Anonyme [1652], LE BVSIRE ESTRANGER Desmonté par les Alcides de FRANCE, Sur la Resolution genereuse de Messieurs les Princes, pour la ruyne du party Mazarin. OV Se voyent les iustes causes du Reffus de plusieurs Villes faites à ce Cardinal de le Receuoir. , françaisRéférence RIM : M0_615. Cote locale : B_13_43.
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LE BVSIRE
ESTRANGER,
Desmonté par les Alcides de France.

Sur la Resolution genereuse de Messieurs les
Princes, pour la ruine du party Mazarin.

CE n’est pas d’aujourd’huy que
l’on voit les Empires Royaumes
& les Principautez entre
les mains des Roys & des Princes
jeunes & en bas aage seruir
de subiet de troubles & de
guerres, qui ont pour suitte la ruyne des Peuples,
exposent les Estats en proye a cause du
Gouuernement débattu & ambitionné par les
Grands.

Ainsi l’Histoire produit quantité d’exemple
de ieunes Princes Regnans, sans experience
ny capacité auoir esté cause de la diuision

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de l’Empire. Tel que fut Constantin sixiesme
fils de l’Empereur Leon quatriesme, qui Regna
fort ieune auec Irene sa Mere l’espace de
dix-ans : Cette Princesse qui estoit d’Athenes
excella son sexe en prudence & en iugement
au grand contentement des Peuples.

 

Constantin son fils mal conseillé, affin de se
voir seul assis au Throsne Imperial, chassa
Irene sa Mere & regna seul cinq ans : Mais
comme le Peuple de Constantinople le mesprisoient
pour les actions indignes d’vn Prince
ne pouuant souffrir ses vices infames & honteux,
r’appella srene sa Mere pour reprendre
sa premiere dignité, & comme elle ne pouuoit
oublier l’affront que Constantin son fils
luy auoit fait, en la priuant de l’Empire, elle
luy fit creuer les yeux pour le rendre incapable
de commander, & ainsi elle regna seule
trois ans : L’imbecilité de ce ieune Prince &
sa vie dissoluë fut cause de la diuision de
l’Empire Romain partagé en d’eux, sçauoir
en l’Empire d’Orient & en l’Empire d’Occident,
auquel fut appellé Charlemagne par
le Conseil du Pape Leon III. & a l’instante
poursuitte du Peuple qui ne pouuant plus endurer
l’Empire de ce ieune Prince, qui ne regnoit
que selon le caprice & la volonté de ses

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flatteurs & Ministre.

 

La pluspart des Roys de France de la seconde
race, pour la foiblesse de leur aage &
iugemẽt ont laissé les Maires du Palais entreprendre
sur leur authorité Souueraine allechez
par la demangaison du Gouuernement
absolu.

Mais nostre Histoire n’a point remarqué
qu’vn Estranger né de bas lieu, & de la lie du
Peuple ait monté à tel excés d’insolence, qu’ẽ
surprenant la simplicité du Prince regnant, &
s’auantageant de son bas âge, ait vsurpé l’authorité
Souueraine pour gouuerner en Tyran,
comme a faict Iule Mazarin dans le bas aage
du Roy, au mespris de la Maison Royale &
des Princes du Sang, pour perdre lesquels il a
employé la perfidie & la trahison en ses pernicieux
artifices, ordinaires à sa nation : de
maniere qu’apres vne si grande patience que
Messieurs les Princes du Sang ont eus, & qui
leur a esté prejudiciable, pour preuenir sa
mauuaise intention & éuiter leur ruïne, se sont
veus obligez de prẽdre vne resolution masle,
courageuse, & genereuse, de chasser ce Tyran
du Ministere par la voye des armes : &
comme son administration tyrannique est cogneuë
par toute l’Europe, voyant que Messieurs

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les Princes auec toute la France conspiroient
à se défaire de ce scelerat, ou du
moins à faire éloigner sa personne hors du
Royaume, il s’est veu contraint de se resoudre
à se retirer, & comme il iettoit les yeux de
son esprit sur les pays & lieux estrangers, où
sa retraicte pourroit estre asseurée, de prime
abord il auoit creu s’en aller à Rome ou à Venise,
mais considerant qu’il auoit grandemẽt
des obligé le Pape Innocẽt X. à present seant,
qu’il n’y auroit point de seureté pour luy à
Rome, & encore moins à Venise, dont la Seigneurie
a tousiours esté ennemie des traistres
& ne les peut souffrir, il changea de dessein.

