Anonyme [1649], DECRET INFERNAL CONTRE IVLES MAZARIN ET TOVS LES PARTISANS DE FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_961. Cote locale : C_7_10.
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DECRET
INFERNAL
CONTRE
IVLES MAZARIN
ET
TOVS LES PARTISANS
DE FRANCE.

A PARIS,
Chez FRANÇOIS NOEL, ruë Sainct Iacques,
aux Colomnes d’Hercules.

M. DC. XLIX.

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DECRET INFERNAL CONTRE
Iules Mazarin, & tous les Partisans de France.

PLVTON, Empereur des Tenebres,
estant aduerty par vn Demon de la
Terre, que Iules Mazarin Ministre
iniuste de la France, se preparoit à
venir faire sa demeure dãs son Empire infernal, fist
des hurlemens si espouuentables, qu’ils firent fremir
tous les Demons, & redoublerent tellement
les tourmens des damnez, que croyans estre tous
perdus d’vne ruine commune, ietterent reciproquement
des cris, qui firent retentir les lieux les
plus reculez de l’Auerne : puis tous transis d’effroy
& d’espouuantement, demeurerent enseuelis dans
vn profond silence, pour apprendre quelle estoit
la cause de ces mouuemens si extraordinaires.
Mais ils furent bien estonnez, quand ils reconnurent
la parole de leur Maistre, qui d’vne voix rauque
& toute effarée pronõçoit le redoutable nom
de Mazarin, auec des apostrophes qui monstroiẽt
assez qu’il auoit grand peur de perdre sa couronne :
Ce qui leur fist croire que ledit Mazarin leur
apportoit secours a lencontre de luy & de tous les
Demons qui les tourmentoient, ils s’asseurent tellement
en ses forces, en ses ruses accoustumées,
& en la cruauté dont il a tousiours traitté les hommes,

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qu’ils se croyent desia affranchis de leurs peines,
ils brisent leurs chaisnes, forcent les cachots,
rompent les portes, courent de cauerne en cauerne,
crient aux armes comme des enragez ; on n’entend
rien que menasses, qu’iniures, que blasphemes
accompagnez de coups, tout est en diuorce
& en querelle, & on ne connoist plus les Demons
d’auec les damnez, si ce n’est que les damnez sont
pires que les Demons : bref, la reuolte estoit generale.
Le pauure Pluton bien estonné d’vn tel
tintamarre, pensoit que sa Republique s’en allast
bouleuerser de fond en comble, & qu’il estoit à la
veille de perdre son sceptre diabolique, il a recours
aux armes, & sans perdre temps lance les esclats
de son tonnerre sur ces ames reuoltées, &
les alloit accabler d’vn deluge de feux, si d’elles-mesmes
elles ne se fussent retirées dans leurs basses
fosses, n’ayans point rencontré le Chef qu’elles
destinoient pour leur conduite. Ce Prince Infernal
ne laisse pas d’en poursuiure la vengeance
par vn renfort de nouueaux suplices ; & apres les
auoir chargé de chaisnes, de manotes & d’entraues,
il n’espargne ny le fer ny l’acier pour fortifier
les barricades de leurs cachots : Et pour asseurer
dauantage sa personne, faict assembler tous ses
Estats, pour deliberer des moyẽs necessaires pour
obuier à vne conspiration si manifeste, lesquels
enfin apres plusieurs consultations, ont prononcé
l’Arrest qui s’ensuit.

 

Le grand Pluton, Prince redoutable des Legions

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desesperées, & digne heritier des Enfers à
nos fideles & bien amez Lieutenans aux affreuses
cauernes de nostre Empire, salut ; Sur l’aduis qui
nous a esté donné par les gardes commises par
nous à la gueule de l’abysme, où sont detenus les
Caïns, Barrabas, Cambises, Romulus, Tarquin le
Superbe, Heliogabale, Cesar, Pompée, Neron,
Caligule, Domitian, Denis le Tyran, & autres
grands Personnages, qui autrefois ont regné dans
le monde, & excellé par dessus le reste des hommes
par leurs tyrannies & insignes cruautez, qu’ils
ont malgré la puissance des Demons qui les tourmentoient,
communiqué auec Solon, les sept Sages
de la Grece, le Philosophe Anaxarque, Aristote,
Platon, Socrate, accompagnez de Phalaris,
d’Andronique & Sardanapale, de tous les plus fameux
Heresiarques, & d’vne infinité de Magiciẽs,
Necromanciens, Sorciers, Enchanteurs, Deuins,
& autres de mesme farine ; Et resolu entre eux de
faire vn bouleuersement dans nostre Empire Infernal,
sur l’esperance qu’vn Demon indiscret
leur a baillé, qu’ils deuoient bien tost estre secourus
par la venuë de Iules Mazarin, suiuy d’vne
trouppe de canaille de Maltotiers, Monopoleurs,
donneurs d’Aduis, porteurs d’Arrests, & de Quittances,
Habeleurs, Partisans, Traittans, Brigans,
Voleurs, Harpies, Engence de Viperes, Tygres,
Inhumains, Barbares, Sanguinaires, Antropophages,
Peste du monde, maudits de Dieu & des hommes,
Monstre de la Nature. Charges de toutes

