Anonyme [1652], A TOVS LES HABITANS DE LA TERRE, L’HEVREVX GENIE. SALVT. Les aduenuës du bien souuerain de l’homme. C’est à sçauoir, Le Traitté de la Paix entre les hommes. De la Gverre contre les vices: Et de l’intelligence dans l’Amour du Ciel. Vray Miroir de l’homme d’honneur, de l’homme sage, & de l’homme heureux. , françaisRéférence RIM : M0_11. Cote locale : B_18_34.
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A TOVS LES HABITANS DE LA TERRE
l’Heureux Genie.

SALVT.

AVANT-PROPOS.

L’AMOVR du souuerain bien, & le mesme souuerain
bien de l’homme, est cét heureux Genie, que ie vous
presente icy à touts, & qui du Ciel auant vous enuoye
le salut par ma bouche, & qui vous annonce dans
cét escrit les moyens necessaires & infaillibles pour atteindre
& paruenir à la vraye felicité. Ie ne puis point douter qu’vn
si bon amy que celuy-là ne reçoiue de bons accueils de vous,
& que son abord ne vous soit aussi cher que le bon heur qu’il
vous souhaitte, & qu’il tâche de vous procurer est estimable
& digne de veneration. La foy que vous luy deuez vous est
trop auantageuse pour ne luy pas aussi accorder ce qu’il demande
de vous, dans le narré de son ambassade qui ne contient
que le sujet de vostre salut.

Si le style de l’Escriuain n’égale pas la dignité de la matiere,
il suffit que celle cy a dequoy égaler vos souhaits, & qu’elle
donne à mon discours la force d’vne parfaite eloquence,
pour nous faire aggreer mon dessein, & pour meriter quelque
loüange & remerciment de vous auoir dedié le petit trauail
de cét ouurage, & pour vous parler d’vne plume assez
hardie & assez forte à vous conuaincre & persuader ce qu’elle
pretend de vous faire entendre, sur le sujet que i’ay entrepris.
Le choix particulier que i’en ay fait vous peut faire juger si
i’ay eû dessein de vous seruir en la chose du monde la plus excellente
& qui vous touche le plus, qui est de viure heureux
en la terre, & de vous conduire au Ciel : Et si vos interrests

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qui conduisent mes intentions vous obligent de me donner
audience, & de me seconder dans l’affection que i’ay de vous
profiter.

 

Vous me pardonnerez bien si en vous découurant le chemin
du bon heur, je declame auec autant de liberté que de
modestie contre le vice, puisque c’est pour vous retirer de la
perdition. Si i’estois trop mol en vn suiet de cette importance,
ou si ie dissimulois la verité, ou il s’agit du premier chef
de la Gloire de Dieu & de vostre bien, vous auriez tout sujet
de croire & de m’accuser que ie vous trahirois par vne si mauuaise
complaisance, & ie meriterois la censure d’vne main
qui ne se soucie pas de guerir le mal, pourueu qu’elle applaudisse
pour s’acquerir de l’honneur. I’vse à la verité d’vne
moderation à reprendre plus discrette beaucoup que le zele
de vostre bien ne me l’auoit inspirée ; & ie confesse que i’ay
eû de la peine a retenir la passion que i’auois d’animer autant
mon discours que i’estois touché de la desolation du monde,
& du salut des hommes : mais pour ne pas sembler trop seuere,
& pour traitter plus amiablement les pecheurs, & pour
les inuiter d’autant plus à se reconnoistre, ie me suis voulu
estudier à les gaigner plutost par la force de la raison & en les
attirant par douceur, que d’emporter la piece en vsant de la
rigueur que la iustice & la verité pouuoit requerir de la vehemence
de mes paroles.

Mon dessein a esté de seruir à chacun son plat, auec la mesme
proportion qu’il pourroit souhaitter d’vne remonstrance
fidelle & profitable, & comme simple truchement de l’heureux
Genie d’vn chacun. Et dautant que c’est luy qui est le
sujet & l’autheur de l’ouurage qui porte son inscription, ce
qui vous est mis en main d’vne si bonne part, merite bien de
vous estre agreable, & que vous preniez plaisir d’en faire aussi
souuent la lecture que le present a de poids & de valeur pour
vous bien-hureurer. Il vous regarde tous d’vn mesme œil, &
sans faire acception de personne ; pour vous tesmoigner que
toutes les ames sont siennes ; toutes faites sur vn mesme moule
de ressemblance à Dieu ; toutes l’objet de sa dilection eternelle ;

