Anonyme [1651], LA VERITÉ DESCOVVERTE, DES PERNICIEVSES INTENTIONS que le Cardinal Mazarin auoit contre l’Estat : contre Messieurs les Princes : contre les Chefs des Frondeurs, & finalement contre S. Altesse Royale, pour se rendre maistre absolu de toutes les affaires de France. Auec vne parfaite declaration des funestes desseins qu’il à de se remettre pour se venger & pour reussir en ses premieres volontez, ou pour tout perdre en cas qu’il ne puisse pas arriuer en ses entreprises. , françaisRéférence RIM : M0_3988. Cote locale : C_11_34.
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LA VERITÉ
DESCOVVERTE, DES PERNICIEVSES INTENTIONS
que le Cardinal Mazarin auoit
contre l’Estat : contre Messieurs les
Princes : contre les Chefs des Frondeurs,
& finalement contre S. Altesse
Royale, pour se rendre maistre absolu
de toutes les affaires de France.

Auec vne parfaite declaration des funestes
desseins qu’il à de se remettre pour
se venger & pour reussir en ses premieres
volontez, ou pour tout perdre en
cas qu’il ne puisse pas arriuer en ses entreprises.

A PARIS,

M. DC. LI.

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LA VERITÉ CACHÉE ET DESCOUUERTE,
des pernicieuses intentions que
le Cardinal Mazarin auoit contre l’Estat :
contre Messieurs les Princes : contre les
Chefs des Frondeurs, & finalement contre
S. A. R. pour se rendre maistre absolu de
tous les affaires de France.

Auec vne parfaite declaration des funestes
desseins qu’il à de se remettre pour se
venger & pour reussir en ses premieres volontez,
ou pour tout perdre en cas qu’il ne
puisse pas arriuer en ses entreprises.

Premiere & pernicieuse intention que le Cardinal
auoit contre l’Estat.

Celuy qui est plus soigneux de son bien
particulier que du bien de l’Estat, ne
sçauroit auoir que des intentions tres
pernicieuses, & contre le Prince &
contre le peuple, aussi bien que contre l’Estat
mesmes. Et l’on ne doit iamais esperer ny grandeur
ny accroissement d’vn Empire tant qu’il
sera gouuerné par ces sangsues publiques, les
guerres ne se peuuent ny soustenir, ny entreprendre

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sans argent : & certes il ny à point de
Monarchie quelque puissance quelle sçache
estre, qui ne soit sur le panchant de son malheur,
quand ses Finences sont diuerties. Si l’argent
vous manque, disoit Cambyses Roy de
Perse, à Cyrus son fils, lors qu’il fut esleu chef
de l’armée que ce grand Prince enuoyoit au
secours des Medes, contre le Roy d’Assirie,
comment est ce que vous pourrez resister à
vos ennemis, & moins encore reussir en vos
entreprises. Vos soldats auront iuste raison de
vous abandonner n’estans pas payez, & de se
ietter du costé de ceux qui n’ont armé que
pour vous deffaire. C’est à quoy le Cardinal
Mazarin visoit, lors qu’il vouloit tous nos thresors,
& c’est à quoy il auoit enuie de reussir, si
l’on eut continué à le laisser faire. C’est par ce
moyen là, qu’il esperoit de se rendre redoutable
à tout ce qu’il y auoit de grands & de petits,
& qu’il pretendoit de deuenir maistre absolu
de tous les affaires de France. Ce fut pour ce là
qu’il fit rompre le traité de Paix que Monsieur
le Duc de Longueville auoit fait auec le Roy
d’Espagne, dans la Ville de Munster, laquelle
estoit tres honnorable & tres aduantageuse
pour nous, afin d’auoir vn pretexte continuel
de sur charger le peuple par la force des armes :
Et ce fut pour celà qu’il fit donner la charge

