Anonyme [1652], A TOVS LES HABITANS DE LA TERRE, L’HEVREVX GENIE. SALVT. Les aduenuës du bien souuerain de l’homme. C’est à sçauoir, Le Traitté de la Paix entre les hommes. De la Gverre contre les vices: Et de l’intelligence dans l’Amour du Ciel. Vray Miroir de l’homme d’honneur, de l’homme sage, & de l’homme heureux. , françaisRéférence RIM : M0_11. Cote locale : B_18_34.
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A TOVS
LES HABITANS
DE LA TERRE,
L’HEVREVX
GENIE.

SALVT.

Les aduenuës du bien souuerain de
l’homme.

C’est à sçauoir, Le Traitté de la Paix entre les hommes.
De la Gverre contre les vices :
Et de l’intelligence dans l’Amour du Ciel.

Vray Miroir de l’homme d’honneur, de l’homme sage,
& de l’homme heureux.

M. DC. LII.

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A TOVS LES HABITANS DE LA TERRE
l’Heureux Genie.

SALVT.

AVANT-PROPOS.

L’AMOVR du souuerain bien, & le mesme souuerain
bien de l’homme, est cét heureux Genie, que ie vous
presente icy à touts, & qui du Ciel auant vous enuoye
le salut par ma bouche, & qui vous annonce dans
cét escrit les moyens necessaires & infaillibles pour atteindre
& paruenir à la vraye felicité. Ie ne puis point douter qu’vn
si bon amy que celuy-là ne reçoiue de bons accueils de vous,
& que son abord ne vous soit aussi cher que le bon heur qu’il
vous souhaitte, & qu’il tâche de vous procurer est estimable
& digne de veneration. La foy que vous luy deuez vous est
trop auantageuse pour ne luy pas aussi accorder ce qu’il demande
de vous, dans le narré de son ambassade qui ne contient
que le sujet de vostre salut.

Si le style de l’Escriuain n’égale pas la dignité de la matiere,
il suffit que celle cy a dequoy égaler vos souhaits, & qu’elle
donne à mon discours la force d’vne parfaite eloquence,
pour nous faire aggreer mon dessein, & pour meriter quelque
loüange & remerciment de vous auoir dedié le petit trauail
de cét ouurage, & pour vous parler d’vne plume assez
hardie & assez forte à vous conuaincre & persuader ce qu’elle
pretend de vous faire entendre, sur le sujet que i’ay entrepris.
Le choix particulier que i’en ay fait vous peut faire juger si
i’ay eû dessein de vous seruir en la chose du monde la plus excellente
& qui vous touche le plus, qui est de viure heureux
en la terre, & de vous conduire au Ciel : Et si vos interrests

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qui conduisent mes intentions vous obligent de me donner
audience, & de me seconder dans l’affection que i’ay de vous
profiter.

 

Vous me pardonnerez bien si en vous découurant le chemin
du bon heur, je declame auec autant de liberté que de
modestie contre le vice, puisque c’est pour vous retirer de la
perdition. Si i’estois trop mol en vn suiet de cette importance,
ou si ie dissimulois la verité, ou il s’agit du premier chef
de la Gloire de Dieu & de vostre bien, vous auriez tout sujet
de croire & de m’accuser que ie vous trahirois par vne si mauuaise
complaisance, & ie meriterois la censure d’vne main
qui ne se soucie pas de guerir le mal, pourueu qu’elle applaudisse
pour s’acquerir de l’honneur. I’vse à la verité d’vne
moderation à reprendre plus discrette beaucoup que le zele
de vostre bien ne me l’auoit inspirée ; & ie confesse que i’ay
eû de la peine a retenir la passion que i’auois d’animer autant
mon discours que i’estois touché de la desolation du monde,
& du salut des hommes : mais pour ne pas sembler trop seuere,
& pour traitter plus amiablement les pecheurs, & pour
les inuiter d’autant plus à se reconnoistre, ie me suis voulu
estudier à les gaigner plutost par la force de la raison & en les
attirant par douceur, que d’emporter la piece en vsant de la
rigueur que la iustice & la verité pouuoit requerir de la vehemence
de mes paroles.

Mon dessein a esté de seruir à chacun son plat, auec la mesme
proportion qu’il pourroit souhaitter d’vne remonstrance
fidelle & profitable, & comme simple truchement de l’heureux
Genie d’vn chacun. Et dautant que c’est luy qui est le
sujet & l’autheur de l’ouurage qui porte son inscription, ce
qui vous est mis en main d’vne si bonne part, merite bien de
vous estre agreable, & que vous preniez plaisir d’en faire aussi
souuent la lecture que le present a de poids & de valeur pour
vous bien-hureurer. Il vous regarde tous d’vn mesme œil, &
sans faire acception de personne ; pour vous tesmoigner que
toutes les ames sont siennes ; toutes faites sur vn mesme moule
de ressemblance à Dieu ; toutes l’objet de sa dilection eternelle ;

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toutes sorties de ses mains comme vne semence du
Ciel infuse dans la masse du corps sans aucune corruption de
la part de leur principe qui n’est autre que Dieu par l’œuure
d’vne seconde creation, qui est la fin de la premiere & vniuerselle
creation du monde ; toutes par l’ordre de sa prouidence
rapportées à vne mesme fin, de la ioüissance de sa Gloire,
par la capacité naturelle de l’homme, dans la grandeur de son
esprit, & par les moyens de Grace & de Vertu preparez à
tous par la bonté infinie du Createur & Redempteur de touts
les hommes ; & touts d’vn prix infiny dans les regards de la
Gloire, que Dieu put recueillir de leur salut & beatitude, &
dans les regards du mesme bon heur eternel & souuerain qui
les touche & qui est Dieu mesme, & la possession de Dieu, tel
qu’il est en luy mesme par vision & par fruition de leur essence
propre, qui est le bien souuerain la fin & la beatitude de
l’homme.

 

Cét escrit est vn manifeste du desir qu’il a que touts les
hommes se sauuent, & qu’il ne tiendroit pas à luy qu’ils fussent
heureux, s’ils auoient l’œil de la consideration ouuert à
reconnoistre leur bon Genie, & l’oreille attentiue à entendre
sa voix pour addresser leurs pas vers luy mesme, dans les ordres
de sa conduitte : & pour les asseurer qu’il est extremement
deplaisant, qu’au lieu de le regarder & de le suiure ils
luy tournẽt le dos, & que pour peu de sujet, & sans se mettre
en peine de leur sort ils renoncent au Ciel & s’abandonnent
au Genie de leur mal-heur par le peché qui est soubmis à
l’appetit de leur volonté libre de mesme qu’elle est soubmise,
à la loy du Seigneur.

Ils apprendront icy que c’est du cœur qu’il parle en souhaittant
à tous le salut de sa gloire ; & que s’il est égallement
de soy-mesme le Dieu de touts il est égallement de soy-mesme
le partage & le bien souuerain de touts ; & que par la
mesme obligation qui enioint à tous les hommes de
l’aymer, de combattre le vice & de viure en paix & concorde
par ensemble, il les met en voye de paruenir au but
de leur creation, il leur trace le chemin de leur bon-heur,
& leur montre qu’en s’aquittant de cette charge qu’il a voulu

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dependre de leur liberté, ce qui dépend de sa Grace, tant
pour ce regard que pour donner à leurs actions le poids du
merite de l’eternité ne leur manquera point. Et les asseure
qu’ayant des recompenses à donner il est fidelle à ceux qui
luy sont fidelles, & que pour luy estre fidelle il nous preuient
de son secours soit particulier soit general, soit efficace, soit
suffisant, sans lequel on ne pourroit pas entendre qu’il fust en
nostre pouuoir de luy estre fidelle, & ne seroit pas possible
qu’il eust intention en ce cas de nous obliger par dessus
nos forces & nous imposer des commandemens impossibles.

 

Tout ce qu’il demande de nous, il nous le preste & prepare
par auance dans les moyens à cela necessaires, par la force &
suauité infinie de sa conduitte, qui manqueroit d’ordre dans
ses voyes, s’arresteroit au milieu du chemin, & se priueroit
elle-mesme de sa fin, non seulement particuliere qui est le but
que Dieu prescrit aux estres créez pour leur derniere perfection,
mais encore de sa fin generalle, qui est de regir par vn
Gouuernement parfait, ordõnant des moyens cõformement
à la fin, & en aydant, non pas accablant les forces de ses Sujets
pour s’a quitter de leur deuoir & acquerir leur bon-heur.

Pour traitter auec nous, son cœur qui est par essence la
mesme bonté, & la mesme gloire, ne peut pas dementir sa
naturelle douceur, qu’il ne soit de luy mesme enclin à nous
vouloir & faire du bien en répendant ses benedictions sur
nous pour sa gloire, qui est la fin de l’homme, de mesme qu’il
répand ses benedictions sur les autres creatures pour l’amour
de l’homme, qui est leur fin. Nostre salut est de sa volonté ;
mais il n’a point de part en nostre perte. Il nous semond à l’vn
& nous y ouure les bras. Mais il ne sert pas d’achoppement
à l’autre, & n’y contribuë aucunement. Pour l’vn il donne
quelque sorte d’assistance à touts, qui pourroit suffire à salut
dans la suitte du bon vsage qu’ils en feroient & des bonnes
œuures qu’ils opereroient, & des effets & efforts que Dieu
adjousteroit à ceux de l’homme par la munificence de son
cœur, & pour acheuer par des moyens plus hauts ce qu’il auroit
commencé par des moindres. Et pour l’autre s’il nous

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delaisse pour nos pechez, ce n’est pas pourtant à dessein de
nous perdre, mais pource qu’il vse d’épargne en la dispensation
de ses Graces, & qu’il veut nous apprendre d’en estre
bons œconomes par la priuation que nous en ressentõs apres
auoir peché. Et à le bien dire, la vraye cause & raison de nostre
perte n’est pas que nous soyons delaissez de Dieu, mais
que nous delaissons Dieu, & nous delaissons nous mesme.

