Anonyme [1652], DISCOVRS POLITIQVE, Sur le tord que le Roy faict à son Authorité, en ne faisant point executer les Declarations contre le Cardinal Mazarin, & l’aduantage que cella donne à ses Subjets. , français, latinRéférence RIM : M0_1136. Cote locale : B_20_23.
SubSect précédent(e)

DISCOVRS
POLITIQVE,

Sur le Sujet du Retour de Mazarin en
France.

ENFIN le voicy de retour. Mazarin est rentré en
France, & auec luy la perfidie, l’infamie, & la
cruauté, il n’est plus à Cologne, n’y dans le Liegeois
il a franchy nos Frontieres, & vient la vengeance à la
main essayer de porter à cette Prouince le funeste effet
de sa passion.

Qu’es-tu deuenuë foible Declaration, qui excludois
cét Estranger pour iamais de toutes les terres de
l’obeïssance du Roy ? Te voilà, toy qui deuois estre
aussi inuiolable que les vierges couuerte de pudeur,
en te voyant des-honorée par ton pere : Comment
deffendrons-nous la parole Royale, qui doit estre la
plus saincte aprés celle de Dieu, contre les reproches
des Estrangers qui l’accuseront d’vn manquement connu
à toute l’Europe ? Qu’elle opinion auront-ils du
Gouuernement de cét Empire, quand ils conteront la
foy pour neant ? Et quel échange, ou quel coup d Estat

-- 4 --

est celuy-là, bannir de la France & du Throsne des
Fleurs de Lys la franchise, la sincerité, & la bonne-foy,
pour r’appeller vn chetif Estranger banny pour iamais ?
Les Sçauants disent qu’ils n’ont rien leu de pareil dans
nostre Histoire : les Politiques prononcent que c’est
vne affaire de dangereuse consequence ; & tous les
François sont en transe voyant reuenir de l’exil l’ennemy
de l’Estat, (declaré tel par la voix de la Iustice
de tous les Parlemens) auec des troupes estrangeres,
& le titre de Generalissime des armées du Roy. Ie
laisse à vn chacun à faire diuerses reflexions particulieres
sur ce point de la fortune publique ; & presente
les miennes à la France, que ie croy deuoir estre iugées
les plus à propos, & les plus importantes, par
ceux qui prendront la peine de les peser.

 

La premier que i’auance, c’est que la teste des
Roys n’est pas tousiours le veritable soûtient des Couronnes :
Ce poids Auguste a des fondemens bien plus
fermes & plus solides ; ie veux dire que la naissance &
le droict hereditaire portent bien vn Roy sur le Throsne ;
mais ne l’y maintiennent pas tousiours. Sans aller
plus loin, nostre Histoire nous fournit vn exẽple confirmatif,
quand elle nous represente Childeric III. du nõ,
dernier Roy Merouingien, depoüillé de la Royauté par
les Estats assemblés à Soissons, qui luy ferrẽt changer la
Courõne des Fleurs de Lys en celle de Moine ; l’ayant
à raison de son incapacité au gouuernement, cloistré,
& relegué dans la Bauiere. C est donc la vertu & les
bonnes-mœurs qui affermissent & serrent la Courõne
sur la teste des Souuerains, au defaut dequoy il est

-- 5 --

souuent arriué dans les plus grandes Monarchies, en
la personne des Roys meschants, ou mal-habiles, que
ce precieux Cercle s’est delié, les fleurons sont tombés,
& ont esté foulés aux pieds, auec l’authorité Royale
par des subiets qui ne les iugeoiẽt pas dignes de
regner. Toutes-fois l’action n’estãt autre chose qu’vne
repugnance & vne contre-vention fornelle à la Loy ;
& les Souuerains estans au dessus des Loix, il s’ensuit
qu’il ne leur est pas si aisé de faillir qu’au reste des
hommes. Cette sorte d’impeccabilité portant (pour
le dire ainsi) n’est pas simple & absoluë, d’autant qu’il
est des Loix ausquelles ils sont sujets aussi bien que
leurs peuples ; telles sont les Loix de Dieu, de la nature,
& de l’Estat, Personne ne peut douter de l’obligation
des premieres sans impieté, n’y des suiuantes
sans ignorance.

 

Immutailia
emm
sunt naturalia.
Arist.
3. Polis.