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de sur Intendant des Finances à Demery, &
qu’il s’associa auec cet homme d’affaire, pour
mieux arriuer à la fin qu’il s’estoit proposée.
Quelles voleries n’ont il pas fait ensemble sur
quatre-vingt quatre millions de liures, qui se
sont leuées tous les ans sur les Tailles & sur les
Fermes ? Qu’elles voleries n’ont ils pas faites
encore ensemble sur le Domaine, sur les parties
casuelles, sur les decimes, sur les prests, sur
deux cens soixante milions qui ont esté conuertis
en louys d’or, & sur vne infinité d’autres
parties qu’il a faits faire contre le peuple ? & finalement
qu’elles voleries n’a-t’il pas faites encores
de plus, sur tous les gens de guerre, sur
tous les officiers de la Iustice & de la maison du
Roy, & mesme sur les domestiques, sans aucune
honte de desrober ainsi publiquement
toute sorte de desrober ainsi publiquement
toute sorte de personnes ? N’a-t’il pas fait monter
les comptans iusques à cinquante millions
ainsi qu’il se peut voir en la Chambre des Comtes ?
combien de milions d’or a t’il enuoyez à
Rome, à Venise, à Gennes, & à Amstredam,
des larcins qu’il a faits à la France ? Quelles
prodigieuses dépenses n’a t’il pas faites, pour
porter son frere au Cadinalat, pour les Palais
qu’il a faits bastir à Paris & à Rome, pour la
dignité de noble Venitien, pour son pere &
pour luy, pour la bonne table qu’il tenoit, pour

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le grand nombre de domestiques qu’il auoit,
pour les peintures, tapisseries, statuts, estoffes,
cabinets, festins, & plusieurs diamans
qu’ils a faits achepter dans toutes les parties
de l’Europe, outre les gros mariages de ses
niepces, pour s’allier dans les principales maisons
de tout le Royaume ? Et pour mieux appuyer
ses tyrannies, n’auoit-il pas fait establir
quantité de fuseliers dans toutes les prouinces
de France afin d’acheuer à perdre ce qu’il
y auoit encore de reste ? Voyez de grace si ce
n’est pas veritablement conspirer contre l’Estat,
& si ce n’est pas auoir de pernicieuses intentions
contre vn pays qui la fait plus grand
qu’il ne pouuoit iamais esperer d’estre ; mais
ce n’est rien en comparaison de celles qu’il a
presentement conçeues pour le rendre le plus
miserable pays de tout l’vniuers, comme nous
dirons cy aprés, en cas qu’il ne puisse pas bien
reussir en ses premiers desseins, tant il est outré
de peculat, de cruauté, dambition, d’infidelité,
& d’auarice contre cette pauure Monarchie.

 

Seconde & pernicieuse intention que le Cardinal auoit
contre les Princes.

L’Ambition est d’vne nature si mal faisante
qu’elle force ceux qui luy prestent l’oreille

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à se precipiter dans des abismes qu’ils ne
sçauroient euiter en façon quelconque. Il n’est
point de Maxime quelque pernicieuse qu’elle
puisse estre, qui ne les flate dans leur malheur,
& qui ne les traine dãs leur perte. Saül premier
Roy des Israelites, ne fut il pas puny de la sienne,
pour s’estre voulu vn peu trop éleuer par
dessus les autres. Ozias ne fut-il pas chassé de
tous ces Estats, pour auoir voulu vsurper le Sacerdoce ?
& Amon grandement Fauory d’Assuerus,
ne fut il pas par son insolente ambitiõ
attaché à la croix qu’il auoit preparee à la mesme
innocẽce ? & nostre peste de Cardinal Mazarin,
ne seroit pas puny de celle qu’il a commises
contre la personne des Princes ; principallement
en la personne de Monsieur le Prince
de Condé, pratiquant diuers moyens pour
se defaire de luy : en asseurãt son Altesse Royale
qu’il auoit voulu entreprendre sur sa personne :
en l’exposant en Catalogne aux ennemis
de l’Estat : en luy faisant inuestir Paris pour le
perdre où pour le faire hair, & en le voulant
faire nuictament assassiner dans la place Dauphine.
Et non content de celà, iugeant que ce
Prince commençoit à dessiler les yeux à son infidelité,
pour preuenir le chastimẽt qu’il voyoit
bien luy estre ineuitable, il porte la Reine à
croire que Monsieur le Prince auoit de mauuais

