Anonyme [[s. d.]], LE BON-HEVR DE LA FRANCE, EN LA MORT DE MAZARIN & de ses Adherens. , françaisRéférence RIM : M0_595. Cote locale : A_3_8.
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LE
BON-HEVR
DE LA
FRANCE,
EN LA MORT
DE
MAZARIN
& de ses Adherens.

A PARIS.

AVEC PERMISSION.

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LE BON-HEVR DE LA FRANCE,
en la mort de Mazarin & de ses Adherens.

IL est mort, c’en est fait, & si sa Saincteté ne fait
vn miracle pour le ressusciter, la terre qui luy
a donné l’estre & l’estime, le tient renfermé
dans son sein pour ne le iamais rendre.

Il n’y a rien au monde de plus cher & de plus
precieux que l’honneur, pour trois raisons.

La 1. C’est parce qu’il tient ie ne sçay quoy de l’Eternité,
& qu’il fait viure vne personne au delà de son tombeau, en la
benediction qui a esté promise aux Iustes, par la bouche du
Prophete, quand il a dit,in memoria æterna erit iustus, que leur
memoire sera eternelle : & parce que Moïse estoit de ce nombre,
& qu’estant aimé de Dieu & des hommes il estoit Iuste ;
l’Escriture dit, que sa memoire sera accompagnée de benediction,
& que l’honneur qu’il a receu pendant sa vie, fera connoistre
son nom au delà dés temps,dilictus Deo & hominibus
cuius memoria in benedictione.

La 2. C’est que l’homme d’honneur entre librement dans
toute sorte de compagnie, au lieu qu’vn homme infame en
est honteusement chassé ; D’où vient qu’anciennement les
Romains ayant interdit aux meschans la conuersation des
gens de bien, on les fuyoit par tout comme le feu & l’eau : le
contraire n’est permis qu’aux Medecins, qui seuls ont la liberté
de conuerser auec les malades.

La 3. raison, c’est que l’honneur nous donne le moyen de
seruir le prochain : Pour le voir, remarquez qu’il y a de deux
sortes de graces, l’vne est iustifiante, & l’autre gratuite ; la

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iustifiante est vn don de Dieu par laquelle l’homme luy est
rendu agreable, & la gratuite est vn don de Dieu par lequel
le mesme homme est rendu capable de seruir le prochain : ce
don gratuit se rencontre dans les Magistrats, dans les Predicateurs,
& dans les Ministres d’Estat ; Or les effets de ce
don gratuit dependent tellement de la bonne renommée,
que si tost qu’vn homme a perdu l’honneur, & qu’il est mort
ciuilement, il est incapable de rendre ce don vtile au prochain :
Car quelle apparence qu’vn homme infame occupe
vn lieu d’honneur, paroisse en public ; gouuerne vn Estat ? il
faut viure dans vne bonne renommée pour rendre ce don
profitable,sed vitam extendere factis hoc opus ;ce qui nous fait
voir qu’il n’y a rien au monde de plus cher que l’honneur, &
qu’vn homme qui l’a perdu, est banny pour iamais de la memoire
des Iustes, de la conuersation des gens d’honneur, &
qu’il est rendu incapable de seruir le prochain.

 

Or supposé que Iule Mazarin ait esté homme d’honneur,
ie dis qu’il l’a perdu sans esperance de iamais le recouurer ;
parce qu’il est mort dans la memoire des Iustes ; parce qu’il
n’a aucun refuge fauorable ; parce qu’il n’a seruy au prochain
que pour le trahir & pour le perdre : s’il a perdu l’honneur,
il est mort ciuilement, & partant i’ay eu raison de vous
presenter sa honteuse defaite.