La bonne-foy est vne Loy de nature, qui oblige
les Roys aussi estroictement que les peuples, qui se
rendent tous esgalement coupables quand ils la violent ;
La raison de cette esgalité est, que les premiers
& les derniers des hommes sont tous des ouurages
de la nature, qui ne luy coûtent pas plus les vns que
les autres ; & partant il y à dependance, telle qu’elle
doit estre entre l’ouurier qui agit par raison, & son
ouurage. C’est elle qui à vn empire & vn resort vniuersel,
qui n’a d’autres bornes que les abysmes du
neant, & qui exerce indifferemment sa iurisdiction ;
elle est la maistresse, & comme la Dame fonciere de
l’Estre de l’homme : en cette qualité elle en exige des
deuoirs ; ses Loix sont imprimées sur le plus beau iour

-- 6 --

& les plus belles lumieres de l’entendement & de la
raison ; & c’est chose aussi hors de sens que de vray-semblance,
de dire qu’en matiere de contreuentions
elle est moins choquée par les Roys que par les
Subjets. La raison que i’ay touchée ne se rencontre
pas dans les Loix qui reiglent nos biens & nos vies,
d’autant que celles-cy estant des ouurages des Roys,
ne peuuent aucunement assujettir le legislateur qui en
est l’ouurier. Prenez pour exemple des Loix de l’Estat,
la forme que les Roys en France sont obligez de garder
quand ils iugent vn Prince de leur Sang, ou vn
Pair, ce qui se doit faire séant dans le lict de Iustice-en
Cour garnie de Pairs.

 

Les Loix
ciuiles.

Legum la
[1 mot ill] dignitatem
regia
pertinet.

Arist. ibid.

Pour reuenir à la These, sur la quelle ie veux m’arrester,
ie dis que l’exercice & les fonctions de la bonne-foy
consistent dans l’entretien des pactes, des conuentions,
& des promesses. Les Roys en France n’en
font point de plus solemnelles que dans leurs Declarations
qu’ils enuoyent verifier dans leurs Parlemens ;
ce sont autant de sermens, & c’est là que la Maiesté se
prescrit ses volontés, & se lie ; aussi n’oublie-on rien
pour rendre ces Declarations Augustes, & la foy du
Souuerain venerable : on les séele de Fleurs de Lys,
& ainsi leur donne on la candeur pour liurée de la
bonne-foy & de la sincerité des paroles du Prince.
Mais que diroient les François s’ils decouuroient que
ce ne sont que des fausses liurées, & des deguisemens
empruntés pour les abuser & leur dõner le change ; que
ces pieces ne sont que de la fausse monnoye bien iettée,
& des affronts faits à la Iustice, en luy faisant verifier

-- 7 --

le mensonge.

 

C’est ce qui se decouure à present dans l’infraction de
deux Declarations solemnelles, verifiées dans le premier
Parlement du Royaume ; dans l’vne desquelles
le Roy bannit pour iamais le C. Mazarin de toutes les
terres de son obeyssance, & exclut dans l’autre tous
Estrangers de ses Conseils : & cependant voila le mesme
Cardinal rappellé & rentré dans le Royaume à
main armée ; & à mesme temps vn Sicilien qui vient
reprendre la place de premier Ministre d’Estat. Que
risque le Conseil à vostre aduis ? enseigner au Roy
que quelque parole qu’il donne, quelque Declaration
qu’il fasse, il n’est obligé de tenir rien. De grace ! si
ces Ministres auoient resolu de le perdre, & attirer
sur luy la hayne des peuples, pourroient-ils se seruir
d’vne conduitte plus dangereuse ? dans le temps de
l’enfance du Roy, qui n’est pas encore maieur de 13.
ans & demy, & qui partant ne peut auoir aucune experience
du Gouuernement, dans vn temps où nous
voyons vn party redoutable formé, les Estrangers passer
les Monts pour venir prester main forte à la iustice
des Arrests des Parlemens ; dans vn Siecle où les reuolutions
des Estats ne fûrent iamais plus grandes ; les
Royaumes les plus florissants, & les Monarchies les
mieux establies se changent en Republiques ; les Subiets
mettent la Couronne sur leur teste, enseigner publiquement
au Roy le pariure, l’art de tromper ses
peuples, corrompre son bon naturel, & vouloir luy
faire pratiquer leurs dangereuses leçons ; dites apres
cela que ces Ministres ne ioüent pas la Couronne.