 

Que si les loix de Dieu ont quelque rigueur au regard de
nostre foiblesse, elles sont d’ailleurs toutes pleines d’attraits
d’honneur, de sagesse, & de beatitude ; si bien que tout bien
pesé il y a plus de plaisir & moins de peine à les garder qu’à
les enfraindre. On ne marche que par l’honneur en obseruant
ses commandements : La vraye sapience y amasse vn
thresor de tous biens : & le bon heur de l’homme qui en est
le fruit s’y rencontre, & si gouste, comme en la suauité & vertu
glorieuse de sa semence. Seruir & regner tout ensemble ne
se rencontre que dans cette loy ; nos hommages enuers Dieu
font nostre gloire ; sa grace ne nous est donnée qu’en le seruant ;
nostre liberté qui est de sçauoir commander, s’acheue
dans cette seruitude qui nous apprend à luy bien obeyr ; de
seruiteurs fidelles, nous sommes adoptez pour enfans qui auons
droit à l’heredité de la vie eternelle, par nos seruices
ainsi que par le tiltre de nostre naissance & filiation adoptiue ;
Les œuures parfaites de la loy, c’est à dire, qui sont accompagnez
du costé de leur principe de la grace sanctifiante,
en offrant ce que nous deuons à Dieu par obligation de iustice
sont aussi pour leur excellence d’vn merite condigne
pour nous rendre Dieu redeuable par obligation de iustice
de l’eternité de sa Gloire.

Donnez vous le temps de mediter le discours que je vous
addresse, & que ie vous dedie la dessus, vous verrez à loisir
que si la beatitude est quelque chose, d’ardu à l’homme, suffit
pour vaincre toute difficulté que c’est des-ja estre heureux &
sortir de la misere que de poursuiure le vray bien ; & que le
chemin en est des ja tout fait, & le plus beau du monde par
les moyens illustres de vertu, qui nous donne les [1 mot ill.] & les

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promisses de la souueraine joye, qui luy est reseruée pour recompense
dans le Ciel : & qu’apres tout c’est vn abus de croire
que ce soit chose mal aisée de bien faire, pour vn moment
que dure cette vie, au regard du prix d’vne gloire eternelle &
immense, qui nous doit suiure apres la mort.

 

Le traitté que ie vous donne est petit pour vn tel sujet, qui
demanderoit vn plus ample volume pour son excellence ;
mais comme pour messager i’ay choisy le plus vtile de touts,
aussi l’ay-je voulu faire court pour la mesme raison. Vous ne
laisserez pas d’y voir comme dans vn miroir qui ne cache
rien, la route du vray bien à découuert, & les chemins écartez
de la perte de l’homme. La glace en est si belle de soy,
qu’elle vous inuite à la regarder souuent pour vous y regarder
vous mesmes, & considerer en quel estat vous estes de
bon ou de mauuais chemin. L’erreur & la verité s’y découurent
si clairement sur le fait de la beatitude presente & future,
que ny la moralle de la raison naturelle, ny celle de la
Religion Chrestienne ne concluent point ce sujet par de
meilleurs & plus euidents principes pour faire reüssir mon
dessein auec approbation & profit.

 


Tout amour auiourd’huy presque estaint dans le monde
Nous semond à la paix pour le bon beur de touts,
Et pour le conquerir d’vne main sans seconde
Sen Genie est en tout le plus fort & plus doux,
En affrontant le vice il montre sa vaillance,
Et le bien souuerain est en sa ioüissance.

 

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L’HEVREVX GENIE.

 


MONARQVE Tout-puissant adorable Genie,
Vray Soleil de bon heur amateur des humains,
Gloire du Paradis eternelle infinie,
Epanche ta douceur sur l’œuure de tes mains,
Nous sommes desolez battus de la tempeste,
Sois l’amour de nos cœurs nostre paix nostre teste,

 

 


Nous ne sçauons au vray d’où viennent tant d’orages,
Sinon que nos pechez les attirent sur nous,
Nous serions bien heureux si nous estions bien sages,
Nous viuerions d’accord sous vn Empire doux,
Le Ciel nous apprendroit à suspendre les armes
Pour gouster dans la paix la douceur de ses charmes.

 

 


Toute la terre tremble & gemit sous le glaiue,
Elle est tousiours en dueil & noyée de sang,
Pource que nos pechez ne font iamais de treve
Qui aiguisent le fer à nous percer le flanc,
Nous mesmes le forgeons dans nos propres entrailles
Pour nous forger a tous de tristes funerailles.

 

 


Le monde est vne mer descueils & de naufrages
Par les vents & les flots d’vn general couroux,
Les cœurs sont animez à porter leurs courages
A se faire raison en se ruant des coups,
On pourchasse la Paix à force de la guerre,
Mais ! ô funeste espoir qui desole la terre.

 

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L’amour de ton saint Nom feroit toute autre chose,
Si tu estois content nous le serions aussi,
Si de tous nos debats toy seul estois la cause
Nous passerions nos iours en gloire sans soucy,
Nous armerions l’esprit à combattre l’offense,
Et nous desarmerions le guerrier de la Lance.

 

 


Parmy touts ces exploits de la Gendarmerie,
Quel bon heur y a il de sçauoir égorger,
D’auoir des mains de fer de se mettre en furie,
Et d’exposer son sang afin de se vanger,
Quel profit y a il dedans vne querelle
Qui fait tant d’hommes morts & se rend immortelle.

 

 


A qui en auons nous, tous les hommes sont freres,
La nature & la grace ainsi les a conioints,
Quel spectacle auiourd’huy de les voir si contraires
Au lieu de s’entrayder chacun dans leurs besoins,
Quelle felicité si sans idolatrie
Tous les hommes du monde estoient d’vne patrie.

 

 


Au moins ne soyons pas s’il se peut sacrileges,
Le suiet de la Guerre est perilleux à tout,
Les droits en sont douteux icy nuls priuileges,
Et de touts les Estats la Guerre en est le bout,
Le desastre du sort d’vne lame guerriere
Est de touts les fleaux le pire & la matiere.

 

 


Honorons le Seigneur sous les tiltres augustes,
De l’honueur souuerain du beau nom de Chrestien,
Nous en serons plus grands si nous sommes plus iustes,
Et de nos interrests il en fera le sien ;
Dieu sera nostre Dieu nous serons son domaine,
Et d’vn siecle doré nous iouyrons sans peine.

 

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Entre les Roys Chrestiens d’où prouient ce diuorce,
Qui fait vn eschaffaut du Royaume de Dieu,
Où l’amour doit regner en sa plus grande force,
La partialité y regne sans milieu,
La grandeur dans la Paix se maintient glorieuse
Mais la Guerre la sappe & la rend malheureuse.

 

 


Arbitre des Humains là dessus j’interpelle,
Ce pouuoir souuerain qui tient le cœur des Roys
Qui les sçait reünir dedans cette nacelle
Où saint Pierre preside & l’ordre de tes loix,
Qu’il ioigne leur puissance à deffendre ta gloire,
Et de tes ennemis leur donne la victoire.

 

 


Ennemis declarez du saint christianisme
Qui prophannent ton nom desolent les saints lieux,
Ottomans Huguenots qui profitent du chisme
Qu’on voit entre les Roys vrays Chrestiens & pieux,
Qui les deconfiroient par leur intelligence
De mesme qu’ils sont nez de nostre negligence.

 

 


Mais vn glaiue est chez nous qui fait d’autres ruines
Par le dereglement des hommes libertins,
Sathan qui est le Roy de ces ames malignes
S’en forge des suppots superbes & mutins,
A nostre deconfort auec de tels complices,
Tout au milieu de nous il arme tous les vices.

 

 


Ie n’oserois penser ce que ie voudrois dire,
I’en ay le cœur saisy & ie n’en puis parler,
On ne sçauroit le croire encore moins l’escrire
Ce qu’il ne faut pourtant entierement celer,
Que des hommes Chrestiens viuent en Epicure
Et qu’ils ne sentent rien mesme de la nature.

 

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Combien en voyons nous qui blasphement sans honte,
Qui diffament ce nom sans aucune pitié
Qui pechent par plaisir & de rien ne font conte,
Qui dans leur interest mettent leur amitié,
Qui viuent sans iustice & sans misericorde,
Et qui sont nez au mal & à toute discorde.

 

 


Se faut il estonner des famines des pestes,
Se faut-il estonner des autres cruautez
Que font les gens de guerre encore plus funestes,
La cause est celle-cy des Chrestiens auoriez,
Qui n’ont ny foy ny loy, ny Dieu dedans leur ame,
Et gastent le public par vne vie infame.

 

 


L’oracle nous apprend dedans les saintes lettres
Qu’il n’est rien de si fier, ny rien de si cruel,
Pour desoler vn monde & confondre les estres,
Pour degrader les Roys & pour soüiller l’Autel,
Pour mettre tout à sac & mettre tout en larmes,
Que la fureur du glaiue & l’ame des gensdarmes.

 

 


Quand Dieu se veut vanger d’vne maniere atroce
Il espargne son bras & emprunte le leur,
Comme estant en tout sens la peine la plus grosse
Et de tous les malheurs le souuerain malheur,
Soit le bras Estranger soit le bras domestique
Pour perdre les Humains c’est le mal plus tragique.