 

Il fit venir le Prince Thomas en Cour depuis
sept ou huict mois sur la resolution de
choisir sa retraicte à Casal, ou à Pignerol, ou à
Auignon, iugeant ce Prince luy estre necessaire
pour l’escorter auec les caualiers qu’il
choisiroit, afin d’asseurer sa personne par les
chemins qu’il luy conuiendroit tenir pour se
rendre en l’vn de ces trois lieux.

Pour Casal, le Cardinal n’a pas iugé cette
place estre pour luy asseurée, d’autant qu’il
sçauoit que le Marquis de Catrancenes Gouuerneur
de Milan pour le Roy d’Espagne,
pendant nos troubles ciuils, faisoit de grands

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preparatifs pour l’assieger : & d’ailleurs que
le Duc de Mantouë, auquel elle appartient,
sçachant que le Cardinal Mazarin s’y seroit
retiré, perdroit l’esperance d’y pouuoir r’entrer,
& se verroit obligé de s’en accommoder
auec l’Espagnol par vn eschange d’autres
places & pays, pour Casal & le Duché de
Montferrat, comme de prendre Cremone &
autres lieux en dependans & plus proches de
Mantouë, selon les propositions qui s’en sont
faites depuis quelques années. Ces considerations
firent perdre l’enuie au Cardinal de
s’aller enfermer dans Casal, qui estoit sur le
poinct d’estre assiegé.

 

Au regard de Pignerol, qui est au Roy, il
ne croyoit pas y pouuoir demeurer en toute
liberté & franchise, à moins que d’y commander
en qualité de Gouuerneur pour sa
Majesté, ne voulant point auoir de Superieur
aupres de luy, ce qui feroit que la garnison
Françoise qui y est, sur l’opinion qu’elle auroit
du changement qu’il y feroit, en la chassant
pour y mettre des Italiens, (ausquels il y
auroit plus de confiance qu’aux François) ne
le voudroient point souffrir.

Reste Auignon, ville de l’obeyssance du
Pape, il est croyable que sa Saincteté, à la recommendation

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de leurs Majestez Tres-Chrestiennes,
consentiroit que le Cardinal Mazarin
s’y retirast, & y allast faire son sejour :
Mais comme le Vice Legat & les habitans
la plus-part Italiens sont portez d’vn esprit de
défiance enuers les estrangers qui y demeurent,
y viennent, & y frequentent, sçachant
assez les mescontentemens que le Pape d’à
present a eüs contre le Cardinal Mazarin pour
les mauuais offices qu’il luy a rendus en diuerses
occasions assez cogneuës, & n’estant point
ignorant de son naturel perfide, & accoustumé
à tramer des trahisons, considerant toutes
ses actions, auroient tous Couriers, qui
luy seroient enuoyez de France, pour suspects,
apprehendant quelque entreprise sur
le Contat d’Auignon, sçachant qu’il auoit le
Duc de Mercœur Gouuerneur de Prouence,
qui a espousé vne de ses Niepces, & le Duc
d’Espernon Gouuerneur de Bourgongne, qui
obeyroient volontiers à ses ordres, s’il luy
prenoit enuie d’entreprendre sur Auignon,
dont le Contat est comme enclaué dans la
Prouence, & tenir le haut & le bas de la riuiere
du Rhosne au Pont S. Esprit & à Arles
(entre lesquelles Auignon est scitéée) pour
empescher son commerce sur cette riuiere : de

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maniere que ces défiances perpetuelles des
habitans, & toutes ses actions espiées & considerées,
rendroient son esprit empressé de
milles inquietudes, sans aucun repos ny liberté
d’agir comme il voudroit. C’est pourquoy
Auignon n’estoit pas seur pour luy.