-- 8 --

Remarqués encor que pour mieux insinuer leur doctrine,
& rendre odieuse au Roy l’obligation de garder
sa foy, ils l’appellent vn esclauage, parlant en ces
termes, le Roy n’est point esclaue de sa parole.

 

Celuy d’Angleterre.
Dont Iuan
de Bragance
à present
Roy de Portugal.

Il échape quelques-fois des fautes contre la bonnefoy,
qui sont suiuies d’vn bon esvenement ; celle de
Charles IX. fût de cette nature : lors qu’au preiudice
de la parole de seureté qu’il auoit donnée aux Huguenots
dans Paris, il en ordonna le massacre. Ce Prince
le fit pour deux fins, l’vne pour conseruer la Religion,
& l’autre pour esteindre dans le sang heretique les
flammes d’vne guerre ciuile qui alloit deuorãt son Royaume :
l’Histoire n’oublie pourtant pas de luy faire
reproche de cette infidelité, laquelle sans doute doit
subir la censure de l’Apostre, qui deffend de faire du
mal pour en tirer du bien : Mais encor y-à-il grande
difference de violer sa foy pour pacifier des troubles,
à la violer pour les augmenter ; de perdre les ennemis
de l’Estat à rappeller l’ennemy de l’Estat. Outre que
Charles IX. ne faillit point par ce principe & cette maxime
generale, que les Mazarins ont introduite en
France, que le Roy n’est point obligé de tenir parole à ses
Subjets ; d’autant que nous ne lisons point que cette
maxime de perfidie passat dans la Cour de ce Roy,
dans toute l’étenduë que luy donnent à present les
Ministres : & ce Prince ne faillit que parce qu’il vit que
ce coup estoit absolument necessaire pour la gloire de
Dieu, & le repos de ses Peuples : ainsi l’on n’en peut
airer aucune consequence, d’autant que ce n’est qu’vn
exemple qui n’a que fort peu de raport (comme i’ay

-- 9 --

fait voir) auec celuy que ie traite, & non pas vn prejugé
geneual qui se treuue dans la Politique de ce Prince.

 

Iourné de
la S. Barthelemy.

Ils ont puisé cette doctrine dans vne source bien
plus immonde, l’ayant tirée de celle de Machiauel, qui
est l’égout de toutes les impietés de la Politique : c’est
donc de ce Maistre qu’ils l’ont apprise, lequel ayant
enseigné a qu’vn souuerain ne deuoit pas estre bon, n’a
pas fait difficulté de luy b permettre d’estre perfide :
Doctrine impie & detestable ! & amplement refutée
dans c l’Anti-Machiauel, 3. de Polit. Theorem. 18. Mais
quel monstre d’erreur est celuy là vouloir gouuerner
l’Empire tres. Chrestien par les maximes d’vn vray
Athée. Belle leçon faite à vn ieune Prince par le Sur-Intendant
de sa conduitte ! par vn Cardinal à vn Roy
tres Chrestien ! Quand bien ce Ministre ne seroit coupable
que de cette mauuaise instruction, il n’auroit que
trop merité le supplice. Les bons Princes se sont tousiours
bien gardé d’vser de cette conduite d. L’Empereur
Sigismond estant prié par vn Soldat de vouloir se souuenir
de ce qu’il luy auoit promis ; ie le veux, dit il, &

-- 10 --

ayme bien mieux perdre ce que ie te donne apres te l’auoir
promis, que perdre le reputation d’homme de
bien. Si cét Empereur fit scrupule de manquer à vne
simple promesse verbale faite à vn soldat ; iugez qu’elle
apprehension il eut eu de violer sa foy s’il l’eust engagée
par son Seing, en promettant quelque chose à toutes les
nations de son Empire.

 

a Lib. de
princ. c, 18.

b Comm. l.
2. c. 13. &
de princ. c. 8

c Nemo tã
exiguæ mẽtis
est quin
agnoscat
hæc doctrinam
non
principitãtum
iudeco
ram, sed &
cuinscũ que
sortis homini
esse.

d Æneas
Sylu. l. 2.
En Scrodensi
Rich.
Dinoth. in
sent. history.
Nulla inter
mortales maior necessitas quam fidei seruandæ quâ sublata nec imperia possunt, nec aliquid
quidquam permanere. Cic. [1 lettre ill.]. off. quid imperia, sine iustitia ? Magna omnini latrocicinia.
Iustitiæ verò fundamentum fides. Iouiusin Amur. leuenclauius in pand. Turc. Papæ
quidem & venetis placebat òlim Vladislaum Hungariæ regem fœdus cum cum Amurathe
II. contractum di[2 lettres ill.]oluere id verò deo minus placuisse pugna Varnen sis insecuta ostendit.