 

 


Faut-il sur ce suiet que ie vous rememore,
Les exemples descrits dans les sacrez cahiers,
Ou si le souuenir vous represente encore
Les déplorables faits de ces siecles derniers,
Ce Roy decapité dans la Ville de Londre,
Cette combustion qui pensa nous confondre.

 

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O coup lâche & funeste horrible meurtriere !
Coup qui sonde le gay plus profond des Enfers,
Coup qui franchit le saut de l’ame plus altiere,
Pour vn tel assassin as-tu trouué des fers ?
Cruelle Babilon, Babilon effrontée,
N’es-tu pas en ce point le peuple plus athée.

 

 


S’est il veu soubs le Ciel semblable catastrophe ?
Vn peuple si rebelle, vn si méchant Estat ?
Angleterre c’est toy que ton crime apostrophe
En ce cas inoüy d’vn pareil attentat,
Oses-tu te monstrer aprés cette avanture
Que pour estre en horreur à toute creature ?

 

 


Que veut dire cecy, cette fiere lamie
Nous menace du poing de tout exterminer,
La Rochelle autrefois estoit sa grande amie,
Et dans cette arrogance aussi de dominer
En depitant le Ciel & par mer & par terre,
Tout de mesme que font les Estats d’Angleterre.

 

 


N’a-t’elle point chez nous encor quelque alliance,
Vn pourfil de l’orgueil de sa temerité,
Dans ce méchant party où iadis nostre France
A failly de tomber dans cette extremité ?
Cette insigne paillarde en veut à la pucelle
Qui chassa les Anglois, & à tout bon fidele.

 

 


Dites moy si tous ceux qui ne viuent en grace
Ne nous font pas la guerre auec cette Babel ?
Ils attaquent le Ciel auec vn frond d’audace
Et sont dedans le cœur d’vn courage cruel,
Vrays ennemis des Saints & de la Loy diuine,
Et de Sathan aussy la propre concubine.

 

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Tous ceux-cy font-ils pas vn mesme corps d’armée
Qui prouoque la terre & le Ciel contre nous ?
Conduite par vn chef, dans vn cœur renfermée ?
Et dessous la toison cachant l’ame des loups ?
Soldats de l’ante christ qui courent la carcasse,
Enfants de Belial, tres malheureuse race.

 

 


Cette puissance icy est celle des tenebres,
Celle qui tout confond celle qui tout détruit,
Celle qui a remply d’esclandres si funebres
L’vniuers tout entier & auec tant de bruit,
Qui offusque le sens & l’ame prostitüe
La couppe dans la main plaine du vin qui tüe.

 

 


Dessous cet estendart & dessous cet empire
Militent les demons aux pecheurs accouplez
Par vn mesme dessein vn chacun d’eux conspire
Qu’à leur funeste sort nous soyons attelez,
Ils deschargent leurs coups par des traits de malice
Icy auec la force & la par artifice.

 

 


Les autheurs du peché sont autheurs de la guerre,
La guerre & le peché sont nez en mesme iour,
Lucifier dans le Ciel prit en main ce tonnerre
Par vn cruel deffy auec ceux de sa cour,
Mais il luy couta cher d’auoir fait l’entreprise,
Il perit & son camp sans aucune remise.

 

 


O Dieu si ce malheur n’eust frappé que les anges !
Mais de ce mesme esclat l’homme en fut atterré,
Ce puissant inuenteur de ces desseins estranges
L’assaillit en champ clos & d’vn coup si serré
Qu’il deuint armurier comme luy à la trace
Dont il tomba sur l’heure auec toute sa race.

 

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Ne nous escartons point voicy le vray principe
Du diuorce qui naist au milieu de nos cœurs
Qui arme sans suiet ou bien pour quelque iuppe
L’homme contre soy mesme auec tant de piqueurs,
Qui allume la bile & la colere enflamme,
Qui fait vn arcenal de passions dans l’ame.

 

 


Nostre inegalité c’est le Mars de la guerre,
Dans la societé les hommes sont ialoux,
On se pique d’amour & d’honneur pour vn verre,
On deffend sa raison, on se met en couroux,
On s’en prend pour gaigner & pour se rendre maistre,
On aspire le champ où la gloire peut estre.

 

 


Si la iustice estoit chez nous originelle
Nous viurions en paix & sans hostilité,
L’amour seroit reglé par la loy eternelle,
Et il regleroit tout par cette égalité,
Il apprendroit à tous comment il faudroit viure,
Sans vn autre compas & sans vn autre liure.

 

 


La vie des humains ne seroit qu’vne extase,
La iubilation du cœur vn paradis,
Ils brusleroient du feu dont au ciel on s’embrase,
Et ils seroient heureux de mesme que iadis
Quand Dieu leur octroya de sa main liberalle
D’estre deux innocents auec vne ame égalle.

 

 


Quel bon-heur ce seroit que sans aucune feinte
Dieu fust le Souuerain dans nos affections,
Que l’on s’entendist bien dessoubs cette Loy sainte
Qui modere l’ardeur des grandes passions,
Que dans la charité l’on cherchast la iustice,
Et que l’ordre du Ciel nous seruist de police.

 

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IESVS où estes-vous pour accorder nos noises ?
Nous sommes vostre corps, vous estre nostre chair,
Vostre loy est le cœur des ames bien courtoises,
Vostre amour suffiroit pour iamais ne pecher,
Et vostre authorité ny mesme vostre grace
Ne nous rangera point sans glaiue qui menasse.

 

 


Dans vn si grand honneur que Dieu se soit fait homme,
Nous deuons honorer les hommes comme Dieux,
Il n’y en a pas vn qui ne soit gentilhomme,
Et s’il veut heritier du Royaume des Cieux,
Gentilhomme ? mais Roy ayant Dieu pour son pere,
Et pour sa mere aussy, & mesme pour son frere.

 

 


C’est icy le suiet de faire grande feste
A se bien preualoir d’vn mystere si grand,
Que l’homme soit fait Dieu, qui n’estoit qu’vne beste,
Que l’Ange est delaissé pour l’homme que Dieu prend,
Qu’il soit fait Createur de pauure creature,
Le Monarque des Roys en sa propre nature.

 

 


L’Homme est du plus bas lieu mis au degré suprême
Par l’amour souuerain que Dieu porte aux humains,
Et l’homme est ennemy de sa nature mesme,
Les hommes sont entr’eux cruels & inhumains ;
L’Ange est adorateur de l’homme sur les astres,
Et l’homme est à soy-mesme vn monde de desastres.

 

 


Dieu nous a tant aimez que de donner sa vie,
Pour nous deliurer tous de l’eternelle mort,
Sa grandeur luy defend son amour l’y conuie,
L’amour en ce combat s’est rendu le plus fort,
A la mort il a ioint l’extrême ignominie,
Pour nous couronner touts de sa gloire infinie.

 

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C’est vn Dieu qui pâtit, c’est vn Dieu endure
Sur le mesme poteau que l’homme a merité,
O que cette parole vn iour sera bien dure,
A qui de ce bon-heur n’aura point profité,
Regardez tant soit peu mortels ce personnage,
Et vous considerez par aprés au visage.

 

 


O glorieux drapeaux du Seigneur des Armées !
Magnifique estendard du Monarque immortel !
La gloire & la rançon des ames redimées !
Tant admirable croix son throsne & son autel ?
A qui dois ie mon cœur qu’à luy rendre seruice ?
Et que puis-ie donner pour vn tel benefice ?

 

 


Sont ce pas de nos Roys les plus riches troffées,
Que cét arbre pieux où repose le Ciel ?
Que ce Char de Triomphe à l’encontre des fées
Que ce diuin bornal qui ne coule que miel ?
D’où sont les Fleurs de Lys, sinon de ces Espines,
Plus riches que n’est l’or & les perles plus fines ?

 

 


Dépoüille de l’Enfer, Guerriere incomparable,
Par ton puissant pouuoir le Ciel nous est acquis,
Nous auons triomphé par ton bois adorable,
Et Dieu par ta vertu le monde a reconquis,
Et dessous ta grandeur quelle puissance fiere
N’as-tu pas adoucie ou reduite en poussiere ?

 

 


Où tu as arboré c’est sur ce grand theatre
Des sages & des Roys pour les flêchir à toy,
Pour faire vn peuple saint de ce peuple idolatre,
De ce Peuple cruel vne arche de ta Loy,
Et tu les as vaincus auec tant de puissance,
En combattant le fer par la seule souffrance.

 

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Qu’annonçent ces combats d’vne puissance occulte,
Qui par le Crucifix fait de si beaux exploits ?
L’ordre de la milice auec l’ordre du culte
Dans le Peuple Chrestien en embrassant la Croix,
Et que nostre bonheur est la croix honorée,
Nostre Victoire aussy nostre Paix asseurée.

 

 


Faisoit-il pas beau voir l’Eglise primitiue
Conuertir en agneaux de furieux lyons,
Qu’auec cette douceur de la charité viue
Elle alloit se peuplant à mille & millions,
Rembarrer les Tyrans auec tant de courage
Triompher par son sang renaistre du carnage.

 

 


Douze pauures Pescheurs pour conquerir vn monde,
Armez de cét amour qui triomphe de tout,
Pour gaigner, dis-ie, à Dieu vn monde tres-immonde,
Sans verge ny baston & en venir à bout,
Quels genereux guerriers ? quel ordre de bataille ?
Et ranger l’Vniuers dedans vne muraille.

 

 


Rome si ta grandeur les augustes surpasse,
C’est par la sainteté de saint Pierre & saint Paul,
C’est par les clefs du Ciel qui conferent la Grace,
C’est que tu fais rampart de vertu dans ton sol ;
Ta gloire & ton empire est l’humble patience,
Es la gloire du Ciel dedans la conscience.