1. Il est mort dans la memoire des Iustes ; car s’il est vray
que celuy qui coupe vn arbre par le pied, n’a pas enuie de
manger de ses fruits ; s’il est vray que celuy qui tarit vne fontaine
dans sa source, n’a pas dessein d’estancher sa soif dans
vn ruisseau, voyant que Iule Mazarin en a tant voulu aux Iustes
qu’il les a tous chassez hors de France, est-il pas vray de
dire qu’il n’a pas eu enuie de posseder la Iustice ? ie me trompe,
il s’est vanté vne fois en sa vie en bonne compagnie de la
pouuoir posseder & d’en pouuoir disposer à sa discretion, à la
faueur de ses Finances ; mais malheur pour luy ? ses Loüis se
sont trouuez trop petits pour le poids qui court, & la balance
qui les a pesez trop iuste pour approuuer ses presens : d’où est
venu que se voyant abandonné de la Iustice, il a fait courir

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apres elle, afin d’emprisonner celle qui prepare aux autres des
Bastilles pour prison ; est-ce auoir enuie de viure dans la
memoire des Iustes, que de les chasser de la sorte ? Il a passé
plus auant & a fait l’hypocrite, car il a voulu faire le personnage
du Iuste ; On nous depeind la Iustice auec vne espée en
vne de ses mains & vne balãce en l’autre, pour moy, ie ne sçay
si ces Peintres de l’Antiquité auoient quelque cognoissance
de sainct Michel, que la France a choisi pour Protecteur, à
cause qu’il est armé de la sorte, mais ie sçay bien que Iule Mazarin
a porté enuie à cét Archange, & que sous pretexte de
proteger la France & de la deffendre, il a pris l’espée en vne
de ses mains, & la balance en l’autre, afin de manier les Parlemens
à sa fantaisie, comme il manioit les armes ; mais qu’est-il
arriué ? deux choses.

 

La premiere, c’est que dans cette balance qu’il tenoit en
vne de ses mains, on y a pesé son merite au poids de ses actiõs,
& quand il a vû que chacun cognoissoit que sa malice estoit
la cause de son eleuation, & que son hypocrisie estoit découuerte,
il est arriué vne seconde chose, c’est qu’il s’est seruy
de l’espée qu’il tenoit en l’autre main pour perdre tous
ceux qui ont mis au iour ses meschancetez & ses hypocrisies ;
direz-vous que celuy-là est Iuste, qui sous pretexte de Iustice
exerce toute sorte de meschãcetez & de tyrannies, il est donc
mort dans la memoire des Iustes, pour ne iamais ressusciter.

2. Ie dis qu’il n’a aucun refuge qui luy soit fauorable ? Sera-ce
Dieu qui sera son refuge ? Seront-ce les Saincts ? Seront-ce
les hommes ? Seront-ce les demons ; point du tout : Ce ne
sera pas Dieu, parce qu’il est la voye qui nous conduit à la felicité,
& celuy-cy est la voye qu’a frayé son predecesseur
pour nous conduire à perdition. Dieu est la verité, & celuy-cy
ne profite que de fourbes & de mensonge : Dieu est celuy
qui nous donne la vie, & celuy-cy ne nous a iamais procurez
que les maux qui nous donnent la mort : quelle apparence
qu’vne abysme de bonté serue de refuge à vn tel monstre de
meschanceté ? Seront-ce les Saincts ? point du tout, parce
qu’ils craignent que comme il a trahy sa Saincteté sur terre, il

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n’ait reserué sa malice apres sa mort, pour trahir la leur dedans
les Cieux. Sera-ce chez les hommes qu’il trouuera son
refuge ? point du tout ; les hommes l’abhorrent comme peste,
& il est bien à croire qu’il en a esté fortement rebuté, puis
qu’il n’a plus pour azile asseuré qu’vne seule Femme. Sera-ce
parmy les demons ? point du tout ; parce que c’est vn Arrest
porté parmy eux, qu’ils ne receuront iamais aucun esprit
dans leur Royaume qui soit plus meschant qu’eux : où est
donc son refuge ? où se retirera-t’il dans l’aduersité qui le talonne ?
le voulez-vous sçauoir, il a preueu son malheur quand
il a fait faire ses escuries, & s’est fait reseruer vne place parmy
ses cheuaux,homo cum in honore esset, non intellexit ; ideo comparatus
est tumentis insip ientibus.