Diodor. sicul. lib. 1. cap 6. Ægyptiorum legé periur capite mulctabantur, vt qui & pietatem
in Deos violarens & fidem inter homines tollerent maximùm societatis humanæ vinculum
Tholoz. 8. de rep. c. 8. num. 9. Meritò proinde principis verba & promissionẽs ad firmitatem
propemodùm diuinam accedere debent postquam fidem dedit.

Francis. patrit. lib. de regno & regum instit. lib. 8. tit. 20. tantô enim splendore in principe
fulget fides. vt sine ea omnes regum ac principum virtutes obs[1 lettre ill.]uriores fiant, ab ea singulæ
siclumen accipiunt, vnâ sole, luna, sidera, & stellæ omnes

Remarquez par là que les principaux autheurs qui, ayent iamais écrit de la Politique,
ont tous formé leur opposition à cette doctrine, & luy ont esté toute sorte de
creance.

Cette maxime que ie suis obligé de qualifier si souuent
de perfidie, qui allarme & reuolte tous les esprits,
est capable d’ébranler leur fidelité, laquelle deuant estre
reciproque entre les Sujets & le Souuerain ; ceux-là
voyant ce commerce troublé, & la correspondance
défaillie du costé de leur chef, pourroient par auanture
suiure son exemple. Ie laisse à part cette Politique prophâne,
pour dire que dans la diuine, c’est à dire en bonne
Theologie, si par impossible Dieu estoit menteur,
& ne tenoit pas les promesses qu’il fait dans l’Euangile à
ceux qui viuent sous sa loy, ils seroient desliez du serment
de fidelité qu’ils ont fait au Baptesme. Voila les
perilleuses suites de la doctrine tyrannique de ces Ministres
qui empoisonnent l’oreille de mon Roy.

Ce n’est donc pas sans raison que l’entrée du Cardinal
Mazarin dans le Royaume, laquelle est vn effet de
cette doctrine, a fait dire à Monseig le Duc d’Orleans,
dans sa Lettre écritte à la Cour de Parlement de Bourdeaux,
qu’elle alloit causer le desordre dans l’esprit de
peuples, & attirer apres soy la desolation de l’Estat.
Elle porte encor les affaires & les esprits dans le desespoir
de l’accommodement & de la Paix, puis que, supposé
l’administration & le credit qu’ils ont aupres de sa

-- 11 --

Majesté, traicter auec le Roy, c’est traicter auec le
Conseil : & celuy-cy n’estant qu’vne vraye escolle de
perfidie, qu’elles asseurances peut-on donner aux
peuples de l’obseruation des articles, puisque le mesme
Conseil enseigne, comme nous auons dit si souuent,
que le Roy n’est pas obligé de tenir sa parolle. La sincerité
& la bonne foy, sont-elles pas le fondement & le
principe de la societé & de la co-intelligence des
hommes ? & qui est celuy qui soit à apprendre que
qui oste le fondement ruine tout.

 

du 3. Ianuier.
1652.

C’est pourquoy pour acheminer les affaires à la
Paix, il est absolument necessaire, & de la seureté des
biens & de la vie des peuples, de supplier tres-humblement
sa Majesté auec tous les respects que des Sujets
loyaux doiuent à leur Souuerain, de vouloir donner
sa Declaration, par laquelle pour entretenir par
les voyes de la douceur & de la raison la dépendance
des peuples que Dieu a soubmis à sa puissance, il deteste
cette maudite maxime, declare ne s’en vouloir
aucunement seruir, & qu’en tesmoin de ce, il esloigne
dereches pour iamais de ses Conseils le C. Mazarin,
& tous autres qui seront legitimement soubçonnez
d’auoir donné de si mauuaises impressions à sa Majesté :
ie m’asseure que cét aduis sera treuué le meilleur
qu’on puisse donner pour ce temps. Ie ne croy pas
deuoir donner plus d’atteintes à cette doctrine apres
auoir appuyé si profond, & fait sortir le venin le plus
dangereux.