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desseins contre la personne du Roy, contre
la sienne & contre l’Estat ; puis que le nombre
infini des biens que sa Maiesté luy auoit
faits, ne pouuoient pas en aucune façon temperer
l’exez de son ambition immoderée. Ains
au contraire, que cela ne faisoit qu’à l’esleuer
tousiours à quelque chose de plus grand afin
d’afoiblir par ce moyen là l’authoire Royale, &
mesme à l’induire à d’ébaucher tous ceux que
par gratitude ou par affection, s’estoient attachez
au seruice de sa Maiesté, sans que nulle
grace, nulle aplication, ny nulle confiance, le
peut rendre capable de mettre des bornes au
dereglement de son ambition demeusurée ;
iusques à luy faire entendre qu’il disoit qu’on
pouuoit tout faire pour regner, qui est vne maxime
de Sicilien tres pernicieuse, principalement
en la bouche d’vn Ecclesiastique comme
luy. Et tout cela ne se disoit que pour porter
la Reine à consentir à sa detention, pour recompenser
ce grand Prince du soin qu’il auoit
eu, & de la peine qu’il auoit prise de le faire ce
qu’il estoit, & de l’appuyer contre vn nombre
infini de personnes qui ne cherchoient qu’à le
perdre. Apres que ce grand Achile François
eut mis la France au plus haut point qu’elle eut
iamais esté, & qu’il n’eut pas fait moins de miracles
pour elle que d’actiõs heroiques, meritoit

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il d’estre traité de la sorte par vn homme
indigne d’estre le moindre de ses domestiques.
Et puis apres tout cela, comme il a veu que
toute l’Europe armoit pour la liberté de ces illustres
Protecteurs de la cause commune, que
n’a til pas fait pour s’opiniatrer à leur detentiõ,
à dessein de les faire mourir entre quatre murailles.
Lingratitude iointe à l’ambition de nostre
sengsue publique, font d’estranges effets
sur vne ame qui est des-ia toute peruertie comme
la sienne, les insignes obligations que ce
grand Politique auoit à Monsieur le Prince,
depuis le siege de Paris, estoient de telle importance,
que se presentant toutes à la fois dãs
les idées de cet esprit à tout perdre. Il voyoit
qu’il ne les pouuoit pas dignement reconnoistre,
sans demeurer tousiours son obligé & son
esclaue : & puis la qualité de premier Prince
du sang, & du plus grand conquerant de la terre,
qui sont deux motifs bien preignants pour
contraindre ce faquin à s’humilier à toutes ses
volontez, estoient sans doute ce qui le portoit
à se seruir de l’authorité qu’il auoit vsurpée sur
les bontez de la Reine, pour empescher l’eslargissement
de ces magnanismes Protecteurs
de tout cet Estat, & pour les faire perir miserablement
dans vn lieu qu’il auoit fait sien, pour
n’auoir plus personne qui le peut choquer en

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ses desseins, & qui le peut empescher d’imposer
tels subsides qu’il auroit voulu, afin d’acheuer
de ruiner l’Estat comme il auoit commencé,
& de s’esleuer par ce moyen là, dans vne
grandeur à trancher du Souuerain, & à faire la
loy à tous ceux qui auroient eu la volonté de
s’opposer à ses pernitieuses tyrannies, veu la
mauuaise intelligẽce qu’il y auoit en ce temps
là, entre Monsieur le Duc d’Orleans, Messieurs
les chefs des Frondeurs, & Messieurs du
Parlement, destinez à remedier aussi bien à la
vexation des subiets, qu’à rendre la Iustice à
Paule ou à Pierre.

 

Troisiesme & pernicieuse intention que le Cardinal
auoit contre Monsieur de Beaufort & Monsieur
le Coadjuteur.