 

 


Tu regnes sur la terre auecque tant de pompe
Que mesme dans le Ciel ta Puissance s’étend,
Et iusques dans l’Enfer tu vas à son de trompe
Retirer les pecheurs du feu qui les attend,
Sans ferir tu combats les Puissances plus fortes,
C’est se rompre les bras que d’assaillir tes portes.

 

-- 19 --

 


IESVS-CHRIST est ton los, IESVS est ton partage,
IESVS est le bonheur de tes chers nourrissons,
Auec ce doux aigneau tout est leur aduantage,
Ils viuent au milieu des diuines moissons ;
Et leurs delices sont de n’offenser personne,
Afin qu’à les garder sa puissance raisonne.

 

 


Dedans tout le pourpris de ton auguste enceinte
L’Innocence en ce lieu la penitence icy,
Et la vertu par tout montre que tu es sainte,
Et qu’il n’est point de lieu pareil à celuy-cy,
La peinture du ciel & le vray ciel de l’homme,
Et le Palais de Dieu c’est l’Eglise de Rome.

 

 


Tout le monde est à toy par droit de dependance,
L’Euangile est pour tous en obseruant ta foy,
Des fondements du Ciel tu en es la naissance,
Tu es l’vnique Reyne, & Dieu l’vnique Roy,
Les Roys sont tes suiets en ce mesme Royaume,
Ton pouuoir est diuin, & humain leur heaume.

 

 


On ne sçauroit faillir en suiuant tes enseignes,
Ton Chef est Lieutenant çà bas de IESVS-CHRIST.
Successeur de S. Pierre aprés lequel tu regnes,
Et par luy tu combats & défaits l’Antechrist,
Ton glaiue est spirituel pour estre d’vne lame
Qui puisse faire tout pour le salut de l’ame.

 

 


On ne sçauroit sans toy marcher ny mesme viure,
Tu es l’ame de tous le saint Esprit ton cœur,
La voye de salut est de te bien ensuiure,
Et le moyen certain de deuenir meilleur,
Des pecheurs & des Saints il n’est point d’autre guide,
Et iamais dans ton seüil il n’entre aucun perfide.

 

-- 20 --

 


Sous le nom de Chrestien fondons sur cette pierre
Contre qui tout l’Enfer ne sçauroit prévaloir,
Si nous croyons en Dieu, croyons en vn saint Pierre,
Commis sur son bercail auecque tout pouuoir ;
Gardons l’ordre des Saints, & de la Hierarchie,
Des miracles du Ciel d’Oracles enrichie.

 

 


Du Nouueau Testament sont les vrayes Reliques,
C’est le sang des Martyrs, fruit de l’Apostolat,
Le Camp victorieux des Troupes Sathaniques,
Où la Religion est dans vn haut éclat,
L’Estendart de la Paix le lieu du Sacrifice,
Où Dieu paroist le mieux, & son diuin Seruice.

 

 


Celle-cy est l’Espouse & diuine Matrône,
Espouse sans macule, Espouse de l’Aigneau,
Lauée dans son Sang, assise dans son Thrône,
En qui loge son cœur, qui porte son anneau,
Cette Fille des Saints, des bien heureux la Mere,
Cette Reyne sans pair qu’on ne sçauroit défaire.

 

 


Sa beauté est illustre, elle est la nompareille,
Qu’on la regarde au front, ce n’est que Majesté,
Elle ne vieillit point, tousiours fraîche & vermeille,
Pour estre le Miroüer de la Diuinité,
Pour estre le Soleil tout brillant de lumiere,
Qui éclaire par tout d’admirable maniere.

 

 


Examinez son cœur d’vne exacte recherche
Et luy tâtez le pouls auec seuerité ;
S’il est vn cœur pieux de l’homme que Dieu cherche,
Que dans le peuple esleu de cette Chrestienté,
Qui serue son Seigneur sans fraude & sans conteste,
Et qui mene en la terre vne vie celeste.

 

-- 21 --

 


Hors de ce lieu sacré la terre est desolée,
Les Hommes sont de chair dépoüillez de raison,
loy quelques méchants sont bien dans la meslée,
Mais la vertu s’y plaist comme dans sa maison.
On en fait grand estat elle y est en estime
Tousiours on y trauaille à combattre le crime.

 

 


On y parle du Ciel auec des tendresses,
Du monde auec mépris, & de tous ses app[3 lettres ill.],
Le cœur y est touché de diuines liesses,
Le bien s’y fait sentir quoy qu’on ne voulust pas
Ce ne sont que lieux saints que saintes catacombes,
Que des rameaux de Paix dans le bec des colombes.

 

 


Tous n’y sont pas parfaits, mais on s’y etudie,
Les vns sont Directeurs, les autres sont conduits,
Et pour bien aimer Dieu s’en est la melodie,
Les vns entrent en lice, & d’autres y sont duits,
Les febles & les forts y ont chacun leur classe,
Tous en cooperant à la diuine grace.

 

 


Nous sommes les enfans de tant d’illustres peres
Qui nous ont precedé depuis seize cents ans,
Nous auons en nos mains tant de diuins mysteres,
Pour embrasser le bien & pour viure contents,
Qu’il n’est rien de si doux, rien de tant honorable,
Que d’y participer & leur estre semblable.

 

 


Sont autant de flambeaux qui tousiours nous [2 mots ill.]
Qui nous pressent d’aller au lieu de tout repos,
Autant d’originaux que les Cieux admirerent,
Où l’on voit leurs hauts faits, & leurs sages propos,
Vn secret aiguillon soubs ces belles auspices,
Nous arme de vertu pour combattre les vices,

 

-- 22 --

 


La vertu s’y pratique auecques discipline,
On quitte le vieil homme, & on change de peau,
L’habitude se forme, & elle s’enracine,
On croist en la vertu pour faire fruit nouueau,
Ainsi perseuerant de meilleure en plus belle,
La vertu se consomme & tousiours renouuelle.

 

 


Tant de Religions, & tant de Monasteres,
Si differents d’habit & d’institution,
Sont ce pas de vertu les propres seminaires ?
D’y viure saintement on fait profession,
On s’y entr’aime en sœurs, on s’y entr’aime en freres,
Et de bien seruir Dieu sont leurs seules affaires.

 

 


Ce sont de l’vnion les florissants parterres,
L’or de la charité le plus pur & plus fin,
Les escadrons choisis des spirituelles guerres,
Les esseins de la paix le soir & le matin,
Le Champ clos de vaillants qui poussent la carriere,
Sans iamais reculer d’vn seul pas en arriere.

 

 


Point d’emulation c’est l’esprit de concorde,
Sinon pour te piquer à faire son deuoir ;
l’entends de ses Conuents, où l’on ne se deborde,
Où le zele de l’ordre est en son plain pouuoir,
Dont la vocation est en ce point austere,
De ne point relâcher de l’esprit de leur pere.

 

 


Le sujet en est beau pour nous seruir d’exemple,
Pour nous donner la main à viure saintement,
Comme estants dediez entierement au Temple,
Et détachez du monde aussy parfaitement,
Et tousiours occupez dans les bons exercices,
Et qui ressemblent mieux aux Anges par offices.

 

-- 23 --

 


L’Amour qui les conioint est leur beatitude,
C’est de n’estre qu’vn cœur, & ne faire qu’vn corps,
C’est de viure en repos dedans leur solitude,
C’est de thesauriser des celestes thresors,
C’est de fouler aux pieds vn bonheur transitoire
Pour conquerir le Ciel auec plus grande gloire.

 

 


Le Monde n’entend pas le plaisir de bien viure,
Ce que vaut d’aimer Dieu, ny en quoy git la paix,
Ce qui rend l’homme esclaue, & ce qui l’en delivre
Le voulez-vous sçauoir, veniz en aux essais,
Prenez-en le chemin auec bonne conduite,
C’est le bien de la paix, & le prix de la luitte.

 

 


Le monde est vn trompeur il prend mal ses mesures,
Il n’y a point de cœur à verser sang humain,
C’est vne lacheté de vanger ses iniures,
Et rendre mal pour mal vn malheureux dessein,
Vaincre sa passion pardonner vn outrage,
C’est la gloire de l’homme & le plus grand ouurage.

 

 


Croit-on ses sentiments pour de bonnes maximes ?
Il n’en sçauroit auoir, il n’est pas en bon sens,
Ce sont de faux accords, & de mauuaises rimes,
Ceux qu’il croit les meilleurs sont les plus indecents,
Son plaisir est brutal, sa gloire vne [1 mot ill.]
Et c’est ce qu’il defend auec la main armée.

 

 


Chere Ierusalem qui compose l’Eglise,
Que ta suaue main a bien d’autres attraits,
Ton ame est genereuse en ce qu’elle est soubmise,
L’amour est cét archer qui decoche tes traits,
Tu pardonnes ainsi comme Dieu nous pardonne
L’innocente blancheur est aussy ta couronne,

 

-- 24 --

 


Tes mouuements sont ceux des personnes hardies,
Qui assaillent le monde & triomphent de luy,
Le cœur de Babylon est dans les étourdies,
Qui n’ont qu’vn bras de chair, & non Dieu pour appuy,
Tu crains mais à salut d’vne glorieuse crainte,
Qui renuerse l’Enfer à chaque coup d’atteinte.

 

 


Ces genereux Mondains ils ont peur de leur ombre,
En quoy sont-ils hardis ? dessus vn point d’honneur ?
A ne pas craindre Dieu, ny l’Eternel encombre ?
A perdre la raison, & quant & quant le cœur ?
A se faire roüer & mettre à la potence ?
Celle cy est leur force, & celle leur constance ?