 

O ! malheureux, que tu fais de tort aussi bien à ceux qui
sont sorty de la teste d’Adam, comme à ceux qui sont venus
de ses pieds : si tu voulois courir à ton suplice auec des couronnes,
que n’y allois tu seul, sans engager tout vn Royaume
à baisser la teste sous la pesanteur des armes qui le chargent ?
nous eussions loüé ta presomption, mais nous ayant
rendu participans de tes chaisnes, nous te donnons mille
maledictions auec dessein de danser sur tes cendres.

3. Ie dis qu’il a esté de tout temps incapable de seruir le prochain,
que pour le trahir & le perdre ; il n’est pas besoin de
vous raporter icy ce que quantité d’Autheurs ont dit deuant
moy des tyrannies qu’il a fait exercer par les Monopoleurs ;
seulement ie vous conuie de vous promener à l’entour de Paris,
& vous y verrez les effets funestes de la cruauté de ce Tyran,
& les seruices qu’il a rendu à ceux qui les ont executez.

Ah ! Prince infortuné, falloit-il que tu fusses du nombre,
& que tu seruisses d’instrument d’iniquité à cet esprit d’hypocrisie
& de malice ? falloit-il que Paris fut le tombeau de ta
renommée, & qu’il conseruast seulement ce qui reste de ta
race, pour faire ressouuenir ses Habitans des maux que tu leur
a fait, en remuant ta cendre : Prince malheureux, que tu
dois regretter tes entreprises, puis qu’elles t’apportent de si
funestes succez.

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N’auez-vous iamais fait reflexion sur ce que raporte l’Escriture
Saincte de ce miserable Prince Sennacherib ? il se
voyoit victorieux de quantité de belles villes, il se consideroit
enuironné d’vne puissante armée, il se glorifioir d’auoir
en sa suite plusieurs Roys captifs, enflé de presomption &
tout glorieux de sa victoire, il s’approche de Ierusalem, il l’assiege,
il la fait sommer, il pense desia la tenir, quoy dit-il, sur
qui se fient ces mutins,numquid non principes [3 mots ill.]
sunt ? est-ce pas moy qui a subiugué tout l’Vniuers & qui a
contraint ces Princes Estrangers, à se rendre sous mon obeïssance ?
voyez vn peu comme ce superbe parle & comme il
fait sonner haut ses victoires, mais attendez vn peu & vous
verrez que Dieu est iuste : c’estoit la nuict qu’il parloit de la
sorte lors qu’vn Ange executeur, descendit du Ciel, qui en vn
moment reduisit toute son armée en poudre. Le tourne fut
pas si tost venu qu’il se voulut leuer, mais il est estonné qu’il
n’entend personne, il frappe, il appelle, il se leue, il sort, & le
premier qu’il rencontre, c’est vn de ses gardes tout en poussiere :
il passe plus auant, il preste l’oreille, tout est en silence,
tout est mort,& comfurr xisset è cubiculo, inuenit omnia cadauera
mortuorum, ie vous laisse à penser en quel estat demeura
ce Prince : Paris voila la figure de ce que tu vois à tes portes,
c’est vn Prince enflé de vanité & de presomption qui
t’afflige, qui te presse & qui te pense desia tenir, c’est vn Prince
que la malice de Iule Mazarin a voulu perdre ; mais Dieu
qui sçait que tu ne combats que pour le Roy & pour la Iustice,
t’a enuoyé vn Ange, vn BEAVFORT, qui est descendu
d’enhaut pour venir abbatre aux pieds de tes murs les forces
de tes ennemis ; Ah ! Prince infortuné, te voyant seul que
feras-tu ? Paris, tandis qu’il cherchera [1 lettre ill.]on refuge auec celuy
qui l’a perdu, possedant ton Roy tu te réjoüyras, & triomphant
des despoüilles de tes ennemis, tu rendras à Dieu grace
de tes victoires, qui couuriront de honte tous ceux qui
t’ont voulu du mal.

FIN.

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