Les traistres sont bien encore plus pernitieux
à l’Estat que les ambitieux, que les
tyrans, ni que les sangsues. Il est impossible de
preuenir les coups de ses ennemis du gẽre humain :
mais les derniers ne scauroient exercer
la moindre de leurs actions que cela ne paroisse
aux yeux de toute sorte de personnes. C’est
pourquoy le Cardinal Mazarin voyant qu’il
ne pouuoit pas bien reussir en tous ces abominables
desseins, ni par l’ambition, ni par la tiranie,
il se voulu seruir de la trahisõ pour mieux

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faciliter sa voye à ses perfidies, qui est vn crime
que Dieu deteste par dessus tous les autres,
veu qu’il abandonna Iudas de desespoire, & à
son eternelle reprobation pour ce seul crime.
Enfin si ce malheureux traistre n’eust fait que
piller les tresors que Dieu auoit destinez pour
suruenir aux necessitez des peuples qui le suivoient,
& qu’il n’eut pas esté attain & conuaincu
de trahison ainsi que ce bel Apostre de Sicile,
il auroit esté remis au nombre des esleuz, &
sa disgrace n’auroit pas esté d’vne nature infinie
comme celle de l’autre. Et pour n’aller pas
chercher des exemples que dans les Histoires
de nostre temps, Henry quatre, n’auroit pas
liuré le Mareschal de Biron entre les mains du
bourreau, s’il n’eust esté traistre à ce grand
Prince. Et si le Cardinal Mazarin ne l’auoit pas
esté au Roy de France son vnique biẽ-facteur,
& à qui il a des obligations incomprehensibles,
il n’auroit pas pillé tous nos tresors, &
ruiné tous les affaires de l’Estat, & il nauroit
pas attenté contre la personne de Monsieur le
Prince de Condé, contre Monsieur de Beaufort,
ni contre Monsieur le Coadiuteur, pour
les vouloir perdre. Sa trahison fut telle, qu’apres
auoir fait tirer plusieurs coups de pistolets
sur le carosse de Monsieur le Prince, croyãt
qu’il fut dedans ; & vne autrefois sur Monsieur

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Charton President, & sur Monsieur Ioly Conseiller,
il fait accuser Monsieur de Beaufort &
Monsieur le Coadiuteur, d’auoir fait faire ces
assassinats : trouué à force d’argent de faux
tesmoins pour celà, & cherché a perdre les
vns & les autres, deuant & apres vne si
belle action, ou par attentat, ou par prison,
ou par des boucons qui n’en furent iamais de
semblables. Il reiette l’assassinat & l’emprisonnement
de Monsieur le Prince sur Messieurs les
Frondeurs, & les conspirations qu’il faisoit
pour perdre Messieurs les Frondeurs sur Monsieur
le Prince. En sorte qu’il est impossible
de conceuoir des trahisons plus pernicieuses
que celles qu’il inuentoit pour se defaire des
Princes, des Frondeurs, & de tous ceux qui se
pouuoient opposer à ces prodigieuses tirãnies.
Et comme il veid que ses pernicieuses intentions
contre Monsieur de Beaufort & contre
Monsieur le Coadiuteur ne pouuoient pas
bien reussir de la sorte qu’il l’auoit conceu, il
propose de les faire arrester de la part du Roy,
& de les faire declarer criminels de leze Maiesté,
afin de les perdre auec quelque espece de
iustice : mais pour bien reussir à cette criminelle
entreprise, il se faloit seruir de l’authorité du
Roy, & leur faire faire vn commandement expres
de sortir de Paris, & de s’en aller aux lieux

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qu’on leur assignoit, où l’on deuoit enuoyer
apres cela pour se saisir de leur personne, n’osant
pas entreprendre de le faire dans Paris,
veu que tous les peuples s’estoient declarez
pour eux, contre cet ennemy iuré de ces peres
& de la partie. Ce qu’il fit : mais ces genereux
protecteurs de la cause publique, iugeant bien
que leur perte & leur exil n’estoiẽt qu’vne mesme
chose ; refusent dobeyr à ces ordres supposez,
& à des cõmãdemens d’vne nature si pernicieuse.
Et bien leur en prit : car s’ils l’eussent
fait, ils estoient asseurez de finir leurs iours assez
tragiquement, & de mourir d’vne mort aussi
honteuse à leur posterité, que veritablement
funeste à tous les peuples de France. Le traistre
suiuant l’impetuosité de son insigne passion,
ne porte pas seulement ses funestes intentions
contre les personnes priuees : mais il
s’attache encore de plus à celles que nous deuons
auoir en grande veneration, & que nous
deuons tenir pour Sacrees. Si nous considerons
l’homme en sa dignité, selon qu’Aristote
le dit en ses Politiques, nous trouuerons que
c’est la plus admirable & la plus excellente de
toutes les creatures corporelles : mais si nous
considerons dans ses trahisons & dans ses perfidies,
nous trouuerons que c’est la plus monstreuse
& la plus abominable de toutes les substance