 

 


En quoy sont ils vaillants ? à dégaigner l’espée ?
Pour faire vn assassin ? pour se battre en duel ?
O tragique fureur dont leur ame est frappée,
Auant que de commettre vn acte si cruel,
Infames meurtriers & du corps & de l’ame,
Horrible desespoir d’vne infernale flamme.

 

 


O desolation de l’humaine nature !
Dedans l’inimitié la martialité !
Forger vn galand homme auec cette posture !
Et ne manquer de cœur que pour l’Eternité !
Qu’on ne s’embrasse point qu’auec vn faux visage
Et pour vn pied de mouche en venir au carnage !

 

 


Il faut estre sans ame, il faut estre Satyre,
Il faut estre enragé dans vn tel sentiment,
Helas pour se damner se donner le martyre !
Y establir sa gloire, & son contentement !
Helas quelle misere ! helas quelle manie !
Quel Demon plus méchant que cette tyrannie.

 

-- 25 --

 


Chrestiens ce dites-vous par le sceau du Baptesme
Qui se vont esgorger se hayssent à mort ?
[1 mot ill.] de la Chrestienté le plus grand anathesme ?
Pour la faire perir le glaiue le plus fort ?
Puis que c’est la sapper & la battre en ruïne
Et l’assaillir au cœur auec cette machine.

 

 


De leze Majesté les crimes plus attroces
Ce sont des loix d’honneur ce sont des passedroits ?
D’aller dans les enfers tout ainsi qu’à des nopces
C’est estre homme de cœur c’est estre bon François ?
Que feroit vn athée, vn fol, vn idolatre ?
Puisqu’on renonce à tout sur ce cruel theatre.

 

 


C’est le sang martial des armes Chrestiennes
Où le meurtre est permis sous l’habit de soldat,
Iamais il ne le fut non pas dans les Payennes,
L’ordre y estoit gardé requis dans le combat,
Le soldat à son hoste ô quelle perfidie !
O quelle cruauté faut-il que ie le die !

 

 


Le siecle des Tyrans n’estoit pas si barbare,
Parricides cruels de nestre propre sang,
Sous le nom de Chrestien le premier & plus rare
Entre tous les humains vous n’auez point de rang,
Vous desolez, la mere & toute la famille,
Vray foudre des Estats, tout saccage tout pille.

 

 


Cruelle destinée à nos cœurs trop amere,
Quelle extréme douleur seulement d’y penser ;
Il n’y a plus de paix, la guerre est nostre mere,
On se plaist à tuër à rompre & à casser,
Pitoyable debris d’vne si noble race
Des abysmes d’enfer la plus terrible face.

 

-- 26 --

 


Bon Dieu, seroit-ce point à nos iours vn presage
Que t’on bras s’armeroit à perdre & desoler,
En te ruant dessus pour rendre l’homme sage,
Ou bien le destruisant ton ame consoler,
On ne s’amende point c’est dequoy l’on se ioüe
A peine du gibet, à peine de la roüe.

 

 


Faudroit-il des prisons au milieu de ce peuple
La gloire de ton nom dedans sa liberté,
Vn Iuge criminel qui châque iour depeuple
Ce butin precieux qui la mort ta couté ?
Quelle necessité dans cette loy de grace !
L’amour est dans les fers la rigueur tient sa place.

 

 


On ne regarde point le lieu de sa naissance,
L’Esglise nostre Mere est la mesme pitié,
L’esprit qui nous adopte est cette complaisance
De l’amour eternel sa diuine moitié ;
On ne regarde point de quel ordre nous sommes,
Les hommes ne sont plus que le fleau des hommes.

 

 


Que veut dire Chrestien ? c’est vn titre d’amphase,
Il veut dire onction en esprit d’vnité,
Il veut dire de paix & d’vnion la baze,
Il veut dire salut, bon-heur amenité,
Homme saint, innocent, de vertu le modelle,
De Iesus Christ l’image & la douce prunelle

 

 


Tous les Ordres du ciel dans ce nom se renferment
Et tous ceux de la terre y sont aussi compris,
Des Anges les neuf cœurs par la foy nous l’afferment,
L’Esglise est vn tableau des Bien-heureux esprits,
Le Royaume du ciel qui commence en la terre
Où toute la beauté de tous estats s’enserre.

 

-- 27 --

 


Ce nom est vn soleil qui va par tout le monde
Dont la grace & la gloire est le propre orison,
Deux cercles infinis où sa grandeur abonde
Et plus infiniment que n’entend la raison,
Deux sources de splendeur & de ioye eternelle
L’vne pardessus l’autre infiniment plus belle.

 

 


Aux puissances d’enfer il est seul redoutable
Pource qu’il est bien diuin & qu’il est nonpareil,
Pource qu’il les destruit & qu’il est charitable,
Et qu’en luy s’accomplit le supréme Conseil,
Les Roys l’ont en respect bien plus que leur Couronne
Et de sa Majesté Dieu mesme l’enuironne.

 

 


Au mespris de tout bien on entend le blasphesme
En la bouche de ceux qui portent ce beau nom,
On void dedans leurs mœurs tant de licence extréme
Qu’ils en changent la gloire en vn mauuais renom,
Ils font de son merite vn objet de scandale,
De son ciel vn enfer de son culte vn dedale.

 

 


Ils en font vn party qui fait la Babylone,
Et qui donne les mains à faire l’Antechrist,
Ils en font vn sujet où le diable à son throsne
Pour combattre auec eux contre le S. Esprit,
Pour luy seruir d’appas & de cruelle amorce
Pour destruire la paix & mettre le diuorce.

 

 


On ne peut exprimer la grandeur du dommage
Que ceux-cy font à tous seus le nom de Chrestien,
Pource qu’il est sans fruit & qu’il est sans hommage
Et que ce n’est qu’vn nom qui n’a point de soustien,
Que veut dire Chrestien entre ces mains profanes
Qui sont de tout peché les plus fortes organes,

 

-- 28 --

 


Par ostentation ou par accoustumance
Sous ce Royal escu ils feignent d’adorer,
Mais on void aussi tost qu’ils perdent contenance
Ayant le cœur au monde où ils vont s’esgarer,
Ils prient par grimace ils remuent les leures,
Dieu ne les entend point les loups sont dans les cheures.

 

 


Iusques à quand Seigneur ces ames infidelles
L’opprobre de ce nom de la fidelité ?
N’auez-vous pas de honte ? où sont les estincelles
De ce globe de feu de toute charité ?
Il Brusleroit l’enfer s’il pouuoit y descendre
Et le cœur des demons il reduiroit en cendre.

 

 


Par la foy de ce nom, l’homme est tres-admirable,
Si vous croyez en luy, faites nous en certains,
Sans la foy de ce nom l’homme est tres miserable,
Vous croyez, comme quoy ? comme les Puritains,
Vn chacun à sa mode, est-ce là vrayement croire ?
Viure comme appostats & vous en faire à croire.

 

 


Ceux là vont à leur presche & vous allez au prosne,
Mais voyons qui vit mieux, ils se moquent de vous
De vous voir mesurer auec eux à leur osne
Et de faire semblant de flechir les genoux,
Vostre fait & le leur n’estant que badinage
En quoy differez vous ? quel est vostre aduantage ?

 

 


De tous les mécreans vous estes l’origine
Vous estes les Iudas qui trahissez la foy,
Vous estes les fauteurs de leur fausse doctrine,
Vous changez en abus les ordres de la Loy,
Ces gens là disent ils, iurent sur l’Euangile
Qui pour le trangresser ont l’ame si habile.

 

-- 29 --

 


Vous n’auez que le sens comme eux pour vostre guide,
L’esprit est en escharpe il est comme impotent,
Vous piquez l’appetit & luy laschez la bride,
Pour engresser le corps & le rendre content,
Tout ainsi que loy seau qui n’a que la bechée
Nostre ame sent la chair & y est attachée.

 

 


Vous aymez en corbeaux à bequer la charogne,
Vous viuez en pourceaux dedans la saleté,
Vostre Dieu c’est le ventre à viure sans vergogne
Viure comme il vous plaist en toute liberté,
Et cela vous suffit pour bien passer la vie ?
C’est ainsi que du ciel vous estes plains d’enuie.

 

 


De ces membres gastez se forme la gangrene,
Tout au milieu du corps qui le va corrompant,
Sur ce mauuais terroir le vice monte en grene,
Le desordre se peuple & va par tout rampant,
Dieu vueille l’Arrester au milieu de sa course,
Et si bien l’arrester qu’il n’ait point de resource,

 

 


C’est icy que ie pleure & ie ferme la bouche,
Que i’arreste ma plume afin de souspirer
Atteint de la douleur qui par excez me touche
Et m’empesche quasi de pouuoir respirer,
Pour l’excez des malheurs dont ce siecle regorge
Que ce cruel vulcain fabrique dans sa forge.

 

 


Il est temps d’y penser on peche par coustume,
On ne s’estonne plus des pechez capitaux,
I’apprehende à la fin que nous soyons l’enclume
Et soyons le marteau de tous les plus grands maux,
Et que nous ne voyons de terribles affaires

-- 30 --


Qui desolent nos iours d’vn monde de miseres.

 

 


Mettons y tous la main puisque tant il importe,
Ne nous y flattons point faisons y tout à bon,
Roidissons tous les nerfs de l’ame la plus forte
Changeons premierement ce courage felon,
Reconnoissons les fruits de l’humaine nature
Et d’vne douce paix prenons la tablature.

 

 


Il se faut escrimer à combattre à outrance
La cause des malheurs & le mesme malheur,
Le seul desolateur du monde & de la France
Ce puissant ennemy qui damne le pecheur,
Par cette guerre iuste & la plus glorieuse
Nous florirons en paix dans vne vie heureuse.

