Anonyme [1652], LE BOVQVET DE PAILLE, DEDIÉ A MADEMOISELLE. , françaisRéférence RIM : M1_56. Cote locale : B_8_5.
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Le Bouquet de Paille, dedié
à Mademoiselle.

 


DE la France, belle Amazonne,
Digne de porter la Couronne
De l’Empire & du monde entier,
Qui commences à chastier
Par ta vaillance sans seconde
L’Autheur de tous les maux du monde,
Qui d’vn courage plus qu’humain
Portes tes armes & ta main
Contre ce monstre de nature,
Mazarin cœur de pourriture,
Qui fais mettre sur ton cheual
Vne marque du Cardinal,
Vne peau d’vn farouche tigre,
Qui voudrois voir noyer au Tibre,
Cét infame auec son argent,
Dont il tend le peuple indigent :
Si ta diuine preuoyance
Ne presageoit pas que la France
Vn de ces iours verra brusler
Ce sorcier qui la fait hurler.
Tu pris d’vne subtile adresse
La Paille, des fleurs la maistresse,
Parce qu’elle porte le grain
Dont on fait ce qu’on nomme pain,
De laquelle tu veux qu’on prenne,
Afin que par là l’on apprenne,
Qu’en faisant brusler Mazarin
Apres la Paille on a le grain,

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La Paille qui lie les vignes,
Cause aussi ces liqueurs benignes,
Que mon gosier aime à gouster
Sans se faire persecuter.
Que Mazarin iamais n’en taste,
Qu’il n’en creue, creue à la haste,
Et que ce doux ius de raisin
Soit vn poison à Mazarin.
La Paille aux oignons sert de chaisnes
Qui causent à nos yeux des peines,
Chacun sçait qu’en les maniant
On pleure par fois en riant,
La Paille essuyera nos larmes
Et fera finir nos alarmes.
De la Paille on en fait des nœuds,
Paris vny voila tes vœux,
Le souhait du peuple fidelle,
Pour s’vnir sans estre rebelle ;
De la Paille on en fait des glands,
Elle ruinera les Galands,
De peur qu’vn verre ne se casse,
Vne bouteille ou vne tasse,
Quand on les va vendre aux marchez
On les rend de Paille empeschez :
Le peuple ayant de cette Paille
Brisera la Mazarinaille,
Et luy ne se brisera point,
Qui est vni n’est pas des-joint.
C’est vne amiable concorde
Qui n’aura iamais de discorde,
De la Paille on fait des chapeaux
Pour mettre à couuert nos cerueaux,
Estans sous cette couuerture
Nous n’aurons du mal qu’en peinture :
On en fait aussi des cordons,
C’est pourquoy nous nous accordons,

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On en empaquette des bales
Pour les enuoyer dans les Hasles :
Empacquetons le Cardinal,
Qu’il aille au marché infernal.
On s’en sert au fait du laictage
Quand on veut faire du fromage,
Pressurons tant le Cardinal
Qu’il soit corps mort non animal.
I’en ay veu faire des pantoufles
Pour ietter contre ces maroufles,
Contre ces malheureux coquins,
Ces infames, ces Mazarins :
Dauid a parlé de la sorte
Contre Edom dont la race est morte :
On en void brusler à Monceaux
Pour accommoder les pourceaux ;
Bruslons ce pourceaux de Sicile
Qui voudroient brusler cette Ville ;
On s’en sert pour murir le fruit,
Qui en pourrissant se destruit.
Faisons pourrir ce fruit infame,
Mazarin sans cœur & sans ame.
On s’en sert de natte au tripot,
Tripotons, batons ce magot.
On en fait fort souuent des bagues,
Elle nous seruira de dagues,
Contre ce foible Mazarin
Pour l’enfiler comme vn vaurien,
On s’en sert de plume à escrire,
Escriuons le sanglant martyre,
Qu’auoit resolu ce Mardy
Sans attendre le Mercredy,
Mardy de Iuillet le deuxiesme
Cette troupe Mazarienne,
Quand l’Amazonne des François
D’vn brin de Paille dans ces doigts,