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creées ainsi que nostre Cardinal Mazarin,
selon qu’on le peut voir par les procedures
dontil se seruoit pour se rendre maistre absolu
de tous les afaires de France.

 

Quatriesme & pernitieuse intention que le Cardinal
Mazarin auoit conceuë contre M. le D. d’Orleans.

Qve n’a til pas encore voulu entreprendre
contre son Altesse Royale, lors qu’il
la fait soubsigner à la detention des Princes,
par vne surprise à nul autre pareille, pour se
defaire de l’vn & pour mettre son Altesse Royale
fort mal dans l’esprit de l’autre ? Et comme
il a veu que ce grãd Prince commençoit à dessiller
les yeux à ses pernicieuses intentions, &
qu’il commençoit pareillemẽt aussi à murmurer
contre ses maudites procedures, n’a t’il pas
voulu attenter contre luy, & n’a t’il pas consulté
auec les complices de ses abominables
desseins, quels moyens il pouroit tenir pour
se saisir de sa personne, afin de n’auoir point de
puissance au dessus de la sienne, qui le peut
empescher d’entre prendre tout ce qu’il luy
plairoit, pour punir ceux qui se voudroiẽt opposer
à ses prodigieuses volontez, & pour acheuer
de prendre & de piller tout l’or & l’argent
de France, sans craindre aucune contradiction,

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ny aucun obstacle ? N’est-ce pas là
vouloir establir sa fortune par des voyes aussi
criminelles & diaboliques, & pretendre d’arriuer
au plus haut feste d’vne grandeur demesurée
par des crimes qui n’en furent iamais de
semblables ? Et pour cela il a voulu susciter le
Roy & la Reine à conceuoir des mauuaises impressions
de sa fidelité, & en suitte les obliger
à consentit à sa detention, comme il les auoit
obligez a consentir à celle des Princes. Ah pernicieuses
maximes ! faut-il que vous ayez le
pouuoir de peruertir les esprits, & que vous
soyez capables de les induire à vouloir faire des
crimes de cette nature ? Les furies d’enfer ont
elles des desseins si pernicieux, & des intentiõs
si abominables ? Croyez vous que le Ciel soit
tousiours inexorable à nos clameurs, & que la
terre ne s’ouure pas vn iour pour engloutir vn
homme si remply de perfidie ? grand Dieu où
sont vos foudres & vos carreaux, & tout ce dõt
vostre Maiesté se sert pour aneantir des monstres
si pernicieux a toute la nature. Vn homme
issu de la lie du peuple, auoir seulement la
pensee de conspirer contre la Maiesté d’vn
sang si precieux, & contre des personnes qui
doiuent estre sacrez à tous les peuples de France ?
Mais de quoy est ce qu’vn meschant petit
valet, qui a la hardiesse d’vsurper l’authorité

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Royale, pour en vser comme bon luy semble,
c’est à dire auec iniustice & auec toute sorte de
tyrannies, ne seroit pas coupable de tous
les maux que souffre la France. Mais quoy
que ce soient des crimes pour lesquels toute
la terre est en armes, & qu’elle ne scauroit
long-temps souffrir en aucune sorte, il
semble pourtant que ce n’est rien au prix des
funestes desseins que ceste furie infernale à
conçeus, & des abominables moyens qu’il
veut tenir pour se vanger ou pour tout perdre,
en cas qu’il ne se puisse pas remettre en estat
de pouuoir tout faire, comme il faisoit deuant
qu’il fut chassé du ministere.