 

 


Le glaiue est merueilleux duquel il faut combattre,
C’est la mesme, vertu d’vn homme resolu,
Qui ayme son Seigneur & sans en rien rabbattre,
Qui se tient dedans l’ordre & n’est point dissolu
Qui fait son principal de l’eternelle gloire
Vsant du temporel comme de l’accessoire.

 

 


Nous ne pouuons manquer d’en auoir bon issuë,
Dieu est dans ce party, c’est tout nostre interest
C’est de toute la gloire vne estoffe tissuë,
C’est banir tous les maux par vn dernier Arrest,
C’est se rendre à iamais digne de ces Couronnes
Qui te donnent au prix que valent les personnes.

 

 


Traittons de ce sujet comme du plus celebre,
Que son vtilité nous le fasse estimer,
N’ayant rien que de bon rien qui soit de funebre,
Possedant tous les biens que l’homme peut aymer,
Obligeant au possible & le ciel & la terre,

-- 31 --


Et le plus grand de tous pour la paix & la guerre.

 

 


Regardons Dieu pour fin dedans nos entreprises
La gloire de son nom pour nos plus grands succez,
Que nos affaires soient entre ses mains commises
Viuons dedans l’amour hayssons les procez,
La concorde des cœurs est l’heureuse harmonie
L’inexpugnable fort & la tour mieux munie.

 

 


Soyons tous bons soldats du Seigneur des armées,
Dessous l’heureux harnois de ses commandemens,
Auec cette cornette aux ardeurs enflammées
Qui anime & conduit ses fideles amans,
La solde y est vn prix de celestes liesses,
Et la milice vn sort des plus grandes proüesses.

 

 


Vous y tiendrez vn rang dans la caualerie
Si vous estes d’vn cœur plus noble & genereux,
Ou bien vous le prendrez dedans l’infanterie,
Pour faire des exploits d’vn esprit courageux,
Les lauriers des Cœsars incontinent flétrissent,
Mais ceux de ces guerriers à iamais reflorissent.

 

 


Les pleurs de penitent y sont de bonnes armes,
Elles blessent à bien plus elles font douleur
Cette douleur complaist & est mere des charmes,
Elle creue l’abcez & conforte le cœur,
Pour desarmer l’enfer en soldat bien habile
Vne seule suffit vne bonne en vaut mille.

 

 


Pour n’estre pas du camp personne n’a d’excuse
Le pauure avec le riche y est d’vn mesme sort,
Le viellard & l’enfant y porte l’arquebuse
Le sexe plus fragile a le bras assez fort,
Le malade y peut tout, il y rogne il y taille

-- 32 --


Sans mouuoir pied ny mains il gaigne la bataille.

 

 


D’icy sont retranchez ceux qui sont heretiques
Qui veut dire testus & sans soubmission,
On n’y reçoit non plus les hommes schismatiques
Qui veut dire hautains gens de dissention,
On ne milite point sans ordre & discipline
Lucifer est le chef de toute ame mutine.

 

 


Il faut estre de fait Chrestien & Catholique,
Sans volonté contraire à la loy du Seigneur
De quel bois il n’importe homme sage ou rustique,
L’amour de la vertu donne à tous la valeur
S’en est le baudrier l’vsage & la victoire,
Dieu qui iuge des coups est le prix & la gloire.

 

 


A quel plus grand honneur peut esleuer la creste
Le Prince & le vassal que dans ces beaux projets ?
Sous ce mesme estendard l’homme & l’Ange s’appreste,
A disputer du bras sur les plus hauts sujets,
L’espée en est du ciel l’ordre de sa puissance
Et luy mesme y preside & combat en presence.

 

 


De toutes les vertus on y voit les liurées,
Les puissans escadrons les glorieux emplois,
Les suprémes grandeurs du ciel y sont ouurées
D’vn esclat nompareil pour les mesmes exploits,
Et pour en bien parler ces trouppes sont si lestes
Qu’elles ne font qu’vn corps auecque les celestes.

 

 


Ce meslange est si beau qu’elles marchent en couples,
Elles joignent deux bras pour faire vn mesme coup
Ce n’est aussi qu’vn cœur pour en estre plus soupples,
Cette societé les rejouït beaucoup,
Le triomphe des deux donne à chacun sa palme

-- 33 --


Differente la mesme & tousiours dans le calme

 

 


Quelle occupation plus digne de memoire ?
A quoy l’homme employer ses plus riches talens ?
Celle cy est sa fin, celle-cy son hystoire,
Les Seraphins en sont de gloire estincelans,
Le monde est son theatre & pour sa recompense
Le lieu ne l’a comprend, l’œil n’en a connoissance,

 

 


Sur la fin de nos iours quand il faut que les parques,
Mettent la main sur nous par l’ordre du destin,
Dequoy ont triomphé les augustes Monarques
Qui naissent comme nous & ont pareille fin ?
La mort est leur vainqueur au bout de la carriere,
Leur gloire est de la terre & retourne en poussiere.

 

 


Deuant Dieu que sont ils au point de leurs dépoüilles,
Personne ne les suit que iusques au cercueil,
Ils sont entre les mains des trois filequenoüilles
Qui ont changé leur pompe en vn extréme dueil,
On ne les connoist point, ils ne peuuent paroistre,
Iadis ils furent Roys & ne sont plus en estre.

 

 


Le monde les a veus, mais en si peu despace,
Qu’en ce point ce n’est rien qu’vn moment qui n’est plus
Qui n’a point de retour & qui n’a point de trace,
Et n’a point eu d’Arrest que pour finir son flus,
Icy git leur grandeur dedans cette carcasse,
Qui les renferme, icy & iamais ne s’effasse.

 

 


Annoncez-nous vn peu ce que c’est que l’Empire,
Funestes ossemens qui nous parlez icy,
Ce drap de veloux noir qu’est-ce qu’il nous veut dire,
Dont la triste couleur nous rend le cœur transy ?
Est-ce icy le terroir des grandeurs de la terre
Ce coffre si petit qui les cache & resserre ?

 

-- 34 --

 


Ne vous trompez-vous point, ce riche diadéme
N’a que ce monument pour sa possession ?
Cette teigne, ces vers qui le rongent à mesme ?
Cette horreur du sepulchre & cette infection ?
Il n’a rien emporté de toutes ses richesses ?
C’est icy le butin de toutes ses proüesses.

 

 


O monde de grandeur ! monde de tromperie !
Ainsi vous decevez ! ainsi nous vous aymons,
C’est icy vostre gloire & vostre brauerie !
Cette teste de mort sans cœur & sans poumons !
Que vous estes affreuse & que vous estes have,
Releuez-vous d’icy pour faire vn peu la braue.

 

 


Faites-vous la faueur au moins de nous escrire,
Par quelque messager de ces sombres manoirs
Ce que l’ame deuient, si c’est le temps de rire
Ou bien de lamenter dedans ces cachots noirs,
Quel estat hors du corps est-ce qui l’accompagne
Ce qu’on perd d’estre grand ou bien ce qu’on y gaigne.

 

 


Le passage est fermé, ce marbre s’y oppose,
Les esprits des deffuncts en changeant de sejour
Changent, aussi de tout, c’est vne lettre close,
De vous en dire rien il n’y a point de iour,
Informez-vous plustost des actions passées
Pour apprendre l’estat des ames trespassées.

 

 


La balence d’icy est vne chose estrange,
Le grand & le petit sont à vn mesme poids
Le vice & la vertu donne à chacun son change,
Rien du monde n’y peut seruir de contrepoids,
Et tout y est escrit d’vne mesme escritoire
Par la main de celuy à qui tout est notoire

 

-- 35 --

 


Ne vous enquerez point d’vne chose muëtte,
Le silence est icy extremément profond,
On rend conte en ce lieu de la moindre sornette,
Mais personne ne sçait ce que les ames sont,
Celuy qui void les cœurs le Monarque du monde
Iuge tous les humains d’vne ineffable sonde.

 

 


On traitte en ce pays chacun pour son merite,
Le riche auaricieux brûle dans les enfers
Et le pauure Lazare est vn Prince délite,
Il est grand à l’égal des maux qu’il a soufferts,
On ne s’enqueste point du sang de l’apparence,
Les œuures seulement font peser la balence.

 

 


Approche ce miroir deuant les yeux des Dames,
Il ne déguise rien, il dit la verité,
Icy sont les beautez dessous ces mesmes lames
Où gisent les grandeurs de la Principauté,
Celles qu’on croit auoir tant d’appas & de charmes
Ne sont peintes icy qu’auec de grosses larmes.

 

 


Le Peintre qui les peint dessus vne cartouche,
Il flatte le pinceau voicy le naturel,
Ce beau teint si poly releué d’vne mouche
A bien changé de traits pour estre adoré tel,
Le temps qui la formé l’a mis dans cette quesse,
Prouuant que la beauté n’est qu’vne anchanteresse.

 

 


Voyons si c’est ce teint orné de tant de grace,
Qui sembloit vn Soleil en admiration,
Ses yeux ne luisent plus il est froid comme glace,
Rien n’en ose approcher que la corruption,
C’est elle qui se rit dessus ce beau visage
C’est elle qui se jouë auec ce beau corps sage.

 

-- 36 --

 


C’estoit le grand party d’amoureuses conquestes,
Et ce n’estoit qu’vn Leurre à piper les amants,
La fin de leurs souhaits le fruit de leurs Requestes
Leur reproche à present ces appas deceuants,
D’auoir aymé par trop vne layde carcasse
Et d’auoir fait leur Dieu d’vne ombre qui se passe.