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Empescha l’issuë funeste
De cette dangereuse peste,
Auec le Prince & de Beaufort
Arrestant vaillamment l’effort,
De ceste troupe sanguinaire
Contre vn peuple si debonnaire,
Que le peuple Parisien
Qui ne veut point de Mazarin,
Mais qui veut le reduire en poudre
La Paille fait chacun resoudre
A destruire ce Cardinal
Qui nous fait icy tant de mal.
Comme on fait litiere de Paille,
De mesmes de cette Canaille,
Qui suit les pas Siciliens
Faisons litiere des vauriens,
Mesprisons ces ames fi basses,
De viuans rendons les carcasses,
Pour plumes Paille à nos chapeaux
Les destruira tous par troupeaux.
Qu’vn fifre, fifre auec la Paille
Pour monstrer que cette racaille,
Vaut moins qu’vn brin de Paille encor
Qu’on la peut tuer quand on dor :
Toutes les nuits i’en tuë en songe
Plus de deux mille sans mensonge ;
Que feray-ie donc en veillant
Estant en dormant si vaillant.
D’vne Paille de quelque seigle,
Ainsi qu’on void rauir vn aigle
En l’air quelque ieune agnelet,
Tous ces petits cochons de laict,
Seront tuez sans point de peine
Encore qu’ils ayent vne Reyne ;
Mais elle les gouuerne mal
Par le Conseil du Cardinal.

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Si elle a du mal c’est sa faute,
Elle ayme trop sa teste haute,
Il luy faut donc faire baisser
Et faire bien sans se lasser.
Quand on agit on expedie,
En France, en Brabant, en Turquie,
Expedie peuple François
La Paille t’a fait d’vne voix,
Le Bouquet de Mademoiselle,
Plus beau que la roze vermeille,
La lauande, la fleur de lys,
La marjolaine & les soucis,
Et la tulippe, & la fretille,
Le martagon, & la myrtille,
L’imperiale & cristalin,
Et la pensée & le giasmin,
Et l’aspic & la marguerite,
Qui est vne fleur bien petite,
Plus odorant que romarin,
Plus beau que n’est laid Mazarin,
Que l’animone & la genette,
La colique & la viollete,
Le thim, l’eternelle & l’œillet,
Enfin plus beau que tout Bouquer,
T’vnit & baille la concorde,
Et donne à Mazarin la corde :
Apres cela la paix viendra
Quand ainsi le peuple voudra,
Tout d’vne voix bien vnanime
Perdre Mezarin qui l’anime :
Ie le veux esperer ainsi,
Mademoiselle rend transi
Ce lasche cœur Mazarinique,
Auquel il faut faire la nicque :
Ie sens desia que ce Bouquet
Rend son esprit tout tourniquet,

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Qu’il cherche meshuy son passage
Pour fuïr ce present naufrage,
Qu’vne fille, fille du Ciel,
Nous cause de bien & de miel.
On peut dire Mademoiselle
Par la Prouidence eternelle,
Nous comblant de mille bonheurs
Vient essuyer nos yeux de pleurs,
Et me rauissant en extaze
De sa vertu de ferme baze,
Me fait dire que des Bourbons,
On ne void que braues & bons,
Que le Duc d’Orleans son pere
Pour sortir Paris de misere,
Monstre sa prudence & son cœur
Qui par tout le rendront vainqueur
Il a tesmoigné sa vaillance
En Flandres, aussi bien qu’en France,
Pardon, i’aduouë par effet
Que mon burlesque imparfait,
N’est pas digne de ton merite :
Mais qui pourroit, ie l’en dépite,
Loüer dignement ta vertu,
Quand il seroit plus reuestu
D’eloquence que Demosthene,
Iadis grand Orateur d’Athene,
Que Nestor & que Ciceron,
Que Iules Cesar, que Platon :
Il faudroit confesser encore
Que tour ce que le monde honore
N’est rien au prix de ta vertu,
Depuis que par vn seul festu
Tu as plus fait que n’ont pû faire
Des Heros, donc il se faut taire.

 

FIN

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