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toutes sorties de ses mains comme vne semence du
Ciel infuse dans la masse du corps sans aucune corruption de
la part de leur principe qui n’est autre que Dieu par l’œuure
d’vne seconde creation, qui est la fin de la premiere & vniuerselle
creation du monde ; toutes par l’ordre de sa prouidence
rapportées à vne mesme fin, de la ioüissance de sa Gloire,
par la capacité naturelle de l’homme, dans la grandeur de son
esprit, & par les moyens de Grace & de Vertu preparez à
tous par la bonté infinie du Createur & Redempteur de touts
les hommes ; & touts d’vn prix infiny dans les regards de la
Gloire, que Dieu put recueillir de leur salut & beatitude, &
dans les regards du mesme bon heur eternel & souuerain qui
les touche & qui est Dieu mesme, & la possession de Dieu, tel
qu’il est en luy mesme par vision & par fruition de leur essence
propre, qui est le bien souuerain la fin & la beatitude de
l’homme.

 

Cét escrit est vn manifeste du desir qu’il a que touts les
hommes se sauuent, & qu’il ne tiendroit pas à luy qu’ils fussent
heureux, s’ils auoient l’œil de la consideration ouuert à
reconnoistre leur bon Genie, & l’oreille attentiue à entendre
sa voix pour addresser leurs pas vers luy mesme, dans les ordres
de sa conduitte : & pour les asseurer qu’il est extremement
deplaisant, qu’au lieu de le regarder & de le suiure ils
luy tournẽt le dos, & que pour peu de sujet, & sans se mettre
en peine de leur sort ils renoncent au Ciel & s’abandonnent
au Genie de leur mal-heur par le peché qui est soubmis à
l’appetit de leur volonté libre de mesme qu’elle est soubmise,
à la loy du Seigneur.

Ils apprendront icy que c’est du cœur qu’il parle en souhaittant
à tous le salut de sa gloire ; & que s’il est égallement
de soy-mesme le Dieu de touts il est égallement de soy-mesme
le partage & le bien souuerain de touts ; & que par la
mesme obligation qui enioint à tous les hommes de
l’aymer, de combattre le vice & de viure en paix & concorde
par ensemble, il les met en voye de paruenir au but
de leur creation, il leur trace le chemin de leur bon-heur,
& leur montre qu’en s’aquittant de cette charge qu’il a voulu

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dependre de leur liberté, ce qui dépend de sa Grace, tant
pour ce regard que pour donner à leurs actions le poids du
merite de l’eternité ne leur manquera point. Et les asseure
qu’ayant des recompenses à donner il est fidelle à ceux qui
luy sont fidelles, & que pour luy estre fidelle il nous preuient
de son secours soit particulier soit general, soit efficace, soit
suffisant, sans lequel on ne pourroit pas entendre qu’il fust en
nostre pouuoir de luy estre fidelle, & ne seroit pas possible
qu’il eust intention en ce cas de nous obliger par dessus
nos forces & nous imposer des commandemens impossibles.

 

Tout ce qu’il demande de nous, il nous le preste & prepare
par auance dans les moyens à cela necessaires, par la force &
suauité infinie de sa conduitte, qui manqueroit d’ordre dans
ses voyes, s’arresteroit au milieu du chemin, & se priueroit
elle-mesme de sa fin, non seulement particuliere qui est le but
que Dieu prescrit aux estres créez pour leur derniere perfection,
mais encore de sa fin generalle, qui est de regir par vn
Gouuernement parfait, ordõnant des moyens cõformement
à la fin, & en aydant, non pas accablant les forces de ses Sujets
pour s’a quitter de leur deuoir & acquerir leur bon-heur.