 

Cinquiesme & pernicieuse que le Cardinal
Mazarin a conçeuë pour rentrer dans le Ministere,
afin de se remettre en estat de pouuoir tout faire comme
il faisoit deuant qu’il en fut chassé & pour tacher
aprez cela d’obseder l’esprit du Roy, lors qu’il sera
Maieur, à dessein de se venger de ses ennemis, &
pour acheuer de piller toutes nos Finances.

LA vengeance & le desir de regner sont
deux passions, qui mettent tous ceux qui
se laissent flater à leur persuassions dans vn estrange
desordre. La premiere qui n’est qu’vn
certain mouuement de feu tres cruel, causé
d’vne humeur bilieuse qui embrase toutes les

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parties du sang, & qui excite mesme beaucoup
de troubles dans l’ame des plus posez & des
plus sages des hommes, leur fait hazarder bien
souuent le tout pour le tout, & les fait choir
par mesme moyen dans des mal heurs, où leur
perte se trouue ineuitable. Et le second qui
n’est qu’vne demesurée conuoitise de disposer
de toutes les choses que Dieu a par sa prouidence
infinie voulu seulement assuietir aux
Roys de la terre, n’esleue par fois leurs confidens,
ou pour mieux dire les vsurpateurs de
leur authorité, à la cime des grandeurs les plus
sublimes & les plus éclatantes, que pour
rendre leur precipice plus ignominieux, &
leur cheute plus effroyable : Et tous les deux
ensemble obligeront presentement nostre
abominable Mazarin, à tenter tous les moyens
qu’il iugera luy estre possibles, pour rentrer dãs
le ministere dont il a esté chassé, pour se remettre
en estat de pouuoir tout faire, comme il
faisoit auant qu’il en fut bany, & pour tascher
aprez cela d’obceder l’esprit du Roy lors qu’il
sera maieur, afin de se venger de ses ennemis,
& pour acheuer de piller tous les thresors de
France. Et pour celà il a desia tasché auant de
partir, comme il tache encore de faire tous les
iours par des lettres secrettement enuoyees,
d’entretenir leurs Maiestez dans vne haine irreconciliable

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contre Monsieur le Duc d’Orleans,
contre les Princes, contre les Chefs des
Frondeurs, contre le Parlement, & contre le
peuple, en leur representant qu’elles sont comme
esclaues de leurs subjets, & comme captiues
de ceux qui n’aspirent qu’à la Couronne.
Qu’elles sont priuées d’Authorité, & sans aucune
liberté de disposer de quoy que ce puisse
estre. Qu’on est maistre de leurs volontez. Que
ces Illustres appuis de la cause commune ne
sont que des murmurateurs, & des querelleux.
Qu’ils n’ont que des propos enflez, & qu’ils ne
cheminent que selon leurs conuoitises. Que
leurs desseins vont bien plus auant qu’on ne
pense pas, puis qu’ils en viennent où ils en sont
venus ; Et que c’est vn attentat fait à leurs Majestez
de les tenir arrestées, & de les empescher
d’aller où bon leur semble. Qu’il n’est en
disgrace que par ce qu’il est trop fidelle à leurs
Maiestez, & qu’il ne trauailloit qu’auec trop
de passion pour leur seruice. Qu’il n’est rien de
si facile que de descrier les actions de ceux qui
les seruent fidellement, & qui manient les affaires
publiques. Qu’il ny a iamais eu Ministre
d’Estat qui ne fut hay en bien faisant, que le
nombre des mal-contans & des enuieux est
bien plus grand que celuy des gens de bien,
des hommes de Paix, & des esprits raisonnables :