 

 


Où auiez-vous les yeux de l’estimer si belle ?
Cette mort y estoit dedans son propre sein
Sous vn frond apparent estoit cette ceruelle,
Ces ossemens estoient cette charmante main,
L’ame estoit la beauté de cette mort viuante
Du corps que vous aymiez qui n’est plus qu’épouuante.

 

 


C’estoit là vostre cœur, c’estoit vostre maistresse ?
C’est pourquoy vous mouriez d’extréme passion ?
Vous estiez son captif enchaisné de sa tresse ?
Vostre bon-heur estoit dans son affection ?
Bref, c’estoit vostre tout & vostre vnique gloire
Cette chair à present si hydeuse & si noire ?

 

 


Quelle extréme laydeur quelle metamorphose ?
La faucheuse d’vn coup a cueilly ces beautez,
Vn printemps a passé sur cette belle rose,
Les épines au lieu restent de tous costez,
Ce beau lys est fané qui estoit sur sa tige
L’arcenal de l’amour & le fameux prestige.

 

 


Estranges bataillons terrible artillerie,
Des roses & des lys qui blessent à mourir,
Qui charment les viuants & qui font boucherie
Des ames en joüant par vn sale desir,
Qui donnent à l’amour des brandons & des fléches
Pour faire dans le cœur les plus fruieuses bréches.

 

-- 37 --

 


Vous appéllez beauté cette amorce fatalle,
Qui seduit les esprits corrompt les innocens
Des hommes vertueux la plus grande riuale,
De l’impudicité les traits les plus puissants,
L’allumette d’enfer vn brasier de luxure
De toute impureté la cause tres impure ?

 

 


Vous n’apprehendez pas ces coups de canonnade,
Qui renuersent les forts des hommes plus constans ?
Au seul nom de beauté si l’homme en est malade,
L’objet a desconfit infinis combatans
D’vn regard & d’vn poil la femme les enchayne,
Sans peché de sa part & sans aucune peyne.

 

 


Suffit, vous estes homme & dans cette rencontre,
La femme l’est aussi par vne mesme humeur,
A l’abord seulement l’amitié se démontre,
Par surprise & d’assaut elle gaigne le cœur,
Et quand on y est pris Dieu sçait la consequence
Si le tyran d’amour vse de sa puissance.

 

 


Fuyez l’occasion dedans cette milice,
Les proüesses icy c’est de tourner le dos,
Pource que la beauté trahit par sa malice,
Que c’est là vostre foible où l’hommn est moins dispos,
Pource que la beauté combat avec les charmes
Qui font ployer l’espée & qui faussent les armes.

 

 


Le Demon est puissant sous vn visage d’Ange,
Le peché paroist beau dessous de beaux attraits,
La volupté des sens se plaist dedans la fange,
Quand leurs appas y sont en leurs propres extraits
Les ruses de la chair sont les plus perilleuses,
Pour prende à l’ameçon les ames malheureuses.

 

-- 38 --

 


Sur ce sein d’escouuert ces bras à la chair nuë,
Le diable y est assis qui souffle le tison,
Il y est glorieux comme en son aduenuë
Pour ietter par les yeux dans l’ame son poison,
Il y fait son profit il s’y donne carriere
Pour estre aux spectateurs vn charme de sorciere.

 

 


Il n’y a point de place à ces feux imprenable,
La nature y agit auec vn grand pouuoir,
Tout y donne la main tant il est redoutable
Tant il est necessaire à chacun d’y pouruoir,
Le vray soldat Chrestien se tiendra sur ses gardes
Pour parer à l’assaut de ces rudes bombardes.

 

 


S’il surmonte la chair il desarme le diable,
Il r’enuerse le fort qui assiege l’esprit,
Il triomphe du monde en vn chef incroyable,
Il a presque vaincu tout l’ost de l’Ancechrist ;
Pour lors il tient des maux la clef & la frontiere
Et pour comble de biens son ame est emperiere.

 

 


C’est vn ample sujet à quiconque l’embrasse,
Pour se faire valoir en homme valeureux,
C’est vaincre la nature & monter haut en grace,
Et posseder en terre vn estat bien-heureux,
Les vices de la chair sont d’vne grande bande,
Qui la sçait commander à soy-mesme commande.

 

 


Cet homme de grand cœur prend en horreur le vice,
Il ayme la vertu pour sa grand beauté,
Il souffrira plustost tout genre de suplice,
Que, de se laisser vaincre à l’esprit indompté ;
Son courage tient bon à faire resistance,
D’autant plus que la chair s’arme pour faire instance

 

-- 39 --

 


Il gouuerne ses sens d’vne main genereuse,
Leur impose vne loy de moderation
A droit à rejetter toute amorce pipeuse,
Qui le flatte au peril de sa damnation
Il regarde le ciel, il regarde sa tombe,
Il regarde l’enfer de peur qu’il ne succombe.

 

 


Son ame ne perd point l’œil de la sentinelle,
Ce dictame du cœur qu’il commet aux aguets
La garde iour & nuict d’vne crainte fidelle,
Auec des sentimens magnanimes & gays,
Il ne manque non plus de bonnes forteresses
Les grands propos qu’il fait & les fermes promesses

 

 


Il ne despoüille point le harnois militaire,
L’amour de son Seigneur & l’amour du prochain
En ces deux points sur tout il se rend exemplaire,
Et aduance tousiours du iour au l’endemain ;
C’est ce qui le rend fort en homme inexpugnable,
Et le fait triompher en vainqueur admirable.

 

 


Ce n’est pas tout pourtant, la volupté vaincuë,
Le demon d’au trice est bien aussi puissant,
Sa force est attrayante & n’est pas moins aiguë,
L’argent corrompt les mains l’or est éblouïssant,
Les richesses de monde autant sont adorées,
Que le monde en fait cas & qu’elles sont leurées.

 

 


C’est bien la verité qu’auec cette nerueure,
Il soustient sa grandeur auec grand appareil
Mais ce bon heur icy n’a rien que la parure,
Au fonds qu’est-ce que c’est ? le songe d’vn sommeil
L’ombre de nostre corps vne matiere vile,
L’amusement du cœur vne chose seruile.

 

-- 40 --

 


Ce n’est rien qui soit grand au regard de vostre estre,
Le monde vniuersel est moins que nostre doigt,
La robbe ce n’est pas ce qui nous fait paroistre,
Nous n’en valons pas mieux dessous vn riche toigt,
L’homme porte en son cœur & dans son excellence
Les veritables biens de su propre opulence.

 

 


L’homme icy bas est ne pour regner sur les astres,
Et non pas pour seruir à la cupidité
Qui jouït de grands biens il en craint les desastres,
Son ame est au soucy non à sa volonté
Il vit entre les bras de l’aueugle fortune,
Tributaire du sort & vassal de la Lune.

 

 


Le cœur de l’homme à Dieu c’est son lieu desirable,
Et vos dieux, Israël, ce seront vos escus ?
Vostre bien souuerain c’est vn bien perissable,
Vostre cœur y est pris vous en estes vaincus,
Vos richesses ce sont vos souhaits vos pensées
C’est où vos ames sont iour & nuit enlacées.

 

 


Dessus ce pied d’estal vous estes des statües,
Sans espoir de salut, sans cœur, sans mouuement
Qui seront aussi tost par le temps abbatües,
Et qui branlent tousiours dessus ce fondement,
Iusqu’au dernier souspir les demons vous escortent
Et au sortir du monde en enfer vous emportent.

 

 


Le monde est vne mer dans les grandes richesses,
On y est exposé à beaucoup décumeurs,
Les Sirennes y sont de toutes les molesses,
Qui charment les esprits & corrompent les meurs,
Il y a tant descueils en danger du naufrage
Qu’il n’est rien tant à craindre & de moindre suffrage.

 

-- 41 --

 


Les arteres du cœur qui rehaussent la teste,
Montrent par leur vigueur à quoy nous sommes nez,
Qu’il ne faut pas ramper ainsi que fait la beste,
Que nos esprits ne sont du corps icy bernez,
Que la soif dont nostre ame est de biens alterée,
A son tresor placé sur la voûte ætherée.

 

 


Si la vertu des Saincts se trouue dans les riches,
Les vns en ont leur part à prix fait de deniers,
En ne les cachant pas dans des auares niches
Ils en font vn party de sages monetiers,
Ils acheptent le ciel par cette intelligence
Et de sarment le monde auec manigance.

 

 


Quelques autres aussi par vn meilleur menage
Rendent le tout à Dieu dedans leurs propres mains,
Ils trauaillent en or en trompant son vsage,
Ils semblent posseder & ont d’autres desseins,
Et sans se despoüiller leur cœur fait banqueroutte
Pour se frayer au ciel vne plus riche routte.

 

 


Si les pauures sont saints, ils sont sans conuoitise,
Ils cherchent le tresor qui ne peut point perir,
En aymant Dieu sur tout sans aucune feintise
Plutost que l’offenser resolus de mourir,
Se contentent du peu que le Seigneur leur donne,
Mais riches d’autant plus qu’ils ont vne ame bonne.

 

 


Le bonheur des humains est d’vn autre edifice
Que ne sont les Palais tout d’or & tout d’azur,
La vertu leur acquiert ce tres-haut benefice,
Il le faut meriter & le mettre en lieu sur,
On le court à la bague, on l’emporte à la iouste.
Et tout l’or & l’argent rien qui soit n’y adiouste.

 

-- 42 --

 


Par vn coup de hazard les hommes s’enrichissent,
Le bonheur est du ciel & de nostre trauail ;
Les thresors sont pourris quand les hommes finissent,
Et la vertu pour lors acheue son email ;
La vertu sort d’exil auec son bel ouurage,
Le riche n’a rien fait, le rien est son partage.