 

Sa derniere esperance estoit Brissac, où il auoit
Charleuoye son stipendiaire, tout deuoüé
à luy, comme celuy qu’il y auoit mis en
la place du sieur de Tilladet, qui en estoit
Gouuerneur. C’est pourquoy il se pouuoit asseurer
de sa fidelite, pour l’auoir ainsi obligé
de luy rendre seruice : de façon que le Cardinal
voyant qu’il luy falloit sortir de France, il
meditoit sa retraite à Brissac, où il estoit asseuré
d’y estre bien receutãt que Charleuoye
y commanderoit : mais la garnison estant en
mauuaise intelligence auec luy, sçachant bien
qu’il n’estoit dans cette place que pour executer
les mauuais desseins du Cardinal, ils ietterent
leur pensée sur le Comte de Harcour,
qu’ils cognoissoient que comme Prince valeureux
& de grand cœur il ne voudroit souffrir
vn Stipendiaire de ce Cardinal, ils luy firent
entendre leur resolution de l’appeller à
Brissac pour en chasser Charleuoze, & prendre
les resnes du gouuernement de la place

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pour le Roy. Le Comte l’accepte, promet s’y
rendre en bref, les asseure de son assistance, &
pour plus grande seureté de sa parole, il y enuoye
la Comtesse sa femme & ses enfans.

 

Ce grand dessein du Cardinal Mazarin
n’ayant eu la suitte ny le succez qu’il esperoit,
sa retraicte n’estant resoluë que pour aller à
Brissac, estant desià arriué à Rheims auec intention
de passer par Troye, & se rendre par la
Bourgongne en ce lieu de Brissac ; il apprend
que le Comte de Harcourt l’auoit preuenu &
luy auoit espargné la peine d’y aller : y estant
arriué luy cinquiesme. Cét aduis luy pressa
tellement le cœur de se voir ainsi bien esloigné
de jouyr d’vn Gouuernement de telle importance,
qui comprend toute l’Alsace, & ne
rend gueres moins de douze cents mille liures
par an à celuy qui en est Gouuerneur,
qu’il se resolut de reprendre encore vne fois
le chemin de Sedan.

Il part donc de Rheims, passe à Rhetel, &
sçachant que le Duc de Lorraine n’estoit pas
beaucoup éloigné de là, il luy enuoye vn sien
Secretaire le prier luy nommer le lieu où il le
pourroit voir : ce que le Duc fit, & le Cardinal
Mazarin s’y estant acheminé & entré en
discours auec luy, il remonstre au Duc de

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Lorraine, qu’ayant pris resolution de sortir de
France, pour donner contentement à Messieurs
les Princes, il n’y auoit plus lieu d’y entretenir
la guerre, puisque Monsieur le Duc
d’Orleans & Monsieur le Prince auoient faict
leur Declaration verifiée au Parlement de Paris,
promettant au Roy, que si tost qu’ils sçauroient
qu’il seroit hors de France sans esperance
d’y reuenir, ils poseroient les armes :
que sur cela il se retiroit, & partant dit au
Duc de Lorraine qu’il n’estoit besoin de faire
auancer son armée pour se joindre à celle de
Messieurs les Princes puis que la Paix s’alloit
faire, & qu’ils poseroient les armes.

 

Le Duc de Lorraine l’ayant escouté luy dit
Monsieur le Cardinal ie cognois assez vos
fourberies, ie suis tres-bien instruit de la volonté
de Monsieur le Duc d’Orleans mon beau
frere, de Monsieur le Prince, cõme aussi quel
est vostre dessein, qui est de me persuader à
n’aduancer d’auantage auec mon Armée, afin
d’abandonner ainsi les Princes du sang à la
discretion de leur ennemis, i’ay vn Ordre
tout cõtraire que ie pretend suiure sans m’arrester
à vos raisons qui m’ont tousiours esté
preiudiciables.