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Et qu’il n’a point de plus fort desir que de
les rendre tres absolus, ny de plus forte passion
que de voir prosperer leur regne. Que
Messieurs les Princes, les Frondeurs, & les Parlemens
sont les Autheurs de tous les desordres
qui leurs sont arriuez. Qu’ils vsurpent vn pouuoir
absolu d’ordonner, & d’establir toutes
choses à leur fantaisie tout leur estant possible,
quoy qu’iniuste dans ce desordre. Qu’ils foulent
les loix aux pieds, en sorte que la Iustice
n’estant plus apuyée de leur Authorité, ne sert
maintenant que de bute à l’oppression, & de
pretexte à la violence. Qu’ils n’en veulent pas
moins à leur Maiestez qu’à luy ; puis qu’on dit
hautement par tout, que la Regence de la
Reyne fut establie contre les loix fondamentales
de l’Estat, & qu’il ny a personne en France
à qui leurs Maiestez se puissent bien fier
qu’à luy, ny homme que son Eminence en tout
l’vniuers, qui puisse bien conduire les affaires
de cette Couronne ; veu le desordre où l’on les
a mis. Et finalement qu’ils se doiuent resoudre
à les humilier, ou bien à consentir à leur perte ;
puis qu’ils ne sçauroient faire de Paix auec
eux qui ne leur soit tres honteuse. Si bien que
par ce moyen là, il ne s’estudie qu’à faire voir à
leurs Maiestez que tout le gouuernement de
l’Estat est entre les mains des arbitres de leurs

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biens & de leurs vies, & qu’ils abusent auec vn
mespris tres insupportable, de leurs noms, pour
exercer la violence de leur passion aussi bien
sur eux que sur sa personne. Et ainsi sous vn
faux entendre de cette nature, il voudroit obliger
leurs maiestez à se meffier de leurs veritables
seruiteurs, à se resoudre à sortir de Paris
pour se remettre entre les mains de ce tyran
pernicieux, & à prendre les armes contre ceux
qui ne trauaillent que pour leur salut, & qui
ne cherchent qu’à se sacrifier pour leur seruice.
La puissance du Souuerain ne conciste
qu’en la bonne impression, & qu’en la bonne
amitié que les subiets ont conçeuë de sa personne :
& le bien des subiets ne depend que
de la bonne inclination que le prince doit
auoir pour ses peuples. De sorte que c’est vn
des plus grands attentats, & vne des plus abominables
coniurations, dont l’homme puisse
estre capable, que de vouloir faire armer le
Prince contre ses subiets, & de faire sousleuer
les subiets contre le Prince, comme s’il n’y
auoit plus ny foy, ny fidelité entre les vns &
les autres. Mais dignes protecteurs de la cause
publique prenez garde à vous de grace. Alexandre,
que Marchiauel appelle le Parangon
des monarques, apres auoir fait la Paix auec les
Princes qui s’estoient liguez contre luy, ne laissa

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pas de les faire massacrer, contre la foy qu’il
leur auoit iurée de ne se souuenir iamais des
choses passées : Et Maximilian premier ne fit
iamais aucun traité auec Louys douziesme,
que pour se vanger des iniures qu’il pretendoit
en auoir reçeuës. C’est pourquoy ne vous
fiez point du tout à cet infracteur de la foy publique,
il ne vise qu’à vous des-vnir pour vous
faire choir dans le precipice qu’il vous prepare.
Et certes il vaut bien mieux que vous perdiez
le tyran de nostre repos, que de languir
perpetuellement sous le ioug de sa tyrannie.
Vous auez assez fait voir clairement dans toutes
vos procedeures combien le ministere du
Cardinal Mazarin vous de plaisoit, & combien
il estoit pernicieux à cette Couronne. Vous
l’auez declaré perturbateur du repos public,
& ennemy iuré du Roy & du Royaume : Vous
l’auez condamné & confisque tous ses biens
comme criminel, & vous voudriez souffrir
qu’il rentrast dans le ministere, à Dieu ne plaise
que vous en ayez seulement la pensee. Non
non, de quelque costé que vous tourniez vos
pensées, vous ne trouuerés pas, si vous prenez
le soin de bien escouter la raison, qu’il y ait aucune
Paix à faire auec vn monstre si funeste à
toute la nature creée. Les maladies ne se guerissent
iamais que par le retranchement de

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leur cause. Quand ce Cardinal entreroit dans
Paris, tout enuironné de legions foudroyantes,
& qu’il seroit tout couuert de remparts
inaccessibles, ie ne croy pas qu’il y eut aucune
asseurance pour luy, ny mesme pour ceux qui
s’exposeroient pour sa deffense. C’est vne sangsuë
publique qui voudroit faire exercer à leurs
Maiestez, toutes les plus abominables tyrannies
dont on se puisse aduiser, pour perdre le
Prince & le peuple, sous pretexte de remettre
l’Estat au plus haut point où il ait iamais esté,
comme si leur Authorité estoit vne Authorité
independente de celuy qui leur a donné l’estre.
Mais c’est demeurer trop long-temps à la
decision de cette pernicieuse intention, passons
de celle-cy à la derniere de toutes, comme
à celle qui est encore mille fois plus pernicieuse
que toutes les autres.