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maledictions, exilez par Arrest des Parlemens,
prests à precipiter dans les Enfers, où il y a apparence
que par leurs damnables artifices ils feroient
prendre les armes à ces grands Capitaines
contre nostre souueraine authorité, si nous leur en
permettions l’entrée, veu les preuues manifestes
que nous en auons par la forcenerie qui les porta
ces iours passez à sortir de leurs prisons & se preparer
à nous faire la guerre.

 

A ces causes, nous auons par Arrest de nostre
grand Conseil deuëment conuoqué dans nostre
Palais Infernal, au milieu des foudres & des flames,
bruits de tonnerre, où estoient toutes les
puissances qui sont sous nostre domination. Ordonné
pour garentir nostre Royaume de semblables
desordres, que Iules Mazarin, que seul nous
reconnoissons autheur & complice des choses cy-dessus
mentionnées, sera banny pour iamais de
nostre noire demeure, comme Perturbateur de
nostre repos, & l’Ennemy Capital de la Paix, & de
la Concorde, qui est entre nous, nonobstant les
droicts de pretentions qu’il y a eu iusques à present,
lesquels nous cassons & annulons, pour s’en
estre ledit Mazarin rendu indigne par la deprauation
de sa vie desbordée. Et à ce que, par vne effronterie
intolerable, il ne vueille forcer nos portes ;
nous ordonnons que toutes les aduenuës de
nos Prouinces, seront fortifiées de puissans ramparts,
armez des plus terribles armes de nos Arcenauls.

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Item, Que Charon leue la bonde aux eauës
boüeuses de l’Acheron ; Et si l’infection de ces
Cloaques & Egousts d’Enfer, n’est capable d’empescher
ses efforts ; que les furies Megere, Tysiphone,
Alecton, s’estudient à composer des contrepoisons
pour opposer à cette peste, dont vne
once seroit capable de faire creuer le ventre, &
ietter les boyaux & toutes les tripes de l’Enfer ; attendu
qu’il a esté fait & forgé de la plus fine matiere
de ses entrailles, cuit & recuit dans les montagnes
sulphurées de la Sicile, d’où estant ietté, il a
commencé à vomir le venin de ses perfidies dans
son propre païs, trop petit à la verité, pour contenir
les meschancetez de cét abominable : il a fallu
que les Mers ayent cedé aux torrens de maux qu’il
destinoit à toute la terre, lesquels il a fait rouler,
& sur Naples, & sur Rome, & sur les lieux les plus
saincts de toute l’Italie ; & de là sur la pauure France
qui ne se releuera iamais de ses rauages.

Partant que nul de nos Subiets de quelque qualité
& condition qu’il puisse estre, ne soit assez hardis
de s’accoster d’vne si mauuaise compagnie, de
peur de contracter ses mauuaises habitudes, & par
apres, infecter nos Habitans d’vne tache que l’Eternité
à grand peine pourroit effacer.

Et pour ces Marauts deguisez en hommes d’honneur,
ces pestes de Royaumes, ces sangsuës qui ne
se nourrissent que du sang & de la substance des
pauures, quoy que cette vermine soit les plus naturels
enfans des diables, & que l’entrée en corps

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& en ame leur soit deuë par leurs damnables
actions, si est-ce que nous entendons qu’elle leur
soit interdite, & la protection des Demons commise
à leur garde, iusqu’à ce que par la iustice des
humains leurs corps soient liurez aux boureaux,
pour en separer leurs ames par toutes les tortures
imaginables, lesquelles seront aussi tost presentées
deuant nos Iuges equitables, Radamante &
Minos, pour resoudre de leurs peines, & leur assigner
quelques lieux écartez dans les plus profondes
& noires cauernes de nostre domination, sans
auoir communication auec les autres, de crainte
qu’ils introduisent par leurs nouueautez des suiets
de diuision & de reuolte, abandonnans leurs corps
à la iustice des hommes, pour estre par eux reduits
en poudre, & leur memoire flestrie d’ignominie
& d’opprobre. Fait au Tribunal epouuentable de
nostre horrible & eternelle memoire, signé des
plus affreux & abominables Demons de l’Abysme.
Et de nostre regne le Repentir, & scellé de
cire noire.

 

 


Banny du Ciel & de la Terre,
Mazarin cherche les Enfers ;
Mais il n’y trouue que des fers
Tous prests à luy faire la guerre,
Il prend son essor vers la Mer,
Qui rebutant son Eminence,
Luy fait rechercher la potence
Puis qu’il ne luy reste que l’air.

 

TR.

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