 

 


Allons voir si l’honneur qui fait si bonne mine
Ne nous trompera point sur le fait du bonheur,
La Noblesse est à luy la gloire la plus fine,
La dignité le suit, il ayme la grandeur,
Il se picque d’estime, il cherche la loüange
Et d’auoir le dessus ou d’auoir sa reuange.

 

 


C’est le plus morfondu & le plus temeraire,
Des trois chefs capitaux ennemis du vray bien,
L’opinion le guide en tout ce qu’il sçait faire,
D’autant plus qu’il est fort plus il sert de lien,
D’autant plus qu’il est grand & plus il fait d’ombrage,
Plus il a de pouuoir pour nous faire dommage.

 

 


Le bon sens nous apprend qu’il n’est rien de plus vuide,
Qu’il est fort grand amy d’imagination,
Que son visage est faux & son ame liuide,
Que vous ne tenez rien en sa possession,
Que ce n’est tout au plus qu’vn charme de fantôme,
Et qu’à le bien peser c’est l’ombre d’vn atôme.

 

 


Dites moy son suiet, en quoy c’est qu’il consiste,
Ses applaudissemens ne se font iamais voir,
Tel qui vous fait beau ieu dans son cœur s’en contriste,
L’vn vous offre du blanc & vous garde du noir ;
Flateur & mercenaire & tousiours dissimule,
Souuent par vn baiser, il trahit, il accule.

 

-- 43 --

 


Il n’a donc point d’appas qu’on ne les fantasie,
Il s’en faut asseurer dessus sa propre foy,
Il faut s’en rapporter à nostre ialousie
Qui se donne l’honneur qu’elle n’a point à soy ;
Et il se faut payer d’vne chose incertaine
Et d’vne vanité de toutes la plus vaine.

 

 


Les estaffiers de cour font mieux le personnage,
Ils vous rendent respec, mais en les bien pavant,
Ils ont part au gasteau en vous faisant hommage,
S’honorent les premiers deuant vous se ployant ;
Ainsi donc va le monde ! O que la gloire est mince
Qui n’a que la grandeur & la gloire d’vn Prince.

 

 


Le luxe des habits le fera mieux, possible ?
S’il y a de l’excez son vice le dement,
S’il n’y a point d’excez il n’a rien de plausible,
L’habit est sans honneur, l’honneur sans vestement,
C’est vn honneur d’emprunt que celuy de la robbe
Le iour vous en fait prest & la nuict le derobe.

 

 


L’honneur de la puissance entre-il en conteste ?
C’est vn bras de fortune & trop feble & trop fort,
Dans vne siere main il desole, il deteste,
Pour puissant qu’il puisse estre, il n’est rien sans support,
Indifferent de soy bonne & mauuaise lime,
Requis tant seulement pour l’ordre du regime.

 

 


L’honneur est abusif, l’amour sur tout excelle,
C’est le dispensateur, le pere de tous biens,
Son lustre est esclattant, sa force tousiours belle,
Les interests de touts ce sont aussi les siens,
Il guerit de tout maux & n’a point d’amertume,
Vray Monarque des cœurs la premiere coutume.

 

-- 44 --

 


Iamais la charité ne souffre de contrainte,
Son ordre est accomply, son honneur est parfait,
Elle conjoint les cœurs d’vne diuine estrainte,
Dieu mesme est charité, sa gloire en est l’effet,
Elle est la paix du ciel, elle en est les delices,
Et sa priuation l’enfer & ses supplices.

 

 


Les couronnes du ciel par sa main Dieu dispense,
Son merite est sans pair & son bon-heur sans prix ;
D’vn pouuoir souuerain elle absout toute offense,
Elle fait grace à touts, consomme les esprits,
Toutes les raretez dans son sein sont encloses,
Vn grain de cet amour vaut mieux que toutes choses.

 

 


Par sa dilection le Sainct Esprit nous baise,
Nous ne sommes qu’vn cœur & vne ame auec luy,
Il nous transforme en soy dedans cette fournaise,
Et il demeure en nous comme dans son estuy ;
Celle-cy est son tout, celle-cy sa personne,
Hors de Dieu son plaisir, & en Dieu sa couronne.

 

 


Vous dire ce qu’elle est c’est par trop entreprendre,
Puis que l’homme est fait Dieu qui vit en charité,
Viure dans son amour c’est Dieu mesme comprendre ;
C’est posseder le Ciel, c’est la fœlicité,
Il ne faut que sçauoir combien c’est que Dieu l’ayme,
Que c’est son amitie & sa volonté mesme.

 

 


O la grande beauté toute belle & sans tache ;
De la quelle Dieu mesme est deuenu ialoux,
Il se picque d’amour, & veut bien qu’on le sçache,
Il en est tout remply & l’exige de nous,
On y void de ses traits la viue portraiture,
Et de toutes beautez vne glace tres-pure.

 

-- 45 --

 


Par les puissans appas qu’elle mesme dicoche
Elle surmonte tout & le met à ses pieds,
Elle amolit les cœurs quoy qu’ils fussent de roche ;
Dieu n’y peut resister, ses yeux y sont liez,
Le Tartare infernal ne craint que cette belle,
Et la beauté du monde est laideur aupres d’elle.

 

 


Ses armes sont d’amour, & d’autant plus puissantes,
Pour subiuguer à soy les mortels & les Dieux,
Pour triompher des cœurs auec ses mains charmantes,
Et pour les desarmer d’vn regard de ses yeux,
Pour rembarrer l’enfer par ses fortes tranchées,
Et du monde éuenter les mines plus cachées.

 

 


Dessoubs cette grandeur il n’y a point d’esclaue,
Seruir Dieu c’est regner sur ses propres suiets,
Assis dessus le Ciel dedans son sainct conclaue,
Iouyssant de sa gloire & des mesmes obiets,
Reuestu d’vn drap d’or semé de pierreries
Son diadême au chef ; au cœur ses armoiries.

 

 


Les clefs de la cité celeste & glorieuse,
Nous sont mises en main sous son authorité,
Pour en iouyr sans fin auec cette amoureuse
Dont elle est le Royaume en propre heredité,
Digne de sa grandeur & digne de ses charmes,
Acquis par sa valeur & par ses propres armes.

 

 


Ineffable cité, par excez triomphante,
Nul ne peut conceuoir ta circonscription,
Ta gloire est infinie au delà rauissante,
Combien tu me suspends en admiration
Qu’estant la ville-Dieu tu sois nostre contrée,
Et que pour t’aborder l’amour seul soit l’entrée.

 

-- 46 --

 


Que mon cœur te souhaitte, il faut qu’il en souspire,
Puis que tu es son centre & qu’il est ton sejour,
Le monde est son exil, c’est en toy qu’il s’admire,
Il n’appelle point viure esloigné de ta Cour,
Si ie ris c’est pour toy, & pour toy que ie pleure,
C’est pour toy que ie vis & ie meurs à toute heure.

 

 


Mortels qui de bonheur auez l’ame alterée,
Voicy le rendez-vous vostre soif vous l’apprend,
D’où vous estes natifs, c’est le ciel empirée ;
Comprenez en esprit ce que l’homme comprend,
Sondez-le dans les reins de son ame immortelle,
S’il ne faut pas que Dieu soit sa part eternelle.

 

 


Or pour y par uenir vous le pouuez sans peine,
Il suffit de garder l’ordre dans vos amours ;
Vous desirez le bien, allez à la fontaine,
Si vous craignez le mal fuyez-en les destours,
Vous aspirez au port prenez vent & marée,
Regardez vostre Nort la routte est asseuree.

 

 


Chacun suit sa fortune & la souhaitte bonne,
Elle depend de vous, & sans aller plus loing,
Faites pour ce suiet ce qu’elle vous ordonne,
Vous ne pouuez manquer de la tenir au poing :
Suiuez là pas à pas on la trouue à la piste,
Dans l’amour du vray bien où le bonheur consiste.

 

 


Gardez vous dans le choix de prendre la sigüe,
Ce faux bien apparent qui porte le poison,
Sous les fleurs le serpent cache sa pointe aiguë,
Gouuernez-vous en homme & non pas en oison :
Vers le but de vostre estre aiustez vostre mire,
Ne soyez pas valet quand il faut estre sire.

 

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Vostre bonheur vous cherche, il vous presse & attire,
Escoutez ce qu’il dit & voyez ce qu’il fait,
R’appellez vostre esprit vous le verrez sousrire,
Aux attraits tout puissans d’vn estre tout parfait,
Vous gouterez en luy la douceur d’vne cresme
Qui montre que Dieu seul est vostre bon-heur mesme.

 

 


Arborez là dessus, donnez vous cette estrene,
Que Dieu soit vostre amour, que Dieu soit vostre fin,
Reglez vos appetits dans cette large plaine,
Sauoürez à longs traits la bonté de ce vin :
Formés vous à ce ply auec autant d’étude,
Vous commencés icy vostre beatitude.

 

 


L’estat d’homme d’honneur est d’estre pacifique,
Celuy qui vit en paix opere son salut,
La sagesse au combat du vice est magnifique,
Le bonheur des humains cette guerre conclut :
Mais la felicité du ciel & de la terre
Le seul amour de Dieu nous la donne & l’enserre.

 

FIN

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Anonyme [1652], A TOVS LES HABITANS DE LA TERRE, L’HEVREVX GENIE. SALVT. Les aduenuës du bien souuerain de l’homme. C’est à sçauoir, Le Traitté de la Paix entre les hommes. De la Gverre contre les vices: Et de l’intelligence dans l’Amour du Ciel. Vray Miroir de l’homme d’honneur, de l’homme sage, & de l’homme heureux. , françaisRéférence RIM : M0_11. Cote locale : B_18_34.