Ie passe à la iustice des Armes de Monsieur le Prince,
que i’estime superflû de debattre, aprés ce que tant

-- 12 --

de plumes en ont escrit. Iadiousteray seulement qu’il
ne fait que suiure les ordres de la iustice mesme, en
procedant à l’execution des Arrests qui ordonnent
à tous suiets du Roy de courir sus à ce criminel, &
à ses adherans. FRANCE ! veux tu point apres cela
seconder les iustes & loüables desseins de cét Illustre
BOVRBON ? ou bien es-tu preste à baisser derechef
la teste pour la sousmettre au ioug de la tyrannie de
cét Estranger ? Remarquera-on tousiours que tant de
peuples diuers ressemblent ces grotesques de peinture,
n’ayant que des yeux & des oreilles pour leuer
ceux-là sur le Theatre sanglant de la tragedie, & prester
celles-cy aux nouuelles de la Guyenne & des armées,
& point de mains pour prendre peine de trauailler
à leur bon heur ? Et toy PARIS ! tu fais bien
voir que ce n’est pas le Gouuernail ny la raison qui
donne les mouuemens à ton vaisseau, & qu’il ne va
qu’au gré des vents & du caprice, puis qu’on te voit
tantost leuer l’estendart, & tantost le baisser à contre
temps. Il est eschoüé dans la Seine, tes rumeurs ne
produisent rien au dehors de tes faux-bourgs ; & tu as
coustume d’estre immobile iusqu’à ce qu’on te dispute
le pain. Tu vois celuy que tu as declaré ennemy de
l’Estat, y rentrer à main armée, & tu ne t’amuses qu’à
faire des foudres de parchemin & de papier, pour les
opposer à sa marche : pense que la tirannie des Ministres
ne fait pas plus d’estat de la Balance de la Iustice
que de celle d’vn Epissier, & qu’elle ne peut plus se
rendre redoutable que par son espée.

 

Paris
porte vn
Nauire
pour armes

-- 13 --

C’est de toy Prouince de GVYENNE qui dégoutes
encor du sang des playes honnorables que tu as receu
dans les genereux combats que tu rends incessamment
depuis trois ans contre l’oppression & la violence tyrannique
des Ministres ; c’est de toy que la France attend
les efforts les plus vigoureux, & ie puis dire, le bon
succés des affaires presentes auecque son bon-heur. Ce
ne sera pas la premiere fois, Illustre BOVRDEAVX,
que tu auras donné le démenty à ton ennemy, si tu te
prepares vne seconde à le bien accueillir : C’est à quoy
tu és obligé plus que iamais, puis que ta perte n’est plus
vne matiere de deliberation, le conseil en est prins.
Crois-ru apres l’auoir mis sur le theatre, l’auoir boussonné,
pendu, brûlé, que son ame soit si saincte & si
pure, qu’elle ne conserue aucun ressentiment contre
toy ? Ce Cardinal ne donne point d’indulgence : il
vient, il vient à la teste d’vne armée essayer de tirer raison
de la resistance que tu as tousiours rendu contre sa
tyrannie : Son esprit se promeine desia dans tes ruës,
choisissant les places publiques pour y dresser des échaffauts,
& venger par des veritables supplices les affronts
faits à son effigie. Bourgeois ! choisi d’estre pendu aux
fenestres de ta maison, ou de te mettre en deuoir de
repousser courageusement ce persecuteur : dans la iustice
& la generosité de cette entreprise, tu te vois conduit
par vn des premiers hommes du monde ; ta fortune
marche à costé de celle de CONDÉ. Son Altesse
Royalle a desia mis l’espée à la main, & s’est ouuertement
declarée contre ce General à simple tonsure qui

-- 14 --

vient redoubler tes apprehensions & tes troubles, c’est
ce coup que tu dois rendre ta gloire & ta reputation
consommée : Enfin acheuant ce discours ie n’ay d’autre
pourquoy à te dire, sinon que c’est vne necessité de
vaincre ou de mourir.

 

FIN.

SubSect précédent(e)


Anonyme [1652], DISCOVRS POLITIQVE, Sur le tord que le Roy faict à son Authorité, en ne faisant point executer les Declarations contre le Cardinal Mazarin, & l’aduantage que cella donne à ses Subjets. , français, latinRéférence RIM : M0_1136. Cote locale : B_20_23.