portent la gloire de leur nom par toute l’Europe :
c’est à vous grands & heroïques Magistrats, qui
estes l’ornement de la Iustice, la gloire de Paris & les
Peres de la France ; c’est à vous dis je incomparable
societé, à laquelle ie n’ay que des vœux de bien-veillance,
vous protestant que mes armes ne se porteront
iamais contre vous, ny contre la France, au contraire,
ie vous les offres, ainsi qu’à fait les siennes le Roy tres-Catholique,
ce sera d’vn franc cœur que ie me porteray
contre vostre ennemy, & afin que ne me teniez
point pour suspect, ie donneray ostages vallables &

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siront à ceux qui ont vne ame innocente, & qui ne
se plaisent qu’au seruice qu’ils rendent à Dieu & à
leur Roy, cette valeur hereditaire à la France & naturelle
à ses enfans, sera opposée à l’iniuste vsurpation
des infidelles, nos gens de guerre accoustumez aux
triomphes & aux palmes, iront les cueillir dans la
Palestine, à la ruine totale des Ottomans. Hierusalem
deshonorée par leurs impietez & sacrileges, se verra,
bien-tost sous la domination des Chrestiens, & le
Croissant fera place à la Croix. Alexandre qui n’auoit
autre lumiere que celle que donne la nature, se prosterna
deuant l’estendart des Israëlites, par vn respect
qu’il porta au Taf figure de la Croix, c’est la banderolle
qui doit intimider l’insolence des Barbares, c’est
en ces lieux où le Seigneur fera des miracles, faisant
tomber vne grande multitude sous le pouuoir d’vn
petit nombre. Monsieur de Mercœur y a laissé des
marques de l’assistance que Dieu luy a faite, & des
effets qui doiuent seruir d’instruction & d’exemple à
tous ceux qui ont leur memoire en recommandation.
Canise a veu rougir ses mains & celles de ses trouppes
au sang des mescreans : mais s’il n’eust defendu la
querelle de Dieu, toutes ses Victoires seroient suspectes
& passeroient pour fabuleuses, ce seroient des
Romans ou l’on adjousteroit au conte, & où les pieces
rapportées n’entretiendroient nos esprits que de
scrupule. Estoit-il possible humainement à douze
mil hommes de mettre en deroutte, ny mesmes d’eschapper
du pouuoir de deux cent mille qui les attendoient

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en trois diuers passages, passages où l’on ne
cherchoit son salut qu’en Dieu, qu’en la conduite du
General d’armée, & en la valeur des combattans,
s’ils n’eussent esté fauorisez de l’assistance du Ciel &
de la prudence du plus grand Capitaine du monde.
Alberoyalle eut-elle pû soustenir l’effor de trois
cenr mil qommes (verité reconnuë de nostre temps)
si la cause de Dieu n’eut esté debattuë par la pieté &
la sagesse d’vn tel homme : Godefroy son ayeul luy
auoit frayé le chemin de sa bonne fortune & de sa
bonne conduite : aussi le Ciel fauorisa tousiours les
iustes entreprises. C’est vne belle ambition de ne
vouloir ceder à personne, en ce qui touche la reputation
& le deuoir, & de se fascher qu’vn autre ait plus
seruy à Dieu & au Roy, que nous n’auons encore fait.
Curse fut estimé & le sera à iamais pour s’estre volontairement
exposé pour le salut de sa patrie, bien qu’il
l’eut fait par vn motif d’eterniser son nom, mais quelle
renommée acquerera celuy qui faisant arborer ses
enseignes en Asie & non pas à Angers, se rendra
vtile au seruice de Dieu, necessaire au bien de son
Roy & recommandable à la posterité. Nous auons
vn Roy si heureux qui peut fier la conduite de ses armées
à tant de braues Capitaines, qui se sont faits admirer
à l’execution de leurs entreprises, qu’vn Prince
de Condé meine ses troupes qu’il a appellées à la ruïne
de Mazarin, & ce sera lors que ceux qu’vn courage
releué a fait porter la teste & la main haute parmy
les dangers, seront rauis de seruir leur Prince & leur

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patrie en vne occasion de soy recommandable. François
dont le cœur ne peut auoir d’autres limittes
qu’vne infinité de Victoires ; tournez vos armes contre
ces perfides Mahomettans & non pas entre vous
qui ne respirez qu’vn mesme air, qu’vn mesme Dieu,
& le bien d’vn mesme Royaume. C’est vous qui
deuez accomplir la prediction de leur Alcoran, que
porte :

 

 


Vn ieune Prince en armes florissant
Verra chez luy des troupes allarmées,
Mais la fureur de ses grandes armées
Ira par force enuahir le Croissant.

 

Ie croy que nous sommes à la veille de cette prophetie.
Toutes ces trouppes amassées au nom de sa
Majesté iront fondre sur l’Empire de Grece, pour le
le reünir à la Chrestienté, le partager esgalement
entre les Princes qui seront à sa conqueste. Ainsi
soit il.

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Vaudémont, Charles de / Charles IV, duc de Lorraine [?] [[s. d.]], LA DECLARATION DV DVC DE LORRAINE, Enuoyée a Son Altesse Royale, faite à Messieurs de Parlement, contre Mazarin. , françaisRéférence RIM : M2_52. Cote locale : B_8_55.