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Le Card. Mazarin sans replique prit congé
du Duc de Lorraine & poursuiuy son chemin
vers Sedan, pour delà se retirer à Boüillon
bien tost, qui appartient au Prince de Liege.

Auant que partir de la Cour, & par les
Conseils le Prince Thomas fut fait Ministre
d’Estat, & eut l’Office de Grand Escuyer de
France par le Comte de Harcourt qui ne deuoit
pas luy estre osté : car estant vn des premiere
Officiers de la Courronne, cõme ceux
de Connestable & Colonel General de l’Infanterie
de France, de grand Chambelan, &
grand Maistre de l’Artillerie, de grand Fauconnier,
de Mareschal de France, de grand
Maistre dés Eaux & Forests de Chancelerie,
de grand Aumosnier, de grand Preuost de
l’Hostel, de grand Eschançon, de grand Veneur,
de grand Maistre des Ceremonies, dont
ceux qui en sont pourueus n’en peuuent estre
dépossedez qu’en leur faisant perdre la teste.
Neantmoins sans auoir esgard à cela, le
Comte de Harcourt a esté dépossedé de sa
Charge de grand Escuyer, sans auoir voulu
ny receuoir son fils aisné à sa suruiuunce.

En mesme temps d’Igby Anglois, fut aussi
mis à la Charge de la Capitainerie du Chasteau

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de sainct Germain en Laye, par la diuission
qu’en auoit faite Monsieur le President
Maison auquel elle appartenoit.

 

De sorte que le Roy est aujourd’huy gouuerné
par vn Sauoyard & deux Anglois, le
tout par le conseil du Cardinal Mazarin, afin
de nourrir sa Majesté auec les Estrangers, & ne
prendre autre conseil que celuy de leur caprice
& du pretendu Parlement de Pontoise.

Messieurs les Princes ne pouuant d’auantage
souffrir le Roy estre plus long-temps
captif entre les mains de ses ennemis & de son
Estat, ont armé puissamment pour ruyner &
destruire ce party Mazarin, entretenu par ce
M. Cardinal, veritable Buzire aussi Tyran de
la France que Buzire l’estoit d’Egypte, cruël,
inhumain, execrable, fils de Neptune & de
Libye, de nature si estrange & barbare qu’il
sacrifioit les hommes estrangers, ou les faisoit
deuorer à ses cheuaux : ce qui fut cause
que Hercule le tüa, & par sa mort il purgea
l’Egypte de cette peste.

La France espere tant à la generosité de
Messieurs nos Princes, veritables Hercules &
courageux Alcides, qu’ainsi que cét ancien

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Hercule & Alcide, fils de Iupiter & d’Alcmene
qu’ils ruineront l’Hydre Mazarine cõme
Hercule dompta ce monstrueux Serpent Hydre
à sept testes au Lac de Lerne.

 

Cét Hydre Mazarin à sept testes, sept serpens
pestes de la France, qui infectent & corrõpent
le bon naturel du Roy par le venin pestifere
de leurs conseils, mettent l’Estat en grand
danger de se perdre. Ces sept testes sont Seruiant,
le Tellier, & Lyonne ; le Sauoyard, les
deux Anglois, & le Chef du pretendu Parlement
de Pontoise, qui sont cause du grand
trouble qui desole auiourd’huy cette premiere
Monarchie du monde.

Ce sont les sept testes de cét Hydre Mazarin,
qui se verront abbatuës par les armes de
nos Alcides François, qui ne sont armez que
pour purger la France de ces Buzires Tyrans
qui seront le sujet du triomphe & de la gloire
de Messieurs les Princes dignes enfans d’Hercule,
apres auoir dompté ces Monstres, leur
intention estant en suitte de poser les armes,
de porter le Roy à la Paix generale, & de luy
faire le seruice & l’obeïssance qui lui est deuë
par tous ses bons & fidelles subjets, & faire

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par leurs bons conseils fleurir le regne de sa
Majesté en toutes sortes de prosperitez, & son
Estat en gloire, grandeur, & en telle reputation
qu’il sera plus que iamais la terreur de ses
ennemis, & le suject d’admiration aux Estrangers.

 

FIN.

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