Anonyme [1652], HARANGVE DV ROY, FAITE A TOVS SES PEVPLES SVR SON RETOVR EN SA BONNE VILLE DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_1561. Cote locale : B_1_26.
SubSect précédent(e)

Harangue du Roy, faite à tous
ses peuples sur son retour en
sa bonne ville de Paris.

VOVS sçauez bien, mes tres-humbles & tres-obeïssans
sujets, que ie suis vostre veritable
& legitime Seigneur : qu’il n’y a point d’homme
en toute l’estenduë de mon Empire, de
quelque qualité, & de quelque condition
qu’il puisse estre, qui ne releue de moy, & qui ne me doiue
toute sorte d’obeïssance : que ie n’ay iamais rien fait
que defendre mes Estats de l’oppression de certains esprits
qui en veulent plus à mon Authorité qu’à mon Conseil :
& que i’ay tousiours beaucoup plus vsé de clemence que
de justice, enuers ceux qui se sont rebellez contre ma Souueraine
puissance.

Lors que ie suis venu à la Couronne, vous sçauez bien
que ie me suis trouué vne grandissime quantité d’affaires
fur les bras, & la Maison Royale toute despourueuë de
Finances. Et quoy que le grand nombre de gens de guerre
qu’il me faloit entretenir en France, en Allemagne, en
en Espagne, en Italie, & en Flandres, fussent d’vne prodigieuse
despense, & que les Roys mes predecesseurs eussent
accoustumé en des pareilles occasions de vous charger
de plusieurs & diuerses subsides, pour l’entretient de
leurs armées, vous sçauez bien quelque necessité où ie
me sois trouué que ie n’ay iamais pour cela laissé d’y donner
ordre, le mieux qu’il m’a esté possible, sans mettre
aucune imposition sur vous, & sans vous accabler d’vn
nombre infiny de charges insupportables, ainsi que mes
deuanciers faisoient autresfois en des semblables rencontres.

-- 4 --

Au contraire, bien loin de me porter à cela, i’ay cherché
tous les moyens possibles pour vous soulager, & pour
vous donner la paix generale que ie vous aurois infailliblement
desia donnée, si l’on ne s’estoit pas rebellé contre
moy, & si par ce moyen là ne m’eut pas empesché de la
faire tres-aduantageuse pour la France.

L’on ne me sçauroit encores jusques icy conuaincre d’auoir
banny, ny confisqué les biens, ny mesme, condamné
à mort qui que ce soit, quoy que l’on m’en ayt donné
tous les sujets du monde. Et bien loin de ce faire, i’ay toûjours
tâché d’auoir mes ennemis par la douceur, en leur
faisant de grands biens, & en les esleuant vn peu plus qu’il
ne falloit pas, à des dignitez desquelles ils se sont seruis
puis apres pour perdre tous mes Estats, & pour ruiner tous
mes affaires. Et comme ie sçay que les subjets se doiuent
conformer aux mœur de leur Prince, i’ay tousiours fait
tout ce qu’il m’a esté possible pour leur seruir d’exemple.
Mais inutilement comme vous ne le sçauez pas que trop à
vos despens & à mon desplaisir, tant ie suis touché de la
misere où ie voy que leur sedition vous a reduits tous ensemble.

Vous sçauez bien que les Roys ont pouuoir de faire
ce qui leur plaist, sans qu’ils soient obligez d’en rendre
compte qu’à Dieu, & neantmoins vous sçauez bien
aussi que ie ne laisse pas de viure en vne âge où l’on void
communément les jeunes Souuerains comme moy assez
malretenus, ainsi que ie voudrois qu’vn Prince vescut auec
moy, si Dieu & la Nature m’auoit soumis à sa puissance.

C’est pourquoy vous ne deuez pas faire aucune difficulté
de vous soumettre à l’estat ou vous auez esté appellez,
si vous ne desirez pas encore faire plus mal vos affaires.

Ne mesprisez donc pas ny mes aduis ny mes commandemens,
de quelque nature qu’ils puissent estre : car tout le
Corps de l’Estat va selon que le reste de ses autres parties
sont ou bien ou mal ordonnées.

Il vous faut estre necessairement aussi soigneux de mes
affaires, que vous le sçauriez estre des vostres, & porter

-- 5 --

honneur à ceux qui les sçauent gouuerner, pour la conscription
de mon authorité, si vous voulez que ie trauaille
à vostre repos, & que ie vous procure vne paix aussi longue
que la durée des Siecles.

 

C’est dequoy ie m’estonne de voir que vous ne voulez
pas tendre les mains qu’à vostre propre mal-heur, & que
vous ne fassiez vanité que d’estre les propres artisans de vostre
disgrace.

Soyez donc tels enuers moy que voulez que ie sois enuers
vous, & prenez la peine de m’ayder à vous sortir du
precipice ou vous auez pris plaisir de vous mettre par vostre
imprudence. Apres cela vous ne deuez plus rien apprehender,
& il n’est point de crime quelque enorme qu’il
soit, que ie ne fasse vanité de pardonner à tous mes sujets,
d’vn aussi bon cœur que ie veux que Dieu me pardonne.

Il n’en est pas vn qui ne soit asseuré de faire beaucoup
plus pour luy & pour les siens, en adherant à mes volontez,
qu’en s’opposant à mes Ordonnances.