Pour traitter auec nous, son cœur qui est par essence la
mesme bonté, & la mesme gloire, ne peut pas dementir sa
naturelle douceur, qu’il ne soit de luy mesme enclin à nous
vouloir & faire du bien en répendant ses benedictions sur
nous pour sa gloire, qui est la fin de l’homme, de mesme qu’il
répand ses benedictions sur les autres creatures pour l’amour
de l’homme, qui est leur fin. Nostre salut est de sa volonté ;
mais il n’a point de part en nostre perte. Il nous semond à l’vn
& nous y ouure les bras. Mais il ne sert pas d’achoppement
à l’autre, & n’y contribuë aucunement. Pour l’vn il donne
quelque sorte d’assistance à touts, qui pourroit suffire à salut
dans la suitte du bon vsage qu’ils en feroient & des bonnes
œuures qu’ils opereroient, & des effets & efforts que Dieu
adjousteroit à ceux de l’homme par la munificence de son
cœur, & pour acheuer par des moyens plus hauts ce qu’il auroit
commencé par des moindres. Et pour l’autre s’il nous

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delaisse pour nos pechez, ce n’est pas pourtant à dessein de
nous perdre, mais pource qu’il vse d’épargne en la dispensation
de ses Graces, & qu’il veut nous apprendre d’en estre
bons œconomes par la priuation que nous en ressentõs apres
auoir peché. Et à le bien dire, la vraye cause & raison de nostre
perte n’est pas que nous soyons delaissez de Dieu, mais
que nous delaissons Dieu, & nous delaissons nous mesme.

 

Que si les loix de Dieu ont quelque rigueur au regard de
nostre foiblesse, elles sont d’ailleurs toutes pleines d’attraits
d’honneur, de sagesse, & de beatitude ; si bien que tout bien
pesé il y a plus de plaisir & moins de peine à les garder qu’à
les enfraindre. On ne marche que par l’honneur en obseruant
ses commandements : La vraye sapience y amasse vn
thresor de tous biens : & le bon heur de l’homme qui en est
le fruit s’y rencontre, & si gouste, comme en la suauité & vertu
glorieuse de sa semence. Seruir & regner tout ensemble ne
se rencontre que dans cette loy ; nos hommages enuers Dieu
font nostre gloire ; sa grace ne nous est donnée qu’en le seruant ;
nostre liberté qui est de sçauoir commander, s’acheue
dans cette seruitude qui nous apprend à luy bien obeyr ; de
seruiteurs fidelles, nous sommes adoptez pour enfans qui auons
droit à l’heredité de la vie eternelle, par nos seruices
ainsi que par le tiltre de nostre naissance & filiation adoptiue ;
Les œuures parfaites de la loy, c’est à dire, qui sont accompagnez
du costé de leur principe de la grace sanctifiante,
en offrant ce que nous deuons à Dieu par obligation de iustice
sont aussi pour leur excellence d’vn merite condigne
pour nous rendre Dieu redeuable par obligation de iustice
de l’eternité de sa Gloire.

Donnez vous le temps de mediter le discours que je vous
addresse, & que ie vous dedie la dessus, vous verrez à loisir
que si la beatitude est quelque chose, d’ardu à l’homme, suffit
pour vaincre toute difficulté que c’est des-ja estre heureux &
sortir de la misere que de poursuiure le vray bien ; & que le
chemin en est des ja tout fait, & le plus beau du monde par
les moyens illustres de vertu, qui nous donne les [1 mot ill.] & les

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promisses de la souueraine joye, qui luy est reseruée pour recompense
dans le Ciel : & qu’apres tout c’est vn abus de croire
que ce soit chose mal aisée de bien faire, pour vn moment
que dure cette vie, au regard du prix d’vne gloire eternelle &
immense, qui nous doit suiure apres la mort.

 

Le traitté que ie vous donne est petit pour vn tel sujet, qui
demanderoit vn plus ample volume pour son excellence ;
mais comme pour messager i’ay choisy le plus vtile de touts,
aussi l’ay-je voulu faire court pour la mesme raison. Vous ne
laisserez pas d’y voir comme dans vn miroir qui ne cache
rien, la route du vray bien à découuert, & les chemins écartez
de la perte de l’homme. La glace en est si belle de soy,
qu’elle vous inuite à la regarder souuent pour vous y regarder
vous mesmes, & considerer en quel estat vous estes de
bon ou de mauuais chemin. L’erreur & la verité s’y découurent
si clairement sur le fait de la beatitude presente & future,
que ny la moralle de la raison naturelle, ny celle de la
Religion Chrestienne ne concluent point ce sujet par de
meilleurs & plus euidents principes pour faire reüssir mon
dessein auec approbation & profit.

 


Tout amour auiourd’huy presque estaint dans le monde
Nous semond à la paix pour le bon beur de touts,
Et pour le conquerir d’vne main sans seconde
Sen Genie est en tout le plus fort & plus doux,
En affrontant le vice il montre sa vaillance,
Et le bien souuerain est en sa ioüissance.

 

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