 

Siziesme & tres pernicieuse intention que le Cardinal
Mazarin à conçeuë pour perdre tout l’Estat, en cas
qu’il ne puisse point reussir en pas vne de toutes
celles que nous venons de dire.

LA rage & le desespoir sont des Conseillers
d’vne abominable nature. Ils portent
l’homme à de prodigieuses extremitez, & le
font choir à la fin dans les estranges precipices.

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Et quoy que tout cela soit tres veritable, &
que la perte de ceux qui taschent à vouloir faire
des coups de desespoir & de rage comme
luy, leur soit asseurée, nostre Cardinal Mazarin
ne veut pas laisser par les pratiques & les
menées qu’il fait en cachettes de toutes parts,
de d’ebaucher tous les officiers des troupes du
Roy, & notamment les estrangers, qui commandent
dans celles que sa Maiesté entretient
dãs ses armées, & mesme tous les Gouuerneurs
des places les plus considerables, pour les attirer
à son parti, & pour exiger deux des sermens
de fidelité, qui n’appartiẽnent qu’au Roy, pour
causer vne guerre ciuille dans toute la France.
Que si par ce moyẽ là il ne se peut pas remettre
dans la mesme authorité qu’il auoit auant qu’il
fut chassé du ministere, il est resolu de se liguer
auec nos ennemis, de leur liurer quelques places
pour leur seurté, de leur communiquer tous
les secrets de l’Estat, & de s’en seruir pour se vãger,
& pour tout perdre : Qui est vn crime le
plus enorme que l’homme puisse iamais inuenter
en façon quelconque. Vous voyez bien par
la que la cruauté de ce maudit criminel, ne demande
qu’à se gorger du sang des iustes. En vn
mot, la tyrannie est en campagne, mandiant
des forces à tout l’Europe, pour consacrer nos
biens & nos vies à son desespoir & à sa rage, qui

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sont les plus redoutables bourreaux de sa cruauté
& de sa perfidie. Et pour empescher les
mauuais desseins de ce nouueau Seianus, il
faut donc Illustres Protecteurs de la cause cõmune,
se resoudre à le faire choir dans le tombeau
qu’il nous veut creuser, pour nous y enseuelir
tous ensemble : car ce n’est pas assez de
dire qu’il est impuissãt, & qu’il est hay de toute
l’Europe, il à tous nos thresors, qui sont les veritables
obiets pour lesquels le soldat s’expose
à tous les perils les plus eminens, & nos ennemis
se seruiroient du plus abominable de tous
les demons incarnez pour nous broüiller, &
pour enuahir vne partie de ce Royaume. C’est
pourquoy vous deuez apporter vn remede fort
prompt aux mal’heurs dont nous sommes menacez,
& sans temporiser dauantage, de crainte
que ie ne sois trop veritable en mes propheties,
vous deuez prendre bien vnies ensemble,
l’espée de vostre iustice, & le bouclier de nostre
salut, pour aler au deuant de ces pernicieuses
intentions & de nostre ruine, en le faisant
punir comme il la merité, ou du moins en
le banissant pour iamais de ce Royaume.

 

FIN.

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Anonyme [1651], LA VERITÉ DESCOVVERTE, DES PERNICIEVSES INTENTIONS que le Cardinal Mazarin auoit contre l’Estat : contre Messieurs les Princes : contre les Chefs des Frondeurs, & finalement contre S. Altesse Royale, pour se rendre maistre absolu de toutes les affaires de France. Auec vne parfaite declaration des funestes desseins qu’il à de se remettre pour se venger & pour reussir en ses premieres volontez, ou pour tout perdre en cas qu’il ne puisse pas arriuer en ses entreprises. , françaisRéférence RIM : M0_3988. Cote locale : C_11_34.