Anonyme [1649], LAMENTATIONS D’VN PROCVREVR visitant les sacs de son Estude, ET LE RECONFORT QV’IL receut de sa femme. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1799. Cote locale : C_4_39.
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LAMENTATION D’VN PROCVREVR
visitant les sacs de son estudes, & le reconfort
qu’il receut de sa femme.

 


Messieurs accourez vistement
Soit à cheual, ou autrement,
Ou bien ainsi que va Mercure,
Pour voir vn Procureur qui iure,
Plus fort que ne fait vn demon,
(Quand on l’appelle par son nom)
De ce que la chicanerie
Ie veux dire la rongerie,
N’a plus maintenant la vigueur
Qu’elle auoit auant la rumeur,
Qui arriua dans cette ville,
Nommée Paris la gentille,
Pource que le pauure manan
N’ayant plus vn denier vaillant,
Sera contraint quoy qu’il enrage
D’adoucir vn peu le courage,
Qu’il a à poursuiure vn procez
Qui fort souuent rend les plats nets,
Mesme de beaucoup de personnes
Quoy qu’elles ayent grandes sommes,
Et qu’il ne soit ainsi contraint
De porte en porte trucher pain,

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Et qu’au lieu de poulles rustiques
De se repaistre de poix chiques.

 

 


Viuez donc, ie vais commencer
Et taschez de bien enfoncer,
Ce recit dedans vostre teste,
Car ie vous iure par ma Feste,
Qu’il est S. Iean & S. Nicolas
Que iamais vn si plaisant cas,
N’est arriué, ou bien ie meure,
En aucun lieu qui soit à l’heure
Habité de ce monde icy.
Mon Chicaneur s’estant assy
Dans son poüillé, non son estude,
Car ce mot n’est pas assez rude,
Pour signifier ce lieu là
Qui d’ordures deça dela
Estoit remply comme vne estable,
Mesme le dessus de sa table
En auoit plus que de raison
Pour ne vous pas dire à foison.
Tout d’vn coup s’ostant de furie
De son siege où la réuerie
L’auoit contraint de se placer,
Il se mit à tout fracasser,
N’espargnant pas son escritoire,
Beau-fait pour lequel vne histoire,
Deuroit nous estre mise au iour ;
Quoy vn Procureur de la Cour,
Rompre toutes ses vstenciles

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Qui auoient esté vtiles,
Pour attraper le Vilageois,
Et par fois aussi le Bourgeois.
Ayant donc finy son carnage
Il se mit a crier i’enrage,
Ie voudrois que les Mazarins
Auec les Diables & Lutins,
Qui sont les Polonois, Herlaque
Eussent passez dedans la barque
De ce sal vilain Caron,
Qui ne pardonne tout de bon
A aucun, non pas, mes aux Princes,
Qui persecutent les Prouinces,
Où habites de bons sujets,
Qui deuroient estre les objets
De leur amour, non de la haine,
Et qui sont cause que l’estreine,
Qu’on donnoit a chaque saison
A moy qui suis certs vn larron :
Mais non pas des plus grands du monde
A cessé dés qu’on fit la ronde,
Au tour des mures de Paris :
Qu’au diable soyent les Antechrists.
Car ie connois que ma pratique,
Qui attiroit quelque rustique
Qui me graissoit par fois la main
Me fait quasi mourir de faim,
Et que faisant durer sa cause,
I’attrapois tousiours quelque chose,

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Tantost dix sols, tantost vn Franc
Qui ne le rendoit pas content,
Ie sçay bien que c’est volerie
D’alonger la chicanerie,
Mais qui dit estre Procureur
Dit aussi estre grand voleur.
Sa femme sur cet entre-faite
Vint veoir pourquoy son mari peste,
A pourquoy par vn si grand bruit
Il romp le repos de la nuit,
Car ce fut a dix où onze heures,
Qu’on l’entendit & des demeures
Loing de celle du Procureur,
Sujet d’vne telle rumeur,
Enuiron de douze bons milles.
Et pourquoy mon bon amy Gilles,
Fais-tu vn si grand bruit pour rien ?
Pource que tu n’a pas de bien,
Et que par ses tours de soûplesses,
Tu peut acquerir des richesse :
Va, va, le bon-temps reuiendra
Qui possible en peu te rendra,
Riche, car tu sçay la maniere
De chicaner dans vne affaire ;
Et si quand il ne viendroit pas,
I’ay ce me semble assez d’appas,
Pour pouuoir gaigner nostre vie
Laisse moy faire ie te prie,
Ie sçay comme on doit si porter.

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Plusieurs voudroient me frequenter,
Mais iusques icy ie te iure
Qu’on ne t’a point fait cette iniure,
Permets donc que dés maintenant :
On me voit pour de l’argent,
Et qu’à mon tour ie te nourrisse
M’ayant fait manger de l’espice,
A ce discours le Chicaneur
Luy tesmoigna grande froideur,
Et qu’il ne vouloit que sa femme
L’entretient d’vn mestier infame,
Qu’il aymeroit plustost mourir
Que de se veoir ainsi nourir.

 

 


Apres vne longue dispute
La femme de cet homme brute,
Le conuinquit par ses raisons,
Qui furent que dans les maisons
De sa rüe qui est fort belle,
Et dans Paris qui n’est pucelle,
Les Compagnes des Procureurs
S’addonnoient aux ieux amoureux,
Et quelle n’auoit point fait faute
N’ayant iamais logé d’autre hoste,
Que luy, sans la necessité
On ne l’auroit point visité.
A le beau discours ce nicaise
Croyant ia se voir à son aise,
Et deposseder vn grand bien
Consentit que par le moyen,
Elle taschast de faire somme.

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Pour apres vn honneste homme.
Mais ayant fait vn peu cela
Elle ne peu le quitter là.
O ! vous autres qui n’auez rien
Si vous voulez auoir du bien,
Acquerez en d’vne autre sorte :
Car vrayement si l’on se comporte
Comme a fait cette femme icy
Ie vous iure par la mercy ;
Non pas de Dieu, mais de ma vie
Qu’on ne perdra iamais l’enuie,
Du mal, tesmoin le Mazarin ;
Car quoy qu’on ait mis vn frein,
A son enuie insatiable
Il appelle à tesmoin le Diable,
Qu’il n’e sortira de ces lieux,
Que malgré tous les enuieux.
Il n’aye encor ruiné la France,
Pour nous faire voir sa puissance,
Et qu’il pouroit en bonne foy
Emmener s’il vouloit le Roy.
Ie ne crains pas fort ses brauades ;
Car si l’on se met en boutades,
On l’enuoira bien-tost au loin
N’en ayant iamais eu besoin.
Ie n’apprehende que les cornes,
Qui ne pardonnent à personnes.
Mais ie les prie à haute voix
D’estre au bourgeois de quinquampoix.

 

FIN.

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