Que chacun s imagine que l’action dont il prit estre coulpable
m est inconnuë, puis que ie la veux oublier, & qu’il
croye que i’ay vne parfaicte connoissance de la grande passion
qu’il a de vouloir mieux faire à l’aduenir, afin de se
porter plus librement au bon heur que ie luy prepare.

Faites en sorte que ceux qui viendront apres nous, ne
vous puissent iamais accuser d’aucun acte d’infidelité : &
quand vous verrez que quelque Calomniateur parlera mal
de ses Superieurs, reprenez-le hardiment de cette action,
si vous ne voulez estre criminel du mesme attentat, en adherant
à ses malefices.

Ne faites plus comme vous auez desia fait, des assemblées
sans mon consentement ; car telles Congregations
sont extremement dangereuses à l’authorité du Souuerain,
& au bien & au repos de tous ses peuples. Il ne suffit
pas de s’abstenir de faire du mal : mais il faut encore éuiter
toutes les choses qui peuuent faire mal penser de vostre
Personne.

Faites estat qu’il n’y a rien au monde que i’estime plus

-- 6 --

que mes sujets, & que ie ne suis ny fascheux, ny cruel, si
ie ne suis forcé de l’estre par l’énormité de vos crimes : &
pour cela taschez d’auoir autant de confiance en vostre vertu,
qu’en ma clemence.

 

Enfin, si vous ne prestez plus l’oreille aux Factieux, &
si vous n’escoutez plus les Ennemis mortels de mon authorité
Souueraine, vous estes asseurez d’auoir vne paix inuiolable,
de voir le Commerce parfaitement bien restably, &
de viure tant que ie viuray, dans vne felicité publique.

Où du moins s’il arriue qu’ils se remettent en estat de
troubler mes affaires, & que vous soyez en heumeur de
vouloir faire la guerre pour auoir la paix, jettez vous du
costé ou vous estes obligez en conscience & selon Dieu de
vous jetter, puis que c’est le party non seulement le plus
juste, mais le seul juste : & pour le maintient duquel vous
estes necessairement contraints, au Nom de celuy qui
vous a creez, de consacrer tout ce que vous auez de bien
& de vie, quelque precieuse qu’elle puisse estre ; afin de
triompher hautement & genereusement de ceux qui ne
sçauroient estre mes Ennemis sans estre les vostres. Car le
moyen d’en vouloir au Chef, sans en vouloir au reste des
autres parties, & sans lequel elles ne pourroient pas subsister
en façon quelconque.

Et puis que pourriez-vous esperer qu’vn deluge de malheurs
eternels, si mes Ennemis auoient le moindre aduantage
du monde sur moy, & qu’vne puissance establie de
Dieu, fut à la mercy de ses aduersaires, veu que le Prince
& le peuple ne doiuent estre qu’vne mesme chose.

Ie sçay bien que ceux qui n’ont l’esprit porté qu’au sang
& qu’au carnage, sont odieux à toute la nature creée, &
qu’il s’est veu autrefois grande quantité de Princes qui
ont esté seuerement punis, pour auoir exercé des cruautez
bien estranges : que la vertu Royale, en faueur de laquelle
ie dois estre ingenieux à trouuer des causes de pardonner
ceux qui m’ont offensé, me doit estre en plus grande
veneration que le chastiment que i’en deurois faire : que
si le coulpable n’est pas digne de viure, qu’il y a de la gloire
& de la generosité à luy pardonner : qu’il me sieroit mal

-- 7 --

d’exercer ma vengeance, sur des objets indignes de ma
cholere : que la foudre ne doit iamais choir sur les choses
basses : qu’il vaut mieux corriger les vices par des remedes
lenitifes que par des applications trop violentes : & que celuy
qui a le pouuoir de se vanger, est extrémement loüable
de ne le pas faire : mais ie sçay bien aussi qu’vne clemence
extraordinaire, n’est pas moins dangereuse que la plus
cruelle de toutes les cruautez imaginables. Enfin est vne
funeste humanité de ne vouloir pas retrancher vn membre
gangreneux des autres parties qui en pourroient estre infectées.

 

Que si le peu d’inclination que vous auez pour moy cause
encore des prodigieux desordres dans mes Estats, vous en
serez responsables deuant Dieu comme de vostre propre
crime. Outre que ce la ne se sçauroit faire ainsi que vous venez
mal-heureusement de l’éprouuer sans qu’il y aille de
vostre bien & de vostre vie eternelle & perissable.

Dieu fit bien massacrer quatorze ou quinze mille Israëlites,
pour auoir seulement murmuré contre leur Prince.
On ne sçaoroit outrager les Roys sans outrager toute la nature.
Dieu de qui ils sont les viuantes images, s’interesse
trop pour leur personne, & le respect que vous leur deuez
est si grand, qu’il semble estre deffectueux, s’il ne s’estend
pas jusques à celuy qui leur a donné l’estre.

FIN

-- 8 --

SubSect précédent(e)


Anonyme [1652], HARANGVE DV ROY, FAITE A TOVS SES PEVPLES SVR SON RETOVR EN SA BONNE VILLE DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_1561. Cote locale : B_1_26.